Séance en hémicycle du 29 avril 2014 à 21h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • programme de stabilité
  • stabilité

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2014-2017, en application de l’article 50-1 de la Constitution.

La parole est à M. le Premier ministre. §

Debut de section - Permalien
Manuel Valls

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un peu plus d’une heure, l’Assemblée nationale a adopté le programme de stabilité de nos finances publiques.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ce fut un moment de vérité. Ce fut aussi la preuve, après un échange approfondi, d’une confiance renouvelée. Ce vote – j’imagine que le débat qui se tiendra ce soir dans cet hémicycle le confirmera – affirme la clarté des choix proposés par le Gouvernement, la visibilité pour les trois ans à venir pour l’ensemble des Français comme pour les acteurs économiques et sociaux. C’est important, notamment sur le plan de la fiscalité. Les entreprises ont particulièrement besoin de stabilité. C’est en ce sens que j’ai parlé d’un acte fondateur, pour cette seconde partie du quinquennat.

Je suis intervenu, cette après-midi, devant les députés. Je suis présent, ce soir, devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, parce qu’il s’agit d’un moment important, décisif pour notre pays, pour son redressement et pour la crédibilité de sa parole, vis-à-vis non seulement de nos compatriotes mais aussi de l’Europe. Dans un tel instant, tous les parlementaires doivent être pleinement associés.

La relation que les membres du Gouvernement, nombreux dans cet hémicycle, et moi-même entendons avoir avec le Parlement – l’Assemblée nationale et le Sénat –, c’est celle du dialogue, de l’écoute, du débat constructif.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Une démocratie forte, c’est un Parlement respecté qui joue pleinement son rôle au cœur de nos institutions.

Je viens donc débattre avec vous des grandes orientations du programme de stabilité budgétaire de la France.

Ce programme, c’est la trajectoire à suivre pour que notre pays retrouve la confiance, pour qu’il réussisse.

Le 14 janvier dernier, avec le pacte de responsabilité et de solidarité, le chef de l’État a fixé la feuille de route.

Le premier objectif du pacte, c’est d’agir pour la compétitivité de nos industries et de nos entreprises. Faute de quoi, nous ne pourrons rendre à notre pays la force économique qu’il a perdue au cours des dernières années. Une donnée parle d’elle-même : notre balance commerciale. Alors qu’elle était légèrement excédentaire au début des années 2000, elle accuse, depuis quelques années déjà, un déficit de 60 milliards d’euros, soit 3 % des richesses que nous produisons chaque année. Or, si nous observons les autres pays de l’Union européenne, notamment ceux de la zone euro, nous constatons qu’il s’agit là d’une situation unique.

Le mouvement en faveur de la compétitivité a été engagé avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, qui commencera à porter ses fruits dès les prochaines semaines. Je me suis rendu avec François Rebsamen, qui, voilà encore quelques jours, était votre honorable collègue, visiter une entreprise d’Eure-et-Loir.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous avons constaté les résultats concrets du CICE. Grâce à ses gains, cette société a pu investir dans des machines-outils.

La mesure « zéro charges » pour un salarié payé au SMIC que j’ai déjà annoncée dans cet hémicycle, c’est également une incitation forte pour les employeurs.

De surcroît, vous le savez, nous agirons par la baisse de la fiscalité. D’ici à 2017, la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, sera supprimée, et l’impôt sur les sociétés sera réduit.

Le deuxième objectif du pacte, c’est bien sûr l’emploi, qui constitue l’axe central. Dans ce cadre, nous avons besoin de toutes nos entreprises, de nos grands groupes, de nos PME, de nos petites et moyennes entreprises industrielles, de nos entreprises de taille intermédiaire, de nos artisans, de nos commerçants et de nos travailleurs indépendants. Nous avons besoin de toutes les forces vives de notre pays, au rang desquelles figurent bien sûr les salariés.

L’emploi, c’est en particulier l’emploi des jeunes, qui ont souvent le plus grand mal à entrer sur le marché du travail, et donc à débuter dans la vie, à prendre leur autonomie. Depuis deux ans, des dispositifs ont été mis en place tels que les contrats d’accompagnement dans l’emploi, les contrats d’avenir, les contrats de génération – il faut faire beaucoup mieux dans ce domaine –, ou encore dans le domaine de l’apprentissage, au titre duquel nous avons perdu du terrain, et dont nous voulons faire de nouveau une grande priorité. Toutes ces mesures et leurs résultats ont été détaillés par le Président de la République hier, devant les préfets. Le chef de l’État a appelé à aller plus loin encore. Le pacte en constitue un moyen. Sur les questions de la formation et de l’apprentissage, les partenaires sociaux vont débattre et négocier.

L’emploi, c’est également celui des seniors qui souvent, alors qu’ils ont encore beaucoup à apporter, ont du mal à retrouver un employeur.

Le rôle du Parlement, c’est de faire la loi et d’évaluer les politiques publiques. C’est donc légitimement à vous, parlementaires, qu’il appartient de vérifier que les aides fiscales et sociales attribuées aux entreprises servent bien les objectifs du pacte. Ce travail de suivi et d’évaluation sur le terrain sera également mené par les partenaires sociaux ; vous y serez associés.

Le pacte est un grand compromis social pour la nation. Il doit mobiliser les partenaires sociaux – patronat, syndicats, salariés –, et ce dans l’intérêt de tous. Les marges dégagées par les entreprises grâce à ce soutien exceptionnel, mobilisé en si peu de temps – 30 milliards d’euros pour les entreprises et pour l’emploi ce n’est pas rien, c’est un effort considérable que la nation fait ! – sont là non pour des dividendes ou des rémunérations des actionnaires ou des dirigeants, mais pour l’investissement et l’emploi. Elles sont le carburant de la reprise, elles doivent l’alimenter.

Il ne s’agit pas d’adresser un message de méfiance à l’égard des entrepreneurs. Nous connaissons le sens républicain et civique qui anime l’immense majorité d’entre eux ! Mais il est normal que le Parlement et les partenaires sociaux soient attentifs aux résultats de l’effort demandé.

Le troisième objectif du pacte, c’est le pouvoir d’achat.

Nous devons entendre les inquiétudes qui s’expriment face à la vie chère. Nous devons notamment agir en faveur des salariés aux revenus les plus modestes, ces employés, ces ouvriers qui travaillent dur et vivent pourtant dans l’angoisse permanente des fins de mois. Pour un salarié payé au SMIC, la baisse des cotisations salariales aura un effet très concret : 500 euros par an, soit la moitié d’un treizième mois.

Pour les ménages modestes, une mesure fiscale de soutien au pouvoir d’achat interviendra également, dès cet automne. Nous en élaborerons ensemble les modalités au cours des prochains jours, dans la perspective du projet de loi de finances rectificative.

Voilà quelques heures, j’ai prononcé devant l’Assemblée nationale ces mots. Je veux également les employer devant vous, car c’est ma conviction : le pacte de responsabilité et de solidarité, c’est un immense levier de confiance pour aller chercher la croissance. La croissance est là, en France et en Europe, notamment dans la zone euro ! Mais, nous le savons tous, elle est pour l’heure trop faible pour créer de l’emploi. Toute l’action au service de l’emploi doit donc être dirigée vers elle. Elle doit être tournée vers la compétitivité de nos entreprises, l’attractivité de notre pays et de nos territoires.

Toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, la confiance – il s’agit là d’un impératif –, c’est également la réduction de nos déficits et de notre dette, qui pèsent trop lourdement, qui étranglent les énergies de notre pays depuis tant d’années.

La situation de nos comptes publics, vous la connaissez.

Longtemps, trop longtemps, l’endettement a été la solution invariable pour remédier à des budgets en déséquilibre. Trop souvent, le choix de la facilité a été fait, remettant l’inévitable à plus tard, et faisant peser ce poids sur les générations futures.

Aujourd’hui, la dette entrave notre pays. Elle était de 1 200 milliards d’euros en 2008. Elle a atteint 1 800 milliards d’euros en 2012. Nous l’avons stabilisée depuis deux ans, mais son remboursement constitue encore le deuxième poste de notre budget : 45 milliards d’euros par an, ce qui limite d’autant nos marges de manœuvre. Cette somme représente les deux tiers du budget de l’éducation nationale !

Transmettre aux générations suivantes le fardeau que nous portons déjà, ce ne serait pas juste. La dette, c’est aujourd’hui 30 000 euros par Français. Et si nous cherchons les responsabilités, nous constaterons qu’elles remontent à loin !

Le temps est venu de maîtriser cette dette et de réduire nos déficits. Ce n’est pas Bruxelles qui nous l’impose. C’est avant tout une exigence vis-à-vis de nous-mêmes, pour conserver notre souveraineté.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous ne pouvons pas nous résoudre à voir cette souveraineté mise en cause par les marchés.

Depuis deux ans, beaucoup a déjà été fait. À la fin de 2011, le déficit des comptes publics s’élevait à 5, 2 % du PIB. Nous l’avons ramené à 4, 3 % à la fin de 2013. Mais nous devons aller plus loin encore et reprendre le contrôle de nos dépenses publiques, c’est-à-dire les réduire. Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, font référence au président du Conseil italien, Matteo Renzi.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Beaucoup évoquent ses réformes, son plan en faveur du pouvoir d’achat.

Certes, il existe des points de comparaison entre notre pays et l’Italie. Néanmoins, il faut tenir compte des différences économiques existant sur le plan tant local – je songe aux PME et PMI extrêmement performantes du nord de la péninsule italienne – qu’international. De surcroît, l’Italie a fait des efforts difficiles, et elle atteint aujourd’hui moins de 3 % de déficit.

Réduire les déficits, en prenant le temps nécessaire et en adoptant le rythme approprié, c’est également se donner des marges de manœuvre pour l’investissement et le pouvoir d’achat. Tel est le sens du plan de 50 milliards d’euros d’économies. Celui-ci ne constitue une surprise pour personne ici ce soir, dans la mesure où, je le répète, il a été annoncé par le Président de la République le 14 janvier. J’en ai, pour ma part, présenté le détail au conseil des ministres le 16 avril, après en avoir énuméré les grandes masses devant le Parlement.

La réduction de nos déficits budgétaires doit s’accompagner d’une politique monétaire tournée vers la croissance. Voilà ce qui manque, aujourd’hui, à l’échelon de l’Union européenne. Cette idée fait son chemin. Les déclarations de Mario Draghi en sont l’illustration.

Tel sera le sens de la démarche du chef de l’État dans les négociations qui suivront le renouvellement du Parlement européen. Dans bien des domaines, l’Europe doit retrouver sa force.

Les peuples seront appelés, d’ici à quelques semaines, à prendre part aux élections européennes. Si nous voulons qu’ils reprennent confiance dans les institutions de l’Union européenne, il nous faut mener une politique de croissance et de soutien à l’investissement pour les grands enjeux d’avenir : l’énergie, le numérique et l’emploi des jeunes, dossier auquel le Président de la République, de même que la Chancelière allemande, est particulièrement attentif. C’est ainsi que l’Europe et la France retrouveront de la crédibilité dans ce domaine.

Le plan d’économies est calibré. Et il est juste. Il se nourrit du dialogue que j’ai eu avec les groupes politiques de la majorité parlementaire.

Prenons quelques exemples, que vous connaissez, car, par respect, je vous ai écrit à tous.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Les minima sociaux seront indexés régulièrement par rapport aux prix. Les plus démunis verront donc leur pouvoir d’achat garanti. Par ailleurs, je le rappelle, deux prestations ont été augmentées de façon exceptionnelle le 1er avril : l’allocation de soutien familial, qui bénéficie aux parents isolés, l’a été de 5 %, et le complément familial, destiné aux familles nombreuses les plus pauvres, de 10 %. C’est cela aussi, la justice sociale !

Par ailleurs, 6, 5 millions de retraités modestes verront leur pouvoir d’achat intégralement préservé, c’est-à-dire tous ceux qui perçoivent jusqu’à 1 200 euros de pension, soit le montant moyen. Pour eux, il n’y aura pas de report de la revalorisation. C’est cela, oui, la justice sociale !

Nous devons soutenir les travailleurs aux revenus modestes, ceux pour qui la vie est dure, ceux qui désespèrent de retrouver un emploi. Mais, plus que jamais, parce que nous connaissons les effets de la crise, la lutte contre la pauvreté demeure notre priorité. Nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, tout comme les syndicats et les associations caritatives, nous ont fait part de leur préoccupation à ce sujet. C’est pourquoi nous avons décidé que la revalorisation exceptionnelle du RSA

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

J’en parlerai dans quelques instants !

Les fonctionnaires des trois fonctions publiques dont les rémunérations sont les plus modestes bénéficieront des mesures de revalorisation prévues pour les agents de catégorie C et ceux de catégorie B en début de carrière. Ils sont le cœur de nos services publics, donc de notre cohésion sociale. Pour 1, 6 million d’entre eux, cela représente en moyenne environ 440 euros de salaire net supplémentaire, dès l’an prochain. Ces dispositions pèsent évidemment sur les finances des collectivités territoriales. §Pourtant, je ne vous ai pas entendus sur ce sujet !

Enfin, le gel du point d’indice des fonctionnaires fera l’objet d’un réexamen chaque année, au regard de la croissance et du redressement économique de notre pays.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le plan de lutte contre la pauvreté, c’est la justice sociale ! Les augmentations de salaire, c’est la justice sociale ! Dans ce domaine, les choix que nous faisons ne sont pas des choix d’austérité.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il faut utiliser les mots adéquats pour décrire une politique et ne pas se laisser aveugler par des slogans !

Ces mesures seront financées par de nouvelles économies, que nous préciserons rapidement.

La stratégie que je vous expose est cohérente : le pacte pour la croissance, l’emploi, le pouvoir d’achat ; le plan d’économies pour réduire nos déficits ; les réformes pour préparer l’avenir.

Préparer l’avenir, c’est préparer la France aux défis de demain. Nous le ferons en respectant les engagements que cette majorité a pris, avec le Président de la République, devant les Français.

Les priorités, ce sont la jeunesse et l’école. Ainsi, 30 000 postes supplémentaires seront créés dans l’éducation nationale, afin d’atteindre la création de 60 000 postes d’ici à 2017. §Ils sont indispensables…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

D’autant que l’UMP en avait supprimé beaucoup !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

M. Manuel Valls, Premier ministre. … parce que de nombreuses suppressions avaient eu lieu auparavant

Oh oui ! sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Les inégalités, contre lesquelles nous devons lutter, ne cessent de s’accroître depuis plusieurs années. Or nous ne pouvons pas nous satisfaire, pas plus que le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de voir l’école reproduire ces inégalités.

Nous maintiendrons également notre effort prioritaire en faveur des universités, de la recherche, de l’innovation.

Grâce à la priorité accordée à la jeunesse, c’est ainsi que l’on bâtit l’avenir.

Les priorités, ce sont également la sécurité et la justice, car il n’y a pas de progrès social possible, pas de développement harmonieux de notre société, sans respect du pacte républicain, sans lutte contre la violence et la délinquance, qui touchent d’ailleurs les plus modestes, souvent victimes d’autres injustices et d’autres inégalités, dans les quartiers populaires comme dans les territoires ruraux.

À cette fin, 500 postes supplémentaires seront créés, chaque année, dans la police et la gendarmerie – j’ai déjà eu l’occasion, lorsque j’occupais les fonctions de ministre de l’intérieur, de les évoquer devant vous –, et 500 dans la justice.

Peut-on parler d’austérité quand le Gouvernement maintient ces priorités, crée des emplois dans l’éducation nationale, dans la police, dans la gendarmerie, dans la justice ? Il faut choisir ses mots ! Nous faisons preuve de sérieux budgétaire. Oui, nous demandons un effort ! Mais quand des budgets aussi importants sont confortés et même augmentés dans des secteurs majeurs comme l’école ou la sécurité, on ne peut pas parler d’austérité !

Gouverner, c’est choisir. Et nous faisons des choix, nous avons des priorités ! Ceux qui n’ont que le mot « austérité » à la bouche – bien sûr, nous connaissons tous la situation dans laquelle se trouvent des millions de Français, qui nous ont fait passer le message à l’occasion des élections municipales – devraient regarder ce qu’est l’austérité ailleurs, quand elle se traduit par des plans de 130 milliards d’euros d’économies ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce n’est pas une réponse ! Parce que la situation est plus catastrophique encore ailleurs, nous devrions être satisfaits ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame Assassi, je sais que la comparaison avec d’autres pays a ses limites, mais l’honnêteté intellectuelle devrait conduire, lorsque l’effort consenti en faveur de la jeunesse – la priorité majeure de ce pays – et de l’éducation nationale est maintenu, à le souligner et à s’en féliciter !

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Préparer l’avenir, c’est être capable de mener les réformes nécessaires. Ce soir, je voudrais, vous le comprendrez, concentrer mon propos sur les réformes qui attendent nos territoires

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

J’ai annoncé que les collectivités participeraient à l’effort d’économies à hauteur de 11 milliards d’euros. Là aussi, il s’agit de rationaliser la dépense, dans un esprit de responsabilité partagée. Cet effort est important, j’en ai conscience, mais il est nécessaire.

Les manques et les lacunes du système actuel, nous les connaissons : l’empilement des échelons et la superposition des compétences. Nous partageons les constats. Il faut, à présent, construire ensemble la réforme. Sur ce sujet comme sur les autres, les Français attendent un discours de vérité, même si chacun a sa vérité.

Bien souvent, ils ne savent pas quelle collectivité agit, finance les projets réalisés. Ils ignorent quelle collectivité a pris la décision de construire une ligne de tramway, de subventionner une entreprise locale ou encore quelle collectivité attribue, tous les mois, des prestations sociales et travaille à la réinsertion, à la formation professionnelle.

Cette complexité brouille la compréhension de nos concitoyens. Elle alimente, aussi, la désaffection des urnes, même si elle n’en épuise pas les causes.

Admettons-le : cette complexité est une source de difficultés pour les collectivités elles-mêmes.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous connaissez tous le manque de cohérence des financements croisés, des compétences imbriquées, même si elles ont pu présenter des avantages. Le 9 avril, j’ai détaillé devant vous quatre axes de réformes : des régions élargies, dotées de compétences approfondies ; des intercommunalités redessinées, plus grandes et plus fortes ; des collectivités aux compétences clarifiées, avec la suppression de la clause de compétence générale ; enfin, une simplification majeure avec la suppression des conseils départementaux, qui donnera lieu à débat.

