Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 29 avril 2014 à 14h30
Révision des condamnations pénales — Article 3

Christiane Taubira, garde des sceaux :

Ces amendements n’ont pas tout à fait le même objet, même s’ils visent tous deux à étendre la liste des personnes habilitées à introduire une procédure de révision.

Madame Lipietz, je suis au regret d’émettre un avis défavorable sur votre amendement, dont l’objet est très large, pour les raisons que j’ai énoncées tout à l’heure à la tribune, à savoir que, pour la société elle-même, il y a un moment où le procès pénal doit être terminé.

La contestation d’une condamnation doit évidemment bénéficier de moyens et de temps plus importants que toutes les étapes de recours d’un procès pénal. Cependant, il faut à un moment considérer que l’affaire n’a presque plus d’effet.

C’est évidemment pour leur permettre de laver une mémoire que vous souhaitez autoriser les arrière-arrière-arrière-petits-enfants à introduire une procédure de révision. Toutefois, d’autres voies permettent d’obtenir un tel résultat ; je pense en particulier à la recherche historique. Il faut bien considérer que, au bout d’un certain temps, il n’y a plus de « matière fiable » sur le plan judiciaire.

J’émets en revanche un avis favorable sur l’amendement présenté par M. Tuheiava, qui vise à inclure les arrière-petits-enfants dans la liste des personnes habilitées.

Vous avez eu raison, monsieur le sénateur, d’évoquer le secret-défense et l’inaccessibilité des documents classés. Que se passe-t-il en cas de condamnation manifestement injuste ? Je précise que le fait de dire qu’une condamnation est manifestement injuste n’équivaut pas à un jugement : seule une procédure judiciaire peut permettre d’établir qu’il y a eu erreur judiciaire. Je pense par exemple aux affaires Seznec ou Pouvanaa a Oopa.

Il y a le temps des archives qui ne sont pas immédiatement accessibles, il y a le temps de la mémoire, de l’affect, et il y a le temps de l’action. Personnellement, je ne suis pas choquée par l’idée que c’est la génération des arrière-petits-enfants qui va sortir de l’écrasement, de la dimension affective, pour envisager l’action. Le délai est d'ailleurs relativement court : soixante ans pour les petits-enfants, et environ vingt de plus pour les arrière-petits-enfants. Voilà pourquoi j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 2.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion