La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La parole est à M. Alain Néri, auteur de la question n° 704, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le ministre, je voudrais ce matin attirer votre attention sur les difficultés de la liaison ferroviaire entre Clermont-Ferrand et Lyon.
En effet, si nous constatons avec plaisir que le désenclavement routier de Clermont-Ferrand et du Puy-de-Dôme en direction de Bordeaux, Paris, Montpellier, Barcelone et Lyon est maintenant assuré, sur le plan ferroviaire, Paris reste toujours à plus de trois heures de Clermont-Ferrand, avec un matériel roulant que l’on dit rénové – en réalité, il s’agit de vieux Corail d’un autre âge rénovés en Téoz – mais qui ne correspond plus aux conditions de déplacement que sont en droit d’attendre les usagers aujourd’hui. Si je voulais faire un peu d’humour, monsieur le ministre, je vous dirais que cette situation me rappelle ma jeunesse : j’ai l’impression que la SNCF se comporte exactement comme ma grand-mère, qui nous confectionnait des habits neufs avec les vieilles chemises de mon grand-père !
Sourires.
Cette situation ne peut plus durer : la région Auvergne doit pouvoir bénéficier d’un matériel de transport de qualité.
Sur le plan routier, nous nous félicitons bien entendu de l’ouverture du « barreau de Balbigny », qui permet maintenant de se rendre de Clermont-Ferrand à Lyon par l’autoroute en une heure et demie. Mais, là encore, la situation ferroviaire est beaucoup moins réjouissante, puisqu’il faut deux heures un quart pour se rendre de Clermont-Ferrand à Lyon en train, le matériel étant peu ou prou identique à celui qui dessert Paris, et parfois même de qualité inférieure, c’est dire…
De plus, l’amélioration de cette desserte constituerait pour Clermont-Ferrand et l’Auvergne une ouverture vers Genève et Turin. Lorsque nous avons discuté au Sénat de la liaison Lyon-Turin, nous avons apporté notre soutien à cette ligne, qui nous semble très importante.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles mesures vous comptez prendre pour améliorer la ligne ferroviaire Clermont-Ferrand–Lyon. Cela contribuerait au développement de la région Auvergne et du département du Puy-de-Dôme, au moment où tout le monde est convaincu que des transports de qualité sont un atout majeur d’aménagement du territoire et de développement économique. Nous ne souhaitons pas que la région Auvergne, le département du Puy-de-Dôme et la ville de Clermont-Ferrand restent à l’écart de cet aménagement de qualité de notre pays. Vous le comprendrez aisément, monsieur le ministre, et c’est pourquoi nous attendons des réponses qui nous feront espérer dans l’avenir de notre région. À l’heure où il est beaucoup question du renouveau des régions, nous attendons un geste fort du Gouvernement.
Monsieur le sénateur, cher Alain Néri, j’entends et je comprends votre impatience, d’autant que cette situation, dans votre région, ne date pas d’hier. Toutefois, la priorité du Gouvernement reste le désenclavement. Nos efforts portent en priorité sur la ligne Paris–Clermont-Ferrand, et nous enregistrons, par étapes, des avancées pour améliorer la desserte du Puy-de-Dôme.
Vous avez cité les progrès de la desserte autoroutière : ils sont sensibles. Un effort important de modernisation des infrastructures ferroviaires est par ailleurs lancé, avec l’implication de Réseau ferré de France, RFF, et de la SNCF.
Nous enregistrons également sur cette ligne des progrès en termes de régularité, celle-ci avoisinant désormais les 90 %. En écho à l’hommage que vous avez rendu aux qualités de couturière de votre grand-mère
Sourires.
S’agissant de la desserte ferroviaire entre Clermont Ferrand et Lyon, elle relève de la compétence des régions, dont nous savons combien l’implication est importante dans le domaine du ferroviaire. Il ne nous appartient pas d’intervenir dans les choix des autorités organisatrices régionales, notamment en termes de renouvellement du matériel roulant, mais des perspectives existent. Dans quelques minutes, j’assisterai, aux côtés de certaines autorités régionales, à une signature de contrats pour des rames Régiolis. Nous faisons pleinement confiance aux régions pour prendre les décisions qui répondront au mieux aux besoins de mobilité des habitants.
S’agissant de l’état de l’infrastructure, nous avons deux priorités.
J’ai tout d’abord, avec RFF, lancé un grand plan de modernisation du réseau, qui doit être décliné territorialement. Cela nous permettra d’avoir un réseau ferroviaire qui renoue avec les investissements, alors que nous avons connu un sous-investissement chronique depuis des années.
Ensuite, le volet « mobilité » des contrats de plan État-région, ou CPER, permettra aussi, dans le cadre régional, d’envisager la modernisation des lignes ferroviaires Clermont-Ferrand–Paris et Clermont-Ferrand–Lyon.
À court terme, RFF procédera dès la fin de 2014 au renouvellement des voies dans le tunnel de Saint-Martin d’Estréaux, à la frontière entre les régions Rhône-Alpes et Auvergne. Ces travaux d’ampleur permettront d’améliorer durablement les conditions de sécurité et, surtout, d’accroître la performance des circulations sur la ligne.
Mais les Auvergnats sont des gens raisonnables, qui connaissent les difficultés de la vie et qui n’ignorent pas la situation économique délicate que nous traversons. Nous n’attendions donc pas de miracles, et je vous remercie de vos propositions, qui constituent déjà des avancées significatives.
On sait bien que le TGV en Auvergne, ce n’est pas pour demain, et que l’on ne trouve pas les milliards d’euros nécessaires sous le sabot d’un cheval !
Sourires.
Au moment où le Gouvernement, à juste titre, s’appuie sur les régions comme levier de relance économique, il convient de renforcer les relations entre les régions. À cet égard, nous pensons qu’une des priorités consiste à améliorer la liaison entre Clermont-Ferrand et Lyon.
Nous ne sommes pas des jusqu’au-boutistes, mais nous demandons des mesures raisonnables et rapides.
Vous savez que nous nous étions opposés au déplacement du départ et de l’arrivée des trains Paris–Clermont-Ferrand de la gare de Lyon à la gare de Bercy.
Nous souhaitons maintenant, à tout le moins, que la gare de Bercy soit rénovée et modernisée, de façon que les Auvergnats arrivant à Paris puissent disposer d’un accès rapide aux différents services, aux grandes entreprises et aux correspondances. Sur ce point, monsieur le ministre, nous attendons des mesures rapides et concrètes, en conservant toujours, à plus long terme, l’objectif d’une amélioration de la desserte de l’Auvergne par le TGV.
Nous sommes d’accord pour que ces évolutions se fassent par étapes. Mais n’oublions pas, sous prétexte que la dernière étape ne peut pas être mise en œuvre actuellement, de réaliser les étapes intermédiaires ! Quoi qu’il en soit, nous nous réjouissons déjà de vos annonces, monsieur le ministre.
La parole est à M. Gérard César, auteur de la question n° 703, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.
Monsieur le secrétaire d’État, les conclusions du rapport de la Cour des comptes de février 2013 relatif à la gestion de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, ont mis en évidence des dysfonctionnements conséquents au sein de cet établissement public et ont souligné l’accumulation de défaillances et d’irrégularités dans cette gestion.
Il semble que les multiples missions attribuées à cet office ne soient pas assurées correctement. L’ONEMA a en effet davantage de missions que le Conseil supérieur de la pêche, qu’il remplace, et doit notamment permettre à la France de satisfaire aux directives européennes relatives à l’eau.
Parmi ces missions, lui incombent la mise en place et la coordination du système d’information sur l’eau, le fameux SIE. Le rapport a souligné l’incapacité de l’Office à mettre en place ce SIE, par manque d’effectifs et de compétences. De nombreuses anomalies et irrégularités dans la passation, l’exécution et la gestion des marchés informatiques, pourtant indispensables à la mise en place du SIE, ont également été constatées.
En matière de police de l’eau, sont mentionnés des défauts de coordination des services compétents, une efficacité difficile à apprécier et une insuffisance des contrôles pour les nitrates.
En termes d’organisation et de gestion, le rapport de la Cour des comptes est particulièrement critique. La présidence de cet établissement public est assurée par un représentant de l’État, issu de la Direction de l’eau et de la biodiversité du ministère de l’environnement. Cette direction assurant la tutelle de l’Office, le rapport a souligné une anomalie à cet égard et signalé la confusion des rôles de présidence et de tutelle. Il a aussi mis en évidence une organisation territoriale totalement inadaptée aux besoins, qui entraîne des dépenses de fonctionnement excessives liées, en particulier, à un parc automobile pléthorique.
Dans le domaine de la gestion comptable et financière, la Cour a relevé que, jusqu’en 2010, les comptes de l’ONEMA étaient peu fiables, et a fait le constat de l’absence de procédures d’engagement de la dépense, de nombreuses anomalies dans la passation et l’exécution des marchés publics, ainsi que dans les recrutements de personnels.
De 2007 à 2011, les multiples missions de l’office ont nécessité un effort important de formation des agents, et des irrégularités dans les compléments de rémunération versés à ces agents ont été relevées par la Cour des comptes.
Entre 2008 et 2011, les primes et indemnités ont augmenté de 18 %. Ce traitement favorable a entraîné des revendications de la part des fonctionnaires des parcs nationaux et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, qui ont obtenu un alignement. Le rapport de la Cour précise que l’État et le contribuable payent encore très cher les carences de la tutelle et la mauvaise gestion de l’office.
De plus, la Cour s’étonne que, en 2010, 51 % des agents aient opté pour la semaine de quatre jours, imputant ainsi fortement la capacité opérationnelle des équipes et rendant presque impossible l’organisation d’un service cohérent. Le rapport considère qu’une évaluation de cette organisation est impérative, surtout avec le contrat d’objectifs 2013-2018.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, quelles mesures ont été prises par l’établissement public qu’est l’ONEMA ainsi que par le ministère de tutelle pour remédier à cette situation et pour tenir compte des observations, toujours pertinentes, de la Cour des comptes.
Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur les critiques formulées par la Cour des comptes à l’encontre de la gestion de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques, l’ONEMA, et sur les mesures prises pour tenir compte de ces observations. Je vais vous donc vous faire part de la réponse de Mme la ministre Ségolène Royal, en charge de ces questions.
La création de l’ONEMA a répondu à la volonté de l’État de disposer d’une compétence technique forte au niveau national pour, notamment, permettre l’application des directives européennes dans le domaine de l’eau et des milieux aquatiques. La Cour des comptes a relevé en particulier le caractère inadapté du statut des personnels et les contraintes de recrutement qui en découlent. Mme la ministre partage la plupart des constats de la Cour des comptes et veille à la mise en œuvre de ses recommandations, dans le cadre du contrat d’objectifs 2013-2018 auquel vous faisiez référence.
Dans cette perspective, l’établissement a élaboré un plan d’action répondant point par point à l’ensemble des remarques de la Cour. Ce plan, qui a été validé par son conseil d’administration le 28 mars 2013, est régulièrement évalué.
Aujourd’hui, le Gouvernement envisage l’intégration de l’ONEMA dans la future Agence française pour la biodiversité, dont la création est inscrite dans le projet de loi relatif à la biodiversité présenté au conseil des ministres du 26 mars dernier. Dans ce cadre, l’évolution statutaire des personnels de l’établissement est une priorité. Le projet de loi prévoit ainsi la mise en place d’un cadre commun de gestion des personnels contractuels pour l’ensemble des personnels contractuels de droit public de la future Agence française pour la biodiversité dans laquelle l’ONEMA sera intégré.
En outre, la présidence du conseil d’administration de l’ONEMA a évolué vers une présidence « classique » de conseil d’administration, et l’organisation territoriale de l’établissement a fait l’objet d’une réflexion dans le cadre de la démarche d’évaluation de la politique de l’eau engagée par le comité interministériel pour la modernisation de l’action publique. Le contrat d’objectifs de l’établissement prévoit également la mise en place d’un dispositif de contrôle interne comptable et financier.
Comme vous le voyez, le ministère de tutelle n’a pas été inactif. L’établissement s’est lancé dans une démarche globale et cohérente, suivie très attentivement par l’administration de tutelle, pour remédier aux dysfonctionnements constatés sans remettre en cause les résultats déjà atteints. Il pourra ainsi intégrer la future Agence française pour la biodiversité dans des conditions convenables. Les différentes difficultés ont été mises à plat et les solutions, telles qu’elles sont prévues dans le plan mis en place par l’établissement lui-même, sont mises en œuvre.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d’État.
Il est vrai que ce dossier est très difficile, nous le savons.
Certains élus, dans le respect du principe de précaution, ont pris en charge le nettoyage de canaux et de ruisseaux. Dans ce contexte, il est important que l’ONEMA ne procède pas toujours à des contrôles systématiques. Il serait préférable qu’elle agisse en concertation avec les élus ayant pris la responsabilité, en application du principe de précaution, de régler un certain nombre de problèmes.
À cet égard, permettez-moi de rappeler un cas que j’ai déjà eu l’occasion d’évoquer publiquement, celui du maire d’une commune située près de Libourne qui a été condamné, puis relaxé par la justice. Or le procureur et la Société pour l’étude et l’aménagement de la nature dans le sud-ouest, la SEPANSO, ont fait appel. Ce traitement d’un élu ayant pris ses responsabilités et appliqué le principe de précaution, lequel est inscrit dans la Constitution, me paraît disproportionné.
La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 691, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je souhaite, madame la secrétaire d’État, vous faire part de mes plus vives inquiétudes quant aux moyens en enseignants alloués au département de l’Aude pour la rentrée scolaire 2014 dans le premier degré.
Certes, je reconnais que les gouvernements en place avant 2012 ont supprimé des dizaines de milliers d’emplois, alors que vous, vous en aurez créé 60 000 au terme du quinquennat.
Force est de constater que cet effort est considérable et qu’il participera de manière incontestable à une amélioration de la qualité du service public de l’éducation dans nos départements.
J’attire toutefois votre attention, madame la secrétaire d’État, sur la situation actuelle du département de l’Aude.
Mon collègue Marcel Rainaud et moi déplorons la logique purement comptable qui a prévalu dans la répartition des postes d’enseignant, sans prise en compte du caractère rural du département, des conditions socio-économiques très difficiles dans lesquelles vivent, de surcroît, une grande partie des élèves et des difficultés en lecture dans le département, lesquelles sont les plus importantes de la région Languedoc-Roussillon.
Il se peut que vous m’opposiez, madame la secrétaire d’État, le taux d’encadrement de l’Aude par rapport aux départements voisins. Or je précise que la répartition des postes d’enseignant, effectuée à la calculatrice, ne permet pas de prendre en compte certaines réalités de terrain propres au département de l’Aude.
Le caractère rural de certains départements, comme la Lozère ou l’Ariège, est pris en compte, m’indique-t-on. Dès lors, pourquoi n’est-ce pas le cas de l’Aude ?
Pour la rentrée 2014, seuls 7 des 130 postes supplémentaires dont a été dotée l’académie de Montpellier ont été affectés à l’Aude. Deux de ces postes seront consacrés à l’augmentation du régime de décharge d’enseignement des directeurs d’école de trois classes et moins, et cinq d’entre eux seront réservés aux ouvertures de classes provisoires. Seul un poste sera créé dans le cadre du dispositif « Plus de maîtres que de classes ». Cela signifie, selon les organisations syndicales, que les moyens de l’Aude seront en baisse, avec 215 élèves supplémentaires au minimum.
Si je prends globalement en compte les rentrées 2013 et 2014, avec seulement 16 enseignants supplémentaires pour 527 élèves en plus, un rapide calcul nous permet de dire que l’Aude aura bénéficié d’un poste pour 33 élèves supplémentaires, ce qui est à comparer avec tel autre département où le ratio est d’un enseignant pour 12 élèves supplémentaires, ou tel autre encore, où le ratio est de 1 pour 18.
C’est bien là la preuve, madame la secrétaire d’État, que la répartition effectuée à la calculatrice ne permet pas de prendre en compte les réalités du terrain, ainsi que les spécificités de mon département, lequel comprend une partie rurale et une partie urbaine.
Comment dès lors justifier les classes surchargées, pouvant atteindre jusqu’à 31 élèves, voire plus ? Comment expliquer que le dispositif « Plus de maîtres que de classes » voulu par le ministère et que la scolarisation des enfants de moins de trois ans soient presque inexistants ? Comment justifier que les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, ne soient pas dotés à hauteur des besoins ou que des dizaines d’enseignants ne soient pas remplacés ?
Ainsi, l’Aude paie au prix fort la ruralité, comme l’a souligné une syndicaliste. Je rappelle que le président du conseil général de l’Aude demande à être reçu par le ministre de l’éducation nationale, M. Benoît Hamon.
Madame la secrétaire d’État, mon collègue Marcel Rainaud et moi-même avons deux questions à vous poser, au nom des élus, des représentants des personnels et des parents d’élèves.
Première question, le ministère entend-il dès maintenant accorder des postes supplémentaires au département que je représente ici et proposer un plan de rattrapage pluriannuel ? Je sais que certaines académies dont les effectifs d’élèves ont diminué ont conservé le même nombre d’enseignants.
Seconde question, le ministère envisage-t-il la mise en place de règles de répartition prenant en compte les réalités territoriales plutôt que de s’en tenir à des moyennes qui ignorent ces mêmes réalités ?
Monsieur le sénateur, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Benoît Hamon, qui, retenu ce matin, m’a chargé de vous répondre en son nom.
Vous savez l’héritage que nous a laissé la précédente majorité politique, vous l’avez d’ailleurs rappelé : la suppression de près de 80 000 postes dans l’éducation nationale entre 2007 et 2012 a laissé notre école dans une situation particulièrement dégradée.
Elle a conduit à la rupture de la promesse du pacte républicain dans les territoires les plus fragiles, à savoir celle de l’égalité des chances, à laquelle nous tenons plus que tout.
Cette approche purement comptable a considérablement dégradé notre école et ébranlé des personnels remarquables, mais désabusés de voir l’avenir des élèves ainsi hypothéqué. C’est pourquoi le Président de la République a fait de la refondation de l’école la priorité de son quinquennat.
Les dotations pour la rentrée 2014 ont été réparties entre les académies en tenant compte de l’évolution démographique et de la volonté de renforcer les moyens accordés aux écoles et aux établissements qui cumulent le plus de difficultés sociales, scolaires et territoriales.
Les postes nouveaux sont ensuite répartis dans les académies par les rectorats, dans le souci de l’intérêt général, selon une méthode transparente et juste reposant sur des critères objectifs.
Je puis vous assurer, monsieur le sénateur, que ce principe a été respecté dans votre département. En effet, vous l’avez dit, 7 postes ont été attribués au département de l’Aude sur les 130 emplois supplémentaires du premier degré accordés à l’académie de Montpellier.
Le caractère rural de ce département a été parfaitement intégré dans la dotation puisque, alors que le ratio professeur/élève est très favorable, des créations de postes ont tout de même été effectuées. Les moyens octroyés permettront donc d’accueillir sans difficulté les 215 élèves supplémentaires prévus.
Je tiens à souligner également que le taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans à la prochaine rentrée est estimé à 56, 2 % dans l’Aude, soit le taux le plus élevé de l’académie.
Je souhaite donc vous rassurer pleinement, monsieur le sénateur. Les moyens attribués à l’Aude devraient permettre d’y assurer la rentrée 2014 dans les meilleures conditions possible.
La politique du Gouvernement est de donner à la communauté éducative les justes moyens dont elle a besoin pour rétablir la promesse du pacte républicain : l’égalité des chances pour tous les élèves. Ce contrat, nous le devons aux enfants et à leur famille, mais aussi à la société, pour l’avenir de notre pays.
Certes, je le reconnais, si des suppressions massives de postes n’avaient pas eu lieu dans les années qui ont précédé le changement de 2012, nous ne connaîtrions pas aujourd'hui ces problèmes de suppression de classes.
J’indique, madame la secrétaire d’État, que plusieurs classes ont été supprimées dans l’Aude. Je regrette donc que des solutions d’urgence ne puissent pas être mises en place dans l’immédiat pour donner plus de moyens d’enseignement à des départements tels que celui que nous représentons ici.
Enfin, pour compléter ce que j’ai dit tout à l’heure, j’ajoute que le taux de scolarisation des enfants de deux ans est passé dans l’Aude de 45 % en 2000 à 11 % aujourd'hui.
Pour l’ensemble de ces raisons, madame la secrétaire d’État, mon collègue Marcel Rainaud et moi-même persistons à demander un plan d’urgence.
La parole est à M. Jacques-Bernard Magner, auteur de la question n° 707, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Je souhaite attirer votre attention, madame la secrétaire d’État, sur le problème de la déscolarisation partielle, voire totale, de certains jeunes, et ce de plus en plus tôt. Face à ce constat, malheureusement, les moyens coercitifs pour faire revenir les élèves sur le chemin de l’école sont très compliqués à mettre en œuvre et donnent peu de résultats.
Ainsi, dans le département du Puy-de-Dôme, une bonne cinquantaine d’élèves au minimum entrent chaque année dans une déscolarisation partielle ou totale.
Au regard de plusieurs profils d’élèves, il apparaît que certains n’ont fréquenté le collège que quelques jours sur les quatre ans du cycle.
La gestion de l’absentéisme reste aujourd’hui un problème important pour les conseillers principaux d’éducation, qui font face à des situations de plus en plus difficiles et qui n’ont aucun moyen d’agir pour faire revenir un élève en phase de déscolarisation si le jeune et ses parents n’adhèrent pas au projet scolaire.
En outre, les signalements faits aux inspections académiques restent le plus souvent inefficaces. Le seul moyen de pression reste la convocation à l’inspection, mais, aujourd’hui, les familles ne viennent pas, ou plus, pour diverses raisons.
Les autres cas sont pris en charge par les assistantes sociales des collèges, mais là aussi sans grande efficacité. Ainsi, un élève peut être absent pendant toute l’année scolaire sans que ni lui ni sa famille ne soient véritablement inquiétés.
On constate que, parmi les élèves absents, figurent de nombreux élèves issus de la communauté des gens du voyage. Or le principe républicain de l’école pour tous doit s’appliquer à l’école de la République, laïque et obligatoire jusqu’à seize ans, en vue de l’obtention du socle commun de connaissances, de compétences et de culture que nous avons réaffirmé dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République.
Le code de l’éducation prévoit que tous les dossiers de non-scolarisation doivent faire l’objet d’un signalement au parquet, avec une suite judiciaire. Or, à ce jour, très peu de dossiers sont transmis au parquet, et seuls les cas les plus graves sont instruits, notamment ceux qui concernent l’enfance en danger, car les procureurs n’ont pas le temps matériel de traiter les dossiers.
Aujourd’hui, les personnels de l’éducation nationale se sentent démunis face à ces situations, qui sont de plus en plus nombreuses et problématiques. Certains, s’ils n’ont pas de réponse claire de l’institution, baisseront les bras.
Madame la secrétaire d’État, comment agir en direction des familles pour maintenir une fréquentation scolaire réelle jusqu’à seize ans ?
Comment améliorer le suivi des cas de déscolarisation et développer le travail partenarial avec tous les acteurs concernés, qu’ils soient éducatifs, sociaux ou médicaux ?
Monsieur le sénateur, M. Benoit Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous remercie de lui avoir adressé votre question et vous prie de bien vouloir excuser son absence ce matin.
M. Benoît Hamon, et avec lui le Gouvernement, partage le souci qui est le vôtre de voir mise en place une action publique efficace pour répondre au problème de la déscolarisation des jeunes, et plus particulièrement des élèves de la communauté des gens du voyage.
Il est du devoir de l’école de la République de scolariser tous les enfants pour leur donner la chance de devenir des citoyens libres et éclairés. En ce sens, l’article L. 131-1 du code de l’éducation prévoit que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six ans et seize ans ».
Une circulaire du 20 mars 2002 précise qu’ « en l’état actuel de la législation aucune distinction ne peut être faite entre élèves de nationalité française et de nationalité étrangère pour l’accès au service public de l’éducation. »
Des procédures administratives simplifiées sont organisées pour rendre ce droit effectif en garantissant un accueil en classe rapide, une plus grande réactivité dans les procédures d’inscription à la cantine et aux transports scolaires, ou encore une gestion immédiate des refus d’inscription par une action conjointe des différents services académiques.
Quant à la lutte contre le décrochage scolaire, il s’agit d’une priorité du Gouvernement, qui s’est fixé deux objectifs clairs : prévenir plus efficacement le décrochage, afin de diviser par deux le nombre de jeunes sortant sans qualification du système éducatif d’ici à 2017 – je rappelle que ce nombre s’élève aujourd'hui à près de 160 000 cas chaque année –, et faciliter le retour vers l’école des jeunes ayant déjà décroché.
La loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République précise que « tout jeune sortant du système éducatif sans diplôme bénéficie d’une durée complémentaire de formation qualifiante qu’il peut utiliser dans des conditions fixées par décret. Cette durée complémentaire de formation qualifiante peut consister en un droit au retour en formation initiale sous statut scolaire. »
Dès à présent, nos efforts portent leurs fruits. Nous pouvons nous féliciter d’avoir réintégré près de 14 000 jeunes dans le système scolaire. En 2012, ce sont 9 500 élèves qui ont ainsi pu être raccrochés grâce à une amélioration du système de repérage.
Pour atteindre l’objectif fixé, les réseaux Formation Qualification Emploi, ou FOQUALE, ont été mis en place. Ils rassemblent, dans le périmètre d’action d’une plate-forme de suivi et d’appui aux décrocheurs, les établissements et dispositifs relevant de l’éducation nationale et susceptibles d’accueillir les jeunes décrocheurs. L’activité des réseaux FOQUALE est complémentaire de l’action menée par certaines collectivités territoriales. À la rentrée 2013, en appui de ces réseaux, des référents « décrochage scolaire » ont été nommés dans les établissements du second degré à fort taux d’absentéisme et de décrochage.
Je vous informe que, pour aller plus loin, à partir de la rentrée 2015, un nouveau parcours individuel d’information, d’orientation et de découverte du monde économique et professionnel sera proposé à chaque élève dès la sixième, puis aux différentes étapes de sa scolarité du second degré. Il s’agit d’aider les élèves à élaborer leurs projets d’orientation scolaire et professionnelle, d’éclairer leurs choix d’orientation et de les motiver.
Afin d’endiguer le décrochage scolaire, le Gouvernement souhaite renforcer la prévention et la lutte contre l’absentéisme. Les ministres chargés de l’éducation nationale, de la famille, de la justice et de la ville proposeront ensemble, dans le cadre du plan de prévention et de lutte contre l’absentéisme, une convention-cadre permettant une adaptation du dispositif dans chaque territoire.
Vous le voyez, monsieur Magner, c’est tout le Gouvernement qui se mobilise pour lutter contre le décrochage scolaire et redonner ainsi sens à la promesse du pacte républicain : la réussite de tous les élèves de la République.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de vos réponses, qui font le point sur un certain nombre de dispositifs mis en œuvre pour éviter l’échec et le décrochage scolaires et motiver un peu mieux nos jeunes afin qu’ils poursuivent leur scolarité, notamment au collège.
De nombreux dispositifs instaurés par le passé, comme la menace de suppression des allocations familiales, ont récemment été abrogés par notre majorité parce qu’ils avaient fait la preuve de leur impuissance à régler le problème de l’absentéisme scolaire des élèves en difficulté, qui ont parfois besoin d’être orientés, guidés, aidés, soutenus.
La parole est à Mme Hélène Lipietz, auteur de la question n° 694, transmise à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Depuis la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, l’article 1er de la Constitution mentionne à son second alinéa l’objectif de parité : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Compte tenu de cette loi, certains enseignants, afin de respecter l’objectif de parité, organisaient les élections des délégués de classe en deux listes – candidates et candidats – ou en binôme paritaire obligatoire. Cependant, le Conseil d’État a précisé, dans sa décision n° 362280 du 7 mai 2013, que seule la loi pouvait imposer la parité. C’est pourquoi, à la rentrée 2013, l’inspection académique de Paris a indiqué aux professeurs qu’il était inconstitutionnel d’obliger les élèves à élire deux délégués de sexe différent.
La Constitution est certes applicable à tous et par tous, même si le risque qu’un contentieux naisse d’une pratique de vote paritaire est extrêmement faible. Il n’en reste pas moins vrai que c’est dès le plus jeune âge que la parité doit faire son chemin au quotidien et qu’il doit apparaître évident aux enfants, à défaut d’apparaître évident aux adultes et d’être naturel dans nos sociétés, qu’une élection de deux personnes est forcément, obligatoirement, une élection paritaire.
De la maternelle jusqu’au lycée, l’école est le premier lieu d’apprentissage de l’égalité des sexes. Les élections de délégués d’élèves sont aujourd'hui régies par l’article R. 421-28 du code de l’éducation. Cet article est en avance sur certains points, puisque aucune condition de nationalité n’est requise, mais il appartient à la partie réglementaire et non à la partie législative du code. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'État, quand le Gouvernement entend introduire par voie législative l’obligation de parité dans le code de l’éducation. J’aimerais également savoir comment il compte inciter dès à présent au respect de l’objectif de parité dans les élections des délégués de classe.
M. Benoît Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche vous prie de bien vouloir excuser son absence. Pour ma part, madame la sénatrice, je suis heureuse de répondre en son nom à cette question qui nous touche particulièrement.
Avant d’aborder la question de la parité lors des élections des délégués d’élèves, je souhaite revenir un instant sur le rôle de l’élu au sein des établissements scolaires.
Un élu au collège ou au lycée dispose d’une place différente de celle des autres élèves. Il doit participer à plusieurs instances, et sa parole compte. Il doit pouvoir, en tant qu’élu, et parce qu’il est élu, compter sur la prise en considération de son avis, de son analyse et de ses propositions, qui doivent faire l’objet de discussions avec les professionnels. Il sera ainsi en mesure de rendre compte efficacement et objectivement de ses activités électives auprès de ses camarades de classe.
