Intervention de Catherine Procaccia

Réunion du 29 avril 2014 à 14h30
Statut des stagiaires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine ProcacciaCatherine Procaccia :

Autre abus : les stages conclus hors convention ou accordés sans réel suivi pédagogique. Ils sont susceptibles de poursuites, mais ils sont exceptionnels.

Quant à la conformité du stage avec l’objectif de formation fixé par la convention tripartite, elle peut – elle doit – être vérifiée par les établissements d’enseignement, afin d’éviter ce que vous appeliez vous-même les « stages photocopies ». L’implication de l’université ne devrait pas se limiter à une signature administrative de la convention. Jean-Pierre Godefroy l’a rappelé tout à l’heure.

La conférence des présidents d’université, lors d’une audition à laquelle M. le rapporteur m’avait conviée, a reconnu que les situations étaient très variables et estimé que les universités devaient davantage s’investir dans le déroulement du stage et son contrôle, même pendant les mois d’été. J’ai déposé des amendements directement issus de cette demande.

Cela étant, nous disposons déjà d’un arsenal juridique susceptible d’empêcher les abus. En réalité, il convient plutôt d’intensifier les contrôles, de centraliser les signalements des dérives et non de créer encore des obligations complémentaires qui, je le crois, risquent de tarir les offres de stages respectueux, alors que les vilains petits canards trouveront toujours un moyen de détourner la législation.

Les membres du groupe UMP reprochent à la proposition de loi la création d’un cadre encore plus rigide pour les entreprises, particulièrement pour les TPE et PME. Pour nous, la solution devrait être non pas une thérapie généralisée, y compris destinée aux biens portants, mais des mesures au cas par cas pour les malades.

Ce qui me gêne dans ce texte, c’est l’absence de recul. Son initiatrice semble ne pas avoir compris que la priorité était de préserver et de développer l’offre de stages.

C’est l’unique préoccupation qui a guidé mes collègues et moi-même lors du dépôt d’une trentaine d’amendements. Je pense que M. le rapporteur l’a bien compris.

Le meilleur service que l’on puisse rendre à nos jeunes n’est pas de les assimiler à des salariés ; le stage est pour eux avant tout un moment privilégié de formation nécessaire au cours de leur cursus et pour leur insertion professionnelle.

Outre leur dimension pédagogique essentielle et de mise en œuvre pratique des connaissances acquises, les stages doivent permettre aux jeunes de faire valoir une expérience lorsqu’ils rechercheront un emploi. Parfois, vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, il arrive que le jeune soit embauché dans l’entreprise où il a effectué son stage.

Selon l’Association pour l’emploi des cadres, 20 % des diplômés de niveau bac+4 qui ont décroché un emploi dans l’année suivant la fin de leurs études l’ont trouvé sur leur lieu de stage.

Certes, par le présent texte, on cherche à protéger encore plus les stagiaires, ce qui est louable. Mais in fine l’effet obtenu risque d’être exactement inverse à l’objectif poursuivi. Sur ce point, je ne partage pas l’avis de M. le rapporteur.

Eu égard à mon expérience passée, je puis dire que le mieux est l’ennemi du bien.

Faisons un retour en 2009, lorsque je présidais la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie. Nous avions alors rendu obligatoire l’inscription du stage dans un cursus universitaire. Résultat : des milliers d’étudiants ont vu leur stage annulé parce que certaines universités, dans l’attente du décret prévu neuf mois plus tard, ont refusé de délivrer des conventions.

Je peux mettre à votre disposition des articles de presse attestant cette menace qui planait sur les stages professionnels. Il est à noter que des entreprises avaient même annulé certains d’entre eux.

Je vous invite à consulter le site du collectif Touche pas à mon stage, qui date de 2009-2010, lequel m’avait saisie entre Noël et le Jour de l’an. Vous mesurerez ainsi toutes les difficultés que nous avons rencontrées, malgré nos bonnes intentions.

La présente proposition de loi ne prévoit quasiment que des décrets, lesquels suscitent des inquiétudes du côté tant des établissements d’enseignement que des entreprises. Les établissements d’enseignement craignent la diminution de l’offre de stages et les contraintes qu’impose un quota de stagiaires par tuteur.

Par ailleurs, d’ici à deux ans, les stages ne pourront plus durer plus de six mois, alors que certains cursus prévoient un ou deux mois supplémentaires.

Je tiens à mentionner non seulement l’incompréhension des grandes écoles, qui ne pourront plus pratiquer l’année de césure, mais aussi celle des universités, qui l’acceptaient plutôt volontiers lorsqu’un étudiant le leur demandait. Cela affectera particulièrement les étudiants qui en profitaient pour effectuer un stage à l’international. Or, à l’étranger, parfois la notion de stage n’existe pas, les conventions tripartites encore moins.

De plus, les entreprises, plus particulièrement les TPE-PME, seront également soumises à un quota de stagiaires suivis par un même tuteur et, là aussi, les dérogations seront précisées par décret.

Cette absence de précisions n’est pas acceptable. Dans ce cas, pourquoi cette proposition de loi ? Nous, parlementaires, n’avons rien plus à définir ! Après l’autorisation donnée hier au Gouvernement de légiférer par ordonnances pour la mise en accessibilité des établissements recevant du public à la suite de négociations, on nous demande aujourd’hui une habilitation à procéder par décrets. Étrange conception de notre rôle législatif…

Si, à titre personnel, je suis favorable à ce que les stagiaires puissent bénéficier de certains des droits des salariés, comme l’accès au restaurant d’entreprise ou l’indemnisation des frais de transport, la multiplication des formalités aura, je le crains, des conséquences catastrophiques, particulièrement pour les stages de courte durée. Ce risque a d’ailleurs été évoqué au cours de toutes les auditions que nous avons menées.

Alors que les ministres successifs du Gouvernement clament leur attachement à la négociation, je ne comprends pas pourquoi des accords de branche ne sont pas prévus.

La question du nombre de stagiaires est le meilleur exemple en la matière. Qu’y a-t-il de commun entre les activités d’une grande entreprise et celles d’une start-up, d’autant que, en cas de manquement, une sanction administrative importante est prévue ?

Vous avez déclaré tout à l’heure, madame la secrétaire d’État, que le quota fixé en l’espèce dépendrait du type d’entreprise, mais comment comptez-vous procéder ?

Au terme de mon propos, je citerai encore une fois mon expérience personnelle : lors de l’examen du projet de loi portant création des emplois d’avenir, nous avions alerté sur les difficultés qu’allaient provoquer certaines dispositions. Le Gouvernement ne nous a pas entendus. Néanmoins, il a bien été obligé d’assouplir son dispositif par la suite. Il en a été de même à l’égard des contrats de génération.

Il est temps que le Gouvernement soit un peu plus à l’écoute des parlementaires, fasse davantage confiance aux acteurs de terrain et aux partenaires sociaux. Ne stigmatisons pas toutes les entreprises !

Madame la secrétaire d’État, l’ensemble des amendements que les membres de mon groupe présenteront visera donc à introduire de la souplesse dans le dispositif, dans l’intérêt des stagiaires.

Je tiens enfin à saluer la qualité du travail et l’écoute de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, dont l’implication sur le sujet est encore bien plus ancienne que la mienne.

J’aurais aimé, pour ma part, pouvoir réfléchir avec lui à la rédaction d’un texte sénatorial, éloigné des positions démagogiques et d’affichage de la présente proposition de loi.

Madame la secrétaire d’État, je vous crois sincère. Je souhaite une approche plus réaliste et plus pragmatique, qui permette de respecter l’équilibre indispensable entre la protection des droits des stagiaires et le maintien d’une offre de stages.

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