Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission du développement durable s’est saisie pour avis des deux volets du projet de loi d’habilitation qui entrent plus particulièrement dans son champ de compétences : les dispositions relatives au transport, qui figurent à l’article 2, et celles qui touchent à l’aménagement de la voirie, inscrites à l’article 3.
Certes, il s’agit d’un projet de loi d’habilitation ; nous savons tous que notre assemblée, comme Mme la rapporteur vient de le rappeler, est souvent réticente face à cette procédure. Reste qu’il y a urgence à agir, ainsi que vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État.
Le projet de loi est présenté dans le cadre d’une démarche de très large concertation et après un travail approfondi. D’ailleurs, notre commission a salué l’état d’esprit dans lequel il a été conçu : on s’est efforcé de trouver un équilibre entre l’ambition d’une accessibilité effective des transports et des aménagements de voirie à compter de 2015 et les difficultés de ceux qui doivent mettre en œuvre cette accessibilité, en particulier celles des collectivités territoriales.
L’objectif fixé pour 2015 n’a jamais été remis en cause depuis la loi de 2005 ; il ne saurait l’être aujourd’hui.
L’équilibre sur lequel repose le projet de loi n’aurait pas pu être atteint sans la détermination de notre collègue et rapporteur Claire-Lise Campion. Après avoir écrit plusieurs rapports sur ce thème, elle a été appelée par le Premier ministre à conduire deux missions de concertation, d’une ampleur sans précédent, avec les associations de personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, les représentants des collectivités territoriales et des autorités organisatrices de transports et les acteurs économiques concernés.
Ces longs mois de travail, dont je tiens à souligner la valeur, ont permis de définir un ensemble de mesures à prendre pour assurer l’application réelle de la loi de 2005.
L’approche retenue par Claire-Lise Campion, réaliste et pragmatique, est la bonne. En particulier, elle répond aux difficultés des élus de terrain, qui ont été nombreux à nous alerter ces derniers temps. Mes chers collègues, pour avoir nous-mêmes exercé des responsabilités locales, nous savons quel défi représente la mise en accessibilité de l’ensemble de nos services publics et de l’espace public pour nos concitoyens en situation de handicap ou à mobilité réduite, et quels moyens financiers doivent être mobilisés dans la durée.
L’objectif d’accessibilité, nous en sommes tous des partisans convaincus. Seulement, il n’est pas contestable que sa mise en œuvre concrète s’est avérée complexe : non du fait d’une mauvaise volonté, mais parce que les moyens sont limités et les normes trop abondantes et complexes, au point d’être, dans certains cas, impossibles à respecter.
De ce point de vue, le Gouvernement a adopté une démarche réaliste. Les propositions qui sont faites tiennent compte du coût des mesures de mise en accessibilité ; celui-ci a été évalué, ce qui n’était pas le cas en 2005. Elles prennent en compte aussi les moyens de ceux qui mettent en œuvre ces mesures, des moyens dont nous savons bien qu’ils ne sont pas les mêmes pour tous.
Dans cet esprit, l’article 3 du projet de loi dispense les communes de moins de 500 habitants de l’obligation d’élaborer un plan de mise en accessibilité de la voirie et des aménagements des espaces publics, un PAVE ; en outre, il limite ce plan aux axes les plus fréquentés pour les communes qui comptent entre 500 et 1 000 habitants.
Ces seuils ne sont pas inscrits en tant que tels dans le projet de loi, mais ils ont été recommandés par la mission de concertation, dont les conclusions, nous dit-on, seront reprises dans les ordonnances. Pourriez-vous, madame la secrétaire d’État, nous confirmer que tels seront les seuils prévus ?
Lors de la présentation de mon rapport verbal devant la commission du développement durable, cette mesure attendue a fait l’unanimité – M. Vall, président de notre commission, s’en souvient. Elle devrait apporter une réponse concrète aux difficultés rencontrées par les petites communes, dont nous savons qu’elles ne disposent pas des ressources techniques ni des crédits d’ingénierie nécessaires pour élaborer ces plans.
La possibilité d’adapter l’accessibilité des transports scolaires et de la recentrer sur les demandes individuelles d’aménagement formulées par les personnes concernées a été conçue dans le même esprit et accueillie avec la même unanimité.
Alors que la loi de 2005 ne distinguait pas ce type de transport des autres, imposant une accessibilité uniforme du réseau desservi dans le cadre du transport scolaire, la formule prévue par le projet de loi est réaliste. De fait, la parfaite application des dispositions antérieures pouvait entraîner des dépenses disproportionnées pour certaines collectivités territoriales.
La méthode employée, consistant à cibler les aménagements prioritaires, est pragmatique. Elle repose sur le constat que toutes les infrastructures ne peuvent pas être rendues accessibles en même temps ; celles-ci le seront donc suivant un calendrier échelonné, lequel restera toutefois impératif – j’y insiste –, puisque des procédures de suivi de l’avancement des opérations sont prévues.
Tel est le sens des schémas directeurs d’accessibilité–agendas d’accessibilité programmée, les SDA-Ad’AP. Dans ces agendas, qui prendront la suite des schémas directeurs d’accessibilité, les autorités compétentes en matière de transport devront prendre des engagements précis en ce qui concerne l’accessibilité.
Ces engagements devront être assortis d’un calendrier de réalisation inférieur à une certaine durée. La mission de concertation a arrêté les durées suivantes : trois ans pour les transports urbains, six ans pour les transports interurbains et neuf ans pour le transport ferroviaire. Pouvez-vous nous confirmer, madame la secrétaire d’État, que telles seront bien les durées inscrites dans les ordonnances ?
C’est aussi par souci de pragmatisme qu’a été posé, à l’article 2, le principe suivant lequel les points d’arrêt des transports urbains et des transports routiers non urbains qui doivent être aménagés sont ceux qui revêtent un caractère prioritaire au regard de critères qui seront déterminés par l’ordonnance. Celle-ci précisera également les obstacles techniques qui empêchent la mise en accessibilité de certains arrêts et rendent obligatoire la mise en place de transports de substitution.
Alors que la loi de 2005 imposait une mise en accessibilité de l’ensemble des équipements dans un délai relativement court – dix ans –, le projet de loi prévoit qu’on se concentrera, dans un premier temps, sur les infrastructures les plus fréquentées ou situées à proximité d’autres équipements accessibles. Cette hiérarchisation des priorités est une mesure de bon sens, qui ne remet pas en cause l’objectif final d’accessibilité.
Le projet de loi complète aussi la loi de 2005, par exemple en étendant l’obligation d’accessibilité du matériel roulant, aujourd’hui circonscrite au renouvellement du matériel. L’objectif est de fixer une proportion du parc de matériel roulant routier devant être accessible lorsqu’il est utilisé dans le cadre d’un service public. Cette mise en accessibilité sera néanmoins progressive : elle s’étendra jusqu’en 2030, si nous avons bien compris, compte tenu de la durée de vie des matériels.
Pour conclure, je tiens à répéter que l’équilibre formé par cet ensemble de mesures est le fruit de longs mois de travail, de concertation et de négociations entre les différentes parties prenantes. La remise en cause de cet équilibre, dont Mme la rapporteur a souligné l’importance, serait extrêmement préjudiciable à notre volonté commune d’assurer l’accessibilité des transports publics et de la voirie, comme celle des établissements recevant du public. Outre qu’il y a urgence à agir, cette raison justifie pleinement, à mon sens, le recours à des ordonnances.
C’est dans cet état d’esprit que la commission du développement durable, parfaitement consciente des enjeux, a examiné le projet de loi. Je suis particulièrement fier de vous annoncer qu’elle s’est prononcée, à l’unanimité, en faveur de son adoption. §