Or nombreux sont les élus qui disent leur désarroi face à la difficulté d’être reconnus comme tels, avec des responsabilités et des droits. Ces représentants ne revendiquent pas de pouvoirs supplémentaires, mais ils souhaitent que les professionnels reconnaissent leur autorité issue de l’élection. L’éducation nationale s’est penchée sur cette question à travers l’excellent rapport de la députée Anne-Lise Dufour-Tonini, intitulé Pour un acte II de la vie lycéenne : vers la démocratie lycéenne. Néanmoins, madame la sénatrice, vous avez raison, aucun dispositif ne permet aujourd’hui d’instaurer la parité dans les élections des instances représentatives des élèves.
Comme vous l’avez souligné, seul un dispositif législatif nous permettrait de remédier à cette situation. Cependant, la démarche que vous proposez rencontre deux limites. La première est la lourdeur des procédures législatives. La partie législative du code de l’éducation nationale a déjà été modifiée très profondément par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. La seconde limite, que vous connaissez, tient au fort déséquilibre du ratio garçons/filles dans certains établissements : par exemple, les filles sont très largement majoritaires dans les carrières médico-sociales et esthétiques, tandis que les garçons le sont dans les filières techniques et mécaniques. On peut le regretter, mais c’est la réalité actuelle.
Pour autant, il ne s’agit pas de rester inactif. Selon l’idée émise par le rapport Pour un acte II de la vie lycéenne : vers la démocratie lycéenne, il nous faut œuvrer non pas tant pour garantir une parité stricte que pour améliorer l’équilibre de la représentation des filles et des garçons au sein des instances électives, afin de parvenir à terme à la parité. Pour ce faire, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche demandera très prochainement aux recteurs de sensibiliser les chefs d’établissement à ce sujet de société qui mérite – vous avez eu raison de le souligner – notre pleine et entière attention.
Je suis ravie que Mme la secrétaire d'État ait souligné le rôle fondamental des délégués d’élèves. Certains d’entre eux viennent d'ailleurs visiter cet hémicycle, les directeurs des collèges et des lycées étant bien conscients du rôle des délégués d’élèves : ils exercent un mandat électif, le premier de leur vie. Je pense qu’il s’agit de reconnaître non pas une autorité naturelle, mais la légitimité née de l’élection.
Quant aux arguments sur la parité, j’ai l’impression de les entendre depuis deux ans, à tous les niveaux : la parité serait absolument impossible, il n’y aurait pas assez de femmes, etc. On a vraiment l’impression que tout est bloqué dans notre société, qu’on ne veut pas aller vers la parité parce que cela coûterait cher, parce que les hommes – ici les élèves de sexe masculin – n’ont pas démérité… La Constitution n’exige pas une parité stricte, mais elle pose un objectif de parité, qu’il faut atteindre là où c’est possible.
Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de nous annoncer que, heureusement, à la rentrée 2014, le ministre de l’éducation nationale adressera aux recteurs des consignes afin que l’objectif de parité soit mis en avant. Cela n’avait pas été le cas à la rentrée 2013.
La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 710, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la ministre, je souhaite vous faire part de mes inquiétudes, qui rejoignent celles de tous les acteurs de la montagne, que vous connaissez bien, quant aux effets induits par le calendrier des vacances scolaires pour la période 2014-2017, tel que l’a défini l’arrêté du 21 janvier dernier.
Si ce texte écarte le principe des demi-semaines pour les congés de Noël, ce qui représente une avancée dont nous ne pouvons que nous réjouir, il entérine toutefois une programmation tardive des vacances de Pâques, lesquelles s’achèveront le week-end du 10 mai pour la dernière zone. Une telle disposition ne manquera pas d’être lourde de conséquences, aussi bien économiques que sociales.
Entre 1994 et 2010, les congés de printemps, lorsqu’ils s’achevaient autour du 2 mai, ont représenté en moyenne 8 % de la saison touristique. Un grand nombre de stations fermant leur domaine skiable à la fin du mois d’avril, une semaine de décalage entraîne une baisse de 50 % de la fréquentation, selon les données constatées et vérifiées de 2011 à 2013. Je pense qu’il en sera malheureusement de même en 2014.
Les stations subissent ainsi une perte importante d’activité, laquelle provoque aussi un manque à gagner considérable pour les collectivités locales et l’État. Pour ce dernier, on peut estimer la perte à 100 millions d’euros.
Bien évidemment, l’incidence de cette diminution se fait directement ressentir, d’une part, sur l’emploi, avec des contrats saisonniers moindres et plus courts fragilisant la situation de nombreux salariés, et, d’autre part, sur les investissements et l’économie de nos territoires.
Or, compte tenu de la période de crise que nous connaissons depuis plusieurs années, nos régions de montagne ont réellement besoin de ces emplois et de ces investissements. Au-delà de ces secteurs, c’est notre pays tout entier qui compte dessus, le tourisme d’hiver représentant un pan important de notre économie.
Enfin, cette programmation des vacances a fait l’objet d’un rejet par le Conseil supérieur de l’éducation qui a ainsi considéré que ce calendrier ne répondait pas au bien-être de nos enfants.
Le ministre de l’éducation nationale a déclaré, lors de sa prise de fonctions, que les spécificités de certains territoires, et notamment des zones de montagne, devaient être prises en compte dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, ce dont je me réjouis.
D’ailleurs, quatre communes du Pays du Mont-Blanc, en plein accord avec les parents et les enseignants, ont sollicité une dérogation afin de sanctuariser les mercredis du deuxième trimestre et d’avancer d’une semaine la rentrée scolaire en septembre. Pouvez-vous me confirmer, madame la ministre, que cette demande a reçu une réponse positive ?
En ce qui concerne le calendrier 2014-2017, je souhaiterais que le Gouvernement revienne sur l’arrêté du 21 janvier dernier et retienne la proposition de l’Association nationale des maires des stations de montagne et des acteurs économiques. Celle-ci consiste, tout en maintenant l’organisation des vacances intermédiaires d’hiver et de Pâques sur une amplitude de quatre semaines, à positionner les congés de printemps plus tôt au mois d’avril.
Elle implique de réduire à six semaines en moyenne – cinq à sept semaines selon les zones – la période comprise entre les vacances de Noël et celles d’hiver, ce qui serait compatible avec les rythmes des enfants, particulièrement fatigués au cœur de l’hiver, comme l’a fait remarquer le Conseil supérieur de l’éducation. Cela permettrait de maintenir une période de sept semaines jusqu’aux congés de printemps et de retrouver ainsi un véritable troisième trimestre.
Je souhaite vivement que soit relancée sur ce sujet une large concertation associant l’ensemble des élus, des personnels de l’éducation et des professionnels de la montagne, afin de faire évoluer le calendrier triennal à venir.
Monsieur Carle, vous avez souhaité interroger M. Benoit Hamon, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.
Les interrogations des maires et des professionnels du tourisme concernant le calendrier scolaire et son incidence sur la fréquentation des stations de sports d’hiver, bien connues du Gouvernement, ont conduit M. Benoît Hamon à se saisir du sujet.
Votre légitime préoccupation et votre souci de concilier le réaménagement d’un calendrier de vacances scolaires plus conforme au bien-être des élèves ont également été compris, sans que les enjeux économiques liés au tourisme soient pour autant négligés.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, la modification du calendrier scolaire s’est effectuée à partir d’un constat unanimement partagé par les différents acteurs du monde éducatif : le premier trimestre est trop long et le temps de récupération trop court. Nous avons donc souhaité modifier ce calendrier dès la rentrée de 2012 et le rééquilibrer pour les années suivantes.
L’arrêté du 21 janvier 2014 fixe les nouveaux calendriers scolaires pour les années 2014, 2015, 2016 et 2017. Il apparaît comme une réponse équilibrée aux besoins des enfants et des enseignants tout en prenant en compte les demandes exprimées par les professionnels de la montagne : pas de départ en milieu de semaine pour les vacances de Noël et un retour qui ne soit pas trop tardif au printemps.
Il prévoit également la réduction à six semaines en moyenne – cinq à sept semaines selon les zones, comme vous l’avez rappelé – de la période comprise entre les vacances de Noël et celles d’hiver, ainsi que vous le préconisez. En revanche, ce calendrier maintient un équilibre entre les vacances d’hiver et celles de printemps, pour ne pas alourdir de façon démesurée le troisième trimestre.
Il importe en effet avant tout de travailler à un temps scolaire qui soit davantage respectueux des rythmes de l’enfant et ainsi de nature à favoriser ses apprentissages.
Pour tenir compte des préoccupations que vous avez exprimées, M. le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a déjà fait préparer un décret autorisant les expérimentations relatives aux rythmes scolaires, lequel permettra de prévoir des semaines allégées et un report sur les vacances scolaires des heures non effectuées.
Par ailleurs, je vous rappelle que des adaptations du calendrier scolaire national rendues nécessaires par les circonstances ou la situation particulière d’un établissement scolaire sont possibles dans le cadre des dispositions des articles D 521-1 et suivants du code de l’éducation.
Plus que jamais, nous devons rechercher un nécessaire équilibre entre le bien-être et les apprentissages des élèves, l’organisation de la vie familiale et les impératifs économiques, en particulier dans les zones de montagne, qui sont très importantes pour la bonne santé économique de notre pays et pour lesquelles nous partageons une préoccupation commune, monsieur le sénateur.
Madame la ministre, je vous remercie des précisions que vous avez bien voulu apporter, notamment en ce qui concerne les expérimentations qui seront autorisées dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires annoncée par M. le ministre de l’éducation nationale. À cet égard, je souhaite que la possibilité d’expérimentation réclamée par les communes du Pays du Mont-Blanc soit retenue, car elle va tout à fait dans ce sens.
Néanmoins, je regrette que M. Benoît Hamon ne souhaite pas modifier le calendrier des vacances scolaires. En effet, s’il est évident que ce sont bien les rythmes chronobiologiques des enfants et des enseignants qui doivent guider la réforme, ceux-ci ne doivent pas pour autant être déconnectés des rythmes familiaux, économiques voire climatiques.
Dans une région comme la nôtre, le sujet est d’importance : il faut pouvoir permettre aux jeunes soit de faire de la compétition, soit de se préparer à leur futur métier de moniteur, de pisteur, ou à toute autre profession liée à l’activité économique de la montagne, qui, je le répète, représente un pan important de l’économie nationale.
Mes chers collègues, avant d’aborder la question suivante, nous allons interrompre nos travaux pour dix minutes.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures vingt, est reprise à dix heures trente.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, auteur de la question n° 711, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur un problème connu de vos services mais qui, à ma connaissance, tarde à recevoir une réponse. Je veux parler des effets collatéraux sur les assujettis au régime forfaitaire d’imposition des bénéfices agricoles de la hausse de la TVA de 7 % à 10 % pour les produits agricoles.
Les petites exploitations réalisant jusqu’à 76 300 euros de recettes, toutes taxes comprises, au cours de deux années successives, sont assujetties à ce régime, qui présente notamment l’avantage de la simplicité. Au-delà de ce plafond, le régime réel simplifié s’applique. Or l’augmentation de la TVA va entraîner un dépassement automatique de ce plafond pour certaines exploitations, les faisant passer, non moins automatiquement, au régime réel simplifié, avec les conséquences financières que l’on imagine pour elles.
Le bon sens voudrait, sauf à se désintéresser de cette catégorie d’agriculteurs, que le Gouvernement relève le plafond du régime forfaitaire d’imposition de manière à compenser les effets, pas forcément anticipés et encore moins voulus, de cette hausse de la TVA. Je me permets de faire observer que cette augmentation du plafond ne coûterait rien à l’État et permettrait de rendre la hausse de la TVA indolore pour ces exploitants.
Ma question est donc d’une simplicité évangélique : avez-vous l’intention de répondre à l’attente des agriculteurs qui, sans que leur revenu ait augmenté, vont se voir appliquer un régime fiscal plus défavorable si rien n’est fait ?
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la hausse des taux de TVA qui a été décidée en début d’année. Le taux maximal a effectivement été relevé et le taux intermédiaire est passé de 7 % à 10 %. En revanche, le taux de 5, 5 % a été maintenu pour tous les produits agricoles et alimentaires de première nécessité.
Vous avez tiré un certain nombre de conclusions quant aux conséquences que cette hausse pourrait avoir sur le régime fiscal de certaines exploitations agricoles, qui pourraient passer du régime du forfait au régime dit du « réel simplifié » si elles venaient à franchir le seuil de chiffres d’affaires actuellement fixé à 76 300 euros.
Il s’agit d’une question fiscale, qui relève de la loi de finances. À la suite de la proposition de remise à plat de la fiscalité faite par Jean-Marc Ayrault, un travail a été engagé sur l’évolution des régimes fiscaux visant à intégrer un certain nombre d’éléments, dont la hausse de la TVA. Dans le cadre des discussions engagées, le ministre de l’agriculture suit ce dossier avec la volonté d’éviter l’apparition de difficultés liées à des décisions prises dans d’autres domaines, comme celui de la TVA que vous avez évoqué.
Aujourd’hui, je fais le constat que ces discussions se poursuivent et aboutiront dans le cadre de la préparation de la loi de finances. Tous les problèmes qui pourraient se révéler, en particulier le changement éventuel de régime d’imposition des exploitations agricoles, devront être anticipés, et nous nous y attachons.
Quant aux décisions à prendre concernant le relèvement du plafond d’imposition au forfait, je laisse les discussions engagées avec l’ensemble des acteurs se poursuivre, afin que les meilleures solutions soient dégagées. Je suis toutefois parfaitement conscient du problème que vous avez évoqué.
Monsieur le ministre, je vous avais posé une question simple, vous y avez apporté une réponse un peu compliquée à mon gré.
J’aurais souhaité que, prenant acte du problème soulevé, vous vous engagiez à trouver une solution satisfaisante, par exemple en vous assurant que les exploitants qui ne voient pas leur revenu augmenter ne soient pas plus imposés qu’ils ne le sont actuellement ni ne soient soumis à des procédures plus complexes. Cela n’a rien de bien compliqué !
Je veux bien croire que toutes ces questions relèvent de la loi de finances, ce qui fait que nous devrons encore attendre, mais, je le répète, j’aurais apprécié que vous preniez l’engagement que les agriculteurs dont le revenu n’augmente pas ne verront pas leur impôt augmenter.
La parole est à M. Marcel Rainaud, auteur de la question n° 698, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
La filière bois est reconnue comme l’une des filières industrielles d’avenir, et pour cause : la France possède la troisième forêt d’Europe et nous recensons plus de 450 000 emplois liés à ce secteur. En Languedoc-Roussillon, on ne compte pas moins de 1, 2 million d’hectares boisés exploitables.
La France est devenue le quatrième exportateur de sciages de bois. Cette exportation croissante de grumes non transformées vers les pays émergents fragilise pourtant cette filière. Les raisons de cette fragilisation sont multiples, et je me fais là l’écho des réflexions des exploitants forestiers et scieurs que je rencontre depuis plusieurs mois.
La première tient à la quantité sollicitée et attendue pour les prochaines années, car les besoins en bois dépasseront la capacité de production et risquent de décapitaliser nos forêts.
La deuxième raison est liée à la différence des normes européennes et chinoises en matière de traitement phytosanitaire du bois et à l’impact de la cyperméthrine sur notre environnement.
La troisième raison concerne la vitalité économique des entreprises de première et de seconde transformation. La demande chinoise a fait augmenter les prix ; ainsi, les scieries locales peinent à s’approvisionner et à être compétitives par rapport aux conditions d’export vers l’Asie.
Aujourd’hui, la filière bois se trouve dans une situation paradoxale et singulière. En effet, il s’agit de la seule filière qui doive répondre à une demande exponentielle tout en étant tenue de maintenir un capital qui ne portera ses fruits qu’au bout de trente ans, quarante ans, voire cinquante ans, suivant les essences produites par la sylviculture.
L’exportation de nos ressources forestières ne pourra être entièrement bénéfique que dans la mesure où des moyens de régulation seront mis en place pour ne pas nuire à notre compétitivité. La forêt est un patrimoine et un investissement à long terme qui se maintient uniquement dans les cas où la récolte rapporte au moins cinq fois le capital initial investi afin d’assurer le reboisement.
Monsieur le ministre, vous avez donné des signes forts à la filière, aussi bien par le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt dont nous venons de débattre, que par le plan national d’action pour l’avenir des industries de transformation du bois ou par l’installation du comité stratégique de la filière bois. Par ces trois mesures, vous voulez relever ce défi : maintenir une production importante pour répondre aux besoins du marché, tout en assurant la pérennité de la forêt et de toute l’économie que fait vivre cette filière.
Pour y parvenir, nous devrons harmoniser les règles en matière de normes sanitaires pour le traitement du bois destiné à l’export. Nous devrons en outre favoriser le renouvellement de la forêt par un Fonds stratégique de la forêt et du bois qui incitera à la sylviculture, mais aussi donner les moyens nécessaires aux exploitants pour mobiliser le bois.
Ma question est donc simple : mon collègue Roland Courteau et moi-même aimerions que vous précisiez les moyens que le Gouvernement entend consacrer à ces trois axes.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la situation de la filière bois, en exprimant clairement le dilemme auquel nous sommes confrontés : il faut tenir compte de l’intérêt économique, d’une part, des scieries et des transformateurs et, d’autre part, de ceux qui produisent du bois et trouvent des débouchés rémunérateurs dans le cadre de l’exportation. J’ai parfaitement conscience de cette situation.
Le travail que nous devons réaliser – nous avons eu des débats extrêmement précis sur ces questions, dans cet hémicycle, lors de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – consiste à trouver un nouvel équilibre pour l’ensemble de la filière bois, entre les intérêts des forestiers et ceux des industries de transformation.
Premier constat : depuis 2011, le volume des exportations de bois non transformé n’augmente pas. Tant mieux ! Certaines scieries rencontrent un problème d’approvisionnement conjoncturel, lié à la pluviométrie de cet hiver et à l’absence de gel, car l’état des sols a rendu difficile la récupération du bois coupé.
Restent les enjeux que vous avez évoqués : comment réorganiser la filière de la transformation, comment redonner des moyens aux scieries qui, aujourd’hui, rencontrent effectivement des difficultés économiques et d’approvisionnement ?
Ces sujets stratégiques ont été évoqués non seulement lors de la discussion du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, mais aussi avec Arnaud Montebourg ; j’y reviendrai.
Un premier point concerne les taxes à l’importation de produits transformés ou à l’exportation des produits bruts. Je suis obligé de vous avouer que les décisions dans ce domaine sont prises à l’échelon de l’Union européenne. Nous travaillons donc dans ce cadre pour faire évoluer la situation, mais les décisions ne pourront pas être prises à l’échelle nationale. En ce qui me concerne, je saisirai toutes les occasions qui se présenteront dans ce domaine, car je suis, comme vous, très attaché à la filière bois.
En ce qui concerne le traitement phytosanitaire des grumes destinées à l’exportation, exigé par les pays importateurs, j’envisage une hausse du coût de la délivrance des certificats d’exportation des grumes. En effet, cette mesure est de l’ordre du possible.
Par ailleurs, le traitement des grumes en forêt, préalable à l’exportation, doit être effectivement réalisé, contrôlé et sans impact négatif sur l’environnement et sur la santé des applicateurs ou des usagers de la forêt. Une prochaine saisine de l’ANSES, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, sur l’impact des méthodes et des produits utilisés pour le traitement des grumes en forêt permettra de nous assurer toutes les garanties sur ces points. Cette étude prendra donc en compte les difficultés que vous avez évoquées.
Enfin, la solution pour la filière bois doit être envisagée plus globalement, car il s’agit de trouver un équilibre entre les capacités de production et de transformation du bois. Toute perte dans la transformation se traduit non seulement en termes de valeur ajoutée, mais aussi du point de vue des coproduits liés à cette transformation, en particulier les sciures – avec toutes les conséquences qui en résultent pour la cogénération et la production d’énergie.
Nous devons donc nous mobiliser pour permettre à cette filière de répondre aux enjeux. Nous le faisons, premièrement, avec le Fonds stratégique de la forêt et du bois pour la plantation et le renouvellement de notre forêt et, deuxièmement, grâce aux choix stratégiques effectués dans le cadre du plan national de la forêt et du bois, signé avec Arnaud Montebourg, pour structurer cette filière.
Un comité stratégique de filière a été créé dans le cadre des vingt-quatre filières stratégiques pour le redressement productif. Ce comité a été installé le 10 mars 2014, en présence d’Arnaud Montebourg et de moi-même, et il présentera dès l’été un contrat de filière. Ce contrat doit permettre d’établir une adéquation entre la production de bois et les besoins de l’industrie de transformation digne d’un grand pays forestier comme le nôtre.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je ne peux que me féliciter de votre engagement et des différentes mesures que vous venez d’annoncer en faveur de cette profession. J’aurai à cœur de les lui transmettre.
La parole est à M. André Reichardt, auteur de la question n° 679, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
Les permis de conduire font l’objet d’un traitement sécurisé depuis la mise en œuvre du logiciel FAETON, qui fait suite à la transposition de la troisième directive européenne relative au permis de conduire. Cette directive vise à harmoniser les règles de gestion de ce titre au sein de l’Union européenne, notamment dans le souci de renforcer la lutte contre la fraude, avec la délivrance d’un document sécurisé renouvelable.
L’objet du logiciel FAETON est de gérer l’ensemble des dossiers relatifs aux permis de conduire, depuis l’inscription en auto-école jusqu’à la gestion des droits à conduire, c’est-à-dire le suivi des points disponibles, en passant, bien évidemment, par la délivrance des titres.
Or, alors que les flux et le stockage des données sont naturellement dématérialisés entre les différents acteurs concernés, il apparaît que le déploiement de FAETON conduit en fait dans nombre de départements, dont le mien, le Bas-Rhin, à centraliser le processus de délivrance des permis de conduire. Ainsi, le permis de conduire ne peut désormais être retiré dans mon département qu’en préfecture, ce qui oblige les personnes concernées à se rendre à Strasbourg. Pour ceux qui habitent les territoires les plus éloignés du chef-lieu du département, le déplacement aller-retour peut prendre trois heures, auxquelles il faut ajouter les difficultés liées à l’accès à Strasbourg, notamment en raison de l’absence de grand contournement Ouest, sans parler des ralentissements observés aux heures de pointe.
Nos concitoyens considèrent, fort légitimement à mon sens, cette nouvelle obligation comme peu adaptée aux temps actuels – je pense notamment à la dématérialisation des communications – et à leurs attentes de proximité avec l’administration. Dès lors, monsieur le ministre, pouvez-vous me dire s’il est prévu de remédier à ces difficultés et, le cas échéant, m’indiquer les mesures susceptibles d’être prises à cet égard ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l’intérieur, au nom duquel je vais répondre.
Vous évoquez l’enjeu de sécurité lié à la délivrance des permis de conduire, qui a conduit à plus de centralisation, au détriment de la qualité du service rendu à nos concitoyens.
Les conditions de délivrance des titres ont fortement évolué ces dernières années. De nouvelles applications informatiques ont été mises en place afin de délivrer des titres sécurisés, qu’il s’agisse des passeports, des certificats d’immatriculation, des titres de séjour pour les étrangers ou des permis de conduire. Elles nécessitent des procédures de délivrance de plus en plus sécurisées et un regroupement de la production.
L’objectif est double : d’abord, spécialiser les équipes afin de renforcer la lutte contre la fraude documentaire et de fiabiliser la fabrication des titres par un opérateur national unique ; ensuite, rendre un service plus efficace et de meilleure qualité à l’usager, notamment par le développement des téléprocédures, tel le changement d’adresse en ligne pour les certificats d’immatriculation.
La mise en place du permis de conduire sécurisé, conformément à la directive 2006/126 du 20 décembre 2006, s’accompagne d’évolutions destinées à améliorer l’information des usagers et à éviter des déplacements. Ainsi, depuis le 4 novembre 2013, le courrier d’accompagnement du titre comprend un code confidentiel permettant à l’usager de consulter son solde de points sur le site « Télépoints ». En effet, chacun n’a pas toujours conscience du nombre de points encore en sa possession, certains ayant parfois même oublié qu’il ne leur en restait peut-être aucun !
De plus, depuis le 3 mars 2014, les usagers ont la possibilité de suivre l’état d’avancement de la production de leur titre en ligne sur le portail de l’Agence nationale des titres sécurisés. Ils peuvent également recevoir, depuis le 18 mars 2014, un SMS ou un courriel leur annonçant que leur permis de conduire est disponible en préfecture.
Enfin, dans le cadre de la centralisation de la délivrance en préfecture, deux nouveaux guichets ont été spécialement ouverts à la préfecture du Bas-Rhin, dont l’un est entièrement dédié au retrait des titres, ce qui limite ainsi le délai d’attente pour les usagers.
Par ailleurs, dernière information importante, près de 60 % des quelque 1 200 000 permis de conduire délivrés depuis le 16 septembre 2013 ont été acheminés directement au domicile des usagers. Cela concerne l’ensemble des titres délivrés après réussite à l’examen, ainsi que les titres délivrés à la suite d’une perte ou d’un vol du précédent.
Monsieur le ministre, comme vous l’avez dit au début de votre intervention, il faut trouver le bon équilibre entre les contraintes liées à la lutte contre la fraude, qui passe naturellement par un renforcement des règles de sécurisation des documents, et les nécessités d’une réelle proximité entre les citoyens et l’administration.
À l’heure de l’e-administration, il n’est bien entendu pas concevable que des déplacements de plusieurs heures soient encore nécessaires pour retirer un document. Par ailleurs, vous l’avez bien compris, les personnes dont le domicile est le plus éloigné du lieu de délivrance du document considèrent – à mon sens, à juste titre – être discriminées par rapport à d’autres dont le domicile serait plus proche du chef-lieu du département, voire situé au chef-lieu même. Une réponse adaptée doit donc leur être apportée.
Je vous remercie tout particulièrement de l’information que vous me donnez concernant l’expédition à domicile d’un certain nombre de titres. Elle pose toutefois question. En effet, soit cet envoi est possible, et, dans ce cas-là, il faudra veiller à le généraliser, soit il n’est pas possible, et il faudra alors, à l’heure de l’e-administration, dotée des moyens de communication que nous connaissons, renouer avec la possibilité de retirer un document en sous-préfecture, comme cela se faisait sans difficulté particulière par le passé.
La dégradation du service que j’ai évoquée pose tout de même un problème, et je voudrais vraiment que M. le ministre de l’intérieur en soit conscient. Il faut essayer d’améliorer encore le système même si – j’ai commencé par cela et je termine ainsi – on doit naturellement veiller à la sécurisation de ces processus.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.
La parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la question n° 708, adressée à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique et porte sur la précarité des personnels contractuels des collectivités locales qui sont en situation de handicap.
L’un des objectifs de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique est de remédier aux situations de précarité les plus graves des agents non titulaires de la fonction publique.
Parmi ces agents contractuels, ceux en situation de handicap sont particulièrement exposés à cette précarité. De plus, ils sont confrontés à des situations paradoxales qui les fragilisent. En effet, pour une personne en situation de handicap qui bénéficie de l’AAH, l’allocation aux adultes handicapés, et de l’ASS, l’allocation de solidarité spécifique, l’alternance de périodes travaillées et chômées a pour conséquence d’engendrer, pour les périodes de travail, des « trop-perçus » au regard des droits à l’AAH. Ces sommes doivent ensuite être remboursées à la caisse d’allocations familiales, ce qui implique, au final, des baisses de revenus significatives.
Quand on sait en outre que ces salariés contractuels et intérimaires, qui sont majoritairement embauchés en remplacement pour de courtes périodes dans des postes de catégorie C, ne bénéficient pas des mêmes avantages légaux en termes de contrats de prévoyance et de santé et que leur titularisation, bien qu’elle soit prévue par la loi, ne leur est pas souvent proposée même s’ils remplissent les critères demandés, nous arrivons à des situations extrêmement difficiles et bloquées qui rendent une intervention nécessaire.
Je peux citer l’exemple d’une personne qui enchaîne depuis vingt ans – vingt ans ! – des contrats de remplacement en tant qu’agent d’entretien dans divers lycées du département de la Gironde, avec un salaire qui varie entre 700 et 1 000 euros par mois, environ six mois sur douze. Pendant les vacances ou lorsqu’elle n’a pas de mission, cette personne doit revenir à chaque fois vers Pôle emploi, sans oublier qu’elle est pénalisée par les baisses d’allocations déjà mentionnées. Comment peut-on vivre dignement dans ces conditions ? Alors que son handicap est jugé compatible avec les emplois qu’elle occupe, la titularisation ne lui a pourtant jamais été proposée !
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement entend-il adopter afin d’améliorer la situation de ces personnels vulnérables et de la sécuriser ?
Madame la sénatrice, vous abordez là une question difficile et l’exemple que vous avez cité me touche.
Les personnes en situation de handicap disposent de deux voies d’accès à la fonction publique territoriale : le recrutement par concours, qui est le mode d’accès de droit commun aux cadres d’emploi territoriaux et auquel tout le monde tient, ainsi que le recrutement contractuel, qui donne vocation à titularisation.
Par dérogation au principe du recrutement par concours, l’article 38 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit la possibilité pour les personnes handicapées d’acquérir la qualité de fonctionnaire, après un recrutement direct en qualité d’agent non titulaire. Dans ce cas, le recrutement s’effectue par un contrat au terme duquel l’agent a vocation – et, vous l’avez dit, seulement vocation – à être titularisé dans un emploi de catégorie A, B ou C, dans les conditions prévues par le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996.
Les candidats doivent remplir des conditions d’aptitude physique. Leur handicap doit ainsi avoir été jugé compatible avec l’emploi postulé. Des conditions de diplôme ou de niveau d’études sont également requises
La durée du contrat correspond à la durée que doivent normalement accomplir les fonctionnaires stagiaires du corps ou cadre d’emplois concerné, soit généralement six mois ou un an, avant d’être titularisés.
Les articles 8 et 9 du décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 prévoient la procédure selon laquelle est opérée la titularisation des travailleurs handicapés et, le cas échéant, la procédure applicable lors d’un prolongement du contrat ou d’un refus de titularisation. Il en résulte notamment que l’autorité territoriale, laquelle est responsable en l’occurrence, apprécie l’aptitude professionnelle de l’agent au vu de son dossier individuel et après entretien avec celui-ci.
Le refus de titularisation ne peut intervenir que dans le cas où l’agent apparaît inapte à l’exercice de ses fonctions après que l’employeur a pris toutes les mesures visant à favoriser son intégration et après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d’emplois concerné. En cas de refus de titularisation, l’intéressé peut bénéficier des allocations chômage.
Ces dispositions sont de nature à favoriser l’insertion professionnelle des agents handicapés recrutés en qualité de contractuel sur le fondement de l’article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et à lutter ainsi contre d’éventuelles situations de précarité.
S’agissant de la situation des personnes handicapées qui alternent des périodes d’activité et de chômage et sont éligibles à l’allocation aux adultes handicapés, dont elles peuvent bénéficier sous certaines conditions, le décret n° 2010-1403 du 12 novembre 2010 modifiant les règles d’évaluation des ressources prises en compte pour le calcul des droits à l’allocation aux adultes handicapés, et sur lequel nous pourrons éventuellement travailler ensemble, a permis d’adapter de manière plus réactive le montant de l’AAH à la situation immédiate de la personne. En effet, ce décret a instauré depuis le 1er janvier 2011 une déclaration trimestrielle de ressources pour les allocataires exerçant une activité professionnelle en milieu ordinaire, afin de pouvoir calculer chaque trimestre le montant de l’allocation en fonction de leurs besoins. Il s’agit donc d’une couverture de solidarité.
Cela étant, les remplacements « en boucle », qui ne concernent d’ailleurs pas que des personnes en situation de handicap, tant dans la fonction publique hospitalière, dans les collectivités territoriales qu’auprès des opérateurs ou agences de l’État, sont problématiques. Je vais donc étudier cette question avec la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, car je pense qu’il faut faire mieux. Pour autant, je ne peux pas imposer de règles trop strictes aux autorités territoriales. Loin de moi l’idée de souffler le chaud et le froid. Je considère simplement que nous devons travailler mieux, tout en laissant une marge de liberté aux collectivités territoriales.
La dérogation au principe du recrutement par concours est une bonne chose pour les personnes en situation de handicap. Cependant, force est de constater que des situations semblables à celle que vous avez décrite existent dans plusieurs départements, même si elles ne sont pas très nombreuses sur l’ensemble du territoire français.
J’espère, avec vous, trouver une solution aussi bonne que possible, même si je ne peux déroger aux principes de fond. Je vais donc demander à mes services de travailler sur ce point, et je vous tiendrai informée, madame la sénatrice, des éventuelles pistes que nous aurons retenues.
Je remercie Mme la ministre de sa réponse très argumentée. Je lui fais confiance pour résoudre ce problème que je saurai, le cas échéant, rappeler à son attention.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la question n° 712, transmise à Mme la ministre de la décentralisation, de la réforme de l’État et de la fonction publique.
Madame le ministre, j’avais adressé cette question à votre collègue de l’intérieur. Je constate qu’il vous l’a transmise. Sur le principe, je n’y vois pas d’inconvénient, mais je voudrais tout de même souligner que c’est aujourd’hui la quatrième fois consécutive que je pose une question orale au ministre de l’intérieur. Or, à chaque fois, il s’abstient de venir me répondre ! Cela devient fastidieux...
Voilà quinze jours, alors que je devais lui poser une question orale, il s’est fait représenter par la secrétaire d’État à l’économie numérique. Je reconnais que, aujourd’hui, il y a un progrès...
Votre domaine de compétence, madame le ministre, « chevauche » en effet le sujet. Il n’en demeure pas moins que cela commence à faire beaucoup ! Il serait opportun que le ministre de l’intérieur fasse l’effort, de temps en temps, de venir répondre aux questions orales qui lui sont posées. Je signale d’ailleurs que, si le ministre de l’intérieur répondait aux questions écrites qu’on lui adresse, on ne serait pas obligé de lui poser des questions orales.
Vous me rendriez service, madame le ministre, en informant votre collègue que je n’ai toujours pas obtenu de réponses aux 221 questions écrites que je lui ai envoyées, et dont certaines datent de neuf mois. Je ne vais tout de même pas venir tous les quinze jours poser une question orale dans cet hémicycle parce qu’on ne répond pas à mes questions écrites... Cela commence à bien faire ! Les rapports entre le Parlement, en particulier le Sénat, et le Gouvernement, devraient être plus corrects, courtois et respectueux.
J’en viens à ma question.
Je souhaite rappeler la très grande préoccupation des élus municipaux, et notamment des maires, face aux projets du Gouvernement, lequel envisage de réduire considérablement la dotation globale de fonctionnement, ainsi que les autres subventions de l’État dont bénéficient les communes. La DGF représente, en effet, parfois la moitié des recettes budgétaires de ces dernières.
Par ailleurs, certaines décisions inconsidérées, comme, par exemple, la modification des rythmes scolaires, imposent des réformes très coûteuses pour les communes. Dans le même temps que l’on réduit les crédits alloués à ces collectivités, on leur impose des dépenses supplémentaires !
Je vous demande, madame le ministre, s’il vous semble pertinent que des dépenses supplémentaires soient mises à la charge des communes, sans leur demander leur avis, et que, parallèlement, on réduise leurs ressources. Si vous avez une recette miracle pour équilibrer les comptes dans ces conditions, j’aimerais que vous nous la fassiez connaître.
Vous avez souvent évoqué, monsieur le sénateur, vos difficultés à obtenir des réponses à vos questions. Avec tout le respect que je dois au sénateur que vous êtes, je me permets cependant de vous faire remarquer que 221 questions, c’est peut-être beaucoup. Je ferai cependant part à mon collègue de votre demande.
En l’occurrence, j’aurais été choquée que le ministre de l’intérieur réponde à ma place à la présente question orale, dans la mesure où je suis en charge au sein de ce gouvernement non seulement de la fonction publique et de la réforme de l’État, mais aussi de la décentralisation et de la réforme des finances des collectivités territoriales. À ce titre, j’ai proposé une réforme de la DGF. Tous les arbitrages n’ayant pas été rendus sur ces sujets, je trouve normal que le ministre de l’intérieur préfère que je réponde aux questions y afférentes, qui relèvent de ma compétence.
Vous évoquez le problème que pose l’effort de 11 milliards d’euros demandé aux collectivités.
Chacun convient qu’il faut redresser les finances publiques et qu’il s’agit d’un défi collectif primordial pour l’avenir de notre pays. C’est d’ailleurs l’objet du pacte que le Premier ministre va présenter, dans les prochaines heures, aux deux assemblées.
Je tiens à souligner, de ce point de vue, que l’effort demandé aux collectivités territoriales est juste parce qu’il est proportionnel à leurs dépenses, lesquelles représentent aujourd’hui 20 % de la dépense publique nationale. Il est légitime que la part de l’effort national qui leur est demandé soit équivalente à 11 milliards d’euros sur les 50 milliards d’euros à économiser. À moins que l’on estime qu’il n’est pas nécessaire de faire cet effort, mais c’est un autre débat...
Avec la baisse de 1, 5 milliard d’euros de 2013 et de 11 milliards d’euros sur le triennal 2015-2017, l’effort demandé correspond à la hausse constatée des dépenses des administrations publiques locales, les APUL, entre 2010 et 2012, soit environ 12, 5 milliards d’euros. Il s’agit donc bien de stabiliser et de maîtriser la dépense publique.
D’autres que vous, monsieur le sénateur, me font le reproche que ces 11 milliards d’euros constituent, dans le triennal, une rectification de la trajectoire, et non pas une baisse des dépenses. Vous voyez que l’on pourrait en débattre longtemps...
Cet effort trouvera à se réaliser dans la réforme de la DGF que vous évoquez, mais pas seulement : c’est l’ensemble des concours financiers de l’État qui doit pouvoir, comme l’a souhaité le Premier ministre, être réinterrogé en concertation avec les élus – je pense aux associations et au Parlement. Ce travail se fera donc en commun au sein d’un bloc tripartite constitué des pouvoirs exécutif et législatif ainsi que des associations d’élus.
L’effort trouvera aussi à se réaliser dans la mise en place d’outils de clarification de l’organisation territoriale et de renforcement de l’efficacité de l’action publique. Nous avons pu, sur la base d’une première loi, présenter une trajectoire de rationalisation, par exemple au travers des conférences territoriales. Par ailleurs, au sein du Conseil des ministres, le Premier ministre a entamé avec nous une discussion sur l’organisation territoriale de la République, sujet qui englobe la part de l’État et celle des collectivités locales, la fin des doublons, la maîtrise des dépenses des opérateurs, des agences, etc.
Je comprends votre inquiétude, monsieur le sénateur, mais nous mettrons en place des outils afin d’examiner les moyens de réaliser ces économies.
J’en viens au sujet, que vous avez évoqué, des dépenses supplémentaires. Je laisse de côté la question des rythmes scolaires, qui fait l’objet d’un débat récurrent. Le ministre de l’éducation nationale a d’ailleurs fait droit à un certain nombre de demandes d’assouplissement à la fin de la semaine dernière.
Nous avons créé à la demande du Sénat, qui a choisi cette formule plutôt que celle d’un Haut Conseil des territoires, le Conseil national d’évaluation des normes, qui sera mis en place avant l’été et donnera plus de place aux élus. Nous suivrons attentivement ses propositions. MM. Lambert et Boulard en avaient eux-mêmes émis dans leur rapport sur l’inflation normative. Et M. Lambert, cette fois-ci associé à M. Malvy, en a fait d’autres relatives aux finances des collectivités territoriales, en posant, en parallèle, la grande problématique des normes.
Pour conclure, je souhaite vous dire que la question des services publics importe aussi à la citoyenne que je suis. Mais, comme vous et beaucoup d’autres, j’ai pris conscience que nous avions parfois manqué de simplicité. Or la complexité a entraîné des dépenses supplémentaires.
J’espère que nous parviendrons à résoudre ces problèmes, notamment grâce aux travaux menés au Sénat. Je compte beaucoup sur l’entrevue que j’aurai, le 5 mai prochain, avec les membres de la délégation aux collectivités territoriales, présidée par Mme Gourault, et qui devrait nous permettre de définir les bornes de ce travail.
Madame le ministre, j’approuve les mesures d’économie, mais il est très important que l’on n’y ajoute pas, dans le même temps, des dépenses supplémentaires.
À cet égard, l’attitude du précédent ministre de l’éducation nationale était selon moi tout à fait scandaleuse et dépourvue de tout sens des responsabilités. Quand on n’a pas assez d’argent, on commence par éviter d’ajouter des dépenses !
Par ailleurs, vous m’avez fait remarquer que 221 questions écrites, cela faisait beaucoup. Vous avez tout à fait raison, mais plus de 200 d’entre elles sont en fait des questions en attente de réponse depuis neuf mois. Si le ministère de l’intérieur avait fait son travail, il n’y en aurait pas 221, mais seulement 10 ou 15, et je ne vous en aurais même pas parlé ! Le seul et unique responsable de ce problème est le ministre, qui n’a pas répondu dans les délais. Il serait temps qu’il le fasse ! Si tel avait été le cas, je ne vous aurais pas importunée ; en effet, ce genre de situation n’est jamais agréable. Mais enfin, 221 questions écrites sans réponse, cela interpelle...
La parole est à Mme Claire-Lise Campion, auteur de la question n° 697, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.
Le 8 octobre 2013, faisant face à de graves difficultés financières, la direction d’Alcatel annonçait un nouveau plan de restructuration appelé « Shift ». Il s’agit du sixième plan social depuis 2006, c’est-à-dire depuis la fusion des entités Alcatel et Lucent.
Au gré de restructurations itératives, le groupe a vu ses effectifs de salariés fondre en France. Aujourd’hui, avec le plan Shift, ce sont près de 900 emplois qui sont menacés sur le territoire national. Le plan prévoit en effet un recentrage de l’activité sur les sites de Villarceaux et de Lannion, la fermeture des sites de Rennes et de Toulouse ainsi que la cession des sites d’Eu, d’Ormes et d’Orvault.
En Île-de-France, sur le site de Nozay, qui compte 3 277 salariés et qui est situé dans le département de l’Essonne dont je suis l’élue, 509 suppressions de postes sont prévues en 2014, tant dans l’avant-vente que dans l’après-vente.
Soulignons opportunément que, en dépit du soutien dont bénéficie Alcatel via des crédits d’impôts incitatifs, le groupe n’épargne pas les forces vives de son secteur recherche et développement. Ce dernier point suscite l’incompréhension des partenaires sociaux, qui s’interrogent sur l’usage et le gain de compétitivité tiré de ces crédits incitatifs, qu’ils jugent au service d’une stratégie de recherche et développement trop peu lisible.
Sous l’impulsion du Gouvernement, des discussions se sont engagées avec la direction. Les échanges ont débouché sur une première révision du volet français du plan Shift. Il s’agit là d’un premier pas en direction du maintien de l’emploi qui doit en appeler d’autres.
Au-delà de la question de l’emploi, les organisations syndicales ont manifesté leur volonté de jouer pleinement leur rôle de partenaire en formulant des propositions d’orientation stratégique, tel le développement de l’activité autour du domaine de la cyber-sécurité. Elles souhaitent ainsi participer à la rénovation d’un fleuron de la technologie française et s’assurer que cette nouvelle restructuration marquera le point final d’une longue série.
Aussi, je souhaitais demander à M. le ministre de l’économie de m’indiquer les mesures envisagées par le Gouvernement sur ce dossier, au regard de cet objectif : la préservation au mieux de l’emploi, tout en créant les conditions d’un avenir industriel au cap éclairé, pérenne et ambitieux pour le dernier constructeur de matériel de télécommunications en France.
Madame la sénatrice, la question que vous posez m’intéresse particulièrement, car, même si un ministre n’est plus qu’un ministre, je viens d’une région où se trouve l’un des établissements d’Alcatel-Lucent devant lequel je passe régulièrement. Vous avez eu raison de l’inscrire à l’ordre du jour des travaux du Sénat.
Dans le contexte actuel, où les résultats financiers négatifs continuent de mettre en danger la pérennité de l’entreprise, le groupe Alcatel-Lucent, confronté à de profondes difficultés, est face à la nécessité de prendre des mesures propres à préserver sa pérennité. Vous avez à juste titre souligné la position des élus et des syndicats.
Le plan de redressement en trois ans mis en œuvre par la direction d’Alcatel-Lucent vise à recentrer le groupe sur ses atouts forts et à faire du généraliste d’équipements de télécommunications un spécialiste des réseaux à très haut débit fixe et mobile et de l’internet protocole, segments sur lesquels il dispose de savoir-faire reconnus et générateurs de valeur ajoutée. C’est une évolution forte pour le groupe qui entend ainsi capitaliser sur ses domaines d’excellence.
Le rebond d’Alcatel-Lucent est une nécessité pour l’industrie française. Il passe non seulement par le renforcement d’un point de vue industriel, mais également par la solidarité entre les différents acteurs de la filière. L’appel au patriotisme économique que mon collègue Arnaud Montebourg a lancé en direction des opérateurs de télécommunications français s’est d’ores et déjà traduit par la signature de premiers partenariats, lesquels doivent en appeler d’autres.