J’entends les critiques, les interrogations qui sont formulées. Mais je l’affirme de nouveau : moderniser nos collectivités, c’est clarifier leurs domaines d’intervention, ajuster leur périmètre pour affronter l’avenir. C’est aussi leur permettre de s’adapter à la diversité de nos territoires.

Nous devons être attentifs à cette diversité, aux territoires qui souffrent le plus, qu’il s’agisse de banlieues ou de zones rurales, aux communes, situées en métropole comme dans les outre-mer, qui se trouvent le plus en difficulté en raison de recettes très faibles du fait de la présence de nombreux de quartiers populaires. Ce travail devra être fait.

Enfin, nous en sommes bien conscients, il convient de tout faire pour préserver la capacité d’investissement des collectivités.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous connaissez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, la part de cet investissement dans l'investissement public et dans la croissance. Pour cette raison, ces 50 milliards d’euros d’économies sont évidemment calibrés.

Repenser nos structures territoriales, c’est aussi, nécessairement, repenser le rôle et la place de l’État.

L’État, c’est la colonne vertébrale de notre nation, qui doit être solide, notamment dans les territoires les plus fragiles, les quartiers de nos villes comme nos territoires ruraux.

L’État territorial, c’est une réalité très concrète pour nos concitoyens, à travers préfectures et sous-préfectures. Nous devons donc revoir et renforcer son organisation. Dans de nombreux territoires, notamment ruraux, l’échelon départemental conserve toute sa pertinence. Nous devons travailler et utiliser le levier de la réforme des collectivités territoriales pour réformer l’État territorial, et rapidement.

Pour être plus efficace, l’État devra aussi se recentrer sur ses missions, notamment à l’échelon central.

Préparer l’avenir de nos territoires, c’est aussi assurer leur égalité. Ce n’est pas un concept ; c’est un projet concret, attendu par nos concitoyens. Parce que nous n’acceptons pas que l’accès aux services publics de proximité soit différent selon le territoire où les Français vivent, nous devons résorber les fractures territoriales, qui sont très présentes dans notre pays depuis déjà plusieurs années. Nous nous en sommes encore plus rendu compte à l’occasion des dernières élections municipales.

Pour parvenir à cette fin, nous devons nous mobiliser dans bien des secteurs. J’en évoquerai un : les nouvelles technologies. L’accès au numérique est une chance pour l’avenir de nos services publics, pour nos territoires, pour nos concitoyens : il faut la saisir. Là aussi, l’objectif est simple : les services publics numériques doivent être accessibles en tout temps, en tout lieu, par tous. Vous connaissez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs, la fracture numérique existant dans les territoires.

Enfin, l’avenir de nos territoires passe également par la transition énergétique. Cette dernière est un impératif environnemental, bien sûr. C’est surtout, pour de nombreux territoires, dans toute la France, une formidable opportunité de créer des emplois.

Il existe une cohérence entre le pacte, les économies nécessaires, le soutien au pouvoir d’achat, notamment par la baisse des prélèvements obligatoires, qui sont devenus insupportables depuis des années. Les impôts ont augmenté de 30 milliards d’euros entre 2010 et 2012, et de 30 milliards d’euros supplémentaires depuis. Un total de 60 milliards d’euros ! Nous savons, et nous en parlerons ce soir, à quel point ces hausses pèseront encore sur les feuilles d’impôts des contribuables à la rentrée prochaine. C’est la raison pour laquelle nous devons prendre des mesures.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce programme de stabilité ne dessine pas seulement une trajectoire des finances publiques pour les trois prochaines années. Ce que je vous propose, et c’est pour cela que j’ai parlé de vote fondateur devant l’Assemblée nationale, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

… c’est aussi une trajectoire pour notre pays, un programme de réformes.

Ces réformes, le Parlement les examinera sereinement. Vous en avez été informés, vous y êtes préparés, et vous y serez pleinement associés, très prochainement, lors de l’examen de textes financiers.

Je le répète : le Parlement a un rôle essentiel. Il ne doit pas être un témoin du redressement ; il en est l’un des acteurs naturels. Si je suis venu devant vous ce soir, c’est pour vous écouter. Le Gouvernement a besoin des représentants de la nation, des représentants des territoires, pour aller de l’avant.

J’ai souhaité m’exprimer en personne, devant vous, …

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

… parce que le moment est décisif.

La France est un grand pays. C’est la cinquième puissance mondiale. Nous connaissons ses talents, ses compétences, son abnégation, mais aussi ses doutes et les regards négatifs qu’elle porte sur elle-même. Les savoir-faire de nos entreprises sont reconnus en Europe et dans le monde. Nous croyons tous, quelles que soient nos tendances politiques, au-delà de nos différences, à la capacité de notre pays à se redresser. C’est en regardant la vérité en face, et en ayant le courage de la réforme, qui a trop tardé, que nous parviendrons à ce redressement !

Pour la réussite de la France, pour la réussite des Français, je vous propose de nous engager dans cette voie. Je sais qu’il existe des différences entre nous, que les oppositions sont présentes. Elles sont naturelles dans une démocratie, notamment au sein du Parlement.

Mais nous ne pouvons pas perdre de temps. Nous devons réformer, et avec courage. C’est à ce courage et à cette responsabilité que j’appelle tous les parlementaires !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les projets de programme de stabilité et de programme national de réforme occupent désormais une place centrale dans le débat politique, à l’échelon tant européen que national, comme l’ont clairement montré les discussions nourries de ces derniers jours.

Ces programmes constituent, en effet, un engagement pluriannuel en matière de finances publiques, c’est-à-dire tout à la fois celles de l’État, des organismes de sécurité sociale et des collectivités locales. Aussi s’agit-il d’une séquence importante. Il était donc légitime que le Sénat, après l’Assemblée nationale, puisse en débattre ce soir. En cet instant, je me réjouis de la présence de très nombreux membres du Gouvernement parmi nous, et je les remercie de l’intérêt qu’ils portent ainsi à notre institution. §

Avant d’évoquer le fond de ces programmes, il me paraît utile de dire quelques mots sur la gouvernance économique et budgétaire de la zone euro, car la transmission du programme de stabilité, puis la production de recommandations par le Conseil européen au début de l’été dernier, sur proposition de la Commission européenne, constituent la séquence la plus significative du « semestre européen ».

Certaines de ces recommandations peuvent parfois être perçues ici ou là comme une forme d’ingérence. Pourtant, c’est bien d’une gestion en commun de l’euro qu’il s’agit : l’avenir de la zone euro passe par une plus grande coordination des politiques et une plus grande solidarité. Nous ne pouvons pas demander à l’Allemagne de mettre en place un salaire minimum et d’accroître sa demande intérieure et, dans le même temps, refuser que des recommandations puissent être formulées sur nos propres comptes publics.

On ne peut d’ailleurs manquer de souligner les progrès importants accomplis en matière de gouvernance économique et budgétaire ; je pense, en particulier, à l’union bancaire, au sujet de laquelle un accord a pu être trouvé voilà quelques jours, ou encore aux avancées obtenues, tout récemment là aussi, en matière de coopération fiscale. Il reste cependant encore beaucoup à faire pour que l’Union économique et monétaire prenne davantage en considération la dimension sociale et le soutien à la croissance, au travers notamment d’une capacité budgétaire propre, et s’engage également vers une plus grande harmonisation fiscale, alors même que nous constatons que certains pays se livrent, au détriment de la cause commune, à des concurrences qui ne sont pas toujours très loyales. Ce sera, bien entendu, l’un des enjeux des élections européennes du mois de mai prochain que de peser en faveur de l’affermissement de certaines politiques européennes en la matière.

J’en reviens au programme de stabilité, qui repose sur une double exigence : d’une part, poursuivre de manière déterminée le redressement de nos comptes publics et, d’autre part, consolider la reprise économique, tout en améliorant la compétitivité de notre économie.

C’est l’affirmation de ces deux ambitions qui nous permettra d’élever notre croissance potentielle, de peser dans les débats européens en faveur d’une plus grande intégration et d’une plus grande solidarité et de retrouver des marges de manœuvre pour mettre en œuvre nos priorités.

La poursuite du redressement de nos finances publiques est un impératif majeur. La sortie de crise, plus lente que nous pouvions l’espérer, ainsi que des dépenses exceptionnelles – je pense, par exemple, à quelques contentieux européens laissés en héritage par la précédente majorité ! – nous ont conduits à décaler à trois reprises notre trajectoire. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Pour autant, le Gouvernement a préféré ne pas durcir les mesures d’ajustement, au risque d’entrer dans une spirale récessive, surtout dans une période où les multiplicateurs budgétaires se sont révélés très supérieurs aux prévisions et où l’élasticité des recettes fut, au contraire, très faible. Ce choix pertinent nous a permis de renouer avec une croissance, certes modeste, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … mais qui se consolide aujourd’hui d’une façon significative.

M. Éric Doligé rit.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans ce contexte, la crédibilité de notre pays à l’égard non seulement de nos partenaires européens, mais aussi des investisseurs, repose sur le respect de notre trajectoire globale, ainsi que sur la mise en œuvre de réformes permettant de réduire structurellement la dépense publique et de garantir un redressement pérenne de nos finances. Ne pas respecter nos engagements fragiliserait, en outre, considérablement les nouvelles règles de gouvernance budgétaire, alors même que celles-ci constituent un fondement de la cohérence et de la stabilité retrouvée de la zone euro.

Aussi, le programme de stabilité prévoit d’atteindre un déficit public de 3 % du produit intérieur brut en 2015 ; le déficit structurel convergerait, par ailleurs, vers l’équilibre structurel en 2017.

Ce choix est, reconnaissons-le, exigeant, et les efforts qu’il nécessite de réaliser rapidement peuvent susciter des réticences et des inquiétudes parmi nos concitoyens. Ces inquiétudes ne peuvent nous laisser insensibles. Pour autant, l’impératif de redressement de notre pays exige de nous une grande détermination à agir.

Le second pilier du programme de stabilité repose sur la restauration de notre compétitivité, ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le Premier ministre. Nous ne pourrons pas avancer durablement sur la voie d’une plus grande justice, que ce soit envers les jeunes, les personnes âgées ou les foyers défavorisés, sans avoir su produire au préalable les richesses nécessaires à cette fin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Or de nombreuses études ont montré, voilà encore quelques jours, que la position de la France s’était sensiblement dégradée au cours des dix dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce déficit de compétitivité, lié au coût élevé du travail et à la faiblesse de la compétitivité hors prix, a également été souligné dans l’avis qu’a rendu la Commission européenne dans le cadre de la procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques, lequel mentionnait, notamment, un recul de nos parts de marché à l’export de 14 % entre 2007 et 2012. Ne pas remédier à cette situation, ce serait prendre le risque de ne plus attirer d’investissements, de ne plus créer d’emplois et, finalement, de nous appauvrir.

Dès lors, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures fortes pour inverser cette tendance. Celles-ci visent à encourager l’innovation, avec la sécurisation du crédit d’impôt recherche et la mise en œuvre d’un crédit d’impôt innovation, ainsi que le développement du programme d’investissements d’avenir et l’engagement de trente-quatre plans de reconquête industrielle ; à réduire le coût du travail, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi et le pacte de responsabilité, qui permettra de porter à 30 milliards d’euros l’allégement du coût du travail ; à diminuer la fiscalité des entreprises, notamment celle qui pèse sur les facteurs de production, avec la suppression de la C3S ; et à simplifier de manière très importante les procédures et normes imposées aux entreprises. Ce dernier point est également essentiel pour favoriser l’initiative privée, réduire les coûts de gestion d’un certain nombre de procédures et moderniser les pratiques administratives, autant d’éléments qui contribueront à la croissance future.

Ces dernières mesures, issues d’importants travaux de concertation, conduits dans le cadre des Assises de la fiscalité des entreprises ou du Conseil de la simplification pour les entreprises, sont de nature à favoriser la confiance des acteurs économiques, de même que la trajectoire pluriannuelle de baisse des dépenses publiques.

Je veux à présent évoquer les 50 milliards d’euros. §

Chacun le sait, le programme de stabilité prévoit une réduction des dépenses publiques de 50 milliards d’euros entre 2015 et 2017. Cette baisse sera répartie entre les différentes catégories d’administration en fonction de leur poids dans la dépense.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Elle permettra d’atteindre les objectifs qui ont été fixés pour respecter notre trajectoire, ainsi que de financer les allégements de prélèvements obligatoires au profit des entreprises, des travailleurs indépendants et des ménages prévus dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Le respect de nos engagements passe par la mise en œuvre d’efforts importants dès 2014 : 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires seront nécessaires, afin d’étaler l’effort requis pour atteindre le seuil des 3 % de déficit public en 2015. En 2015 précisément, ce sont 21 milliards d’euros d’économies qui devront être réalisées : les dépenses publiques devraient ainsi progresser moins vite que l’inflation, ce qui constitue un effort inédit.

La programmation ne prévoit pas de réelles marges par rapport aux objectifs sur lesquels nous nous sommes engagés, car il convient de concilier la réalisation de ceux-ci avec la nécessité de ne pas casser la reprise économique. Chacun le comprend, la croissance est la clé à la fois du redressement de nos finances publiques et de l’amélioration de notre compétitivité. C’est elle qui permettra de désendetter notre pays, d’investir, de réduire le chômage et de dégager des marges de manœuvre pour mettre en place nos priorités.

D’aucuns pourraient considérer que nous sommes en retard dans notre ajustement par rapport à nos principaux partenaires européens.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Pourtant, l’effort que nous avons accompli n’est pas moindre que celui qui a été réalisé par les principaux pays de la zone euro, hormis l’Allemagne. Notre positionnement en termes de déficit public et de dette publique est donc largement imputable à une situation particulièrement dégradée à l’issue de la crise. En 2010 et en 2011, les déficits effectif et structurel de la France étaient, j’y insiste, les plus élevés parmi les principaux États de la zone euro, après ceux de l’Espagne.

Que dire des taux d’intérêt appliqués à la dette française ? Nos taux d’intérêt restent heureusement très faibles, et l’écart avec l’Allemagne ne se creuse pas. C’est certainement parce que les marchés ne doutent pas de notre détermination à prendre les mesures nécessaires pour redresser notre compétitivité et nos finances publiques. Mais si les investisseurs devaient constater un affaiblissement de notre volonté de réduire la dépense publique, nous pourrions voir le coût de notre dette augmenter très sensiblement.

La mise en œuvre du programme de stabilité exigera, on l’a bien compris, des efforts importants de la part de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Une prise de conscience s’est opérée en France quant à la nécessité d’adapter et de moderniser notre modèle. D’autres pays ont, du reste, procédé à des ajustements de grande ampleur au cours de la décennie écoulée.

Il importe de souligner que le respect de notre trajectoire nécessitera l’engagement de réformes profondes de nos manières de piloter et de mettre en œuvre les politiques publiques. Je pense, notamment, à la santé, mais aussi, bien entendu, aux collectivités locales, dont le Gouvernement nous invite à repenser l’architecture ; et nous devrons sans délai réformer en profondeur la dotation globale de fonctionnement. §C’est cette même exigence de solidarité qui devra être intégrée dans les choix concernant les ménages.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Tel est l’objet du pacte de solidarité, qui prévoit un allégement de charges de 5 milliards d’euros au profit des ménages les plus modestes.

Cette exigence sera également prise en considération pour ce qui concerne le gel des prestations sociales ou la prise en compte des effets de seuil au regard de l’imposition des revenus. Je vous ai bien écouté, monsieur le Premier ministre, vous avez souligné à quel point votre souci était fort de préserver le pouvoir d’achat des plus démunis, ce dont nous devons nous féliciter.

En somme, les efforts demandés ne pourront être consentis que s’ils s’accompagnent d’une solidarité accrue et de perspectives d’avenir prometteuses pour notre jeunesse.

À cet égard, il me paraît également essentiel que des chantiers importants, comme la révision des valeurs locatives, soient poursuivis, de même que des réflexions soient menées sur les questions de la progressivité de l’imposition des revenus et de la lutte contre la fraude.

La méthode retenue sera également déterminante. Il faudra de la transparence sur les objectifs et de la concertation quant au choix des moyens pour les atteindre : c’est la méthode qu’entend mettre en œuvre le Gouvernement, et je m’en félicite.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Il y en a au moins un dans le pays !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Mes chers collègues, ce programme de stabilité, vous devez en convenir, révèle une ambition forte pour la France.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le chemin qu’il dessine est celui de la volonté et de la responsabilité. Nous ne réussirons qu’à la condition de tenir les engagements qu’il prévoit en matière de baisse des dépenses et des prélèvements obligatoires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

C’est ainsi que nous nous placerons à la hauteur de nos engagements européens. C’est ainsi que nous pourrons installer durablement un climat de confiance propice à une reprise robuste et durable. C’est ainsi, enfin, que nous nous mettrons en capacité de faire reculer le chômage dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est la voie que le Gouvernement nous propose de suivre, et j’invite dès lors le Sénat à l’accompagner et à le soutenir activement dans son engagement et dans sa grande détermination !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde applaudit également. – Nombre de sénateurs du groupe

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour le groupe UDI-UC.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Oui, monsieur le Premier ministre, nous avons la mission de préparer l’avenir, et le débat auquel vous nous conviez ce soir est une épreuve de confiance et de réalisme.

Sommes-nous encore en mesure de maîtriser notre destin ? Le programme de stabilité est au cœur de la coordination au sein de l’Union européenne, et plus précisément au sein de la zone euro.

Convenons que cet exercice, depuis son institution, est resté largement formel, les gouvernements successifs se donnant, les uns après les autres, bonne conscience par des prévisions exagérément optimistes et décalées par rapport à la réalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Je vous sais gré, monsieur le Premier ministre, de la solennité qui marque notre débat. Je regrette toutefois que vous renonciez à solliciter le vote du Sénat

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

, et j’étais naturellement attentif aux propos de notre rapporteur général, qui semblait lui aussi regretter que le Sénat, ce soir, ne puisse pas exprimer son opinion

M. Jean-Claude Lenoir applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Je voudrais, si vous le permettez, tenter d’exonérer l’Europe.

Bien souvent, on entend, dans des propos sévères, que c’est l’Europe qui nous oblige à rétablir notre compétitivité et à redresser nos finances publiques. Au contraire, mes chers collègues, sans l’Europe, nous aurions corrigé sans délai nos égarements. Oserais-je dire que, sans l’euro, la crainte de la dévaluation du franc par rapport au deutsche Mark aurait coupé court à toutes les tentations dépensières et exagérément déficitaires. Exonérons donc l’Europe de ce mauvais procès ! Le seul reproche que nous puissions lui faire est de nous avoir offert un bouclier pour jouer les prolongations dans nos turpitudes.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe de l’Ump

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

L’art de gouverner a été facilité parce que l’euro nous mettait à l’abri de toute dévaluation par rapport au deutsche Mark.

Nous mesurons la gravité de la situation : désindustrialisation, chômage de masse, endettement public abyssal. Vos annonces, monsieur le Premier ministre, ont dramatisé le diagnostic et les enjeux, et nous sommes tous placés devant nos responsabilités. La volonté que vous affichez répond à la nécessité d’inverser la tendance, et d’équilibrer enfin nos comptes publics. Après deux années d’errements, vous entendez alléger le coût du travail, modérer la pression fiscale et, en conséquence, réduire la dépense publique à hauteur d’au moins 50 milliards d’euros sur la période 2015-2017. Cette orientation globale nous agrée, mais ne dissipe pas nos interrogations et nos doutes sur l’effectivité de votre programme de stabilité.

Je voudrais vous faire partager nos interrogations et nos doutes par rapport à ces deux priorités que sont, premièrement, la compétitivité et, deuxièmement, le redressement des finances publiques.

D’abord, en matière de compétitivité, le parti pris est d’alléger les cotisations sociales.

Le crédit d’impôt compétitivité emploi est maintenu à hauteur de 20 milliards d’euros et, d’ici à 2016, l’effort d’allégement sera porté à 30 milliards d’euros.

Monsieur le Premier ministre, je salue le fait qu’un gouvernement de gauche ait fait tomber deux tabous de la République : le premier est de reconnaître qu’il y a un problème de poids des cotisations sociales dans notre pays. En effet, faire peser sur le coût du travail le financement de la protection sociale, c’est organiser assez méthodiquement la délocalisation des activités et des emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. Cette belle unanimité fait plaisir à voir…

Rires ironiques sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Maintenant, je ne suis pas sûr que vous ayez fait le choix de la simplicité. D’abord, le CICE est un mécanisme de cosmétique budgétaire : au 31 décembre, les entreprises constatent une créance sur l’État, mais vous chercherez vainement dans vos comptes, monsieur le ministre du budget, la dette de l’État envers les entreprises ! On attend en effet une année supplémentaire pour en faire le constat. Cela ne facilite pas la pédagogie à laquelle vous êtes attaché, monsieur le Premier ministre.

Ensuite, vous avez décidé d’alléger totalement les cotisations sociales à hauteur du SMIC. Mais, ce faisant, vous avez créé une trappe à bas salaires, et vous allez donc perpétuer ce que d’autres ont fait avant vous. Vous oubliez de renverser la table, monsieur le Premier ministre ! De même, vous allez alléger les cotisations d’allocations familiales jusqu’à 3, 5 SMIC. Là encore, vous avez créé un seuil. Complexité !

Pour vous le dire franchement, je regrette le Manuel Valls d’avant les primaires de l’automne 2011, celui qui n’hésitait pas à dire sa conviction que la TVA sociale pouvait être un bon instrument. Je regrette que le Premier ministre d’aujourd’hui n’ait pas trouvé les moyens de faire partager aux Français cette conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Et je regrette que nous soyons incapables, au-delà de nos partis politiques, de faire taire ces clivages, pour avancer sur un terrain de lucidité et de courage.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous l’incarnez assurément, la lucidité et le courage !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

J’en viens à la seconde priorité : réduire les déficits par la réduction des dépenses publiques à hauteur de 18 milliards d’euros à la charge de l’État, 11 milliards d’euros pour les collectivités territoriales – cela ne va pas être très simple –, 10 milliards d’euros à la charge de l’assurance maladie, et 11 milliards d’euros pour la protection sociale.

Vos hypothèses de croissance peuvent être qualifiées d’optimistes, mais je me garderai de tout procès à cet égard. D’autres avant vous s’y sont livrés, et je ne vous en tiendrai pas rigueur.

Mais, pour l’essentiel, j’ai bien l’impression que vos économies consistent à dire que, puisque les dépenses publiques devaient augmenter, on fera en sorte qu’elles augmentent un peu moins que ce qui était prévu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Ce discours-là, monsieur le Premier ministre, je l’ai entendu à maintes reprises, exprimé par des gouvernements de droite comme de gauche. C’est une façon de dire que l’on ne fait rien, que l’on ne s’attaque pas aux vrais problèmes, et que l’on reporte à plus tard les réformes structurelles.

Mlle Sophie Joissains et M. Roger Karoutchi applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ce qui nous inquiète, je vous l’ai dit, c’est l’absence de réformes structurelles. Comment voulez-vous réduire la dépense publique si vous ne remettez pas en cause la durée du temps de travail dans les trois fonctions publiques

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UDI-UC et sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous avons récemment eu un débat sur les 35 heures à l’hôpital, pour constater à quel point elles étaient un fiasco. Si, demain, vous venez devant le Parlement avec une loi pour le financement de la dépendance, dites-moi comment vous la financerez en conservant les 35 heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Osons reconnaître que nous n’avons pas été, les uns et les autres, à la hauteur de nos obligations !

Monsieur le Premier ministre, je souhaiterais que, sur ce point, vous révisiez votre proposition. Cela concerne non seulement les trois fonctions publiques, mais aussi des opérateurs de l’État et des collectivités territoriales.

De même, dans le domaine social, il y a des conventions collectives qu’il faudra sans doute revoir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. S’agissant des collectivités territoriales, je souhaiterais aussi que vous prononciez un moratoire des normes. Les normes multiples sont la bonne conscience des politiques

M. René-Paul Savary applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

, mais elles coûtent excessivement cher, et la plupart sont des activateurs de dépenses publiques qui viennent contredire l’objectif que vous poursuivez.

Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC et sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ayons le courage de remettre en cause nombre de normes et de laisser des marges de liberté dans la réforme que vous proposez des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

L’innovation ne doit pas être le privilège de l’économie marchande ; elle doit aussi pouvoir prendre corps dans la sphère publique.

S’agissant des collectivités territoriales, j’avoue que je n’ai pas tout compris dans vos déclarations récentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Tout d’abord, les réformes, elles doivent être engagées tout de suite, et non pas dans six ou sept ans ! Vous nous avez quelquefois un peu étonnés, et pour tout dire agacés, en procédant à une réforme de l’élection des conseillers départementaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Était-il en effet vraiment indispensable de réformer le mode d’élection alors que nous n’avions pas encore dit ce que feraient les conseils départementaux ? On a mis la charrue devant les bœufs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Et voilà que Manuel Valls, quittant la place Beauvau pour devenir Premier ministre, invite ceux qui vont être élus selon ce nouveau mode d’élection à porter comme programme la fermeture de la maison.

Très franchement, j’ai applaudi votre décision de mettre un terme à la clause de compétence générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Toutefois, dès lors que chaque niveau d’administration voit ses compétences très clairement précisées, à quoi sert-il d’en supprimer une d’emblée ? Car, dans un conseil général, les deux tiers des dépenses de fonctionnement sont des dépenses d’aide sociale. Et je n’ai pas entendu dans vos propos des économies à cet égard. Hier soir, vous avez annoncé une revalorisation du RSA : ce sera à la charge des conseils généraux.

Eh oui ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Voyez-vous, si l’on se met d’accord sur une spécialisation des compétences, peut-être faut-il revoir le rôle de chacun de ces niveaux d’administration territoriale ?

Et puis, ne le prenez pas en mauvaise part, monsieur le Premier ministre, mais, lorsque vous avez dit cet après-midi – vous l’avez réaffirmé tout à l’heure, assorti d’une nuance – que le gel du point d’indice serait réévalué chaque année

M. Christian Cambon rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. … il y a là quelque chose qui peut faire naître le doute dans les esprits.

Rires ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

On n’a qu’à supprimer le point d’indice, ce sera plus simple !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

De même, lorsque le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a supprimé le jour de carence, c’était contre-intuitif par rapport à l’objectif que vous vous fixez, et que nous partageons.

Il n’y a pas si longtemps, le Président de la République nous invitait à réduire de 50 milliards d’euros les dépenses publiques.

Votre prédécesseur à la tête du gouvernement dont vous étiez membre a publié trois décrets qui obligeront le président de conseil général que je suis à inscrire dans quelques semaines dans sa décision modificative 500 000 euros de dépenses de personnel supplémentaires, la rémunération des fonctionnaires de catégorie B et C ayant été revalorisée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Permettez-moi de vous faire une recommandation, monsieur le Premier ministre : veillez à ne pas introduire de contradiction entre votre objectif général et les mesures concrètes que vous prenez.

Nous voulons croire que les décisions courageuses vont suivre, que nous avons eu en quelque sorte la présentation générale, la carrosserie, et que nous allons maintenant passer aux précisions pratiques. Nous ne pouvons imaginer que votre engagement ne soit qu’un habile plan de communication supplémentaire. Vous avez eu des prédécesseurs dans ce registre... Veillons à ce que ce programme de stabilité ne soit pas que de la « com ».

Enfin, veillez également à ce que les orientations que vous prenez comportent plus que l’esquisse d’une nécessaire convergence européenne, car si nous voulons régler nos problèmes de chômage, de migration de travailleurs à l’intérieur de l’Europe pour des raisons de différentiel de charges ou de SMIC, préparons-nous à faire en sorte que la zone euro au moins soit un espace économique optimal.

Monsieur le Premier ministre, vous avez souligné à l’Assemblée nationale l’importance du vote. Aussi, nous regrettons de ne pouvoir exprimer notre opinion.

La situation est si grave…

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Surtout en ce qui concerne les collectivités locales !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… que nous vous demandons de tout faire pour remettre la France d’aplomb. C’est votre devoir et c’est notre obligation. Or ce qui nous est présenté ce soir est trop général, trop vague. C’est du déjà entendu et du déjà vu. Nous ne voulons pas douter de votre volonté, mais, en l’état, le compte n’y est pas. Les économies doivent être précisément documentées.

Nous ne pourrions voter contre votre programme, parce que vous exprimez une volonté, mais nous ne pourrions pas non plus l’approuver, parce que ce serait signer un chèque en blanc.

Les réformes, « c’est maintenant », monsieur le Premier ministre ! La première épreuve de vérité sera la loi de finances rectificative.

Nous vous encourageons à faire preuve d’audace, laquelle doit être l’essence de ce que je crois être le courage en politique. La France ne peut se résigner à devenir l’homme malade de l’Europe. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Dans le courrier que vous nous avez adressé pour préparer ce débat, monsieur le Premier ministre, vous parlez du choix qui s’offre à nous de soutenir ou non votre plan d’austérité de 50 milliards d’euros comme d’un grand moment de « vérité ». La France, la gauche vivent en effet des heures cruciales. Mes collègues du groupe CRC et moi-même n’avons pas l’habitude de fuir nos responsabilités. Je veux donc vous dire la vérité telle que nous la voyons.

« Méfiez-vous des demi-vérités, dit le dicton, vous avez peut-être mis la main sur la mauvaise moitié ». C’est malheureusement ce qui vous arrive, monsieur le Premier ministre. Votre diagnostic comme vos remèdes sont emplis de fausses évidences, de constats erronés, de tous ces dogmes libéraux qui nous ont conduits dans le mur et nous enfoncent chaque jour un peu plus dans la crise. Le pays a déjà payé très cher ces recettes empoisonnées. Il s’affaiblira très gravement encore avec la dose de cheval que vous entendez lui administrer.

Non, les 50 milliards d’euros de coupes drastiques que prévoit votre plan dans les services publics de l’État, dans les remboursements et les prestations de sécurité sociale ainsi que dans les budgets des collectivités locales ne sont pas un pari sur l’avenir, pas un tremplin pour le redressement de la France. Bien au contraire ! Il s’agit simplement de l’un de ces dramatiques plans d’austérité imposés dans toute l’Europe, un de plus, et le plus violent jamais imposé à la France, l’un de ces plans qui, loin de résoudre les problèmes, appauvrissent le pouvoir d’achat des couches populaires, saignent les capacités productives et les ressources, et font finalement exploser la dette et le chômage qu’ils prétendent pourtant réduire.

Vous parlez d’emplois, de croissance, de compétitivité. Mais ce ne sont, avec de telles recettes, que des vœux pieux ! Vos recettes ne marchent nulle part. Des économistes de toute l’Europe, de plus en plus nombreux, le disent. Partout les peuples d’Europe crient leur colère.

L’Europe est enlisée, noyée, asphyxiée sous les coups de cette austérité aveugle et brutale. Votre propre parti, monsieur le Premier ministre, le reconnaît, qui mènera sa campagne européenne sur le thème : « l’austérité en Europe est une erreur ».

Monsieur le Premier ministre, pourquoi devrions-nous approuver aujourd'hui ce contre quoi nous allons voter le 25 mai ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Pour notre part, avec le Front de gauche, nous ne pratiquons pas le grand écart entre les paroles et les actes ! Nous n’approuverons pas ce plan, même s’il n’est pas soumis au vote du Sénat, et ce pour deux raisons fondamentales.

La première s’énonce clairement : ce plan n’est ni efficace ni juste. Vous nous invitez à la vérité, monsieur le Premier ministre, mais vous ne la dites pas aux Français. Vous assénez une nouvelle fois, comme la droite – M. Jean Arthuis vient encore de le dire –, que la diminution du coût du travail fera baisser le chômage…

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

… et que le « zéro charge » sur le SMIC sera une puissante incitation à l’embauche. Vous justifiez ainsi les 45 nouveaux milliards d’euros d’allégements fiscaux pour le capital.

La vérité, c’est que le résultat sera l’exact inverse de ce que vous annoncez. Votre plan va en effet continuer à déprimer la demande et empêchera la reprise de l’activité.

Comment voulez-vous que les investissements publics nécessaires à la relance industrielle, à la mutation de notre système productif, à la transition écologique soient au rendez-vous si vous amputez les crédits de l’État de 18 milliards d’euros et ceux des collectivités locales de 11 milliards d’euros alors que ces dernières tirent une part grandissante de l’investissement public ?

Comment voulez-vous soutenir la demande si vous rognez le pouvoir d’achat de la majorité des Français, déjà largement amputé par la hausse de la TVA et demain plus encore par la réduction drastique de plus de 20 milliards d’euros des moyens de la couverture sociale de l’ensemble de nos concitoyens ?

Tout cela sapera les fondements d’une reprise économique durable.

Comment pouvez-vous affirmer aujourd'hui que les 45 milliards d’euros que vous offrez au patronat, sans contreparties, sans aucun nouveau droit de contrôle pour les salariés, sans réduction du pouvoir des actionnaires, sans réforme de justice fiscale, sans moyens de lutte supplémentaires contre la fraude et l’optimisation fiscales, serviront cette fois l’emploi ?

Vous ne pouvez pas plaider l’ignorance. Il suffit de regarder en arrière et de faire le bilan de vingt années de politiques de réduction des prélèvements fiscaux des entreprises : depuis 1992, le coût de ces exonérations s’établit à 250 milliards d’euros ! Pour quel résultat ? Un taux de chômage record !

Vous entérinez le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Mais qui va empocher quoi en 2014 ? Ainsi, dans le secteur du bâtiment, pourtant massivement non délocalisable, le groupe Eiffage, qui ne se porte pas trop mal, va toucher un chèque de 94 millions d’euros de l’État. Autre exemple, dans le secteur de la grande distribution, Carrefour empochera pour sa part un chèque de 125 millions d’euros ! Qui en verra la couleur ? Les salariés ou les actionnaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Prudent, vous dites que les parlementaires et les syndicats seront associés à l’évaluation de ces exonérations a posteriori. Pourquoi donc ne pas avoir commencé par là, en mettant à plat le contrôle de toutes les aides déjà versées ?

Dans ces conditions, le « zéro charge » sur le SMIC ne permettra pas de créer des emplois, mais favorisera les politiques de bas salaires et d’emplois précaires.

Votre bilan, – nous pouvons vous l’annoncer à l’avance – ce sera non pas le recul du chômage, mais le maintien d’un haut niveau de chômage et une nouvelle explosion du nombre de travailleurs pauvres en lieu et place des salariés qualifiés et des salaires décents dont notre pays a besoin.

Vous n’avez plus vous aussi, monsieur le Premier ministre, que le coût du travail à la bouche, mais le tabou que vous ne voulez pas briser, c’est celui du coût du capital, des énormes gâchis financiers dont nous payons l’addition.

Sur la dette non plus, vous ne dites pas la vérité. Vous rappelez qu’elle a bondi de 65 % en 2007 à 90 % en 2012. C’est vrai, mais vous rapprochez ce chiffre du montant de la dépense publique dans le PIB pour laisser entendre qu’elle en serait la cause. C’est un mensonge, et vous le savez.

Durant cette période, ce qui a explosé, ce n’est pas la dépense publique, que Nicolas Sarkozy

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

… dont tout le fardeau a été transféré aux États. Allez-vous vous battre contre ces coûts financiers, allez-vous faire payer les banques, allez-vous travailler à réduire les taux, à changer les critères du crédit, à modifier le rôle et les missions de la Banque centrale européenne ? Vous ne dites pas un mot sur ces questions.

Vous n’avez pas le courage de vous attaquer à la finance. Vous bombez le torse, mais, en vérité, il est plus facile d’être dur avec les faibles que fort face aux puissants ! §

Si vous voulez lutter contre le chômage et vous attaquer aux puissants, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, consacrez un peu moins de temps à vos obsessions d’austérité et surveillez de plus près les actionnaires, par exemple ceux d’Alstom, qui bradent sans vergogne le potentiel productif du pays.

Dans ce dossier stratégique pour la nation, allez-vous agir réellement, pas seulement en mots, quitte à engager la puissance publique, ou allez-vous continuer, avec le Président de la République, à compter les points en jouant les arbitres entre concurrents américain et allemand ? L’Élysée et Matignon, que je sache, ne sont pas des sièges de tribunaux de commerce ! Alstom, ses turbines et ses TGV, sont un bien qui appartient au patrimoine national. Dans ce dossier, la France doit parler haut et fort sans se laisser dicter sa loi par les marchands. L’occasion devrait être saisie d’engager le grand chantier d’un pôle public de l’énergie et des transports.

Vous ne dites pas non plus la vérité, monsieur le Premier ministre, sur les conséquences sociales de votre plan. Vous répétez des chiffres – 18 milliards d’euros pour l’État, 11 milliards d’euros pour les collectivités, 10 milliards d’euros pour la santé et 11 milliards d’euros pour notre régime de protection sociale –, mais vous entrez assez peu dans les détails, vous bornant à déclarer que « toutes les pistes sont envisagées ».

En réalité, la ponction va être massive sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat. Vous confirmez déjà le gel du point d’indice dans la fonction publique, alors que les agents sont pour l’essentiel des petits salaires – 75 % des fonctionnaires sont de catégorie C –, et le gel des prestations sociales, lequel est tout aussi injuste. Vous mettez en avant des mesures en trompe-l’œil, comme le transfert d’une partie de la feuille de paie des smicards. Mais le total de la feuille de paie, lui, ne changera pas. Au passage, c’est le financement de la sécurité sociale qui sera fragilisé.

Vous avez vanté ces derniers jours le maintien en 2014 de la revalorisation des petites retraites, en oubliant de dire que le report d’avril à octobre de cette revalorisation annuelle amputera chaque année leur pouvoir d’achat.

Vous dites qu’il y aura moins d’impôts, mais pour qui ? Tous les allégements prévus seront pour les entreprises.

Sur de nombreux autres sujets, vous n’entrez jamais dans les détails. Ainsi, vous ne dites pas combien d’emplois seront supprimés dans la fonction publique territoriale, quels médicaments seront déremboursés, quels hôpitaux, quels services seront fermés. Vous ne dites pas non plus quelles aides au logement, quelles subventions aux associations seront amputées.

Quant aux collectivités territoriales, vous annoncez leur dépeçage, vous sacrifiez le maillage démocratique local sur l’autel de la réduction des dépenses publiques, suivant à la lettre l’adage libéral selon lequel on ne fait pas de « bonne austérité » sans autoritarisme d’État. En vérité, votre réforme territoriale introduit la concurrence entre les territoires.

Vous nous demandez de vous faire confiance, mais commencez donc par jouer totalement et réellement cartes sur table.

En fait, c’est toujours le syndrome de la demi-vérité ! Si le sujet n’était pas aussi sérieux, je dirais que vous me faites penser à Coluche, qui disait : « On ne peut pas dire la vérité à la télévision : il y a trop de monde qui regarde ».

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est un compliment. Je vous remercie. Vous avez de bonnes références !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Les Français n’ont pas élu François Hollande pour subir cette politique-là. Ils viennent d’ailleurs de le lui signifier clairement dans les urnes lors des élections municipales. Cependant, tournant plus encore le dos à leurs attentes, le Président de la République vous a nommé en vous donnant le mandat d’amplifier la politique d’austérité. Or l’élection présidentielle n’est pas un blanc-seing donné à celui qui l’emporte. C’est un mandat, et le Président de la République est tenu de rendre des comptes devant les électeurs.

Or cette politique n’a pas de majorité populaire. Elle n’a pas de majorité à gauche. Que vous l’assumiez totalement, en le répétant presque comme un argument d’autorité, ne change rien à l’affaire. Votre plan n’a pas obtenu de majorité à gauche à l’Assemblée nationale. Cette politique est menée contre une partie grandissante de la majorité du pays, qui a permis le changement en 2012, contre les électeurs du Front de gauche, contre une partie grandissante des socialistes et des écologistes. Cette situation inédite ne fait que révéler un peu plus l’archaïsme anti-démocratique de notre monarchie présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Pour notre part, nous ne pouvons cautionner un mode de gouvernement qui en appelle davantage à la discipline présidentielle qu’à la conviction parlementaire et au respect des électeurs.

Devant ce triste spectacle, la droite se frotte les mains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Certains applaudissent en sourdine, d’autres vous critiquent en vous demandant d’aller toujours plus loin dans la même direction ; Jean Arthuis vient de faire les deux à la fois. Plus grave encore, devant ce spectacle affligeant, l’extrême droite de Marine Le Pen cultive le désespoir. Nous ne donnerons pas la main à ce scénario de la défaite. Vous prenez la lourde responsabilité d’engager une politique qui peut conduire à un échec durable de la gauche, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

… à un retour aux affaires de la droite et à un renforcement du Front national. Vous rendez les armes idéologiques sans combattre. Ne comptez pas sur nous pour accepter ce reniement.

Vous pouvez continuer à penser que le problème du Gouvernement tient plus à sa communication, à une question de leadership, à un manque de pédagogie. Vous pouvez continuer à vous voiler la face. D’autres l’ont fait avant vous. Cela ne changera rien à la défiance des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Aujourd’hui plus encore qu’hier, nous ne baissons pas la garde. Nous n’abandonnons pas l’idée qu’il existe une voie à gauche et qu’il ne tient qu’à nous de la construire. C’est pourquoi nous disons notre désir de travailler avec toutes celles et ceux, au Parlement et dans le pays, qui gardent le cœur à gauche, qui doutent et ressentent au fond d’eux-mêmes un profond malaise face aux orientations du Gouvernement. À nous de construire une alternative de gauche, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Michel Baylet, pour le groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce n’est pas dramatiser le débat qui anime le pays et se poursuit dans cet hémicycle que de dire que la France se trouve à un carrefour de son histoire récente. Alors que s’esquisse une timide sortie de la crise que le monde traverse depuis 2008, les cartes de l’économie mondiale sont rebattues, et ce sont déjà les contours du monde de l’après-crise qui se dessinent.

Depuis mai 2012, de grands chantiers ont été menés ou lancés : création du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ou CICE, réforme des retraites, réforme du marché du travail, réforme de la formation professionnelle. Afin que les effets de cette politique se concrétisent dans le quotidien de nos compatriotes, nous devons maintenant en accélérer le rythme et l’ampleur.

Le Président de la République l’avait annoncé le 14 janvier dernier, et vous l’avez confirmé lors de votre discours de politique générale, monsieur le Premier ministre : avec le programme de stabilité, vous fixez un cap économique et budgétaire jusqu’à la fin du quinquennat. Il s'agit d’un acte fondateur, comme vous venez de le dire.

L’équation est la fois simple et périlleuse : il nous faut rétablir la compétitivité de nos entreprises et l’attractivité de notre économie et favoriser l’emploi tout en préservant le modèle français de solidarité et en réduisant les déficits des comptes publics.

Revenons sur ce dernier aspect. Entre 2007 et 2012, notre dette publique a été portée de 64 % à plus de 90 % du PIB…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

… par ceux-là mêmes qui nous donnent aujourd’hui des leçons de bonne gouvernance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Cependant, si nous regardons plus loin, nous constatons que, depuis près de quarante ans, les gouvernements successifs ont participé au creusement de la dette. Mes chers collègues, la nécessaire recherche de l’équilibre des comptes publics n’est pas une injonction européenne : elle est un impératif politique et un impératif économique. Nous, radicaux, ne sommes pas partisans de la doxa budgétaire, mais nous constatons que la dette rogne nos marges de manœuvre et constitue un frein à l’action politique.

Dans notre pays, il est assez courant d’accuser – cela a encore été fait tout à l'heure – la contrainte européenne d’être la source de tous les maux de notre économie. Pour ma part, je n’oublie pas que, à la suite de la crise de la dette de la zone euro, c’est cette même Europe qui a éteint l’incendie qui menaçait le continent et a mis en place, avec les pays européens, les mécanismes de solidarité qui ont pour contrepartie la maîtrise des déficits et la supervision budgétaire, afin d’éviter qu’un scenario « à la grecque » ne se reproduise.

Monsieur le Premier ministre, dans votre courrier, vous estimez que le niveau de l’euro est trop élevé. J’espère que vous pourrez nous indiquer votre feuille de route en faveur de la constitution d’une gouvernance et d’une politique économique commune de la zone euro, étape indispensable à la constitution, espérée par les radicaux, d’une véritable Europe fédérale, seule capable de permettre aux grandes et vieilles nations européennes de compter dans le concert des nations mondialisées.

Revenons dans le cadre national. Depuis 2012, dans sa stratégie de redressement de nos finances, le Gouvernement a actionné deux leviers : une politique de limitation des dépenses et une augmentation de la fiscalité, ciblée principalement, parce que c’est justice, sur les hauts revenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Le programme de stabilité que vous nous soumettez prévoit quant à lui 50 milliards d’euros d’économies jusqu’en 2017. À la différence de certains contre-plans, qui prévoyaient des coupes à hauteur de 130 milliards d’euros, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

… votre trajectoire préserve le modèle social français – c’est une bonne chose – et n’obère pas la reprise économique.

Il n’en demeure pas moins que les efforts demandés sont importants. Sur trois ans, réduire de 18 milliards d'euros les dépenses de l’État et de ses agences, de 10 milliards d’euros les dépenses de l’assurance maladie, de 11 milliards d'euros les dépenses de gestion de notre système social et de 11 milliards d'euros les concours financiers de l’État aux collectivités locales, ce n’est pas rien ! C’est même faire preuve de beaucoup de courage. §

Monsieur le Premier ministre, j’ai tout de même une remarque à formuler au sujet des collectivités locales. Si nous comprenons naturellement qu’elles participent à l’effort de redressement, je veux néanmoins redire ici notre opposition à certaines de vos propositions en matière de réorganisation territoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

M. Jean-Michel Baylet. Cependant, le dialogue et la concertation sont désormais ouverts ; nous aurons l’occasion d’en reparler.

Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Il faut également souligner que les engagements prioritaires du quinquennat – l’éducation, la sécurité et la justice – sont maintenus. Il est bien sûr primordial que les plus fragiles de nos concitoyens ne s’enfoncent pas dans la pauvreté. Derrière les chiffres se trouvent des ménages confrontés à des fins de mois difficiles. C’est la raison pour laquelle nous avons milité pour que soient épargnés non seulement le minimum vieillesse, mais aussi les petites retraites, c’est-à-dire les pensions inférieures à 1 200 euros. Nous nous réjouissons que, sur ce point, vous nous ayez entendus, tout comme nous nous félicitons du maintien du plan pauvreté et de la revalorisation du point d’indice pour les fonctionnaires de catégorie C.

Je relève toutefois que, cédant au penchant des prévisions macroéconomiques pluriannuelles, votre programme table sur des projections de croissance optimistes, surtout pour 2016 et 2017 ; le Haut Conseil des finances publiques l’a d'ailleurs souligné. Gageons néanmoins que les efforts consentis permettront, comme vous l’indiquez, une stabilisation du ratio de la dette publique en 2014 et 2015, avant l’amorce d’une décrue, que nous espérons tous, en 2016 et 2017.

Mes chers collègues, les marges de manœuvre ainsi dégagées doivent permettre à nos entreprises d’améliorer leur compétitivité et d’affronter la concurrence internationale, et à notre pays de renforcer son attractivité. C’est pourquoi nous avons accueilli avec bienveillance les annonces relatives au pacte de responsabilité qui prévoient l’allégement du coût du travail et la simplification de la fiscalité des entreprises. De plus, la baisse des cotisations des salariés, et notamment de celles qui pèsent sur les plus petits salaires, entraînera une amélioration du pouvoir d’achat ; c’est le pacte de solidarité.

Ces mesures sont marquées du sceau du pragmatisme. La question des contreparties en termes de création d’emplois fut sujette à débat. Le Gouvernement estime qu’environ 200 000 emplois seront créés ; s’y ajoutent les 300 000 emplois attendus de la mise en place du CICE. Ces créations viendront des baisses de charges, mais aussi de la hausse de l’investissement résultant du rétablissement des marges des entreprises. Nous le savons, c’est au sein de ces dernières, et notamment des PME et PMI, que se trouvent les gisements de la croissance et de l’emploi.

Enfin, si le débat que nous avons aujourd’hui est axé sur les enjeux budgétaires et financiers, il est cependant un volet du pacte qui ne doit pas être négligé : le choc de simplification annoncé par le Président de la République en mars 2013. Le Conseil de la simplification vient de dévoiler ses premières préconisations ; son action doit être encouragée.

Monsieur le Premier ministre, les radicaux participent à l’effort de redressement de notre pays, au Gouvernement mais aussi à l’Assemblée nationale et au Sénat, où nous concilions loyauté et indépendance. Cet équilibre indispensable à la réussite d’une majorité repose sur l’écoute et le dialogue ; vous avez réussi à en nouer un autour de ce programme de stabilité. J’ajoute que nous considérons, en tant que composante de la majorité, qu’il est de notre responsabilité de soutenir un texte primordial, et même fondateur, je le répète, qui définit notre stratégie budgétaire, économique et fiscale pour les trois années à venir. C’est donc avec conviction, monsieur le Premier ministre, que nous souscrivons au cap que vous fixez et que nous sommes à vos côtés dans votre ambition pour la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce programme de stabilité porte bien son nom. C’est en effet la stabilité qui caractérise la politique de finances publiques menée depuis son élection par le Président de la République et ses gouvernements successifs : cette politique consiste en une application stricte de la trajectoire de réduction du déficit qu’appelle la mise en œuvre du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, qui engage désormais la France.

Je l’ai dit maintes fois à cette tribune, et je resterai, sans surprise, fidèle à ma conviction :…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

J’entends Philippe Marini faire des commentaires. Il se souvient sans doute que le président Sarkozy lui-même avait évoqué la nécessité d’adopter un Buy European Act et d’intégrer des mécanismes de responsabilité sociale et environnementale aux frontières de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Des solutions existent pour imposer, face aux marchés, la souveraineté financière de l’Europe. En recourant à ces solutions, nous aurions pu nous dispenser de ces économies prélevées sur les prestations sociales de nos concitoyens qui restent, même si vous avez, monsieur le Premier ministre, répondu à l’appel de votre majorité en épargnant les plus modestes, encore beaucoup trop douloureuses.

Les écologistes ne peuvent se résoudre à voir l’austérité escamoter progressivement la solidarité, qui fut le ciment fondateur de l’Europe.

Stabilité et constance, encore, dans la politique de l’offre et de la baisse du prix du travail – expression que je préfère à celle de coût du travail –, entamée avec le CICE et prolongée par le pacte de responsabilité.

Là non plus, comme nous l’avons déjà dit, les écologistes ne se satisfont pas davantage d’une Europe qui laisse la compétition l’emporter sur la coopération ; là encore, des solutions existent : s’engager résolument dans l’harmonisation de nos fiscalités permettrait d’atténuer progressivement la concurrence que l’on laisse aujourd’hui s’exacerber entre les États, y compris intra-européens. Participer à cette course à la baisse du prix du travail, qui nivelle par le bas la qualité de nos emplois et de nos produits, ne peut constituer un projet d’avenir pour la France et pour l’Europe.

L’avenir consiste, au contraire, à penser les besoins de la société de demain et à développer une économie à même d’y répondre. La politique de l’offre, monsieur le Premier ministre, aurait pu contribuer à cette réponse. Ne vous y trompez pas, je ne suis pas contre le fait d’aider les entreprises, ce qui n’aurait pas de sens, mais il aurait fallu mettre en place un outil sélectif, sectoriel, et s’abstenir de considérer que toute entreprise, petite ou multinationale, déficitaire ou bénéficiaire, polluante ou écologique, est susceptible de bénéficier indifféremment de la manne publique.

Un tel choix permettrait non seulement d’économiser les milliards déjà gaspillés dans de gigantesques effets d’aubaine, mais il permettrait surtout, à l’heure où beaucoup de nos concitoyens doutent – c’est un euphémisme – de la capacité de la politique à changer la société, de retrouver la puissance et les vertus d’un État stratège susceptible d’investir dans les filières d’avenir.

À cet égard, je pense à Alstom, qui est un vrai sujet d’ordre stratégique, dont je parlerai dans ma conclusion, mais aussi aux énergies renouvelables, aux transports collectifs, à l’agriculture biologique, aux services à la personne et au numérique. Il s’agirait aussi de soutenir la reconversion des filières dangereuses ou en déclin, à savoir le nucléaire et l’industrie du diesel.

Mais un bon exemple vaut mieux qu’un long discours. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je salue le pragmatisme de Roger Karoutchi.

Le Gouvernement a évalué à 500 000 le nombre d’emplois qui pourraient être potentiellement créés par les 30 milliards d’euros du pacte de responsabilité.

En utilisant la règle de trois, il est facile de calculer que chaque emploi revient à 60 000 euros d’argent public. Avec ces 30 milliards d’euros, la puissance publique aurait donc pu créer directement dans les filières d’avenir, même si ce n’est pas aussi simple en réalité, 500 000 emplois rémunérés environ 2 500 euros par mois §ou bien venir abonder une commande publique visant à stimuler ces mêmes filières.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Il y a vraiment une forme de pensée unique sur ces questions !

À titre de comparaison, le nombre d’emplois concernés par la filière diesel, au nom desquels on se refuse à abandonner cette technologie à l’origine de plusieurs dizaines de milliers de morts prématurées par an, est évalué à moins de 10 000. Sur la même base de 60 000 euros par emploi, les emplois du diesel coûtent donc 600 millions d’euros par an.

Le pacte de responsabilité des écologistes aurait donc consisté, pour partie, à assurer l’extinction de la filière diesel tout en garantissant ces 10 000 emplois, que nous ne voulons pas perdre, jusqu’à leur reconversion, par exemple dans la déconstruction et le recyclage automobiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Seulement voilà, il faut vouloir sortir du modèle dominant !

Cette démarche aurait la triple vertu de préserver la santé de nombre de nos concitoyens, de préparer notre industrie à l’économie de l’avenir et de faire des économies.

Monsieur le Premier ministre, il n’y a pas que le Gouvernement qui veuille faire des économies ; tout le monde a conscience de leur nécessité, personne ne souhaitant transférer de la dette aux générations futures en accroissant les déficits. La question n’est donc pas celle-là, mais plutôt celle-ci : comment fait-on des économies à la fois substantielles et porteuses de sens ?

À cet égard, il faut savoir que l’extinction de la filière diesel s’accompagnerait de la disparition de la niche fiscale associée, laquelle s’élève à 7 milliards d’euros par an, ainsi que d’une baisse potentiellement très importante des dépenses de santé, la pollution de l’air, à laquelle le diesel concourt pour une très large part, notamment en ville, occasionnant, d’après le commissariat général au développement durable, de 20 milliards à 30 milliards d’euros de dépenses de santé par an !

Je sais que cette question sort du débat : on aide les entreprises, on fait la croissance, puis on embauche, y compris à bas coût, et on s’engage dans la compétition au niveau international, on construit de grands aéroports… Effectivement, nous vous encourageons à sortir de cette pensée dominante. Je ne vous demande pas d’adhérer tout de suite à nos positions, mais d’essayer d’avoir une écoute attentive, y compris sur nos territoires, dans nos régions.

Mes chers collègues, vous qui êtes aussi des élus locaux, nous vous proposons une vision de l’économie qui mérite votre attention.

Dans cet esprit, nous avons accueilli avec grand intérêt la proposition du Gouvernement de revoir la politique de remboursement du médicament – je sais que M. le secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, présent ce soir parmi nous, connaît bien ce sujet –, non pour ajouter de nouvelles franchises pénalisant les patients, mais pour mettre fin à la gabegie que représente le remboursement des médicaments en France, notamment du fait de l’absence de recours systématique aux génériques et de la politique, pour le moins discutable, de l’Agence nationale de sécurité du médicament, laquelle distribue avec largesse ses autorisations de mise sur le marché pour faire plaisir à l’industrie pharmaceutique. Cessons des débats : il y a des économies !

Ma collègue du Parlement européen Michèle Rivasi propose à ce sujet une réforme simple qui permettrait de dégager à court terme la bagatelle de 10 milliards d’euros par an, ce qui correspond à la somme envisagée par le Gouvernement.

Sur ce sujet, monsieur le Premier ministre, vous le voyez, nous pourrions travailler de concert à la réduction des dépenses. Nous sommes d’ailleurs en mesure de vous proposer beaucoup d’autres gisements d’économies. Ainsi, la lutte contre la pollution de l’air, je le répète, est susceptible de nous faire économiser plusieurs dizaines de milliards d’euros par an ; une maladie comme le diabète, dont l’épidémie coûte 15 milliards d’euros par an à la sécurité sociale, pourrait être profitablement combattue par une politique de prévention proactive en matière de nutrition ; le déficit de notre balance commerciale, du même ordre de grandeur que notre facture énergétique, soit autour de 70 milliards à 75 milliards d’euros, se résorberait si la France, qui investit trois fois moins que l’Allemagne dans les énergies renouvelables, rattrapait progressivement son retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Si ce programme de stabilité, vous l’aurez compris, n’emporte pas l’adhésion franche et massive des écologistes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… non plus que leur hostilité ou leur défiance, je forme le vœu, monsieur le Premier ministre, que nous puissions nous retrouver, dans les mois qui viennent, autour du constat que l’écologie, bien qu’elle nécessite d’investir, n’est pas l’ennemie des économies, bien au contraire.

Notre pays, la France a besoin de réformes, de mutations, de mouvement, de changement, maintenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. Vous êtes le Premier ministre affiché du volontarisme, du retour de la politique puissante, d’une certaine force. Pour ma part, je suis prêt, avec mes amis écologistes, à vous suivre sur cette voie

Exclamations amusées sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… mais sans les visions du passé, sans les politiques industrielles du passé.

Pour en revenir à Alstom, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, il faut bien voir qu’il s’agit d’un sujet particulièrement révélateur de ce qu’est la France industrielle. Voilà dix ans, à coup d’argent public en réalité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

M. Jean-Vincent Placé. … et de solutions pour le coup extrêmement traditionnelles, que d’aucuns auraient pu qualifier de gauchistes, de marxistes

Exclamations sur les travées du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… vous avez choisi d’écarter Siemens du renouveau industriel d’Alstom. Il s’agissait pourtant de la solution européenne, qu’aujourd’hui nous devons appeler de nos vœux. En effet, demain, nous devons construire l’Europe, autour d’Airbus de l’énergie et d’Airbus des transports collectifs. C’est cette réalité qui doit nous conduire à sortir des visions du passé pour construire un projet cohérent. Pour ce faire, nous devons – je le dis à M. le Premier ministre et aussi un peu à sa majorité, œuvrer à l’unité et au rassemblement du peuple français.

Enfin, monsieur le Premier ministre, je conclurai sur les besoins de notre pays aujourd’hui en citant non pas Georges Clemenceau, homme de la IIIe République, même si je sais que vous l’aimez bien, mais un révolutionnaire, Georges Jacques Danton, à la tribune de l’Assemblée législative, le 2 septembre 1792 : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! » §

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

N’oubliez pas que Danton a été guillotiné !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La définition des nouvelles grandes orientations de nos finances publiques, à partir de cette année jusqu’à la fin du quinquennat, constitue en effet l’exact contre-pied de la politique conduite et des discours tenus en début de quinquennat. Autant dire que nous nous en réjouissons, puisque le nouveau gouvernement se range à un grand nombre d’arguments que nous n’avons cessé de défendre.

Désormais, le regain de compétitivité des entreprises apparaît comme le chemin le plus efficace vers la création d’emplois et constitue de ce fait le cœur de la politique économique du Gouvernement.

Ce regain nécessaire de compétitivité passe désormais par une baisse directe du coût du travail, au-delà même de l’usine à gaz du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et même par une baisse des impôts pesant sur les entreprises.

Nous nous félicitons de ce retour à la réalité du fonctionnement de l’économie, mais nous sommes obligés, bien malgré nous, de tempérer notre enthousiasme devant l’amer constat que, hélas, la baisse de fiscalité proposée ne va faire que compenser la hausse massive de fiscalité, engagée ces deux dernières années, qui a fortement impacté notre économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L’impact fut d’autant plus violent qu’il a aussi eu une dimension psychologique, certes moins quantifiable, mais sans doute encore plus dévastatrice.

La perte de confiance a touché l’essentiel des acteurs économiques, des investisseurs, des créateurs d’emplois et de richesses, et tous ces jeunes Français dont le dynamisme et la créativité se sont exportés au-delà des frontières de l’Hexagone.

Le plus dur à reconquérir sera donc la confiance.

L’inquiétude s’est aussi emparée de nos compatriotes, sur lesquels la pression fiscale n’a jamais été aussi élevée, et qui ont perdu une partie de leur pouvoir d’achat pour la première fois depuis les années quatre-vingt, ce qui a modéré leur appétit de consommation.

Votre rétropédalage, sur ce point également, signe encore une fois l’aveu de votre échec. Vous souhaitez désormais redonner du pouvoir d’achat à nos compatriotes les plus modestes.

Toutes ces mesures ont eu pour conséquence un affaiblissement de la croissance et une perte de rentrées fiscales, de TVA et d’impôt sur les sociétés notamment.

Cette perte de recettes fiscales est chiffrée à plus de 14 milliards d’euros pour la seule année 2013. Corrélée à une faible croissance, due en grande partie à l’impact récessif du matraquage fiscal, elle entraîne le non-respect des engagements du Gouvernement en matière de réduction du déficit public.

Alors que la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017, que le gouvernement Ayrault a fait adopter en décembre 2012, prévoyait de réduire le déficit à 4, 6 % du PIB en 2012 et à 3 % en 2013, ce dernier a atteint en réalité 4, 9 % en 2012 et 4, 3 % en 2013.

Ce dérapage est catastrophique

M. Daniel Raoul s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L’objectif de ramener le déficit à 3 % en 2013, qui était l’engagement numéro 9 du candidat Hollande, est donc un échec complet. L’objectif est passé de 3 % dans la loi de programmation de décembre 2012 à 3, 7 % dans le programme de stabilité d’avril 2013, puis à 4, 1 % dans le projet de loi de finances pour 2014, pour s’établir finalement à 4, 3 %. Le dérapage a été constant.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mes chers collègues, sous le précédent quinquennat, nous avions, pour notre part, toujours tenu nos objectifs

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

Et la dette ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Je vous donne les chiffres, puisque vous avez la mémoire courte : le déficit public de la France devait atteindre 8, 2 % du PIB en 2010 et 6 % en 2011 ; il s’est finalement établi à 7 % du PIB en 2010 et à 5, 2 % en 2011. Nous avions donc plus que respecté nos engagements de réduction du déficit ces années-là.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Et la casse des services publics ? Et la dette ? Elle a explosé ! C’est vous qui êtes amnésique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Dans le présent projet de programme de stabilité, vous prévoyez donc le retour du déficit à 3 % du PIB, mais en 2015.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Et alors ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Au regard de votre incapacité à respecter vos engagements jusqu’à présent, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… permettez-moi cependant de douter de votre capacité à tenir cet objectif, monsieur le Premier ministre. L’opposition en doute d’autant plus que, il y a quelques semaines, vous avez exprimé auprès de votre majorité quelque peu rétive la volonté de renégocier une nouvelle fois ce délai de deux ans auprès de Bruxelles, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… ce qui prouve que le Gouvernement lui-même n’y croit guère !

Vous avez renoncé à cette renégociation, car les clignotants européens étaient au rouge ! La réponse de Bruxelles, qui a déjà placé la France sous surveillance depuis le mois de mars, avec un avertissement, eût été non seulement négative, mais cinglante.

Un diplomate européen, cité par le journal Libération du 15 avril, l’a dit très clairement : « Si Paris avait voulu demander un délai, il se serait heurté à un mur ». Il ajoutait : « Il n’y a vraiment aucune raison que la France, seul pays de la zone euro à ne pas être sous les 3 %, ne fasse pas les efforts promis. » Rappelons, en effet, que, selon les données d’Eurostat parues la semaine dernière, la zone euro, a contrario de la France, a réduit son déficit à 3 % du PIB en 2013, alors qu’il s’établissait à 3, 7 % en 2012, à 4, 1 % en 2011 et à 6, 2 % en 2010. Notre pays est donc aujourd’hui au pied du mur, avec des records d’endettement, de niveau des prélèvements obligatoires et de chômage.

Face à cette situation alarmante, le présent projet de programme de stabilité fait indéniablement penser au tournant de 1983. Avec les socialistes, c’est chaque fois la même chose : quand un nouveau Président de la République socialiste est élu, au bout de deux ans, les promesses démagogiques qui lui ont permis d’être élu font « pschitt », …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… car il se rend compte qu’elles ont conduit la France droit dans le mur des réalités économiques. Il opère alors un revirement total : barre à tribord toute !

Nous espérons que, cette fois-ci, l’aggiornamento se concrétisera réellement et que le socialisme français fera enfin sa mue vers la social-démocratie ou le social-libéralisme, comme l’ont fait tous les autres partis socialistes européens. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Un programme sérieux, mes chers collègues, ne se construit pas sur l’idée démagogique du rétablissement économique d’un pays uniquement via la taxation de ses riches et une déclaration de guerre à la finance.

Si la réorientation de votre politique économique va dans le bon sens, elle s’opère vraiment tardivement. Le rapport Gallois – il y a un an et demi, je vous le rappelle – vous donnait pourtant toutes les clés pour opérer cette mue.

Or, plutôt que de rétablir une baisse directe des charges sociales pesant sur les entreprises, vous avez préféré créer une « usine à gaz » avec le CICE, très difficile à mettre en place pour les très petites entreprises, et qui favorise surtout la grande distribution et les entreprises du secteur de la construction, gros employeurs de bas salaires, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… ce qui constitue un pur effet d’aubaine, car il n’y a aucune chance que ces entreprises délocalisent leur activité.

Vous étiez alors prisonniers de vos premières décisions prises quelques mois auparavant, en l’occurrence la suppression de la TVA compétitivité et anti-délocalisations que nous avions mise en place. Il vous fallait donc trouver un autre système, hélas beaucoup moins simple et direct, pour tenter de diminuer le coût du travail.

Aujourd’hui, face à la situation économique et au regard de la mise en route poussive et mal ciblée du CICE, vous êtes contraints de revenir à une baisse directe du coût du travail. En plus du CICE, vous proposez donc désormais, dans le présent programme de stabilité, 10 milliards d’euros d’exonérations de charges : les cotisations patronales URSAFF seront supprimées jusqu’à 1, 6 SMIC au 1er janvier 2015 et les cotisations familiales, au-delà et jusqu’à 3, 5 SMIC, diminuées à partir du 1er janvier 2016 ; pour les indépendants et artisans, les cotisations famille seront diminuées de trois points en 2015.

Nous saluons la réinstauration de ce que vous aviez supprimé : à savoir, la diminution des cotisations sociales patronales affectées au financement de la branche famille, que nous avions proposé de diminuer de 5, 4 points pour un allégement global du coût du travail de 13, 2 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Eh oui !

L’ennui est que la baisse que vous proposez n’interviendra qu’en 2015 et en 2016. La France aura donc perdu trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Dans le contexte d’aujourd’hui et de ces dernières années, de notre point de vue, c’est une faute lourde !

Quant à la diminution à hauteur de 1 milliard d’euros des impôts pesant sur les entreprises, avec la suppression annoncée de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, et la diminution de l’impôt sur les sociétés, elle n’interviendra qu’à partir de 2015, pour s’étaler jusqu’en 2017 et au-delà. En outre, nous ne savons pas comment ces mesures seront financées !

En effet, comment concilier la réduction du déficit public à 3 % du PIB en 2015 et le financement des mesures précitées ? Car il faut également leur ajouter 5 milliards d’euros de mesures en faveur du pouvoir d’achat d’ici à 2017, ainsi que les dernières nouvelles mesures annoncées hier par M. le Premier ministre pour tenter de calmer la fronde d’une partie de ses troupes, et dont nous ne connaissons pas plus le financement.

Gilles Carrez, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, présente une estimation de 25 milliards d’euros à trouver d’ici à 2017 pour financer les baisses de prélèvements annoncées et un chiffrage d’économies nécessaire entre 70 milliards et 80 milliards d’euros, au lieu de 50 milliards d’euros.

Cependant, le plus inquiétant est que, si les prévisions de croissance pour 2014 et 2015 détaillées dans le présent projet de programme de stabilité sont envisageables, les hypothèses pour 2016 et 2017 apparaissent exagérément optimistes.

Globalement, l’économie française ne redémarre que très lentement, avec une perspective de croissance située plutôt entre 1, 4 % et 2 % en 2016 et 2017. Dans son budget pour 2014, le Gouvernement avait estimé la croissance à 2 % en 2016 et 2017. Dans le nouveau programme de stabilité, les projections ont été révisées à la hausse à 2, 25 %. Un tel optimisme pour la fin du quinquennat permet l’astuce comptable consistant à présenter un ratio de dépense publique autour de 53 % du PIB.

Dans son avis sur le programme de stabilité, le Haut Conseil des finances publiques a jugé sévèrement ces nouvelles hypothèses de croissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Si ! Selon lui, ces prévisions reposent sur des hypothèses très favorables, tant pour le soutien apporté par l’environnement international que pour le dynamisme de la demande intérieure. Il estime que le contexte de faibles marges des entreprises françaises pourrait conduire à une croissance moins dynamique de la masse salariale marchande et de l’investissement productif.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Selon le Haut Conseil, la croissance potentielle risque d’être durablement faible pour plusieurs raisons : déficit de compétitivité, euro fort et chômage élevé. La faible inflation a en outre pour conséquence d’augmenter les taux d’intérêt réels, donc de limiter l’accélération de la croissance, et renchérit le coût de la dette.

Les hypothèses de croissance s’avèrent donc surestimées pour la fin du quinquennat. §

Selon les économistes de Natixis, avec une croissance de 0, 6 % en 2014, de 1 % en 2015 et les années suivantes, les dépenses publiques devraient alors baisser de 2, 1 % en volume pour satisfaire l’objectif de recul des dépenses publiques de 3 points de PIB à l’horizon 2017. Il faudrait alors diminuer les dépenses publiques non plus de 50 milliards d’euros, mais de 85 milliards d’euros.

En outre, les 50 milliards d’euros d’économies sur trois ans sont constitués pour une part de mesures qui ne sont pas nouvelles. Je rappelle que le gel des dépenses en valeur, donc la baisse en volume, déjà respecté depuis plusieurs années, avait été engagé par notre ancienne majorité ; le gel du point d’indice des fonctionnaires en 2015 et 2016 est également la poursuite d’une mesure mise en place depuis 2010 – son prolongement est d’ailleurs en contradiction avec les propos de Mme Lebranchu, ministre de la fonction publique, qui avait annoncé, en janvier 2014, que ce gel ne durerait pas toute la législature.

Par ailleurs, ces 50 milliards d’économies sont en réalité une baisse équivalente appliquée à une hausse tendancielle estimée à 35 milliards d’euros par an, soit 105 milliards d’euros sur trois ans. En réalité, il s’agit donc d’une réduction d’un peu moins de la moitié de la hausse prévue des dépenses. C’est déjà bien, mais c’est insuffisant !

Ce plan d’économies ressemble donc à un plan de colmatage, alors qu’il faudrait un plan d’économies structurelles. Il faut réformer le marché du travail et la formation professionnelle, il faut supprimer les 35 heures, il faut aller plus loin dans les réformes des retraites et de la sécurité sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La réflexion sur le « millefeuille territorial » est certes envisagée, avec la proposition de création de grandes régions, que nous approuvons, mais la suppression des départements, l’échelon social de proximité, est inenvisageable pour le groupe UMP du Sénat, je le répète.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Et Fillon ? Vos copains veulent la faire, pourtant !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Encore une fois, quelle perte de temps ! Vous avez supprimé notre réforme territoriale, qui créait le conseiller territorial et répondait parfaitement à l’objectif que vous affichez maintenant.

Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Ump

Quelle logique !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Quant à l’effort de 11 milliards d’euros que vous demandez aux collectivités locales, je souhaite que vous soyez beaucoup plus précis, monsieur le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Même incohérence avec le gel du point d’indice des fonctionnaires : vous gelez le point d’indice, mais, parallèlement, vous refusez de revenir, même partiellement, sur la création de 60 000 nouveaux postes de fonctionnaires. C’est illogique ! Comme l’a rappelé le gouverneur de la Banque de France, « en 2013, malgré le gel du point d’indice de la fonction publique, la masse salariale de la fonction publique a augmenté de près de cinq milliards d’euros, soit autant que l’économie réalisée sur la charge de la dette publique grâce au bas niveau des taux d’intérêt ».

Ce bas niveau des taux d’intérêt, dont vous gratifient les marchés financiers, est d’ailleurs votre meilleur allié actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les marchés financiers sont vos meilleurs amis !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous réussissez à « limiter la casse » grâce à une charge de la dette en diminution. Le taux des obligations assimilables du Trésor – OAT – à dix ans est en effet particulièrement bas, actuellement légèrement inférieur à 2 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le coût de financement à moyen et long termes a atteint un plancher de 1, 54 %, contre 1, 86 % en 2012 et une moyenne de 4, 15 % sur la période 1998-2007.

Toutefois, une remontée est possible, ce qui pourrait anéantir tous les efforts. Un point de taux d’intérêt en plus, c’est en effet 3 milliards d’euros de plus en termes de charge de la dette la première année et 6 milliards l’année suivante. Certes, vous envisagez cette hypothèse dans le programme de stabilité et nous vous savons gré de cette prudence affichée.

Rappelons enfin que la France emprunte, chaque année, plus ou moins de 200 milliards d’euros. En 2014, le budget prévoit l’émission de 173 milliards d’euros de dette à moyen et à long terme. Ce chiffre fait de notre pays le second plus gros emprunteur de la zone euro, derrière l’Italie, dont le programme s’élève à 235 milliards d’euros. Selon les économistes de Natixis, la France prévoit même d’émettre davantage ; ils chiffrent nos probables émissions en 2014 à 198 milliards d’euros de dette à moyen et à long terme, soit un peu plus que le montant émis en 2013, qui s’élevait à 192 milliards d’euros. La France ne réduirait donc pas son programme d’emprunts, contrairement à l’Italie.

Nous le voyons, nous sommes dans une situation critique. Nous pouvons basculer dans le gouffre, comme remonter la pente.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Après deux années d’échecs, sanctionnés par les Français lors des dernières élections, vous avez décidé de changer votre fusil d’épaule, mais la plupart des mesures entreront en vigueur au mieux dans un an et, outre des questionnements concernant leur financement, leur équilibre repose sur des hypothèses de croissance probablement surestimées. Enfin, les mesures réellement structurelles sont insuffisantes.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe UMP du Sénat ne voterait donc pas ce projet de programme de stabilité.

M. Jean-Marc Todeschini s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

(Exclamations sur les travées de l’UMP.) C’est particulièrement regrettable pour nos collectivités territoriales que vous malmenez

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… et que nous représentons !

Le groupe UMP le déplore profondément, comme l’a exprimé notre collègue Roger Karoutchi lors d’un rappel au règlement à la reprise de la séance de cet après-midi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La responsabilité du Gouvernement n’est pas engagée ici, au Sénat. Nous ne sommes pas dans le cadre d’un vote, comme à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Cette inégalité de traitement est dommageable pour notre institution. Et nous regrettons, monsieur le président du Sénat, que vous n’ayez pas défendu la Haute Assemblée en insistant auprès du Gouvernement pour qu’il décide un vote ici même !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… un vote avait eu lieu à l’occasion du premier débat sur le programme de stabilité en 2011. En 2012, il n’y avait pas eu de vote, car il n’y avait pas eu de débat, le Parlement ne siégeant pas en avril 2012 en raison de la campagne de l’élection présidentielle.

Depuis lors, en 2013 et de nouveau cette année, les gouvernements de gauche nous refusent ce vote, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… pourtant prévu par l’article 14 de la loi de programmation des finances publiques, lequel précise que, concernant le projet de programme de stabilité, le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le Premier ministre, nous ne sommes pas dupes de cette inégalité de traitement ! Votre majorité est plus fragile ici…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Certains ne sont pas si chers, ils sont même impolis !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… je vais attendre que la plupart des collègues de l’UMP quittent l’hémicycle pour démarrer mon propos, car tous ces mouvements rendent la concentration difficile. Vous voudrez bien, monsieur le président, défalquer ces instants de mon temps de parole.

Monsieur le Premier ministre, je voudrais d’abord vous féliciter très chaleureusement, au nom de notre groupe, d’être venu dès ce soir, au Sénat, le même jour que le débat à l’Assemblée nationale, pour évoquer le pacte de responsabilité et de solidarité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Et permettez-moi également, parce qu’il a été beaucoup question de vote, de vous féliciter d’avoir obtenu, par votre majorité, la majorité absolue des votes cet après-midi à l’Assemblée nationale, gage de la confiance que la majorité de gauche apporte à votre gouvernement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Vous avez dit qu’il fallait regarder la vérité en face. Oui, monsieur le Premier ministre, regardons la vérité en face ! Notre endettement est devenu un problème politique majeur. Cet endettement a augmenté depuis quarante ans. Notre dette a grossi à un rythme effréné. Et il faut regarder la réalité en face : à quel moment cette dette a-t-elle le plus augmenté ? Et à quel moment a-t-elle un peu diminué ? En effet, si l’on veut un débat objectif, il faut également prendre cela en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.On a confiance dans votre objectivité…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Dans un contexte de faible inflation et de faible croissance, cette dette est devenue un fardeau. Est-ce là l’héritage que nous voulons laisser à nos enfants ? Avec un tel niveau d’endettement, notre destin ne nous appartient plus. Avec un tel niveau d’endettement, notre souveraineté serait menacée. Avec un tel niveau d’endettement, c’est toute notre démocratie qui en prendrait un coup !

Quelle liberté collective avons-nous quand le deuxième budget de l’État est celui de la dette ? Quelle liberté collective avons-nous quand nos choix politiques sont subordonnés aux taux d’intérêt des marchés financiers ? C’est de cela qu’il s’agit ce soir, et c’est le débat qui a occupé le Parlement toute la journée !

Nous devons recouvrer notre autonomie et notre souveraineté. Nous devons surtout permettre aux générations futures de pouvoir faire, le moment venu, leurs propres choix.

Alors, oui, monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit, le pacte de responsabilité est un levier de confiance pour aller chercher la croissance. Sans croissance, point de salut ! Sans croissance, pas de développement économique, pas de création d’emplois et, donc, pas de fluidité dans les mouvements ! C’est de cela qu’il s’agit et vous avez pris, monsieur le Premier ministre, avec votre gouvernement, une décision historique – je dis bien « historique ».

Vous êtes le premier gouvernement de la Ve République à avoir décidé de combattre la dette, de la faire baisser par la réduction des dépenses publiques. Il n’y en a pas eu un autre ! C’est pourquoi nous sommes parfois las d’entendre les donneurs de leçons qui trouvent que « ce n’est pas assez ceci » ou que « c’est trop cela ». Là encore, regardons la réalité en face !

Depuis des années, les uns et les autres, la droite, comme la gauche, ont augmenté les impôts. Mais aujourd’hui ce n’est plus possible. La droite et la gauche ont mené des politiques pour faire baisser le chômage mais on voit où nous en sommes aujourd’hui. Depuis un an, le chômage des jeunes a baissé. Nous pouvons nous en réjouir, car un jeune qui retrouve le chemin de l’emploi retrouve le chemin de la société et retrouve donc le chemin de la République. Le chômage est toutefois encore trop haut et je souhaite à notre ex-collègue, le ministre Rebsamen, d’avoir la grande joie d’annoncer le moment venu l’inversion et la baisse du chômage.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Oui, il faut tous nous en réjouir, mes chers collègues, parce que c’est l’intérêt de la nation française !

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez dit, vous avez écouté les parlementaires – ceux de votre majorité, notamment. Non seulement vous avez écouté les parlementaires, mais vous avez aussi entendu les Français parce que vous les connaissez. Vous avez entendu leurs souffrances. Vous avez entendu leurs craintes. Que veulent nos concitoyens ? De la justice et de la vérité. Oui, de la justice et de la vérité !

Vous savez, les Français sont capables d’entendre qu’il faut faire des efforts. Les Français sont capables d’entendre qu’il faut aller dans telle direction, à condition que ce soit juste et qu’on leur tienne le discours de la vérité. Sans cela, l’abstention et le vote extrême – n’en doutons pas ! – continueront à augmenter.

Il fallait absolument protéger les petites retraites. Et vous l’avez fait : 6, 5 millions de personnes sont concernées. Qu’on ne nous dise pas que c’est le fruit d’un marchandage…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… ou que c’est epsilon : 6, 5 millions de Français dont les pensions de retraite sont inférieures à 1 200 euros par mois vont être épargnés par ce plan ! C’est une mesure de justice. Vous avez également pris en compte les fonctionnaires de catégorie C et la pauvreté.

Tout à l’heure un orateur disait : « Mais qui paie ? Ce sont les départements ! ». Je rétorque : Et alors ? Sous prétexte que ce serait à l’État de prendre ses responsabilités, on préférerait laisser les gens dans la précarité !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

On préférerait laisser les gens dans la précarité ? Non ! Moi, je préfère que les départements paient, qu’ils financent le RSA ! Je préfère que les départements augmentent les fonctionnaires de catégorie C ! C’est un gage de justice sociale. Si nous le faisons, c’est bon pour nos concitoyens.

Ne regardons pas d’où cela vient. Regardons l’objectif. Et l’objectif, c’est la justice dans notre pays. Elle est vraiment essentielle. Il faut protéger les classes populaires, vous l’avez fait.

Autre exigence, après la justice, la vérité.

Jean Jaurès

Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… Oui, c’est une très belle référence ! Donc, Jean Jaurès disait : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ». Et c’est ce que vous avez fait. La vérité, monsieur le Premier ministre, c’est que le pays vit au-dessus de ses moyens ! La vérité, c’est que le pays était en faillite, au bord de la faillite, comme le disait un précédent Premier ministre !

Murmures sur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Absolument !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Et c’est de ce pays-là dont nous avons hérité, c’est ce pays-là que la gauche a trouvé !

La dette a augmenté, il fallait la faire diminuer. Tout à l’heure, Mme Des Esgaulx disait que les promesses du précédent quinquennat ont été exaucées. Pour avoir été exaucées, elles l’ont été ! Augmentation de la dette de plus de 650 milliards d’euros ! Augmentation du déficit du commerce extérieur de plus de 75 milliards d’euros ! Augmentation du déficit de la branche maladie de plus de 10 milliards d’euros ! Disparition de postes d’enseignants ! Fermetures de services publics ! Telles étaient bien vos promesses ! Les nôtres

M. Alain Fouché s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J’en viens au dernier point : les collectivités locales.

Sur les régions, il me semble que le Sénat sera unanime. Le rapport a été fait : il faut diminuer le nombre de régions et il faut plus d’efficacité.

Sur la clause de compétence générale, vous l’aviez proposé, nous y sommes revenus, on y revient, mais ce n’est pas tout à fait la même chose. §Nous verrons au cours du débat parlementaire ce qui pourra être mis en place après la suppression de la clause de compétence générale. Si c’est la clause exclusive, je pense que nous ferons fausse route. Mieux vaudrait une clause qui va plus loin, permettant aux collectivités « infra » et « supra » de conventionner. Ainsi, nous avancerons.

Sur la suppression des départements, j’espère que le Sénat ne sera pas dans le camp des conservateurs et qu’il sera plutôt dans le camp des novateurs. §C’est de cela qu’il s’agit !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est-à-dire ? Allez au bout de votre pensée !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En ville, dans les agglomérations, dans les métropoles, vous le savez bien, mes chers collègues, les régions ont la compétence économique, les intercommunalités ont la compétence économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Or, vous le savez également, ça ne peut pas continuer ainsi ! Quand vous recevez des chefs d’entreprise, en Vendée…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

… ou dans d’autres départements, vous leur dites qu’ils doivent remplir cinq dossiers différents pour une seule affaire. Il faut que cela cesse !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Il faut de la fluidité, il faut améliorer les choses ! Vous le savez très bien, mes chers collègues. Alors, il faudra aller de l’avant et il faudra que le Sénat avance, se situant non dans le camp des conservateurs mais dans le camp des novateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Enfin, mes chers collègues, je pense que sur un dossier comme celui-ci, il n’y a pas de place à la surenchère. Tout à l’heure, notre collègue représentant l’UMP nous parlait des 50 milliards d’euros. Pourquoi ne parlez-vous pas des 130 milliards d’euros que vous proposez ? J’ai lu votre programme de réduction de la dette de 130 milliards d’euros.

Ce que j’aimerais, chers collègues de l’UMP, c’est que vous alliez tous les dimanches sur les marchés avec des tracts pour expliquer aux Français en quoi consiste votre programme de baisse de 130 milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Nous ne vous avons pas attendu pour le faire !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Nous l’avons fait, et c’est pour cela que nous avons gagné les élections municipales ! D’ailleurs, nous le faisons toute l’année !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous l’avons fait ! Et cela nous a plutôt réussi aux municipales !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Faites-le, et je vous promets que les Français trouveront la pilule présentée par Manuel Valls beaucoup moins amère ! C’est cela aussi la réalité, c’est la confrontation politique, c’est présenter projet contre projet !

Oui, il faut rétablir nos finances publiques ! Oui, il faut refuser l’austérité parce que, le Premier ministre l’a très bien dit, quand notre pays investit 1 100 milliards d’euros, ce n’est pas de l’austérité ! Quand on augmente le nombre d’enseignants, ce n’est pas de l’austérité ! Quand on maintient notre modèle social, ce n’est pas de l’austérité ! C’est de la justice ! Il y va de la souveraineté de la France, il y va de son avenir !

Monsieur le Premier ministre, à la tête de ce gouvernement, vous avez eu le courage et la vérité d’avancer dans une voie difficile. Vous êtes le premier à l’avoir fait. Le groupe socialiste et apparentés vous soutient évidemment. Il vous soutient pour votre action et les orientations que vous menez mais, surtout, il vous soutient pour l’avenir de la France et des Français. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme Michèle André, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, parlons clair : le programme de stabilité dont nous débattons aujourd’hui tire son importance du fait qu’il engage la souveraineté financière de la France, la crédibilité politique du Gouvernement et la responsabilité collective de la majorité présidentielle.

D’abord, faisons la part des choses. Aujourd’hui, nous dit-on à l’envi, souvent en levant les bras ou la mine désespérée, la dépense publique dépasse en France 57 % du PIB du pays. On nous dit même que nous détiendrions la médaille d’argent en la matière derrière le Danemark !

Soyons réalistes, ce pourcentage n’est pas un problème en soi. Il n’est que le marqueur d’un modèle d’allocation des ressources de la nation issu de notre histoire et dont nous n’avons pas à rougir : il est le fruit d’arbitrages successifs qui ont construit, au fil de nombreuses décennies, la physionomie, originale à plus d’un titre, de ce qu’il est convenu d’appeler le « modèle français », modèle social aux fondements économiques et politiques bien spécifiques.

Ce qui est un problème, c’est que dans la phase actuelle de l’évolution du système économique mondial, qui est une phase non pas de crise temporaire, mais de crise de mutation, qui appelle des restructurations de notre système productif, la France est endettée au-delà de ce qui est raisonnable en regard de ses capacités de remboursement.

Or que l’on tourne la question dans un sens ou dans un autre, nous devrons rembourser les intérêts de notre dette. Et, comme le Premier ministre l’a rappelé voilà quelques instants, c’est tout de même 45 milliards d’euros chaque année !

Il est juste de souligner que cette dette est le fruit de nombreuses années consécutives, comme une fuite en avant. Rappelons que la dette publique a augmenté de 30 % au cours du dernier quinquennat, passant de 64 % du PIB à plus de 90 % en 2012.

Rappelons également que la politique menée durant les deux quinquennats précédents a gonflé la dette publique – beaucoup d’orateurs l’ont indiqué –, qui s’élève à plus de 900 milliards d’euros, dont 300 milliards, certes, à cause de la crise, mais dont 600 autres milliards proviennent d’une politique délibérée d’allégements fiscaux en faveur des plus aisés, au détriment de la recherche d’une plus grande égalité sociale.

Aussi nous trouvons-nous aujourd’hui dans une situation devant laquelle la France ne peut plus reculer, sauf à remettre en question les fondements mêmes de sa souveraineté et hypothéquer durablement sa croissance.

Le programme de stabilité est un compromis entre la réduction de notre dette publique et le soutien à la croissance. Ce programme représente un engagement que nous devons tenir, vis-à-vis de la Commission européenne, d’un côté, vis-à-vis de nos partenaires européens, d’un autre côté, mais surtout, et d’abord, vis-à-vis des Français. Seule la réduction des déficits peut assurer la pérennité de notre modèle social, même si cette pérennité doit être assurée au prix d’une réforme de nos structures économiques et politiques.

Nous ne devons pas laisser croire aux Français que ce combat est facile !

Nous devons, au contraire, leur dire et leur expliquer clairement que la période que nous traversons est difficile – ils l’ont d’ailleurs bien compris ! – et que nous ne nous sortirons de cette mauvaise passe qu’en « jouant collectif », comme on dit en rugby, un sport qui m’est cher, c’est-à-dire en faisant des efforts, mais en faisant des efforts partagés.

Car les Français veulent que les efforts qui leur sont demandés soient justement répartis et qu’ils apparaissent utiles.

Quand le Gouvernement choisit de mettre en œuvre un programme de 50 milliards d’euros, ce n’est pas au hasard, « au doigt mouillé ».

Ces 50 milliards correspondent à des choix affirmés et assumés : il ne s’agit pas de choix correspondant à un programme de 35 milliards, et encore moins de 80 !

Ces 50 milliards correspondent à l’effort qu’il faut consentir pour contenir la progression de la dépense publique au niveau de l’inflation, qui devrait s’élever à + 0, 1 % en volume sur la période 2015-2017.

Malgré le caractère composite du message adressé par les Français au Gouvernement par le biais des dernières élections municipales, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

... les Français, n’en doutons pas, sont d’accord pour que le Gouvernement, non pas engage, mais poursuive le redressement financier du pays commencé depuis le printemps 2012.

Les Français demandent au Gouvernement de la clarté, d’abord dans l’énoncé du cap choisi pour notre pays, ensuite dans l’itinéraire choisi pour atteindre nos objectifs nationaux, enfin dans le maintien des moyens mis en œuvre pour atteindre le cap fixé.

Le cap, c’est celui de maintenir, de renforcer et de développer une République sociale, c’est-à-dire un État d’action publique, de service public et de protection sociale.

L’itinéraire, c’est la réduction des déficits, qui seule peut apporter à cet État les marges de manœuvre qui lui sont indispensables.

Les moyens, ce sont les mesures contenues dans le pacte de responsabilité et dans le pacte de solidarité.

Et que l’on ne nous dise pas que le Gouvernement ne s’attaque pas aux vrais problèmes et ne prend pas à bras-le-corps les « indispensables réformes de structures » !

Le présent programme de stabilité traduit en actes la combinaison équilibrée d’un effort de ralentissement de la dépense publique, qu’il soit demandé à l’État, à ses services, aux collectivités territoriales, à l’assurance maladie ou à la protection sociale, avec des réformes en profondeur. Certains de mes collègues ayant largement abordé ces questions, je n’y reviens pas.

Il s’agit de poursuivre la réduction des déficits. Je dis « poursuivre » car c’est dès le printemps 2012 que la gauche a commencé à réduire fortement le déficit public.

En 2013, la réduction des déficits avait porté pour 33 % sur la baisse de dépenses et pour 66 % sur l’augmentation des impôts.

En 2014, c’est 80 % de l’effort qui porte sur les dépenses, soit un effort sans précédent de 15 milliards d’euros d’économies.

Le programme de stabilité marque donc un changement décisif : la France va passer d’un ajustement budgétaire par l’impôt à un ajustement par la dépense, alors que de 2011 à 2013 l’essentiel de l’effort a reposé sur des hausses de prélèvements.

Dans le même temps, nous nous félicitons, au nom de la justice, du fait que si, dans un régime de répartition, le niveau des pensions doit tenir compte de la performance économique du pays, les petites retraites ne soient pas touchées par les mesures de gel de leur progression.

Nous nous félicitons également du fait qu’il en soit de même pour les salaires des fonctionnaires les plus modestes, ainsi que pour les prestations bénéficiant aux plus précaires, dont certaines vont même être revalorisées.

La France entend donc diminuer le poids de sa dépense publique de trois points de PIB d’ici à 2017. Un tel but n’a rien d’exceptionnel : il est tout à fait atteignable. De nombreux autres pays l’ont d’ailleurs atteint en aussi peu de temps, et dans des conditions parfois moins favorables.

De plus, il faut reconnaître que les engagements pris par notre pays en matière de limitation des dépenses ont été bien respectés ces dernières années, tandis que les prévisions macroéconomiques sont de plus en plus sincères.

Avec le programme de stabilité, le solde structurel des comptes publics sera proche de l’équilibre en 2017, le taux des prélèvements obligatoires n’ayant pas cessé de baisser jusque-là et la réduction du déficit public étant assurée par la maîtrise de la dépense.

Parallèlement, alors que le déficit hérité en 2012 des deux quinquennats précédents conduisait à une progression continue de la dette, celle-ci pourra entamer sa décrue en 2016...

Certains dénoncent dans cette démarche une soi-disant politique d’austérité. Rien n’est plus faux ! Regardons autour de nous ce que sont les véritables politiques d’austérité !

En réalité, les efforts à fournir doivent être moindres que précédemment.

Depuis 2011, l’effort budgétaire annuel s’est situé entre un point et un point et demi de PIB par an, soit 20 milliards à 30 milliards d’euros. En 2015, cet effort doit revenir à 0, 8 point de PIB, pour passer ensuite à 0, 5 point. L’intensité de l’effort sur les trois prochaines années sera donc moindre que sur les dernières.

Par ailleurs, la baisse des prélèvements devrait avoir des effets favorables à l’activité, d’abord par le signal dynamique envoyé au monde économique, ensuite par les nouveaux allégements de cotisations sur le travail non qualifié, ces allégements pouvant avoir des effets plus rapides et plus forts sur l’emploi que ce que l’on pensait encore récemment, enfin par les efforts supplémentaires pour la compétitivité.

Au total, avec le CICE, le coût du travail au niveau de deux SMIC va baisser de 5 % environ. Toutefois, il faut être conscient que la question de la compétitivité ne pourra pas toujours être traitée par des baisses de prélèvements, car ceux-ci doivent bien sûr être financés. Il faut donc que les entreprises contrôlent leurs coûts et ne comptent plus, à terme, sur l’État pour recréer de nouvelles conditions qui leur soient favorables.

La France doit répondre à deux défis : l’amélioration de sa compétitivité et la réduction de ses dépenses publiques. Le programme de stabilité répond à ces défis, même s’il y aura toujours, sans doute, des débats sur telle ou telle hypothèse pouvant être jugée plus ou moins volontariste. Le retour du déficit au niveau de 3 % sera, quelles que soient les conditions réunies, une opération difficile. Mais le plus important est que la France mène les réformes adéquates et réduise sa dépense.

Les socialistes souhaitent la réussite de ce quinquennat et, en l’occurrence, de ce gouvernement.

L’avis positif que le groupe socialiste porte sur le programme de stabilité n’est ni un « chèque en blanc » ni le signe d’une quelconque résignation. C’est une marque de confiance dans les intentions affichées par le Gouvernement, d’adhésion à sa politique et de soutien à son action. Il vise à redresser notre pays, à lui permettre de dégager des marges de manœuvre économiques et politiques pour que soient mieux réparties les richesses qu’il crée, et à le rendre plus fort au sein du chantier de construction de l’Union européenne. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement, pour le groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Premier ministre a demandé au Parlement d’approuver le projet de réforme des trois prochaines années.

Ce projet comporte deux volets distincts.

Le premier est constitué par le programme de stabilité 2014-2017. Celui-ci procède directement du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, dit TSCG, négocié en mars 2012 par M. Sarkozy.

Le second volet du programme de réforme reprend les engagements pris le 14 janvier 2014 par le Président de la République qui visent à alléger les charges des entreprises de plus de 30 milliards d’euros. C’est le pacte dit « de responsabilité ».

Une certaine confusion, il faut bien le dire, a résulté de la présentation simultanée dans les médias de ces deux documents, alors que le Gouvernement n’a, semble-t-il, engagé sa responsabilité que sur le premier, c’est-à-dire le programme de stabilité. J’espère ne pas me tromper, monsieur le ministre, car c’est ce qui m’a été dit.

C’est la raison pour laquelle les députés du Mouvement Républicain et Citoyen, qui avaient, au nom de la souveraineté budgétaire du Parlement, voté contre le traité budgétaire européen, dit TSCG, en septembre 2012, n’ont pas cru pouvoir faire autrement que de voter contre le programme de stabilité et l’engagement pris par le Gouvernement vis-à-vis de la Commission européenne de réduire à 3 % le déficit budgétaire dès 2015.

Les députés du MRC entendent afficher ainsi la priorité qu’ils donnent à la croissance sur la réduction optique du déficit. Ils n’entendent pas pour autant exprimer une défiance à l’égard du Gouvernement, auquel ils ont d’ailleurs accordé leur confiance, les yeux ouverts, le 12 avril dernier. Confiance, monsieur le secrétaire d’État, à l’égard du chef du Gouvernement, dont chacun s’accorde à saluer le dynamisme et le sens républicain de l’État. Mais confiance les yeux ouverts, parce que notre République est une République parlementaire, et que tout parlementaire digne de ce nom se doit d’exercer son esprit critique et sa vigilance dès lors qu’il les met, bien entendu, au service de la République.

La réussite du Gouvernement nous importe parce que nous savons bien qu’elle sera d’abord la réussite de la France. Nous souhaitons donc le succès de l’action que mène le Premier ministre, sous l’autorité du Président de la République, qui a été élu pour cinq ans, jusqu’en 2017, ce que nul dans l’opposition comme dans la majorité ne devrait oublier.

Les quelques observations dont je fais part sur le « plan national de réforme », je les formule à titre personnel. Il n’y aura pas de relance, en effet, sans un choc de confiance, et c’est cela que le pays attend du nouveau gouvernement. Mais, quelles que soient les qualités personnelles que chacun s’accorde à reconnaître à son chef, il y a des réalités objectives, dont aucun volontarisme ne peut s’affranchir. La France doit résoudre un redoutable problème de compétitivité, que traduit le niveau particulièrement élevé de son déficit commercial, 60 milliards d’euros, eu égard à une conjoncture économique atone et au tassement corrélatif de nos importations.

M. Marwan Lahoud, le président des industries aéronautiques et spatiales, a déclaré : « Le crédit d’impôt compétitivité représente un impact d’un centime d’euro pour nos entreprises. Dès que le dollar baisse d’un centime, cet avantage est gommé. » Le crédit d’impôt compétitivité représente, je vous le rappelle, 20 milliards des 30 milliards d’allégements promis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Mais ce coût va, pour les quatre cinquièmes, à des secteurs non soumis à la compétition internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Pour la banque et la grande distribution, par exemple, c’est un profit d’aubaine.

La baisse de charges envisagée ne représente que quelques centimes d’euro. Et l’euro, vous le savez bien, est une variable d’ajustement dans la guerre des monnaies. La Chine et les États-Unis ont intérêt à un euro surévalué et le poussent vers le haut.

Certes, l’euro surévalué de plus de 20 % par rapport à son cours de lancement n’empêche pas l’Allemagne, qui a su se spécialiser depuis plus d’un siècle dans des industries haut de gamme, de réaliser un excédent commercial de 200 milliards, mais le cours de l’euro est beaucoup trop élevé au regard des besoins de croissance de la France et d’autres pays d’Europe moins bien placés dans la division internationale du travail.

Le Premier ministre est conscient de ce problème. Il l’a d’ailleurs écrit dans la lettre qu’il nous a adressée : « Les économies réalisées doivent être accompagnées par une politique monétaire plus active et une politique de change plus réaliste au niveau européen. Le niveau de l’euro est trop élevé. » Il ajoute : « Ce sera la démarche du chef de l’État dans les négociations qui suivront le renouvellement du Parlement européen. »

Mais l’objectif, monsieur le ministre, ne saurait se limiter à obtenir de M. Draghi, et par conséquent de Mme Merkel, une politique de quantitative easing, c’est-à-dire de création monétaire, qui sera toujours insuffisante, compte tenu des réticences allemandes que vous connaissez.

Il faut revoir le fonctionnement de l’euro pour en faire une monnaie commune au service de l’Europe : des mécanismes souples d’ajustement monétaire sous un toit commun préservé sont infiniment préférables aux politiques de dévaluation interne que commande le TSCG au nom de la préservation de la monnaie unique. Ces politiques nourrissent déflation, récession et chômage à une échelle qu’on n’a pas vue depuis les années trente.

C’est là le défi principal, qui ne dispense pas des réformes nécessaires pour permettre à la France de faire face aux mutations du monde et à la montée de concurrences nouvelles venant des pays émergents ; nous ne sommes pas aveugles... Encore faut-il que la France ne brade pas les plus beaux fleurons de son industrie.

Je ne peux pas terminer mon intervention, monsieur le ministre, sans prononcer le mot « Alstom ». Je ne doute pas que, sur ce dossier emblématique, le Gouvernement saura montrer ce que signifie la volonté politique mise au service de l’intérêt national. Osez la France ! monsieur le ministre, et à travers vous je m’adresse au Gouvernement tout entier. Préservez une majorité française au capital d’Alstom, car qui contrôle le capital contrôle la décision ! Le soutien du Parlement, alors, ne manquera pas au Gouvernement. Voilà tout simplement ce que nous lui demandons, à lui-même et, bien entendu, à son chef. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le projet de programme de stabilité qui nous est aujourd’hui soumis est proposée une trajectoire de rétablissement des finances sociales à hauteur de 1, 6 point de PIB sur trois ans, avec un retour à l’équilibre en 2015 et un excédent de 1 % du PIB en fin de période.

Par rapport à la trajectoire définie en loi de programmation des finances publiques, le redressement est plus tardif mais aussi plus significatif.

Résolument engagé, l’effort de rétablissement des comptes sociaux a porté ses premiers fruits : le déficit des administrations de sécurité sociale a atteint 12, 5 milliards d’euros en 2013, soit 0, 6 point de la richesse nationale, une amélioration du solde de 800 millions d’euros par rapport à 2012.

Nous le devons non seulement au respect de l’ONDAM, mais aussi à un effort sur les recettes de 8 milliards d’euros grâce à la remise en cause de plusieurs niches sociales et à des recettes nouvelles. Cet effort doit être poursuivi, et il doit l’être du côté des dépenses.

Les dépenses sociales représentent 46 % des dépenses publiques de notre pays. Elles contribuent fortement à la protection des plus faibles et à la réduction des inégalités, qui sont des éléments structurants de notre pacte républicain.

Pour autant, le déficit des comptes sociaux n’est ni une fatalité ni une nécessité. Nous l’avons souvent dit, mais il faut le rappeler : le déficit, c’est reporter sur les générations futures le poids des dépenses sociales d’aujourd’hui au risque de mettre en péril, pour ces générations, le bénéfice même de cette solidarité. S’il est logique que notre protection sociale ait un effet contracyclique, en particulier pour les dépenses d’assurance chômage, celle-ci ne peut s’installer structurellement dans les déficits. C’est la confiance dans l’architecture de notre protection sociale qui se trouverait entamée et le doute que cela entraînerait quant à sa pérennité saperait ses fondements mêmes.

Nous ne pouvons demander davantage d’efforts aux actifs, sur lesquels repose l’essentiel des prélèvements. Les cotisations sociales représentent en effet plus de 42 % des prélèvements obligatoires. Elles pèsent sur les entreprises et sur leur compétitivité, mais aussi sur les salariés en ce qu’elles se traduisent par de la modération salariale.

Afin de poursuivre l’effort, le programme de stabilité prévoit un ralentissement résolu de l’évolution de la dépense.

À cette fin, les administrations de sécurité sociale devront supporter une part de plan d’économies, soit 21 milliards d'euros sur trois ans. Je rappelle que, lorsqu’il est question d’économies, c’est toujours par rapport aux hypothèses de croissance tendancielle.

Certes, ce montant est loin d’être négligeable. Il faut, d’une part, le rapporter aux 550 milliards d’euros de dépenses sociales, d’autre part, souligner l’action sur la qualité de la dépense dans un processus qui est déjà engagé et qui a vocation à se poursuivre.

La rationalisation et la modernisation de la gestion de la sécurité sociale sont un impératif, car elles permettent de réduire la dépense sans affecter le niveau des prestations servies. Le programme table sur 1, 2 milliard d’euros d’économies dans ce domaine. Des investissements seront nécessaires dans les systèmes d’information.

Dans le domaine de la santé, la stratégie nationale de santé doit permettre de limiter de 10 milliards d'euros l’évolution des dépenses sans affecter la qualité des soins ni affecter le remboursement des personnes protégées. Mes chers collègues, je pense très sincèrement qu’en matière de santé nous pouvons dépenser mieux : le développement des médicaments génériques, de l’ambulatoire, la limitation des actes inutiles ou redondants sont des domaines de progrès et contribuent à l’excellence de notre système de santé.

Dans ces conditions, la progression de l’ONDAM de 2 % en moyenne sur la période me semble un objectif à tenir à la lumière de ces dernières années. Ainsi, 2, 9 milliards d'euros sont prévus au titre de mesures déjà engagées sur les retraites et la politique familiale.

J’observe avec intérêt que l’assurance chômage et les régimes complémentaires de retraite sont bien dans le périmètre qui nous est présenté. Il est essentiel de disposer d’une vision de l’ensemble de l’agrégat des administrations de sécurité sociale, tant en recettes qu’en dépenses, pour tous les risques.

Ainsi, 2 milliards d’euros sont attendus de la révision de la convention UNEDIC et 2 milliards d’euros des régimes complémentaires de retraite.

La politique familiale sera, pour sa part, sollicitée à hauteur de 800 millions d'euros avec le renforcement de ses effets redistributifs en direction des familles les plus fragiles.

Au total, l’effort de redressement fera appel au report de la revalorisation des prestations sociales à hauteur de 1, 5 milliard d'euros.

Cette participation des bénéficiaires à l’effort collectif est bien sûr douloureuse et je n’en sous-estime pas la difficulté, même si la faiblesse de l’inflation doit être soulignée.

L’essentiel, c'est-à-dire le filet social ultime, est préservé : les prestations destinées à garantir un revenu minimal seront bien revalorisées dans les conditions habituelles.

Alors que le report avait été un temps envisagé, la mise en œuvre du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, qui prévoit notamment la revalorisation du RSA de 10 % sur cinq ans, sera bien effective avec une augmentation de 2 % du RSA dès le 1er septembre 2014. Pour les dispositifs destinés aux familles les plus fragiles, le Premier ministre l’a rappelé tout à l’heure, la revalorisation est effective depuis le 1er avril.

Au-delà des minima sociaux, le Gouvernement a pris en compte la situation des retraités dont la pension est inférieure à 1 200 euros par mois : sa revalorisation interviendra comme prévu. Cette décision concerne 6, 5 millions de nos concitoyens dont le pouvoir d’achat se trouve préservé. Mes chers collègues, dans les difficultés, la solidarité de la nation continue à s’exprimer fortement pour la réduction des inégalités.

Les efforts de réduction de la dépense se doublent d’une action volontariste en direction des entreprises pour renforcer leur compétitivité et, bien sûr, à terme, l’emploi.

La baisse des cotisations patronales se poursuit et s’accentue, à hauteur de 10 milliards d'euros sur la période. La création de près de 200 000 emplois, générateurs de recettes fiscales et sociales, en est attendue.

Pour la première fois, la baisse porte aussi sur les cotisations salariales, ce qui permettra à ceux dont le salaire est proche du SMIC de retrouver du pouvoir d’achat.

Mes chers collègues, le principe de compensation de ces moindres recettes pour la sécurité sociale est inscrit dans les textes. Le programme de stabilité indique que cette question sera abordée lors de l’examen des prochains textes financiers.

Le débat devra être rapidement tranché sur le financement de la branche famille qui relève de plus en plus de l’impôt, au nom de son caractère universel et de la solidarité nationale. La baisse de la cotisation, amorcée cette année, le passage de 65 % à 93 % de la part des salariés concernés par un allégement, la diminution de la cotisation pour les indépendants rendent nécessaire une remise à plat du financement de la branche famille. Le Gouvernement a annoncé la « barémisation des allégements » : cette clarification de l’impact sur le financement s’impose.

Il est bien sûr indispensable que la sécurité sociale bénéficie de ressources autonomes et pérennes, d’abord pour garantir une visibilité globale des recettes et des dépenses de cette politique spécifique. La loi de financement de la sécurité sociale est aussi un outil de pilotage : elle permet au Parlement d’établir, à un moment donné, les orientations qu’il souhaite donner à notre protection sociale et la part de richesse nationale qu’il convient d’y consacrer.

L’ONDAM en est un excellent exemple. Peu d’entre nous auraient parié sur notre capacité à « tenir » l’ONDAM il y a quelques années. Force est de constater qu’il est possible d’y parvenir et que nous y parvenons. Nous devons renforcer ce pilotage de la dépense que la loi de financement de la sécurité sociale comporte.

Je conclurai en soulignant combien le programme de stabilité qui nous est présenté est un indispensable pari sur la confiance, qui repose sur des hypothèses réalistes et des efforts partagés : pari sur la confiance des entreprises dans la volonté des pouvoirs publics à favoriser un environnement favorable à leur développement ; pari sur la confiance de nos concitoyens en la pérennité du système de protection sociale et en la nécessité de consentir les efforts nécessaires à sa préservation ; pari sur notre confiance dans un engagement collectif pour favoriser un développement harmonieux de notre pays, dont le haut niveau de protection sociale est un gage essentiel.

C’est un pari que, pour ma part, je suis prêt à tenir. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis tout à l’heure, nous assistons à une certaine érosion dans les rangs du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Quant à la capacité d’écoute de ceux qui se trouvent encore dans cet hémicycle, elle est sans doute plus limitée qu’au début de la soirée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le débat sur le programme de stabilité est assez paradoxal. C’est un débat macroéconomique et très abstrait : il porte sur les principes, sur une trajectoire qui s’exprime de plus en plus en termes de solde structurel et d’efforts structurels. Il fait donc appel à des notions macroéconomiques qu’il faudrait beaucoup de temps pour interpréter et passer au crible de nos raisonnements.

Du support de ce programme de stabilité, support au demeurant fort bien commenté par notre rapporteur général à qui je rends hommage…

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est rassurant !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De ce support donc, tout le reste va résulter.

Le débat de ce soir est déterminant. Du moins le serait-il s’il était conclu par un vote. Si tel était le cas d’ailleurs, l’érosion que j’évoquais, la raréfaction dont vous parliez ne se serait sans doute pas produite parce qu’il y aurait une sanction.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Examiner le projet de programme de stabilité, oui, c’est une sérieuse responsabilité du Parlement et des deux chambres qui le composent. Un gouvernement qui s’abstient de demander le vote du Sénat parce qu’il sait qu’il lui sera défavorable, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Dans cette maison, si, arithmétiquement ! C’est vrai, n’est-ce pas, monsieur le secrétaire d’État ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est ce que l’on peut déduire de très nombreux précédents issus de très nombreux débats au cours des derniers mois dans les champs économique, social, fiscal ou financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tout de même, ce n’est pas faire preuve de beaucoup de sportivité. Si le thermomètre ne doit pas afficher le chiffre voulu, mieux vaut le casser ou le ranger dans le tiroir. C’est un peu ce que vous faites avec le Sénat.

Il a été question dans ce débat des nouvelles orientations tracées en matière de collectivités territoriales et Jean Arthuis a évoqué ce paradoxe : nous avons consacré un temps considérable dans nos hémicycles – et cela coûte cher ! – à imaginer des couples de conseillers généraux, à élaborer les principes selon lesquels il faut triturer les cartes de nos départements pour créer un nouveau système de représentation, et tout cela...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… pour siéger une fois avant de voir disparaître les conseils départementaux !

J’en viens plus précisément au programme de stabilité.

Je rappelle d’abord que, depuis le mois de mai 2012, tous les engagements pris en matière de trajectoire des finances publiques ont été successivement abandonnés, remis en question. Le Président Hollande, après son élection, a fait voter une loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 qui est en principe toujours en vigueur : retour du déficit effectif sous le seuil de 3 % du PIB en 2013, atteinte de l’équilibre structurel en 2016 et de l’équilibre effectif en 2017. Nous ne l’avons pas obligé à présenter un tel texte.

Le programme de stabilité qui nous est présenté ce soir constitue la quatrième modification de la trajectoire initiale du quinquennat.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il faut dire qu’il est assez difficile d’y voir clair, dans la mesure où les concepts ont évolué : alors que nous étions habitués à nous exprimer en termes de déficit effectif, les techniques, la méthodologie choisies par l’Union européenne pour amener les États à se conformer à leurs obligations communes privilégient des notions plus sophistiquées, comme celle, aujourd’hui déterminante, d’« objectif de moyen terme », ce qui désigne la date à laquelle nous atteindrions l’équilibre structurel.

Dans le présent programme de stabilité, cette date est à nouveau décalée dans le temps, puisque c’est seulement en 2017 que l’équilibre structurel, nous assure-t-on, sera atteint. Mes chers collègues, souvenez-vous que, au début du quinquennat, c’est l’équilibre effectif que l’on nous promettait pour 2017 !

Il va de soi que ces techniques ne sont pas communicables à l’opinion publique. Comment imaginer, en effet, nous rendre dans nos départements pour faire partager des convictions sur les finances publiques au moyen de discours sur le « solde structurel », « l’effort structurel » et « l’objectif de moyen terme » ? Il est manifeste que les salles se videraient aussi vite que notre hémicycle s’est vidé ce soir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Reste un problème, et il est politique, me semble-t-il. Après avoir entendu les propos du Président de la République, au début du mois, et ceux du nouveau Premier ministre, qui était dans cet hémicycle il y a quelques instants encore, on attendait, avec ce programme de stabilité, comme une rupture, c’est-à-dire une rupture avec le dogme bruxellois. Tel est, du moins, le message qu’on laissait les communicants communiquer.

Eh bien, non ! Voici que le temps des rodomontades est passé, et celui de la réalité revenu. Bien sûr, renégocier de tels engagements voulait simplement dire se parler à soi-même ; c’était sans lendemain.

La situation présente, à la fois techniquement complexe et politiquement difficile à vivre, pose – c’est inévitable – des problèmes importants à la majorité qui est aujourd’hui chargée de la conduite des affaires de la France. Aussi, quand je considère les prises de position des uns et des autres, je suis conduit à me poser deux questions : les efforts prévus dans le programme qui nous est présenté sont-ils plus ou moins ambitieux que ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour 2014 ? Et, s’ils sont plus ambitieux, plus rudes, aussi, pour qui le seront-ils ?

Un premier élément de réponse nous est fourni par la notion d’« effort structurel ». La trajectoire associée à la loi de finances pour 2014 prévoyait 1, 7 point de produit intérieur brut, puis 0, 9 point. Le présent programme de stabilité prévoit 1, 6 point de produit intérieur brut, puis 0, 8 point. À la vérité, c’est à peu près la même chose et il n’y a pas de différence sensible.

Un deuxième élément de réponse se trouve dans l’« ajustement structurel » prévu pour les années 2015 à 2017. Je m’exprime en termes bruxellois, mais ce sont les instruments de mesure qu’il nous faut bien utiliser !

Le rapport économique, social et financier associé au projet de loi de finances pour 2014 indiquait que cet ajustement serait d’environ 0, 6 point de PIB par an ; on ajoutait cette précision : « L’effort structurel sera porté intégralement par des économies en dépense ». Selon le programme national de réforme qui sera envoyé à Bruxelles demain, en même temps que le programme de stabilité, « sur la période 2015-2017, l’ajustement structurel sera d’environ 0, 6 point de PIB par an en moyenne, avec un effort porté intégralement par des économies en dépense ».

C’est quasiment du copié-collé, comme si, de ce point de vue, il ne s’était véritablement rien passé d’un gouvernement à l’autre !

Je suis amené malgré tout à me poser encore d’autres questions. Ainsi – mais notre collègue Jean-Vincent Placé a quitté l’hémicycle –, comment procédera-t-on à la montée en puissance de la fiscalité écologique, censée financer la montée en charge du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ? La recette de 4 milliards d’euros que l’on nous a annoncée paraît extrêmement hypothétique !

M. le secrétaire d'État chargé du budget le conteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il demeure toutefois une différence de taille entre la trajectoire prévue à l’automne et celle du programme de stabilité : entre janvier et avril 2014, comme Marie-Hélène Des Esgaulx l’a signalé, une baisse supplémentaire des prélèvements obligatoires a été annoncée pour un montant de 25 milliards d’euros environ, dont 20 milliards d’euros en faveur des entreprises. C’est tout le paradoxe : on alourdit, puis on allège !

Bien sûr, les pertes de recettes ainsi consenties devront être compensées par encore plus de réductions de dépenses. De ce point de vue, le taux d’évolution en volume des dépenses publiques apparaît très ambitieux. À cet instant, nous ne pouvons raisonner que sur ce taux ; il faudra attendre les documents budgétaires pour connaître la déclinaison précise des économies ou des inflexions de trajectoire.

Je rappelle simplement que, lors de la campagne pour l’élection présidentielle, M. Hollande chiffrait le taux d’évolution en volume des dépenses publiques à 1 % par an en moyenne, quand M. Sarkozy le chiffrait à 0, 4 %. Que n’a-t-on dit, d’ailleurs, sur la dureté de ce dernier objectif ! Or voici que l’on nous présente ici des objectifs plus durs encore que le 0, 4 % de M. Sarkozy : 0, 3 % en 2016, 0, 2 % en 2017 et moins 0, 3 % en 2015…

Pour finir, je tiens à soulever deux questions qui seront sensibles cette année, et sur lesquelles nous reviendrons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative. Car, cette année enfin, il y aura bien un collectif budgétaire : c’est, monsieur le secrétaire d’État, la seule bonne nouvelle !

L’année dernière, nous l’avions demandé, parce que nous avions le sentiment que les finances publiques dérapaient ; on nous l’avait refusé, alors que finances publiques dérapaient bel et bien un peu : le résultat de la gestion de l’année 2013 le prouve, et confirme qu’une loi de finances rectificative en cours d’année n’aurait pas été superflue.

Dans ce collectif, il faudra bien que le Gouvernement nous dise où il compte trouver les 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires qu’il prévoit pour 2014, et qui supportera cet effort. Il faudra aussi qu’il nous dise comment il entend compenser en dépense la suspension de la taxe poids lourds, ou plutôt son annulation – un problème que notre excellent rapporteur général connaît bien.

En définitive, beaucoup d’incohérence et de temps perdu, le tout dans une accélération assez extraordinaire du calendrier des décisions en matière de finances publiques et de gestion de l’économie.

Mes chers collègues, souvenez-vous : il y a encore un an et demi, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, on nous expliquait qu’il convenait de procéder à un ajustement reposant d’abord sur la hausse des recettes, lequel ajustement, nous disait-on, avait un impact moins récessif qu’une baisse brutale des dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Aujourd’hui, on nous explique le contraire ! Évidemment, on trouvera toujours un macro-économiste pour défendre une thèse ; mais reconnaissons que cela a de quoi nous plonger dans une certaine perplexité.

À la même époque, on nous assurait aussi que la politique de réexamen des fonctions de l’État qui avait été lancée sous la présidence de M. Sarkozy avait tous les défauts du monde : la révision générale des politiques publiques n’aurait été qu’un coup de rabot arbitraire, technocratique et décidé sans concertation.

Il semble pourtant que l’on cherche aujourd’hui à mettre en place un dispositif à peu près identique. Il faut cependant reconnaître que la modernisation de l’action publique, cette MAP prétendument plus intelligente, n’a rien produit, en tout cas rien de quantifiable en matière de réduction de la dépense publique ou de mise en œuvre de quelque réforme structurelle que ce soit.

En définitive, que retiendront l’opinion et les journalistes ? Que le Gouvernement fait semblant de se rallier à certaines recettes inspirées par des positions qui ont pu être prises par la droite ou par le centre. Telle est, du moins, l’objectif de l’opération de communication en cours, qui peut-être se retournera contre ses auteurs.

Je pense au basculement de la charge fiscale de l’impôt de production vers l’impôt de consommation, même s’il est tardif et insuffisant.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je pense aussi à un ajustement reposant uniquement sur les dépenses, à la flexibilisation du marché du travail et à la préservation du crédit d’impôt recherche.

Seulement, la mise en œuvre de telles orientations n’est pas réellement possible avec une majorité qui n’y adhérera pas – le nombre d’abstentions enregistrées cette après-midi à l’Assemblée nationale le prouve, sans parler du refus du Gouvernement de demander un vote au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Mon cher collègue, votre temps de parole est épuisé !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En vérité, monsieur le secrétaire d’État, le chemin intermédiaire sur lequel le Gouvernement s’engage cumule toutes les difficultés : gardez-moi à droite, gardez-moi à gauche, je suis au milieu et mon chemin ne cesse de se rétrécir !

Pardonnez-moi, mes chers collègues, d’avoir abusé de mon temps de parole. Je vous donne rendez-vous pour la suite de la séquence budgétaire : réservons nos énergies pour examiner avec rigueur et exigence le prochain collectif budgétaire.

Monsieur le secrétaire d’État, si nous avions eu à voter, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … il va de soi que je n’aurais pas hésité un seul instant !

Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Christian Eckert

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à cette heure avancée, je n’abuserai pas de votre patience ; mais il serait discourtois que le représentant du Gouvernement ne remercie par l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés dans ce débat.

Certains ont apporté au programme de stabilité présenté par le Premier ministre un soutien vigoureux, parfois avec quelques nuances. D’autres ont fait valoir plus de divergences, mais à l’aide d’arguments toujours parfaitement respectables.

En réponse aux questions qui ont été posées, je me bornerai à répondre par quelques remarques générales.

On nous fait le reproche que les économies réalisées ne seraient pas de réelles économies, parce qu’elles sont calculées sur la base de l’évolution tendancielle des dépenses. Qu’elles soient ainsi calculées, c’est l’exacte vérité ; mais il en est toujours allé ainsi !

Debut de section - Permalien
Christian Eckert, secrétaire d'État

Tous les gouvernements ont procédé de la sorte et les standards européens, les standards de ceux qui nous observent, sont bien les mêmes.

En vérité, toutes les comparaisons budgétaires d’une année sur l’autre tiennent compte des évolutions tendancielles résultant de paramètres macroéconomiques bien connus, notamment les coefficients d’inflation.

Ces économies seraient insuffisantes pour les uns, et trop massives, voire insupportables, pour les autres. Le président de la commission des finances, M. Marini, a fait la démonstration que, finalement, les efforts demandés au budget de l’État ne sont que la poursuite, dans des proportions tout à fait comparables, de ceux qui ont été engagés les années antérieures. Cela étant, comme pour un régime, les premiers kilos sont souvent les plus faciles à perdre. Chemin faisant, cela devient de plus en plus dur…

Concernant les collectivités territoriales, si chères au Sénat, l’effort demandé s’élève à 11 milliards d’euros pour les trois ans à venir. Or, si l’on examine les trois dernières années, on s’aperçoit que les dépenses des collectivités territoriales ont augmenté de 12 milliards d’euros. In fine, nous leur demandons donc simplement de s’en tenir, en langage bruxellois, à une norme « zéro volume », c'est-à-dire à la même augmentation, ou plutôt à la même non-augmentation que durant ces trois dernières années.

On nous fait également le procès d’engager des réformes qui ne seraient pas structurelles. Effectivement, certaines d’entre elles pourraient justifier cette critique et apparaître comme n’étant pas structurelles, mais j’observe qu’elles sont parfois récurrentes et qu’elles se prolongent dans le temps. Par exemple, pour revenir aux collectivités territoriales, le débat est ouvert et les grandes orientations sont posées : il s’agit bien de réformes structurelles !

La stratégie nationale de santé a également été évoquée. N’y a-t-il pas, là aussi, des éléments parfaitement structurels ?

La réforme de l’État sera documentée, qu’il s’agisse du programme de stabilité ou du programme national de réforme, que peu de gens ont lu, d’ailleurs…Que ceux qui proposent 130 milliards d’euros d’économies, madame Des Esgaulx, nous livrent, eux aussi, la même documentation s’agissant des réformes qu’ils prônent !

Nous aurons l’occasion, dans les prochaines semaines, de construire, de décrire, voire d’infléchir ensemble ce qu’à Bruxelles on nomme les « sous-jacents » des chiffres posés dans le cadre des réformes annoncées ces derniers jours, notamment aujourd'hui.

Ce débat n’est pas une fin, c’est au contraire un commencement. C’est le début d’une étape et d’un travail en profondeur auquel le Gouvernement – le Premier ministre l’a souligné – nous invite collectivement à collaborer. Jean-Pierre Chevènement a évoqué la confiance. C’est effectivement un gage de réussite. Le rassemblement derrière les objectifs et les moyens fixés par le Gouvernement, avec éventuellement le travail en commun sur les améliorations à apporter, pour certains, ou sur les infléchissements à prévoir, pour d’autres, nous permettra de mobiliser l’ensemble des acteurs du territoire, qu’il s’agisse bien sûr des élus, mais aussi des forces économiques ou syndicales, en faveur d’un projet dans lequel beaucoup se retrouvent.

Car nous ne pouvons plus continuer sur cette trajectoire, il nous faut en changer, en dessiner ensemble une nouvelle pour les finances publiques, ce que nous aurons l’occasion d’entreprendre dans les prochains textes financiers qui vous seront soumis, dès le mois de juillet ou lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, qui interviendra à l’automne, sans parler, bien entendu, des futures lois de finances. C’est à cette invitation, mesdames, messieurs les sénateurs, que je vous demande de répondre ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec le débat consécutif à la déclaration du Gouvernement portant sur le projet de programme de stabilité pour 2014-2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 30 avril 2014, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :

1. Suite de la proposition de loi visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire (355, 2011-2012) ;

Rapport de Mme Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois (122, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 123, 2013-2014).

2. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à permettre le don de jours de repos à un parent d’enfant gravement malade (301, 2011-2012) ;

Rapport de Mme Catherine Deroche, fait au nom de la commission des affaires sociales (456, 2013-2014) ;

Texte de la commission (n° 457, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le mercredi 30 avril 2014, à zéro heure cinquante.