Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Formation aux gestes de premiers secours et permis de conduire — Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne devrions pas débattre de cette proposition de loi, puisque l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière dispose déjà que les candidats au permis de conduire doivent être sensibilisés, dans le cadre de leur formation, aux notions élémentaires de premiers secours.

Je connais bien ce dossier, porté par Didier Burggraeve – qui fut conseiller municipal de Lys-lez-Lannoy, commune de mon département du Nord –, au côté de notre ancienne et regrettée collègue Dinah Derycke et de bien des parlementaires du Nord de toutes tendances. On doit d’ailleurs la rédaction de l’article 16 de la loi de 2003 à l’adoption de deux amendements identiques présentés par les députés du Nord Patrick Delnatte et Francis Vercamer.

Une fois encore, nous sommes confrontés à un problème d’application des lois, puisque le décret en Conseil d’État qui devait fixer les modalités d’application de la réforme de 2003 n’a jamais été pris.

Mes chers collègues, je vous épargnerai mes commentaires sur l’obligation, pour l’exécutif, de prendre en compte la volonté du législateur et sur les risques de l’interprétation d’une compétence liée en un pouvoir discrétionnaire. Ces questions sont trop connues pour que l’on s’y attarde et elles concernent tous les gouvernements, par-delà les alternances.

Notre collègue Jean-Pierre Leleux a donc remis l’ouvrage sur le métier avec cette proposition de loi relative à l’introduction d’une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

Le travail de la commission des lois et celui de notre rapporteur Catherine Troendlé ont permis d’adoucir les aspérités qui auraient pu mener, une fois de plus, à une impasse.

Nous avons sur toutes les travées de cet hémicycle, du moins je l’espère, le souhait d’aboutir enfin à un texte législatif clair permettant d’envisager, après confirmation par l'Assemblée nationale, la formation de tous nos concitoyens usagers de la route aux gestes qui sauvent. La mise en œuvre de ceux-ci est de nature à permettre le maintien en vie de blessés en situation de détresse qui, sinon, décèdent avant l’arrivée des secours.

Chacun se félicite des progrès accomplis ces dernières années grâce à la politique de sécurité routière. Menée sur le long terme, cette politique résulte d’une volonté sans faille des pouvoirs publics, qui n’ont pas hésité à prendre des mesures d’abord impopulaires pour parvenir à diviser par plus de quatre la mortalité sur la route depuis 1972, alors même que le nombre de véhicules et le trafic ont plus que doublé.

Certes, des améliorations demeurent indispensables et des progrès sont encore possibles.

On glose beaucoup, par exemple, sur l’abaissement de 90 à 80 kilomètres à l’heure de la vitesse maximale autorisée sur les routes départementales, mesure qui n’est pas jugée unanimement pertinente.

En tout état de cause, l’adoption de la proposition de loi qui est aujourd’hui soumise à notre examen permettrait d’économiser bien des vies, tant d’ailleurs sur la route que dans la vie quotidienne, sans présenter de véritables inconvénients. Jamais un « bilan coûts-avantages », pour employer cette expression chère aux spécialistes de droit public, ne m’est apparu aussi satisfaisant !

Faisons cependant justice des critiques habituelles qu’inspire cette réforme. Aux côtés des pesanteurs administratives, elles expliquent largement le retard de sa mise en œuvre.

Tout d’abord, un tel dispositif relèverait de la compétence du pouvoir réglementaire, et non de celle du législateur. Loin de moi l’idée de m’affranchir des fourches caudines des articles 34 et 37 de notre Constitution, mais je crois que, même pour les tenants les plus convaincus de la rationalisation du parlementarisme, l’idée fondamentale consistait bien à donner au législateur la maîtrise de l’essentiel sans l’encombrer de l’accessoire, fût-il lui-même fort important. Or, quoi de plus essentiel, mes chers collègues, que d’épargner des vies humaines et d’éviter autant que faire se peut la répétition de ces drames qu’ont connus trop de familles, trop de parents, trop de conjoints, trop d’enfants ?

On nous dit encore de laisser cette responsabilité aux bons soins de l’éducation nationale. Mais le bilan de l’action de celle-ci en ce domaine s’avère souvent – pas toujours, il est vrai – bien décevant ! Le pourcentage d’enfants d’une classe d’âge donnée initiés aux gestes qui sauvent demeure infime. De surcroît, le temps qui sépare cette formation du moment où celle-ci pourra servir dans la dure réalité risque de compromettre l’efficacité, voire la pertinence, des interventions. Dès lors, une telle formation ne peut être sanctionnée que dans le cadre de l’examen du permis de conduire, les candidats étant amenés à prendre sur la route des responsabilités nouvelles.

Enfin, on objecte parfois qu’une telle mesure engendrera un coût supplémentaire alors même que le permis de conduire est déjà fort onéreux pour beaucoup de nos concitoyens. Cependant, toutes les estimations financières s’avèrent largement rassurantes, et ce surcoût ne saurait être comparé au coût de bien des infractions au code de la route ou des remises à niveau qui permettent à ceux qui veulent préserver leur droit de conduire de récupérer quelques précieux points. En outre, cet effort supplémentaire doit être mis en regard des vies épargnées, des handicaps évités ou minimisés.

Faut-il encore, pour ceux qui resteraient à convaincre, faire un peu de droit comparé ? En Autriche, par exemple, 40 000 personnes sont formées chaque année aux gestes de premiers secours, depuis 1971, dans le cadre de la préparation du permis de conduire. L’Allemagne, la Suisse, le Danemark ont adopté avec succès des dispositifs similaires.

En cette période d’échéances électorales successives où l’on ne nous épargne pas les sondages, permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer quelques chiffres propres à vous faire rêver ! Selon une enquête réalisée pour la Croix-Rouge française en septembre dernier, sur la base d’un échantillon de 1 020 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, 69 % de nos compatriotes aimeraient suivre une formation aux gestes qui sauvent adaptée aux accidents de la route, 91 % estiment important de connaître ces gestes de premiers secours, 94 % pensent que les Français ne les connaissent pas suffisamment, et 98 % souhaitent que la formation aux premiers secours lors de la préparation du permis de conduire revête un caractère obligatoire, les 2 % restants se partageant équitablement entre « avis contraires » et « sans opinion » !

Par conséquent, en adoptant la proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Leleux, que je remercie de sa détermination, de sa persévérance et de sa patience, notre assemblée ne risque guère de heurter l’opinion. Mes chers collègues, ne boudons pas ce plaisir supplémentaire ! En ce qui le concerne, le groupe UMP apportera son plein soutien à cette proposition de loi. §

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