Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 29 avril 2014 à 14h30
Révision des condamnations pénales — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Par ailleurs, cette proposition de loi prévoit également d’instaurer, au sein de la Cour de cassation, un organe particulier, à savoir une cour unique de révision et de réexamen. Cette disposition est tout à fait intéressante, puisque, à ce jour, une telle instance n’existe pas.

Cette cour serait composée de dix-huit magistrats, dont cinq composeraient la commission d’instruction. Celle-ci aurait pour compétence de statuer à la fois sur les demandes en révision et sur les demandes en réexamen, quand bien même il s’agit de deux procédures différentes : la procédure de révision d’une condamnation est enclenchée dès lors qu’apparaît un doute, tandis que la procédure de réexamen a été instaurée en France à la suite d’une condamnation prononcée à l’encontre de notre pays par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH, en raison du doute qui pesait non pas sur la culpabilité du requérant, mais sur le caractère équitable du procès au terme duquel il avait été condamné.

Cette proposition de loi prévoit également d’améliorer les procédures en cours, dans la mesure où elle tend à permettre à la personne condamnée, avant même que celle-ci ne saisisse la cour de révision et de réexamen d’une demande en révision, de demander des investigations complémentaires.

Cette faculté mettrait pratiquement sur un pied d’égalité les personnes démunies et celles qui bénéficient de moyens d’investigation plus importants ou d’un plus grand soutien médiatique. Certaines affaires, bien qu’elles ne suscitent aucun émoi médiatique, pourraient à bon droit faire l’objet d’une révision.

Enfin, cette proposition de loi prévoit que les victimes seront désormais prévenues dès l’ouverture de la procédure de révision, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, puisqu’elles ne le sont qu’à partir du moment où la révision a été enclenchée.

Par ailleurs, le requérant sera obligatoirement assisté par un avocat à tous les stades de la procédure. Cela lui permettra d’être mieux défendu dès lors qu’il souhaitera remettre en cause une condamnation. Je rappelle que, actuellement, en l’absence de toute représentation par un avocat, les personnes ayant introduit une instance devant la cour de révision développent elles-mêmes leurs arguments pour convaincre ses membres.

Le sujet traité par cette proposition de loi est difficile et délicat, mais il est d’une très grande noblesse. La force et la grandeur de la justice, c’est l’autorité dont elle fait preuve pour que le procès pénal s’impose à la société, mais c’est aussi, dans une plus grande mesure encore, l’acceptation de sa propre faillibilité Or donner à la société et à nos concitoyens les moyens de contester une erreur judiciaire éventuelle, c’est indiscutablement renforcer la démocratie.

C’est ce qu’affirmait déjà Émile Zola lorsqu’il défendait le capitaine Dreyfus. Outre son magnifique « J’accuse… ! », il expliquait dans sa Lettre à la jeunesse comment l’erreur judiciaire est une force en marche, au sens où elle interpelle les consciences. Une fois que ces consciences sont interpellées, elles se mobilisent, elles mettent en œuvre tous leurs moyens de façon que la justice soit rétablie, que la justice soit dite.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est cette œuvre que vous allez accomplir encore cette après-midi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion