Intervention de Jean Boyer

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, retracer l’histoire du permis de conduire, c’est remonter jusqu’à l’année 1922, date à laquelle il est apparu dans le code de la route, en remplacement du certificat de capacité dont la détention était jusqu’alors obligatoire pour pouvoir conduire des véhicules terrestres à moteur.

L’histoire du permis de conduire en France remonte au XIXe siècle, plus exactement à la loi du 30 mai 1851. Ce texte fondateur pour la sécurité routière a servi de fondement juridique à plusieurs codes de la route. À cette époque, la traction était surtout assurée par le cheval. Il faudra attendre le décret du 27 mai 1921 pour que les prescriptions s’appliquent à tous les usagers, quelle que soit la route.

Le 16 août 1889, Léon Serpollet passa le premier examen de conduite, sur un tricycle de sa conception. L’intéressé obtint d’ailleurs en 1891 la première autorisation de circuler à 16 kilomètres à l’heure. La duchesse d’Uzès fut la première femme française à obtenir un certificat de capacité, en mai 1898, mais aussi à recevoir une contravention, avec son fils, le 3 juillet 1898, pour excès de vitesse : elle avait roulé à 40 kilomètres à l’heure dans le bois de Boulogne, au lieu des 20 kilomètres à l’heure autorisés.

La première réglementation en la matière, instaurant le certificat de capacité, est l’ordonnance du 14 août 1893, prise par le préfet de police de la Seine Louis Lépine et généralisée à l’ensemble du territoire le 10 mars 1899. À l’époque, c’était un ingénieur des mines qui faisait passer l’examen. Les critères de réussite étaient les suivants : savoir démarrer, se diriger, s’arrêter et avoir quelques notions de dépannage. La vitesse était limitée à 20 kilomètres à l’heure en rase campagne et à 12 kilomètres à l’heure en agglomération.

Ce propos synthétique sur l’histoire du permis de conduire m’amène au 31 décembre 1922, date du décret instaurant le premier permis de conduire. L’arrêté du 16 mars 1923 introduit les catégories de permis A et B.

Entre les deux guerres, le nombre de véhicules augmente, qu’il s’agisse des motocyclettes ou des véhicules de tourisme, dont le nombre passe de 157 272 en 1920 à 1 800 000 en 1940. Cette expansion conduit progressivement à une réflexion sur les modes de répression destinés à faire respecter le code de la route. Un décret du 12 avril 1927 prévoit une mesure innovante et importante : la suspension du permis de conduire.

À partir des années trente, l’enseignement de la conduite commence à se professionnaliser. En 1937 naissent les voiturettes pouvant être conduites sans permis, sous certaines conditions.

Entre 1944 et 1989, le permis se modernise. En 1954, les exigences s’affirment pour les permis C et D. Le décret du 5 février 1969 limite la vitesse à 50 kilomètres à l’heure pour les conducteurs titulaires d’un permis depuis moins d’un an, identifiés par un macaron apposé sur le pare-brise. Entre 1970 et 1980, un certain nombre d’ajustements ont lieu. En 1989 se met en place le permis moderne, avec l’introduction de la conduite accompagnée et de compléments pour les permis spéciaux. Dans les années 2000, des mesures visant à renforcer la sécurité sont mises en œuvre.

Lorsque nous circulons, nous sommes confrontés aux imprudences, à l’inconscience de certains conducteurs. Serait-il envisageable que les pouvoirs publics affectent un agent de contrôle à chaque usager ? C’est impossible ! La sécurité n’est-elle pas un état d’esprit, résultant d’une prise de conscience individuelle et collective qui doit émerger dès le plus jeune âge ? Nous avons un permis de conduire, pas un permis de nuire ! La vie n’a pas de prix.

La science s’investit généreusement dans la lutte contre les maladies, mais chacun d’entre nous doit être conscient de ses responsabilités pour ce qui concerne non seulement sa vie personnelle, mais aussi celle des autres. Une contradiction heurte toutefois le bon sens : alors que l’on ne doit pas rouler à plus de 50 kilomètres à l’heure en agglomération, à plus de 90, de 110 ou de 130 kilomètres à l’heure en dehors selon les routes, les performances des voitures permettent de dépasser largement ces limites !

Comme dans d’autres domaines, il existe des incohérences fondamentales entre le vouloir et le pouvoir. En l’espèce, les contradictions peuvent être terribles. Dans le même ordre d’idées, on sait que le tabac tue, mais on le laisse en circulation ; on sait que la vitesse excessive est mortelle, mais on accepte qu’elle soit possible !

Si la lutte contre le cancer est à la fois individuelle et collective, la sécurité routière doit reposer essentiellement sur la responsabilité individuelle.

J’avais déposé un amendement sur le texte, mais j’annonce par avance son retrait, les informations obtenues lors de la séance du 19 novembre dernier m’ayant donné satisfaction.

L’importance de la responsabilité individuelle rend nécessaire une information régulière, commençant dès l’école et actualisée au moins tous les cinq ans à partir d’un certain âge. Une telle mise à jour permettrait de parfaire les connaissances en matière de réglementation, de techniques et de structures. Ainsi, nous pourrions réduire davantage encore le nombre des accidents mortels constatés sur notre réseau routier, tant national que local.

Certes, notre lutte contre certaines maladies terribles n’a pas obtenu tous les résultats espérés. En revanche, grâce à une volonté à la fois individuelle et collective, nous pourrions combattre le fléau persistant de la mort sur notre réseau routier. Sauvegarder notre corps, c’est éviter sa mort. Travaillons-y ensemble ! Notre combat doit être individuel, mais aussi civique, humain et collectif. C’est un combat permanent, toujours inachevé, et nous devons sensibiliser avant de sanctionner.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, c’est un bel objectif à atteindre, un objectif citoyen auquel nous devons plus que jamais nous attacher.

La mort sur la route n’a pas d’âge, pas de profession, pas de couleur, pas de sexe, pas d’heure, elle ne connaît pas de frontières administratives : elle est simplement et terriblement la mort.

Par notre prudence solidaire, nous pouvons différer notre départ dans l’au-delà, mais aussi celui des autres. C’est un beau combat, que nous devons mener collectivement.

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