Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 29 avril 2014 à 21h45
Projet de programme de stabilité pour 2014-2017 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le projet de programme de stabilité qui nous est aujourd’hui soumis est proposée une trajectoire de rétablissement des finances sociales à hauteur de 1, 6 point de PIB sur trois ans, avec un retour à l’équilibre en 2015 et un excédent de 1 % du PIB en fin de période.

Par rapport à la trajectoire définie en loi de programmation des finances publiques, le redressement est plus tardif mais aussi plus significatif.

Résolument engagé, l’effort de rétablissement des comptes sociaux a porté ses premiers fruits : le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 12, 5 milliards d’euros en 2013, soit 0, 6 point de la richesse nationale, une amélioration du solde de 800 millions d’euros par rapport à 2012.

Nous le devons non seulement au respect de l’ONDAM, mais aussi à un effort sur les recettes de 8 milliards d’euros grâce à la remise en cause de plusieurs niches sociales et à des recettes nouvelles. Cet effort doit être poursuivi, et il doit l’être du côté des dépenses.

Les dépenses sociales représentent 46 % des dépenses publiques de notre pays. Elles contribuent fortement à la protection des plus faibles et à la réduction des inégalités, qui sont des éléments structurants de notre pacte républicain.

Pour autant, le déficit des comptes sociaux n’est ni une fatalité ni une nécessité. Nous l’avons souvent dit, mais il faut le rappeler : le déficit, c’est reporter sur les générations futures le poids des dépenses sociales d’aujourd’hui au risque de mettre en péril, pour ces générations, le bénéfice même de cette solidarité. S’il est logique que notre protection sociale ait un effet contracyclique, en particulier pour les dépenses d’assurance chômage, celle-ci ne peut s’installer structurellement dans les déficits. C’est la confiance dans l’architecture de notre protection sociale qui se trouverait entamée et le doute que cela entraînerait quant à sa pérennité saperait ses fondements mêmes.

Nous ne pouvons demander davantage d’efforts aux actifs, sur lesquels repose l’essentiel des prélèvements. Les cotisations sociales représentent en effet plus de 42 % des prélèvements obligatoires. Elles pèsent sur les entreprises et sur leur compétitivité, mais aussi sur les salariés en ce qu’elles se traduisent par de la modération salariale.

Afin de poursuivre l’effort, le programme de stabilité prévoit un ralentissement résolu de l’évolution de la dépense.

À cette fin, les administrations de sécurité sociale devront supporter une part de plan d’économies, soit 21 milliards d'euros sur trois ans. Je rappelle que, lorsqu’il est question d’économies, c’est toujours par rapport aux hypothèses de croissance tendancielle.

Certes, ce montant est loin d’être négligeable. Il faut, d’une part, le rapporter aux 550 milliards d’euros de dépenses sociales, d’autre part, souligner l’action sur la qualité de la dépense dans un processus qui est déjà engagé et qui a vocation à se poursuivre.

La rationalisation et la modernisation de la gestion de la sécurité sociale sont un impératif, car elles permettent de réduire la dépense sans affecter le niveau des prestations servies. Le programme table sur 1, 2 milliard d’euros d’économies dans ce domaine. Des investissements seront nécessaires dans les systèmes d’information.

Dans le domaine de la santé, la stratégie nationale de santé doit permettre de limiter de 10 milliards d'euros l’évolution des dépenses sans affecter la qualité des soins ni affecter le remboursement des personnes protégées. Mes chers collègues, je pense très sincèrement qu’en matière de santé nous pouvons dépenser mieux : le développement des médicaments génériques, de l’ambulatoire, la limitation des actes inutiles ou redondants sont des domaines de progrès et contribuent à l’excellence de notre système de santé.

Dans ces conditions, la progression de l’ONDAM de 2 % en moyenne sur la période me semble un objectif à tenir à la lumière de ces dernières années. Ainsi, 2, 9 milliards d'euros sont prévus au titre de mesures déjà engagées sur les retraites et la politique familiale.

J’observe avec intérêt que l’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite sont bien dans le périmètre qui nous est présenté. Il est essentiel de disposer d’une vision de l’ensemble de l’agrégat des administrations de sécurité sociale, tant en recettes qu’en dépenses, pour tous les risques.