Les premiers mois de mise en œuvre du plan Shift ont déjà produit des résultats encourageants. Ainsi, la perception par le marché du risque représenté par Alcatel-Lucent a changé : de nouveaux partenariats stratégiques ont été signés, notamment avec Qualcomm dans les small cells. En outre, de nouveaux clients lui ont fait confiance, ce qui, même si ce n’est pas suffisant, a rassuré une partie des syndicats : je pense au contrat avec Telefonica sur la 4G prévoyant le déploiement de 8 000 stations, soit 60 % du déploiement total de Telefonica en Espagne, au contrat 4G remporté en Chine avec China mobile, aux deux contrats majeurs de déploiement du très haut débit fibre en Espagne.
Parallèlement, sans remettre en question la nécessité de cette nouvelle restructuration, vous le savez et je vous remercie de l’avoir souligné, le Gouvernement a appelé Alcatel-Lucent à faire ses meilleurs efforts pour préserver sa base industrielle en France et à y maintenir le plus grand nombre d’emplois. Le discours qu’a prononcé hier le Président de la République devant l’ensemble des préfets et directeurs de notre administration allait dans ce sens.
Arnaud Montebourg a demandé à Alcatel-Lucent de formuler des propositions concrètes, d’une part, sur la réduction du nombre de suppressions d’emplois prévues en France et, d’autre part, sur la mise en place de solutions de substitution sur les sites dont l’entreprise envisage de se désengager, pour y maintenir une activité industrielle.
À ce stade, la suppression de 637 postes au lieu des 877 initialement prévus, soit 240 postes préservés, n’est bien sûr pas de nature à satisfaire tous les salariés. Toutefois, nous notons aussi le transfert à des partenaires d’environ 700 emplois et près de 500 mobilités dans le groupe. Cette annonce résulte d’un processus de concertation avec les organisations syndicales que le Gouvernement a fortement encouragé et soutenu.
Les postes préservés concerneront essentiellement la région parisienne. En effet, conscient de son rôle majeur dans le développement d’une filière télécom d’excellence en France, Alcatel-Lucent a décidé de maintenir la recherche du groupe en France en la réorientant vers les technologies du futur et en renforçant les effectifs de recherche et développement sur ces technologies : réseaux internet IP, cloud et accès très haut débit fixe et mobile. Villarceaux deviendra ainsi le premier centre de recherche et développement du groupe en Europe et sera la vitrine d’Alcatel-Lucent en France. En outre, 200 jeunes techniciens et ingénieurs seront recrutés afin d’acquérir de nouvelles compétences et d’augmenter le potentiel d’innovation des équipes. Madame la sénatrice, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à toutes ces discussions.
Quant au site de Lannion, tourné vers la 4G, les technologies et logiciels IP, il voit également sa place au sein d’Alcatel-Lucent renforcée par ce plan.
J’en viens au site d’Orvault. La solution de substitution présentée par Alcatel-Lucent d’un maintien d’activité sur le site dont la montée en charge sera accompagnée par des commandes d’Alcatel-Lucent s’inscrit dans une dynamique de renforcement de la filière. Les interrogations qui demeurent sur les modalités de fonctionnement de ce partenariat, ainsi que sur les solutions proposées pour d’autres sites, appellent la direction d’Alcatel-Lucent à poursuivre ses efforts pour répondre aux inquiétudes légitimes exprimées par les salariés. Arnaud Montebourg n’a pas manqué de le rappeler. Il entend aujourd'hui votre préoccupation, madame la sénatrice.
Le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique se veut confiant dans la construction de ce pacte de responsabilité à l’échelle de la filière télécom. Il vous appelle à partager sa confiance. Le partenariat annoncé par SFR et les partenariats à venir avec d’autres opérateurs démontrent l’efficacité de l’appel au patriotisme économique dans un secteur où les enjeux de souveraineté pèsent fortement. La désignation d’Alcatel comme chef de file de l’un des trente-quatre plans industriels, appelé « souveraineté télécoms », s’inscrit dans la même démarche de consolidation de la filière télécom française.
C’est toute la cohérence de la politique du Gouvernement. Comme l’a indiqué Michel Combes, le patriotisme économique est acquis chez nos concurrents. Le Gouvernement se félicite donc qu’il progresse pareillement chez nous.
Le soutien de tous les élus est nécessaire, tout comme l’est l’apport extrêmement précieux que peuvent apporter les salariés. Vous avez donc eu raison de souligner la qualité du travail des organisations syndicales françaises. Je profite de mon intervention pour le dire à mon tour : leur réalisme, leur inventivité, leur connaissance des dossiers permettent souvent au Gouvernement et aux élus de mieux sensibiliser les groupes au patriotisme économique.
Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse aussi détaillée que complète. Je suis très satisfaite d’entendre que la signature de ces premiers partenariats doit en appeler d’autres. J’ai pleinement confiance, et je resterai très attentive à la suite que le Gouvernement donnera à ce dossier.
Je vous remercie tout particulièrement de vos propos, que je partage, sur l’inventivité et la qualité du travail de nos organisations syndicales. Je leur en ferai part, et je ne doute pas qu’elles les apprécieront.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures vingt-cinq, est reprise à onze heures trente.
La parole est à M. Jean-Claude Leroy, auteur de la question n° 692, adressée à M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.
Cette question importante porte sur la situation de l’industrie cimentière française.
L’industrie cimentière française se trouve en difficulté, la consommation de ciment en France ayant fortement baissé durant ces dernières années. Alors que 21, 4 millions de tonnes de ciment ont été consommées en 2011, la consommation en 2012 a été de 19, 9 millions de tonnes, ce qui représente une baisse de près de 7 %. Selon les estimations, la chute de la consommation de ciment aurait été de l’ordre de 9 % en 2013.
Parallèlement, cette industrie doit faire face à une concurrence étrangère de plus en plus importante, que l’on peut qualifier de déloyale. Les importations de ciment continuent de progresser, de l’ordre de 5 %, passant de 1, 8 million de tonnes en 2011 à 1, 9 million en 2012. Environ 10 % du ciment consommé en France est désormais importé. Les cimentiers sont ainsi confrontés à l’introduction de ciment et de clinker importés de pays aux normes sociales et environnementales beaucoup moins contraignantes que celles qui sont appliquées en France, ce qui engendre des surcoûts de l’ordre de 10 % à 20 %.
Si le respect des normes environnementales est primordial et n’est aucunement remis en cause par l’industrie cimentière, il place cette dernière dans une position défavorable par rapport à ses concurrents étrangers. Les professionnels du secteur estiment en effet l’empreinte carbone de certains ciments importés supérieure de 75 % à celle d’un ciment produit en France.
Devant cette situation, la mise en place de mesures visant à éviter cette concurrence déloyale et à restaurer la compétitivité de l’industrie française a été évoquée. L’instauration d’une fiscalité écologique afin de taxer les importations qui ont des empreintes carbone trop élevées est l’une d’entre elles.
Par ailleurs, l’industrie cimentière est fortement pénalisée par le prix de l’énergie, qui augmente en Europe et qui diminue dans le reste du monde. Ce coût est capital pour ce secteur très gros consommateur d’énergie. La prise en compte des spécificités de l’industrie dans le cadre du débat sur la transition énergétique permettrait de limiter cette hausse des coûts de l’énergie.
C’est dans ce contexte qu’a été récemment annoncée la fusion entre les groupes Lafarge et Holcim. Si l’objectif affiché est de réaliser des synergies, estimées à hauteur de 1, 4 milliard d’euros annuels au bout de trois ans, ce rapprochement suscite beaucoup d’inquiétudes, notamment dans le Pas-de-Calais sur le site de Lumbres, canton dans lequel je suis également élu. Les cessions d’actifs auxquelles vont procéder ces entreprises pour satisfaire aux exigences des autorités de la concurrence font craindre des réorganisations et des reconfigurations de sites, avec des conséquences sur l’emploi.
Ma question, madame la secrétaire d'État, est donc double : d’une part, pouvez-vous donner des indications sur les suites que M. le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique entend donner aux différentes solutions précédemment mentionnées et qui ont été évoquées à plusieurs reprises devant les représentants du secteur ? D’autre part, au vu de l’actualité, pouvez-vous rassurer les salariés concernés et donner des garanties quant au soutien apporté à l’industrie cimentière française et à ses emplois ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Arnaud Montebourg. Il connaît votre engagement en faveur de l’industrie cimentière et m’a demandé de vous transmettre sa réponse aujourd’hui.
Vous le savez, la compétitivité des entreprises françaises est au cœur des préoccupations quotidiennes du ministère de l’économie et du redressement productif. Les cimenteries font partie de la filière des industries extractives et de première transformation pour lesquelles Arnaud Montebourg a installé un comité stratégique de filière en mai dernier. Ce comité rassemble toute la filière comme l’aluminium, l’acier, les métaux non ferreux, le verre, les minéraux industriels, les granulats et le ciment ; il a beaucoup travaillé pour produire un contrat de filière, qui sera signé très prochainement. Ce contrat comportera de nombreuses mesures et engagements réciproques des entreprises et de l’État en matière de compétitivité qui s’appliqueront aux cimenteries.
Concernant la question spécifique des émissions de carbone, selon la directive sur les quotas d’émissions de CO2, dite directive ETS – European Trading Scheme –, les secteurs exposés au risque de fuite de carbone bénéficient de quotas gratuits. Pour le secteur cimentier qui vous intéresse, monsieur le sénateur, des allocations de quotas sont calculées en référence aux émissions des meilleures cimenteries européennes.
La Commission européenne revoit tous les cinq ans la liste des secteurs exposés au risque de délocalisation. L’industrie cimentière avait été inscrite lors de l’évaluation de 2009 en raison de l’importance du coût du CO2 dans la valeur ajoutée du secteur. Elle s’apprête à revoir la liste des secteurs exposés à ce risque pour la période 2015-2019.
La position française, exprimée dans la réponse à la consultation de la Commission européenne sur le Livre vert « énergie-climat 2030 », est sans ambiguïté en faveur de la stabilité de la liste : « En tout état de cause, à ce stade, il n’apparaît pas souhaitable que la liste des secteurs considérés comme exposés à un risque important de fuites de carbone, telle que définie par décision de la Commission, soit restreinte dans son périmètre. »
Nous serons bien entendu vigilants quant à cet objectif comme sur la compétitivité de la filière industrie extractive et de première transformation en général.
Vous avez également abordé la fusion entre Lafarge et Holcim. M. Arnaud Montebourg a pu échanger avec le président de l’entreprise Lafarge récemment. Il a exprimé la grande vigilance du Gouvernement sur ce que la France peut en tirer comme avantages, sur la préservation du niveau d’investissements en France et sur le maintien absolu de l’emploi.
Les premières informations dont il dispose sont encourageantes : le centre de recherche et développement pourrait devenir le centre de recherche mondial du nouvel ensemble. Les conséquences d’un éventuel transfert du siège social vers la Suisse font l’objet d’un examen extrêmement attentif.
En ce qui concerne plus particulièrement le site de Lumbres, le Gouvernement est en mesure de vous apporter de premiers éléments de réponse. S’il existe aujourd’hui plusieurs sites cimentiers dans le Nord-Pas-de-Calais, la cimenterie de Lumbres est la seule détenue par le futur rassemblement Holcim-Lafarge.
Lors d’une conférence de presse tenue le 7 avril dernier à Paris, le président d’Holcim, Rolf Soiron, et le président-directeur général de Lafarge, Bruno Lafont, ont indiqué : « Il n’y aura aucune fermeture d’usines et l’impact sur l’emploi sera très limité ». L’avenir du site de Lumbres sera suivi avec la même vigilance que l’ensemble du groupe.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments que le ministère est en mesure de vous livrer à ce jour. L’équipe d’Arnaud Montebourg se tient à votre entière disposition si vous souhaitiez obtenir des explications complémentaires.
La parole est à M. Christian Cambon, en remplacement de M. Michel Bécot, auteur de la question n° 702, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Michel Bécot, qui n’a pas pu se libérer ce matin en raison d’un empêchement important.
M. Michel Bécot souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur la distorsion de concurrence liée aux taux de taxe sur la valeur ajoutée différenciés entre la restauration et la grande distribution.
Dans de très nombreux établissements citadins d’enseignes de grandes et moyennes surfaces, il est aujourd’hui assez fréquent de trouver entre les caisses et les portes de sortie un espace de « détente » aménagé de tables, de chaises et de fours à micro-ondes.
Constatant que ce type d’établissement vend des pizzas prêtes à être réchauffées, des quiches, des sushis, et ce comme les restaurants, les professionnels de la restauration constatent chaque jour davantage de distorsion de concurrence en raison du taux de TVA facturé aux consommateurs selon qu’ils achètent ces produits dans des enseignes de grandes et moyennes surfaces ou au sein de restaurants.
En d’autres termes, quand un restaurant facture une vente à un taux de TVA de 10 %, un établissement de grande et moyenne surface facture, lui, le même service à un taux de TVA de 5, 5 %, soit au taux de TVA applicable à la vente à emporter.
De ce fait, les enseignes de grandes et moyennes surfaces, compte tenu du flou qu’elles entretiennent sur l’activité de snacking créée à leurs portes, bénéficient de presque 5 points de TVA d’écart comparé aux établissements de la restauration.
Il est aisément compréhensible que cela suscite l’étonnement, pour ne pas dire la colère des professionnels de la restauration que nous tentons ici, par diverses initiatives parlementaires, de soutenir. Aussi, quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre en vue de mettre fin à cette distorsion de concurrence ?
Monsieur le sénateur, les préoccupations que vous évoquez sont légitimes. Ma réponse sera d’ordre fiscal, et donc forcément un peu technique.
S’agissant du secteur de la restauration, il convient tout d'abord de rappeler qu’en contrepartie de l’avantage fiscal accordé en 2009 par le Gouvernement dans le cadre d’un « contrat d’avenir » – le taux de TVA passant de 19, 6 % à 5, 5 % avant de remonter à 7 % au début de 2012 –, les professionnels du secteur avaient pris des engagements en matière d’emploi, de prix et d’investissements. Le bilan du contrat d’avenir dressé par le ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme, en concertation avec les professionnels, à la fin de l’année 2012, a fait ressortir les efforts accomplis par la profession, en particulier en matière de création d’emplois et d’amélioration des conditions de travail des salariés de la restauration. Ce bilan a également permis d’identifier des marges de progression pour ce qui concerne plus spécifiquement la formation et la lutte contre le travail illégal.
À l’issue de ce bilan, le Gouvernement a pris la décision de maintenir l’application d’un taux intermédiaire de TVA à la restauration et demandé au secteur de poursuivre ses efforts, notamment en matière de création d’emplois. Au 1er janvier 2014, le taux intermédiaire de TVA, qui concerne la restauration mais pas seulement, a été relevé de 7 % à 10 %. Rappelons que la refonte des taux de TVA intervenue en début d’année a pour but de financer le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui vise à améliorer la compétitivité de nos entreprises. Malgré tout, le secteur de la restauration continue de bénéficier d’un taux largement inférieur au taux normal de TVA, qui est de 20 %.
À l’issue d’une large concertation, l’administration fiscale a commenté, par une instruction du 8 février 2012, les dispositions applicables au taux intermédiaire de TVA. Cette instruction, vous le savez peut-être, a été attaquée devant le Conseil d’État.
La haute juridiction, par un arrêt du 11 février 2013, a rejeté ce recours en considérant que le taux de 10 % s’applique aux ventes à emporter ou à livrer de produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate – il s’agit donc de produits périssables ; le taux de 5, 5 % s’applique pour les produits destinés à être conservés et qui disposent d’un emballage prévu à cet effet.
