Intervention de François Marc

Réunion du 29 avril 2014 à 14h30
Taxe communale sur la consommation finale d'électricité — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur :

… mais qui n’a malheureusement pas été repris par nos collègues députés.

Or, quelques semaines seulement après l’adoption définitive de la loi de finances rectificative, nous avons entendu s’exprimer une forte inquiétude des maires, relayée par les associations d’élus. C’est à cette inquiétude que la proposition de loi de nos collègues entend répondre. J’indique, au passage, qu’une proposition de loi très proche a été déposée, il y a quelques jours, par le groupe socialiste.

Ces quelques rappels introductifs conduisent à lever tout suspense quant à mes conclusions sur cette proposition de loi : chacun comprendra que je partage pleinement la volonté de ses auteurs.

La taxe communale sur la consommation finale d’électricité représente une recette importante pour les communes puisque son produit s’est élevé en 2013 à près de 1, 4 milliard d’euros. Elle est perçue par les communes, mais les EPCI, les syndicats intercommunaux ou les départements peuvent s’y substituer s’ils exercent la compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité.

Deux cas sont à distinguer : pour les communes de moins de 2 000 habitants, la perception par l’organisme de coopération ou le département est de droit ; pour les autres communes, la perception par l’organisme de coopération ou le département est soumise à délibérations concordantes des instances concernées. En pratique, de nombreuses communes de plus de 2 000 habitants, bien qu’ayant transféré la compétence d’autorité organisatrice, conservent le produit de la taxe.

L’article 45 de la loi de finances rectificative pour 2013 a prévu le transfert automatique, au 1er janvier 2015, de la perception de la taxe communale à l’EPCI, au syndicat ou au département ayant la compétence d’autorité organisatrice, quelle que soit la population de la commune considérée. Cette autorité pourrait ensuite reverser aux communes jusqu’à 50 % du produit de la taxe perçue sur leur territoire, après délibérations concordantes des instances concernées. On rappellera que cette possibilité de reversement n’était pas plafonnée jusqu’à présent.

La mise en œuvre du dispositif de la loi de finances rectificative pour 2013 entraînerait donc une perte de recettes significative pour les communes.

Le chiffre de 750 millions d’euros, avancé par le Gouvernement, et largement repris, est cependant légèrement surévalué selon nous. En effet, ce montant correspond au total du produit de la taxe perçu par les communes de plus de 2 000 habitants, mais de nombreuses villes, notamment les plus grandes, ont conservé la compétence d’autorité organisatrice et ne seraient donc pas concernées par le transfert. En conséquence, et d’après les informations que j’ai pu recueillir, les sommes transférées seraient de l’ordre de 250 millions d’euros.

À cette perte de recettes s’ajouterait cependant celle résultant du plafonnement à 50 % du reversement des syndicats à leurs communes membres, perte qui s’élèverait à au moins 75 millions d’euros.

Au total, le montant du transfert qui résulterait de la mise en œuvre du dispositif voté en loi de finances rectificative pour 2013 est probablement plus proche de 350 millions d’euros que des 750 millions avancés par le Gouvernement. Cela n’enlève rien, au demeurant, à l’appréciation que chacun peut porter sur l’opportunité d’un transfert qui représenterait, quoi qu’il en soit, des sommes très significatives.

À cet égard, les raisons qui avaient conduit la commission des finances à proposer la suppression du transfert automatique cet automne me semblent encore pleinement valables.

En premier lieu, nous n’étions pas favorables à une perte de recette pour les communes – qui le serait aujourd’hui ? – dans un contexte financier contraint et sans qu’une amélioration sensible de la performance de l’action publique puisse en être attendue de manière certaine.

En deuxième lieu, nous estimions que les dispositions en cause avaient fait l’objet d’une concertation insuffisante.

Enfin, nous avions des doutes quant à la pertinence du transfert : la taxe n’étant pas affectée, il n’y a pas de raison pour que sa perception soit liée à l’exercice d’une compétence. De plus, il semble prématuré d’attribuer la taxe aux syndicats, la répartition des compétences en matière de transition énergétique n’étant pas encore déterminée.

Il convient également de noter que le transfert de la perception de la taxe implique que le « coefficient multiplicateur », c’est-à-dire en quelque sorte son taux, soit fixé par l’autorité organisatrice et, donc, harmonisé sur son territoire. Or il semblerait que les villes de plus de 2 000 habitants aient, en moyenne, un coefficient multiplicateur inférieur à celui des autorités organisatrices ; l’harmonisation prévue par la mesure gouvernementale pourrait donc se traduire indirectement par une hausse de la pression fiscale.

Nos débats en commission l’ont montré, il existe, au sein même des différents groupes politiques, des positions diverses sur cette question. Certains de nos collègues voulaient, dans le prolongement de la loi de finances rectificative, aller plus loin dans la concentration de la ressource au niveau des autorités organisatrices, tandis que d’autres souhaiteraient, à l’inverse, revenir sur des situations existantes et redonner plus de choix aux communes, y compris celles de moins de 2 000 habitants.

J’ai indiqué il y a quelques instants les arguments qui me semblent aller à l’encontre de la première option, celle de la loi de finances rectificative.

La seconde option me semble également problématique. En effet, en redonnant une liberté de choix aux communes déjà engagées dans une démarche de mutualisation de la ressource, elle pourrait, vous l’aurez compris, déstabiliser de manière importante certaines autorités organisatrices, notamment celles qui ont engagé des programmes d’investissement importants.

Je vous propose donc de retenir un point d’équilibre, qui consiste à revenir à la situation antérieure à la loi de finances rectificative pour 2013, conformément à la volonté des auteurs de la proposition de loi que nous examinons.

La commission des finances a, dans cet esprit, adopté la proposition de loi après l’avoir modifiée sur un seul point, qui concerne le mécanisme dit de « cristallisation ». Les dispositions antérieures à la loi de finances rectificative pour 2013 prévoyaient que les communes de plus de 2 000 habitants ayant transféré la taxe avant le 31 décembre 2010 ne pouvaient plus revenir sur ce transfert. Il s’agit en quelque sorte d’un « effet cliquet », qui serait ainsi acté. Afin de ne pas remettre en cause les situations existantes, ce qui pourrait fragiliser certaines autorités organisatrices, la commission des finances a souhaité réintroduire ce mécanisme pour apporter la souplesse nécessaire.

Bien entendu, je conçois qu’à l’avenir les évolutions européennes et les choix qui seront effectués pour le financement de la transition énergétique puissent nous conduire, monsieur le secrétaire d’État, à reposer la question de la perception de la taxe. Cela devra toutefois être accompli dans le cadre d’une réflexion globale sur la mise en œuvre des politiques locales en matière d’énergie et faire l’objet d’une large concertation, permettant de prendre pleinement en compte la situation financière des communes concernées.

Pour l’heure, mes chers collègues, le texte qui vous est proposé aboutit à une solution équilibrée, puisqu’il revient à une situation dont personne ne se plaignait vraiment, il faut bien le dire ! C’est la raison pour laquelle je vous invite à l’adopter en l’état.

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