Intervention de Roger Madec

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi est à la fois simple et positive dans sa forme et incontestable dans sa finalité. Qui ne serait d’accord pour instituer une formation à cinq gestes de base propres à sauver ou du moins à prévenir une perte de chance de survie en cas d’accident de la circulation ? Personne.

En effet, réduire le nombre de victimes de la route en développant l’acquisition de connaissances en matière de gestes de premiers secours est une intention tout à fait louable et un objectif partagé par tous.

Si notre pays a engagé, depuis maintenant de nombreuses années, une politique audacieuse en matière de sécurité routière s’appuyant sur un arsenal répressif qui donne des résultats, il est absolument nécessaire aujourd'hui de nous doter de dispositifs de prévention.

En effet, aujourd’hui encore, nous déplorons trop de victimes de la route. Selon la prévention routière, 3 250 personnes ont perdu la vie en 2013 sur les routes françaises, contre 3 653 en 2012. Ainsi, 403 vies ont été épargnées en 2013. Il s’agit de la plus forte baisse de la mortalité constatée depuis 2006.

Cependant, nous devons aller plus loin pour atteindre l’objectif, fixé par le Gouvernement, de ramener cette mortalité sous la barre des 3 000 victimes : nos collègues ont souhaité accompagner cette volonté en renforçant l’arsenal législatif existant.

L’apprentissage des gestes de premiers secours par les conducteurs est une mesure préconisée aussi bien par les associations de secourisme ou d’usagers que par les services de secours. En effet, les automobilistes témoins d’accidents de la circulation ont un rôle essentiel à jouer, agir dans les toutes premières minutes étant primordial.

Pourtant, selon la Croix-Rouge, seulement 46 % de nos compatriotes auraient suivi une formation aux premiers secours.

À ce jour, la réglementation n’impose aucune connaissance des gestes de premiers secours lors de l’examen du permis de conduire. C’est cette carence que la présente proposition de loi tend à combler, en instaurant une troisième épreuve au permis de conduire, visant à sanctionner une formation aux notions élémentaires de premiers secours.

Si tout le monde partage le constat que, à la suite d’un accident de la route, la survie des blessés est liée à leur prise en charge précoce par les services de secours, on observe trop souvent que plus de 50 % des victimes de la route succombent dans les premières minutes suivant l’accident.

La rapidité de la prise en charge des victimes dépend donc, en premier lieu, de la réaction des témoins de l’accident. Une étude de l’Organisation mondiale de la santé démontre que, si les témoins sont incapables d’analyser le degré de gravité de la situation, n’appellent pas à l’aide et ne pratiquent pas les soins de base avant que les services de secours arrivent sur place, les accidents ont des conséquences plus importantes en termes de vies humaines.

Chacun d’entre nous a pu constater, lors d’accidents de la route, que l’état de panique des témoins peut engendrer un oubli des gestes essentiels consistant à alerter les services de secours ou à protéger le lieu de l’accident.

Par comparaison avec ses voisins européens, notre pays accuse un retard important en matière d’apprentissage des gestes de premiers secours. Ce constat est alarmant, d’autant que des dispositifs de formation existent.

Ainsi, au travers de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et de celle du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, le législateur a introduit une obligation de formation aux gestes de premiers secours au bénéfice des élèves des premier et second degrés. Cependant, cette obligation est mal respectée, essentiellement par manque de moyens, puisque seulement 20 % des élèves de troisième sont formés chaque année. En outre, la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière a, pour la première fois, pris en compte la préoccupation de mettre en place une sensibilisation obligatoire des candidats aux permis de conduire à la formation aux premiers secours. Toutefois, en l’absence de décrets d’application, ces dispositions sont demeurées lettre morte.

D’autres initiatives parlementaires ont été prises, comme celle du président Jean-Pierre Sueur, qui avait pour objet d’intégrer une formation obligatoire aux premiers secours dans l’examen des permis de conduire des véhicules destinés au transport de personnes. À l’Assemblée nationale, une proposition de loi similaire à celle qui est soumise cet après-midi au Sénat avait été rejetée, en octobre 2012, au motif que ses dispositions relevaient du domaine réglementaire, et non du domaine législatif.

Je souhaite attirer l’attention de notre assemblée sur le principal écueil que présente cette proposition de loi : l’instauration d’une troisième épreuve à l’examen du permis de conduire.

Nous sommes tous convaincus que, en l’état actuel des choses, détenir le permis de conduire est une nécessité pour le quotidien d’un grand nombre de nos concitoyens. Or la mise en place de ce dispositif engendrerait nécessairement un surcoût, que certains jugent modeste, mais qui pèserait sur les candidats au permis de conduire.

Si la formation aux gestes de premiers secours repose sur les moniteurs des auto-écoles, il est certain que ceux-ci répercuteront son coût sur celui de la formation dispensée, déjà fort onéreuse. De même, dans l’hypothèse où les candidats se formeraient auprès d’associations agréées, ils devraient assumer le coût financier de cette prestation. Or le coût de la formation à la conduite reste, en France, bien trop élevé, notamment dans certaines régions, où il atteint des sommets inacceptables. Nous devons rester vigilants sur le pouvoir d’achat de nos compatriotes. Je considère donc qu’alourdir la charge financière de la préparation à l’examen du permis de conduire serait un mauvais signal.

En outre, si la formation aux gestes de premiers secours doit s’effectuer par le biais des associations de secourisme, comme l’envisagent les auteurs de la proposition de loi, il n’est pas certain que ces associations puissent répondre à l’accroissement de la demande qui en résulterait. Cette situation entraînerait forcément un allongement très important des délais d’obtention du permis de conduire.

Devant ce constat, la commission des lois de notre assemblée a adopté un amendement tendant à récrire l’article unique de cette proposition de loi, en conservant l’esprit du dispositif tout en le simplifiant. À cet égard, je veux saluer l’excellent travail de notre collègue Catherine Troendle, rapporteur du texte au nom de la commission des lois.

Le texte soumis à l’examen du Sénat prévoit de créer non plus une troisième épreuve à l’examen du permis de conduire, mais une obligation de vérification, par les examinateurs, que les candidats maîtrisent les actions élémentaires consistant à alerter les secours, à baliser et à sécuriser la zone de l’accident, à accomplir les gestes de secours les plus simples.

La solution proposée par notre rapporteur présente l’avantage de ne pas engendrer de surcoût, pour les candidats comme pour les enseignants. En effet, la formation à ces notions sera intégrée aux cours théoriques et sera sanctionnée, lors de l’examen, par un certain nombre de questions spécifiques. Ainsi, il s’agira de modifier la banque des questions, pour inclure dans son champ ces notions de premiers secours. Cette modification pourrait intervenir par voie réglementaire.

Le Gouvernement a d’ailleurs souhaité engager une réflexion sur le permis de conduire. En septembre dernier, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, aujourd'hui Premier ministre, avait installé une commission pour la réforme du permis de conduire en lui donnant pour mission de réduire les délais entre le passage de l’épreuve du code et le début des heures de conduite, de réfléchir sur la fiscalité et sur la mise en place de mesures de long terme propres à réduire le nombre d’accidents impliquant de jeunes conducteurs. Cette commission devrait remettre son rapport au ministre de l’intérieur dans quelques semaines.

L’adoption par le Parlement de la présente proposition de loi pourrait permettre au Gouvernement d’intégrer ces dispositions nouvelles à son projet de réforme du permis de conduire.

Concernant l’objection selon laquelle le dispositif de cette proposition de loi relève du domaine réglementaire, je souscris à l’analyse développée par notre rapporteur et approuvée par la commission des lois. Je ne reviendrai pas sur la carence de l’administration à changer les règles ; en revanche, face au drame des morts de la route, je considère qu’il y a urgence à agir. Le Parlement est dans son droit en intervenant, c’est pourquoi l’examen en séance publique de la présente proposition de loi est une nécessité. Le groupe socialiste votera naturellement en faveur de l’adoption de ce texte. §

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