Ainsi, 2 milliards d’euros sont attendus de la révision de la convention UNEDIC et 2 milliards d’euros des régimes complémentaires de retraite.

La politique familiale sera, pour sa part, sollicitée à hauteur de 800 millions d'euros avec le renforcement de ses effets redistributifs en direction des familles les plus fragiles.

Au total, l’effort de redressement fera appel au report de la revalorisation des prestations sociales à hauteur de 1, 5 milliard d'euros.

Cette participation des bénéficiaires à l’effort collectif est bien sûr douloureuse et je n’en sous-estime pas la difficulté, même si la faiblesse de l’inflation doit être soulignée.

L’essentiel, c'est-à-dire le filet social ultime, est préservé : les prestations destinées à garantir un revenu minimal seront bien revalorisées dans les conditions habituelles.

Alors que le report avait été un temps envisagé, la mise en œuvre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, qui prévoit notamment la revalorisation du RSA de 10 % sur cinq ans, sera bien effective avec une augmentation de 2 % du RSA dès le 1er septembre 2014. Pour les dispositifs destinés aux familles les plus fragiles, le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure, la revalorisation est effective depuis le 1er avril.

Au-delà des minima sociaux, le Gouvernement a pris en compte la situation des retraités dont la pension est inférieure à 1 200 euros par mois : sa revalorisation interviendra comme prévu. Cette décision concerne 6, 5 millions de nos concitoyens dont le pouvoir d’achat se trouve préservé. Mes chers collègues, dans les difficultés, la solidarité de la nation continue à s’exprimer fortement pour la réduction des inégalités.

Les efforts de réduction de la dépense se doublent d’une action volontariste en direction des entreprises pour renforcer leur compétitivité et, bien sûr, à terme, l’emploi.

La baisse des cotisations patronales se poursuit et s’accentue, à hauteur de 10 milliards d'euros sur la période. La création de près de 200 000 emplois, générateurs de recettes fiscales et sociales, en est attendue.

Pour la première fois, la baisse porte aussi sur les cotisations salariales, ce qui permettra à ceux dont le salaire est proche du SMIC de retrouver du pouvoir d’achat.

Mes chers collègues, le principe de compensation de ces moindres recettes pour la sécurité sociale est inscrit dans les textes. Le programme de stabilité indique que cette question sera abordée lors de l’examen des prochains textes financiers.

Le débat devra être rapidement tranché sur le financement de la branche famille qui relève de plus en plus de l’impôt, au nom de son caractère universel et de la solidarité nationale. La baisse de la cotisation, amorcée cette année, le passage de 65 % à 93 % de la part des salariés concernés par un allégement, la diminution de la cotisation pour les indépendants rendent nécessaire une remise à plat du financement de la branche famille. Le Gouvernement a annoncé la « barémisation des allégements » : cette clarification de l’impact sur le financement s’impose.

Il est bien sûr indispensable que la sécurité sociale bénéficie de ressources autonomes et pérennes, d’abord pour garantir une visibilité globale des recettes et des dépenses de cette politique spécifique. La loi de financement de la sécurité sociale est aussi un outil de pilotage : elle permet au Parlement d’établir, à un moment donné, les orientations qu’il souhaite donner à notre protection sociale et la part de richesse nationale qu’il convient d’y consacrer.

L’ONDAM en est un excellent exemple. Peu d’entre nous auraient parié sur notre capacité à « tenir » l’ONDAM il y a quelques années. Force est de constater qu’il est possible d’y parvenir et que nous y parvenons. Nous devons renforcer ce pilotage de la dépense que la loi de financement de la sécurité sociale comporte.

Je conclurai en soulignant combien le programme de stabilité qui nous est présenté est un indispensable pari sur la confiance, qui repose sur des hypothèses réalistes et des efforts partagés : pari sur la confiance des entreprises dans la volonté des pouvoirs publics à favoriser un environnement favorable à leur développement ; pari sur la confiance de nos concitoyens en la pérennité du système de protection sociale et en la nécessité de consentir les efforts nécessaires à sa préservation ; pari sur notre confiance dans un engagement collectif pour favoriser un développement harmonieux de notre pays, dont le haut niveau de protection sociale est un gage essentiel.

C’est un pari que, pour ma part, je suis prêt à tenir. §

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