Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 29 avril 2014 à 14h30
Statut des stagiaires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où le chômage des jeunes à caractère structurel est très élevé, les stages occupent une place de plus en plus importante dans le cheminement de ces jeunes vers l’insertion professionnelle.

La volonté légitime d’améliorer le sort des stagiaires a conduit au développement d’une réglementation foisonnante, environ une dizaine de textes ayant été adoptés depuis 2006. La présente proposition de loi tend de nouveau à modifier un cadre juridique pourtant déjà très complet.

S’il convient de saluer la codification et la simplification du droit, il est à craindre que certaines des mesures proposées ne se heurtent à la problématique de l’offre de stages, surtout étant donné la situation économique actuelle de notre pays.

La demande de stages de la part des étudiants s’accroît. Le nombre des stagiaires a triplé – je n’insisterai pas sur ce point qui a déjà été souligné –, et les formations intègrent de plus en plus de stages. La multiplication du nombre de critères exigés dans les annonces prouve la concurrence qui peut exister en la matière : niveau élevé d’études, suivi de plusieurs cursus dans des domaines différents, pratique courante de plusieurs langues, expériences antérieures... On demande désormais au stagiaire des qualifications identiques à celles que l’on attend d’un salarié !

Certes, les abus demeurent et il convient de les sanctionner sous peine de précariser certains jeunes. Mais faut-il pour autant aller plus loin, à un moment où la situation économique de notre pays est délicate ?

Tout d’abord, comme plusieurs orateurs l’ont souligné s’agissant de la transposition du cadre législatif relatif aux stages aux périodes de formation en milieu professionnel réalisées avant le baccalauréat, nous savons que les élèves rencontrent plus de difficultés que leurs aînés de l’enseignement supérieur lors de la recherche d’un stage, alors que celui-ci constitue une condition nécessaire à l’obtention du diplôme.

La durée, le délai de carence entre deux stages, la gratification, l’encadrement, les congés, le quota maximal de stagiaires ne sont donc pas adaptés à ces formations. La durée maximale ne se justifie pas pour les stages effectués en alternance scolaire, qui implique un déroulement simultané du stage et des enseignements, et l’extension de l’obligation de gratification est insoutenable pour les petites structures, sachant, en outre, que les jeunes sont inexpérimentés. Ces mesures auront donc pour conséquence le tarissement de l’offre de stages dans certains secteurs, notamment l’artisanat et, surtout, l’agriculture.

Les stages accomplis dans le cadre de l’enseignement supérieur n’échappent pas à ces effets négatifs.

La question de la durée pose de réels problèmes dans certaines filières où la pratique est essentielle. Qu’en est-il des 500 heures de stage nécessaires à l’obtention du titre de psychologue ? Qu’en est-il des deux années de stage requises pour devenir commissaire-priseur ? La législation en vigueur demeure plus pertinente puisque les dérogations peuvent être encadrées par décret. Il suffisait de publier ce décret, au lieu de mettre fin aux dérogations sans autoriser aucune flexibilité et sans avoir discuté au préalable avec les filières de formation concernées et obtenu leur accord.

En outre, s’il est prévu que le quota maximal de stagiaires par organisme d’accueil soit fixé par décret, je m’interroge, comme les orateurs précédents, sur les modalités de sa détermination. À l’évidence, on ne peut appliquer aveuglément un pourcentage identique à tous les organismes d’accueil. Quel niveau fixer ? À supposer qu’il s’établisse à 10 % des effectifs, seul un stagiaire pourrait être accueilli dans une structure de dix salariés, et aucun en dessous de ce seuil !

À l’heure du choc de simplification et du pacte de responsabilité, cette proposition de loi crée un climat de méfiance et de présomption de culpabilité à l’égard des entreprises, qui, pourtant, ne commettent pas toutes des abus. Je pense notamment au rôle, encore renforcé, de l’inspecteur du travail.

Par ailleurs, certains stages s’assimilant parfois à un emploi peuvent être appréciés des étudiants car ils leur permettent d’acquérir une expérience professionnelle intéressante qu’ils pourront valoriser par la suite. De tels stages, formateurs et souvent gratifiés, peuvent éventuellement ouvrir la voie à une embauche. Il faut le rappeler, un stage sur cinq aboutit à la signature d’un contrat de travail.

Plutôt que de pénaliser injustement l’ensemble des entreprises, ne convient-il pas d’appliquer le droit existant ? Les étudiants peuvent actuellement évaluer la qualité de l’accueil dont ils ont bénéficié, ce qui permet à l’établissement d’enseignement de vérifier que les droits des stagiaires sont respectés. Les données lacunaires relatives aux abus dont nous disposons pourraient être enrichies. Les étudiants disposent également de la possibilité de demander une requalification de leur stage en contrat de travail.

Mes chers collègues, nous partageons tous la même volonté de mettre fin aux abus dont peuvent être victimes les stagiaires et de lutter contre le chômage des jeunes. Toutefois, les nouvelles contraintes qui seraient créées à la suite de l’adoption de cette proposition de loi, à l’efficacité douteuse pour atteindre la finalité recherchée, pourraient compromettre le développement d’offres de stages et entretenir ainsi une inégalité d’accès au stage.

Certains de mes collègues et moi-même avons donc déposé des amendements ayant pour objet de mieux adapter ce texte aux réalités quotidiennes. Nous espérons être entendus ! §

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