Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il faut avant tout constater que la révision des condamnations pénales reste d’une rareté extrême.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 1989, qui résultait, comme le texte qui nous est soumis cette après-midi, de l’initiative parlementaire, seules neuf condamnations criminelles ont été révisées. Neuf révisions seulement en vingt-cinq ans ! On peut s’en féliciter. Toutefois, il est permis de douter qu’il n’y ait eu, dans notre pays, que neuf erreurs judiciaires en un quart de siècle.
En réalité, on le sait, plusieurs obstacles s’opposent à la mise en œuvre de la procédure de révision. La présente proposition de loi apporte de nombreuses améliorations à ces procédures, par l’instauration d’une juridiction unique chargée indifféremment des demandes en révision et en réexamen. En matière de révision, le présent texte apporte également des modifications, par le renforcement des conditions d’exercice de ce recours.
Une étape importante a été franchie en 1989. La loi alors adoptée a, d’une part, judiciarisé l’intégralité de la procédure, et, d’autre part, affirmé très clairement le principe selon lequel la révélation d’un fait nouveau ou d’un élément inconnu au jour du procès peut être prise en compte non seulement lorsqu’elle démontre l’innocence, mais aussi lorsqu’elle fait naître un doute sur la culpabilité. Tous les orateurs qui viennent de se succéder à cette tribune l’ont souligné, c’est là un progrès considérable.
Globalement, il faut bien le reconnaître, depuis les premiers textes datant du début du XIXe siècle jusqu’à la dernière loi, adoptée en 2000, laquelle renforce la protection de la présomption d’innocence, la procédure de révision a été continuellement élargie.
La présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour du Sénat sur l’initiative du RDSE, est issue du travail de qualité effectué par les députés Georges Fenech et Alain Tourret.
Pourtant, la tâche est plus délicate qu’il n’y paraît au premier abord. Il convient en effet de concilier deux impératifs contraires, mais inhérents au fonctionnement même de notre système judiciaire : d’un côté, le souci de la vérité, c’est-à-dire cette impérieuse nécessité de lutter contre l’erreur judiciaire et de savoir la réparer lorsqu’elle survient, ce qui n’est pas simple ; de l’autre, le respect de l’autorité de la chose jugée.
Nous, législateurs et démocrates, le savons bien : une fois que la justice s’est prononcée sur le sort d’un accusé ou d’un prévenu, l’autorité de la chose jugée constitue un principe essentiel au maintien de l’ordre juridique. C’est un pilier essentiel de l’État de droit, mais aussi une garantie de la paix sociale.
Cependant, dans certains cas, ce principe ne peut être invoqué par les magistrats comme un obstacle au réexamen d’une affaire, car il n’est pas de pire injustice que de voir un innocent en prison. C’est de la capacité de notre système judiciaire et de notre devoir de législateur de reconnaître et de réparer nos propres erreurs et nos défaillances, qu’elles soient ou non imputables à un juge, à un enquêteur ou à un fait extérieur. Cet enjeu est essentiel : de ce dispositif dépend la confiance que chacun de nos concitoyens place dans la justice de notre pays.