Le Conseil d’État a notamment considéré que « les produits alimentaires préparés en vue d’une consommation immédiate s’entendent des produits dont la nature, le conditionnement ou la présentation induisent leur consommation dès l’achat ; que les sandwichs, quel que soit leur conditionnement, doivent être regardés comme des produits préparés en vue d’une consommation immédiate ; qu’il en va de même pour les salades vendues […] avec un assaisonnement séparé ».
Cette distinction de taux s’applique quel que soit le lieu de vente, donc aux restaurants comme aux grandes surfaces ou aux boulangeries.
Les services fiscaux ont rappelé à cette occasion que les grandes surfaces qui ne respecteraient pas les taux de TVA applicables selon les produits feraient l’objet de redressements.
Le Gouvernement s’assurera que ces règles fiscales, éclairées par la jurisprudence récente du Conseil d’État, n’instaurent pas de situations de concurrence déloyale qui pourraient s’opérer au détriment des professionnels de la restauration.
Je remercie Mme la secrétaire d’État de sa réponse. Je ne suis pas certain que les restaurateurs seront tout à fait rassurés par ses propos et par l’exégèse de la décision du Conseil d’État. Je souhaiterais du reste que les conseillers d’État viennent plus souvent déjeuner dans les snacks des grandes surfaces ; ils comprendraient ainsi le peu de différence entre ce qui se passe dans les restaurants et dans ces grandes et moyennes surfaces.
Cela étant posé, la différence de TVA est très lourde à supporter et crée une véritable distorsion de concurrence. J’espère que le ministère des finances sera attentif à ce problème et apportera une réponse satisfaisante à la profession, qui est très en colère face à cette situation.
La parole est à M. Christian Cambon, auteur de la question n° 518, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Le diabète est une maladie chronique qui concerne environ 3 millions de personnes en France, soit 5 % de la population. Chaque jour, 400 nouveaux cas de diabète sont diagnostiqués. Selon les prévisions, d’ici dix à quinze ans, un Français sur dix sera touché si rien n’est fait. Cette maladie est responsable d’environ 30 000 décès chaque année dans notre pays.
Dénoncé par l’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, le nombre de diabétiques devrait quasiment doubler au niveau international d’ici à 2020. Le diabète devient donc un problème de santé publique majeur, d’autant que ses complications, lorsque la prise en charge est inadaptée, sont graves et coûteuses sur le plan tant humain qu’économique.
Le diabète se subdivise en diabète de type 1 et en diabète de type 2. L’explosion du nombre de diabétiques prévue par l’OMS concerne essentiellement le diabète de type 2, appelé diabète gras. Pouvant être qualifié d’épidémie, ce diabète coïncide avec l’évolution inquiétante des problèmes liés au surpoids. L’obésité touchait, en 2012, 15 % de la population adulte, correspondant à près de 7 millions d’obèses, soit environ 3, 3 millions de personnes de plus qu’en 1997.
L’âge élevé, la sédentarité et le surpoids sont les principaux facteurs de risque – les deux derniers étant accessibles à la prévention – pour 90 % des diabètes.
Plus d’un tiers des personnes atteintes ignorent leur maladie, car, au début, aucun symptôme identifiable ne se manifeste. Faute de traitement, les complications peuvent être sévères : infarctus, cécité, maladies rénales, ... La maladie est insidieuse et évolue dans la durée.
L’aspect économique est aussi très important : le coût du traitement d’un patient diabétique pour l’assurance maladie peut aller de 600 euros au moment des premiers symptômes à 42 000 euros lorsque les complications surgissent. Deux diabétiques sur trois sont en affection longue durée pour un coût de près de 9 milliards d’euros, en augmentation de près de 10 % par an.
Face à ce fléau, les associations concernées, telles que l’Association française des diabétiques, la Société francophone du diabète et l’Aide aux jeunes diabétiques, se sont réunies pour lancer une campagne de mobilisation « Tous contre le diabète » afin d’obtenir le label « grande cause nationale » pour l’année 2014. Malheureusement, le Gouvernement n’a pas décidé de retenir cette maladie comme grande cause nationale. Cette décision laisse médecins, patients et associations dans un grand désarroi.
Ce label aurait pourtant permis de construire une vraie politique de prévention et de dépistage. Face à ce choix, le collectif « Tous contre le diabète » a décidé de ne pas organiser cette année la semaine nationale de prévention et de sensibilisation au diabète. Cet événement avait pourtant mobilisé les 104 associations en 2013 et permis d’effectuer plus de 1, 5 million de tests de risque.
Ma question est simple : face à cette situation alarmante et alors qu’il est impératif de renforcer l’information sur le diabète, ainsi que la prévention et l’accompagnement des personnes concernées, quelles actions de prévention le Gouvernement souhaite-t-il développer auprès des populations à risque pour combattre cette pandémie ? Peut-on imaginer qu’en 2015 cette lutte devienne à nouveau une grande cause nationale ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Touraine, qui ne peut être présente ce matin.
Le diabète est une maladie métabolique chronique à l’origine d’une morbi-mortalité élevée, favorisée par son ancienneté et son déséquilibre. Je ne vous apprends rien, vous l’avez d’ailleurs évoqué, mais il n’est pas inutile de rappeler qu’il existe deux types de diabète bien distincts : le diabète de type 1, d’emblée insulino-dépendant, représente moins de 10 % des diabétiques et concerne principalement les enfants et les sujets jeunes ; le diabète de type 2, causé par une résistance à l’insuline, est quant à lui la forme la plus fréquente de cette maladie. Longtemps asymptomatique, ce dernier touche des adultes au-delà de quarante-cinq ans. Le nombre de personnes atteintes augmente avec le vieillissement de la population et les inégalités socio-économiques.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, il faut effectivement appeler à la mobilisation contre cette maladie chronique en pleine expansion. Depuis 2011, le seuil des 3 millions de personnes traitées pour diabète a été franchi. Sur les dix dernières années, ce nombre a ainsi augmenté d’environ 5, 4 % par an.
Parce qu’il constitue un enjeu majeur de santé publique, le diabète est au cœur de la stratégie nationale de santé, présentée par la ministre des affaires sociales et de la santé le 23 septembre dernier. Nous le retrouvons ainsi dans les trois axes de la stratégie nationale de santé.
Il est tout d’abord au centre de l’axe « prévention » de cette stratégie. Il s’agit en effet d’agir tôt, avec un objectif pédagogique fort, en privilégiant l’éducation à la santé pour éviter, dès l’enfance, le surpoids et l’obésité et favoriser à tous les âges une alimentation adaptée et l’exercice physique régulier. Pour éviter les complications suivant l’apparition d’un diabète, il s’agira également d’intensifier l’éducation thérapeutique et les programmes d’accompagnement et de renforcer le rôle des « patients-experts » afin de faire du patient un véritable acteur de sa prise en charge.
Le diabète est également une priorité du deuxième axe de la stratégie nationale, c’est-à-dire l’organisation des soins autour des patients et la garantie d’un égal accès aux soins. Les patients atteints de diabète verront ainsi leur parcours de soins simplifié, recentré autour du médecin traitant, avec une coopération renforcée entre professionnels, notamment avec les endocrinologues.
Enfin, Mme Touraine est particulièrement attentive au renforcement de l’information et des droits des personnes touchées par le diabète, le renforcement de la « démocratie sanitaire » constituant le troisième axe de la stratégie nationale de santé.
Monsieur le sénateur, comme vous pouvez le constater, les travaux engagés sous l’égide de la stratégie nationale de santé apportent des réponses concrètes pour lutter contre la véritable épidémie que constitue aujourd’hui le diabète, en France comme ailleurs dans le monde.
Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de ces précisions. Tous ces éléments montrent que le Gouvernement souhaite se mobiliser sur tous les fronts pour faire face à cette épidémie très inquiétante à la fois sur le plan de la santé publique et sur celui de l’économie de la santé.
Néanmoins, je renouvelle mon regret et celui des associations, des patients et des médecins que le thème porteur de la campagne nationale n’ait pas été utilisé. Le Premier ministre, M. Ayrault, avait choisi d’ériger l’engagement associatif en grande cause nationale pour 2014. Si cet engagement est important, la lutte contre le diabète, vous l’avez rappelé, reste malgré tout une priorité.
J’ose donc espérer, au nom de tous les malades et de toutes celles et tous ceux qui se battent, y compris dans le secteur de la recherche, pour faire en sorte de limiter le développement de cette maladie, que nous pourrons ériger cette lutte en grande cause nationale dans les années qui viennent. L’information, à travers les grands supports médias, joue un rôle très important pour combattre une maladie dont nous avons rappelé, vous et moi, qu’elle était cachée au début et qu’elle procurait, lorsqu’elle était mal identifiée au départ, beaucoup de désagréments et de complications.
La parole est à M. Hervé Marseille, auteur de la question n° 682, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Dernier né des institutions ordinales, l’ordre national des infirmiers a été créé par la volonté du législateur le 21 décembre 2006.
La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a confirmé les dispositions de 2006 prévoyant la rédaction d’un code de déontologie par l’ordre, charge au ministère d’édicter ce code sous la forme d’un décret en Conseil d’État.
Vous le savez, l’ordre national des infirmiers, comme l’ensemble des institutions ordinales de notre pays, a reçu délégation des pouvoirs publics. Ainsi, il exerce des fonctions juridictionnelles au travers de ses chambres disciplinaires, présidées par des magistrats de tribunaux administratifs et par un conseiller d’État au niveau national dont les décisions sont susceptibles d’être déférées devant le Conseil d’État. De fait, il contrôle l’accès à la profession et garantit la sécurité des soins pour les patients en veillant au respect des bonnes pratiques et de la déontologie.
Actuellement, cette juridiction ordinale fonde ses décisions sur des règles professionnelles incluses dans le code de la santé publique. Or ces dernières datent de 1993 et n’ont pas été mises à jour, alors que la législation sanitaire a considérablement évolué depuis vingt ans et que la profession d’infirmier est elle-même en complète mutation.
Il apparaît aujourd’hui indispensable que ces règles professionnelles prennent en compte les évolutions affectant le monde de la santé et plus particulièrement l’exercice infirmier. Dernier exemple en date : la volonté affichée de M. le Président de la République de créer un statut d’infirmière clinicienne pour 2016. Il s’agit d’une mesure annoncée dans le cadre du plan cancer III et attendue depuis longtemps par la profession. Ces professionnels aux « pratiques avancées », qui auront suivi une formation sur cinq ans, pourront accomplir certains actes médicaux comme la consultation ou la prescription.
De même, en appelant de ses vœux, dans le cadre de la stratégie nationale de santé, l’exercice pluriprofessionnel, Mme Touraine va augmenter le champ de compétences des infirmières et infirmiers. Cette augmentation de compétences ou, en d’autres termes, de droits, appelle un corollaire immédiat : l’augmentation des devoirs. Ces derniers doivent être identifiés et contrôlés par l’ordre au travers du respect de règles facilement identifiables par le professionnel ou par les patients au sein d’un document unique.
Au vu de ces constats, pouvons-nous réellement envisager une évolution des pratiques sans évolution de la déontologie ? La réponse est non ! Il est donc naturel de revoir les règles professionnelles inhérentes à la profession d’infirmier. C’est ainsi que l’existence même d’un code de déontologie pour les infirmiers est requise.
L’ordre national des infirmiers a présenté aux services du ministère un projet de code de déontologie au premier semestre de 2010. Quatre ans après, le décret n’a toujours pas été pris, au mépris patent de la lettre du législateur. Le document, qui ne fait que vingt-quatre pages, est pourtant rédigé en français ! Cela est d’autant plus étrange que, depuis 2012, des avenants au code des sages-femmes et des pédicures podologues ont été pris par décret en Conseil d’État sans aucun souci et dans un délai de quelques mois après leur transmission par les ordres concernés.
Certaines situations sont pourtant alarmantes. Je tiens notamment à appeler l’attention de Mme la ministre sur les cas de refus de soins, par des infirmiers en exercice libéral, de patients connaissant de très lourdes prises en charge mais restant à leur domicile par choix ou faute de place en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
Face à l’ancienneté et l’imprécision des textes sur les refus de soins, le juge ordinal ne peut aujourd’hui juger avec précision les professionnels mis en cause et prendre en compte la complexité des situations. La santé publique gagnerait à ce que les structures disciplinaires de l’ordre des infirmiers puissent s’appuyer sur un texte remis à jour. Le code de déontologie répondrait à cet impératif.
Autre exemple, celui de la publicité : il serait utile de préciser l’usage que les infirmiers peuvent faire d’internet, qui n’existait simplement pas en 1993. Ici encore, la rédaction du code répondrait à cette nécessaire mise à jour.
Aussi, je vous prie, madame la secrétaire d’État, de bien vouloir nous préciser sous quels délais sera édicté le décret d’application de la loi du 21 décembre 2006 portant code de déontologie des infirmiers. Il s’agit d’un impératif pour la qualité des soins que nous devons à nos concitoyens.
Monsieur le sénateur, il convient d’abord de rappeler que la profession d’infirmier ou d’infirmière dispose déjà de règles professionnelles. En effet, en application des dispositions législatives définissant la profession d’infirmier, ces règles ont été élaborées et publiées en 1993 à l’occasion de la réforme de la formation et de l’exercice de la profession. Elles ont fait l’objet d’adaptation au fil du temps et s’organisent autour de grandes thématiques.
La première d’entre elles concerne les dispositions communes relatives aux devoirs généraux de l’infirmier, la seconde les règles spécifiques aux différents modes d’exercice, salarié ou libéral. Pour ce dernier mode sont notamment réglementées les relations entre confrères et les conditions d’installation et de remplacement. Tout manquement aux règles d’exercice et de déontologie peut d'ores et déjà faire l’objet d’une action disciplinaire à l’encontre de l’infirmier concerné.
Les chambres disciplinaires ont pu fonctionner de manière effective depuis 2010, à la suite de la création de l’ordre national des infirmiers, et ainsi rendre des décisions qui, pour certaines d’entre elles, ont débouché sur des sanctions disciplinaires. Les chambres disciplinaires de première instance ont déjà rendu plus de 200 décisions et la chambre nationale a statué en appel une cinquantaine de fois.
Monsieur le sénateur, la publication du projet de décret portant code de déontologie des infirmiers doit, par ailleurs, être examinée à l’aune des évolutions possibles concernant l’ordre national des infirmiers, compte tenu du questionnement récurrent de la légitimité de cet ordre auprès des infirmiers salariés depuis sa création en décembre 2006.
Je remercie Mme la secrétaire d’État de m’avoir apporté ces précisions.
J’observe que les services du ministère n’ont, depuis quatre ans, pas été en mesure de prendre ce décret et qu’aujourd’hui le Gouvernement évoque un problème de légitimité de l’ordre. Il s’agit d’un problème grave qui remet en cause le fondement même de l’existence de cet ordre, pourtant prévu par les textes. Je pense que l’ordre ainsi que la communauté des infirmières et des infirmiers apprécieront cette nouveauté !
La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 685, transmise à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Madame la secrétaire d’État, je souhaite appeler votre attention sur la situation du groupe BMS-UPSA et notamment sur le site de fabrication des médicaments à base de paracétamol implanté à Agen, qui est actuellement le premier employeur privé du Lot-et-Garonne et le deuxième employeur de la région Aquitaine.
Au mois de décembre 2013, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM, a informé BMS de son intention de créer un groupe générique, sans référence, pour le paracétamol.
Le département de Lot-et-Garonne est tout particulièrement concerné par le risque que fait courir une telle décision pour l’ensemble des 1 400 employés de l’usine d’Agen, dont 70 % de l’activité est dédiée à la production de paracétamol.
En sus des 120 employés du siège de Rueil-Malmaison, plus de 580 personnes sur les 1 400 travaillant à l’usine d’Agen sont directement liées à la production de paracétamol pour la France. Ces dernières seraient donc concernées en premier lieu, ce qui mettrait en péril l’ensemble de l’usine. À cela, il faut ajouter les 3 600 emplois de la sous-traitance.
Le site de fabrication d’Agen, dans lequel BMS a investi ces dix dernières années 230 millions d’euros a vu, sur la même période, un doublement de sa capacité de production et de ses emplois. Il est un acteur essentiel du dynamisme du territoire lot-et-garonnais.
Bien entendu, il ne faut en aucun cas négliger les efforts à fournir pour diminuer le déficit de l’assurance maladie par la vente de médicaments génériques. Cela étant, pour ce qui nous concerne, il s'agit d’un faux problème, car le paracétamol a toujours été dans le domaine concurrentiel.
BMS a constamment été disposé à participer à l’objectif national de réduction des déficits. À la fin de 2013, le groupe a d’ailleurs accepté une baisse de 6, 7 % du prix pour 2015, au terme d’une négociation avec le Comité économique des produits de santé, le CEPS.
Cependant, les économies souhaitées par l’État pour essayer d’équilibrer les comptes de la sécurité sociale vont avoir d’autres effets extrêmement néfastes pour l’économie du territoire. Alors que l’État ne récupérera que quelques centimes d’euros par boîte, avec un bénéfice incertain, un grand nombre d’emplois seront mis en péril, voire supprimés, et notre capacité à exporter et à rester indépendant à l’égard de cette production ne pourra pas perdurer.
Un rapport que nous avons communiqué au ministère montre que BMS-UPSA verse 70 millions d’euros de contribution à l’État et aux collectivités territoriales chaque année et que l’entreprise, depuis votre annonce, a gelé un plan d’investissement d’environ 60 millions de dollars.
Madame la secrétaire d’État, cela fait maintenant cinq longs mois que l’entreprise, les salariés et les syndicats sont dans l’attente.
Le 6 février dernier, j’ai posé une question d’actualité au Gouvernement sur ce même thème, duquel je n’ai obtenu aucune information claire. Trois mois sont passés, et il me semble qu’un arbitrage est impératif, compte tenu de la gravité de l’impact industriel et des menaces sur l’emploi que cette décision fait peser, aussi bien sur le bassin de vie agenais que sur le tissu économique local. Je souhaite donc, une nouvelle fois, connaître la position et les intentions du Gouvernement sur ce dossier.
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Touraine, qui s’est néanmoins déjà exprimée sur ce dossier à plusieurs reprises. Votre question touche à la fois à la maîtrise des dépenses de santé, à l’attractivité de notre territoire pour l’industrie pharmaceutique et, bien sûr, à l’emploi.
Dans ce dossier, nous recherchons une solution qui concilie la valorisation des médicaments génériques et l’emploi. Nous recherchons aussi une solution qui tienne compte des exigences de qualité du produit et de pérennité des approvisionnements, car le paracétamol est une molécule utile et efficace, dont, j’y insiste, le remboursement par la sécurité sociale doit être maintenu.
Marisol Touraine avait indiqué, lors des interventions auxquelles je faisais référence il y a un instant, que ce dossier serait traité dans le cadre du conseil stratégique de la dépense publique.
Le 16 avril dernier, le Premier ministre a présenté le plan d’économies sur les dépenses publiques entre 2015 et 2017. Il a fixé à cette occasion le montant des économies à réaliser sur les dépenses d’assurance maladie d’ici à 2017. C’est un effort ambitieux, mais à notre portée, qui nécessite une action volontaire sur l’évolution des dépenses de médicaments.
Le Gouvernement souhaite donc une baisse du prix des spécialités dont le brevet est tombé et qui ne sont pas inscrites au répertoire des génériques. Le paracétamol appartient à cette catégorie et son prix n’a pas bougé depuis 2005. La négociation engagée entre les industriels et le Comité économique des produits de santé doit donc se poursuivre et déboucher sur une baisse de prix plus importante que celle qui a déjà été envisagée. Cette baisse de prix doit être effective au début de l’année prochaine.
Le Gouvernement est également favorable à ce que cette démarche soit accompagnée d’une réflexion sur la taille des conditionnements.
Faut-il aller au-delà et inscrire le paracétamol dans le répertoire des génériques ? À ce stade, la réponse dépend encore des résultats de l’analyse des observations transmises par les trente-six laboratoires consultés par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. C’est un travail complexe, qu’il faut conduire avec soin, compte tenu non seulement des enjeux de santé publique que cela représente, mais aussi de l’inquiétude des salariés et des élus concernés. Vous connaissez d’ailleurs mon intérêt particulier sur ce dossier, monsieur le sénateur.
La ministre des affaires sociales et de la santé le sait, les entreprises ont besoin de visibilité et de temps pour s’adapter : aucune décision sur la « générication » ne sera donc prise à court terme. La réflexion se poursuit dans le cadre d’un travail plus global sur le développement des génériques, axe central du plan d’économies sur l’ONDAM présenté par le Gouvernement.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de cette réponse, qui montre que le ministère s’est vraiment emparé de cette question difficile. Jusqu’à présent en effet deux positions contradictoires opposaient le CEPS et l’ANSM.
Je voulais néanmoins appeler votre attention sur un point : le problème du générique n’est pas forcément celui du paracétamol, puisque ce dernier a toujours été dans le domaine public et soumis à une forte concurrence. Les différences de prix, d’ailleurs tous réglementés, entre les produits de BMS-UPSA et les médicaments génériques sont donc très faibles.
C’est dans la négociation que vous venez d’annoncer que résidera la solution et non pas dans la création d’un groupe générique, qui tendrait à favoriser les pharmaciens plutôt que la sécurité sociale. En effet, la procédure des remises, propres aux médicaments génériques, avantage les distributeurs. Dès lors, s’il y a des gains à attendre, c’est sur le prix tarifé qu’il faut agir.
Nous souhaitons désormais qu’une solution rapide soit trouvée, qui apporte de la visibilité à l’entreprise, laquelle a gelé, je le rappelle, un plan d’investissement de 66 millions de dollars, et qui réponde aux préoccupations des salariés et des syndicats, inquiets pour l’emploi.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à douze heures dix.
La parole est à Mme Éliane Assassi, auteur de la question n° 705, transmise à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, je suis très sensible à votre présence dans cet hémicycle pour répondre à une question à laquelle je suis extrêmement attachée.
Vous le savez, le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez, trois militantes kurdes, étaient exécutées dans les locaux de leur organisation parisienne. Ces femmes luttaient pour la reconnaissance des droits politiques et culturels de leur peuple.
Depuis, un suspect a été arrêté, connu pour ses sympathies avec des mouvements nationalistes d’extrême droite turcs. Le mode opératoire et des révélations récentes tendent à démontrer l’implication des services secrets turcs et ceux d’autres États européens. Il s’agirait donc d’un acte planifié de longue date.
L’affaire Adem Uzun, dont l’ensemble des poursuites et la procédure ont été récemment annulées par la cour d’appel de Paris, prouve la coopération de la police française avec la Turquie pour l’arrestation des militants kurdes sur le territoire français. Partant de ce constat, nous pouvons nous interroger sur le rôle des services de renseignements français, sur les informations concernant Ömer Güney, ainsi que sur ses plans d’assassinat.
Une enquête a été ouverte et suit son cours en dépit des obstacles nombreux, qui visent à masquer les commanditaires. On peut craindre en effet l’enlisement de l’affaire. Il est dans notre pays une macabre tradition, qui consiste à ne jamais élucider les crimes politiques.
Il est un aspect sur lequel je souhaiterais appeler votre attention, madame la garde des sceaux, et qui donne sens à ma question. À ce jour, les plus hautes autorités de l’État n’ont toujours pas reçu les familles de victimes, contrairement à l’usage établi. Je salue d’ailleurs certains membres d’entre elles, qui sont actuellement présents dans les tribunes du Sénat.
Dans cette épreuve, les familles ont besoin du soutien de la République, alors que les leurs portaient les valeurs de démocratie, de justice et du droit des peuples. Les autorités de la République, en les recevant, exprimeraient leur compassion et prendraient en considération leur souffrance. L’indifférence accroît l’immense préjudice que ces familles vivent. Elles reconnaîtraient ainsi leur statut de victimes. L’œuvre de justice n’est pas une simple procédure de répression ou de sanction ; elle doit permettre aux victimes d’être informées, d’occuper la place qui leur revient.
Être à la hauteur de la gravité de l’événement est une manière de dire que la République ne laissera pas faire. Ne pas les recevoir introduit un doute sur la détermination des autorités. Or la recherche de la vérité nécessite que les questions empreintes de doutes soient posées.
Les recevoir permettrait aussi d’envoyer un message clair aux commanditaires de ce triple crime : la France ne le laissera pas impuni ! Il s’agit, enfin, d’adresser un signe à tous les démocrates qui ont trouvé refuge chez nous : la France les protégera et sera à leurs côtés.
Les associations de solidarité, comme l’association de solidarité France-Kurdistan, qui m’a sollicitée, les élus de tous bords que j’ai pu rencontrer, les citoyens et les personnalités comme celles rassemblées autour du comité « Vérité et justice », les associations kurdes et les familles ont besoin de cet encouragement.
Dès lors, madame la garde des sceaux, ma question est toute simple : quand les plus hautes autorités de l’État recevront-elles ces familles ?
Madame la sénatrice, je vous remercie de cette question, qui va me permettre non seulement de donner quelques éléments d’appréciation, mais aussi, et surtout, d’exprimer ma compassion à l’égard des familles frappées par ce crime odieux, qui ne peut pas rester impuni.
Pour le courage et la constance dont elles ont fait preuve dans leurs engagements, pour la détermination avec laquelle elles ont fait connaître et respecter la cause de leur peuple, ces trois militantes, Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez, méritent, au-delà même de ce crime odieux, que la vérité soit faite.
Vous savez que trois juges d’instruction de la section antiterroriste de Paris ont été chargés d’une information judiciaire. Ils disposent bien entendu de tous les moyens d’investigation prévus par le code de procédure pénale, y compris d’ailleurs les outils de coopération judiciaire, dont les commissions rogatoires internationales, car il s’agit d’une affaire qui nécessite une coopération efficace.
Comme vous l’avez vous-même indiqué, une personne a été arrêtée et placée en détention provisoire, sous les chefs d’inculpation d’assassinats en lien avec une entreprise terroriste et d’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Elle demeure évidemment présumée innocente tant que le jugement n’a pas eu lieu. Mais les investigations nécessaires et les actes de procédure estimés utiles par les juges d’instruction pour la manifestation de la vérité sont menés.
Les familles des victimes se sont constituées parties civiles. Elles ont donc accès à l’entier dossier et doivent être régulièrement informées de l’avancée des investigations.
Vous avez évoqué l’attitude des autorités publiques. Comme vous le savez, en tant que garde des sceaux, je ne peux pas recevoir les familles et prendre ainsi le risque de fragiliser la procédure, en donnant à la partie adverse des éléments permettant d’en contester le déroulement neutre et indépendant. En revanche, votre question me donne l’occasion d’adresser la compassion et l’attention des autorités publiques aux familles.
En ma qualité de garde des sceaux, je continuerai de veiller à ce que les juges d’instruction disposent des moyens d’agir, c'est-à-dire des effectifs nécessaires – je pense notamment aux enquêteurs –, ainsi que des moyens d’information et d’accompagnement de la part de notre bureau d’enquêtes pénales internationales. Je m’assurerai donc qu’aucun obstacle matériel ou logistique ne vienne fragiliser l’avancée de l’enquête.
Au nom de l’ensemble du Gouvernement, j’exprime notre attention, notre respect, notre compassion et surtout notre détermination à ce que la vérité soit faite.
Madame la garde des sceaux, je vous remercie des mots de compassion que vous avez prononcés à l’égard des familles et de reconnaître les combats menés par ces femmes lâchement assassinées.
Je comprends bien les raisons – vous les avez explicitées – pour lesquelles vous ne pouvez pas recevoir les familles. Reste qu’il y a malheureusement des faits douloureux qui se passent dans notre pays et les familles des personnes concernées sont reçues et entendues par le Gouvernement.
En l’occurrence, bien que vos motifs puissent, je le répète, être entendus, il me semble que les familles pourraient être reçues, par exemple par M. le ministre de l’intérieur, même si les procédures sont en cours. Ces familles ont certes besoin de compassion, mais également d’encouragements pour les combats, malheureusement toujours d’actualité, de ces militantes. Il s’agit de reconnaître des batailles qui sont menées, sans d’ailleurs forcément être reprises dans les médias. Ce serait donc, me semble-t-il, un acte de la plus haute importance que M. le ministre de l’intérieur reçoive ces familles.
Je sais que je n’ai pas le droit de reprendre la parole. Toutefois, par respect pour Mme Assassi, et avec votre permission, madame la présidente, j’aimerais ajouter quelques éléments complémentaires.
Je vous remercie, madame la présidente.
Madame la sénatrice, si les familles ont la moindre interrogation sur le statut de victime, je les invite à se rapprocher de la direction des services judiciaires.
Dans le cadre de la loi de finances qui a été adoptée par le Parlement et de plusieurs dispositions que j’ai présentées à l’Assemblée nationale et au Sénat, nous avons pris des mesures en faveur de l’accueil des victimes. Vous savez par exemple que nous avons renforcé les crédits alloués aux associations accompagnant les victimes et avons ouvert des bureaux d’aide aux victimes dans toutes nos juridictions. Il est donc important que les victimes sachent qu’elles peuvent bénéficier d’une écoute et d’un lieu d’information. Elles peuvent aussi s’adresser à notre direction des services judiciaires, qui gère le fonctionnement général de nos juridictions.
Vous l’avez compris, en tant que garde des sceaux, je ne peux pas recevoir les familles, même si ma compassion est totale. Je peux transmettre votre interpellation au ministre de l’intérieur, et les familles de victimes peuvent également lui écrire et demander à être reçues. Toutefois, si la question est moins délicate pour lui, elle le demeure néanmoins, puisque les enquêteurs sont sous son autorité. Les enquêtes sont placées sous l’autorité du procureur de la République, mais les enquêteurs relèvent des effectifs du ministère de l’intérieur. La démarche peut donc être malaisée.
Mais n’ayez vraiment aucun doute quant au respect et à la considération du Gouvernement à l’égard des familles des victimes.
J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour remplacer en qualité de vice-président du Sénat M. Didier Guillaume, élu président du groupe socialiste et apparentés.
La candidature de Mme Christiane Demontès a été publiée sous forme électronique et la désignation aura lieu conformément à l’article 3 du règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Carle.