Intervention de Dominique Watrin

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Dominique WatrinDominique Watrin :

Toutefois, nous considérons que votre proposition de loi ne permet pas de répondre à ces objectifs et à ces ambitions louables. Elle ne garantit en rien qu’un parent concerné puisse disposer de tout le temps nécessaire pour accompagner autant que de besoin son enfant. Car le don, théoriquement anonyme et gratuit, reposera sur l’aléa et peut-être même sur l’injustice ! La perception du nombre de jours de repos pourra être fonction de la place dans la hiérarchie, du capital de sympathie ou encore du nombre de fois où le salarié aura déjà lui-même cédé des jours de repos. De la sorte, deux salariés d’une même entreprise placés face à des besoins identiques pourraient ne pas bénéficier du même traitement.

L’auteur et les rapporteurs de la proposition de loi citent volontiers comme exemples emblématiques le cas de ce père de famille de chez Badoit qui a pu cumuler 170 jours de repos grâce à la solidarité de ses collègues ou bien, plus récemment, de ce fonctionnaire de police qui avait cumulé la promesse de plus de 150 jours de RTT, mais qui n’a pu en profiter compte tenu de l’état actuel du droit. On évoque aussi volontiers les accords collectifs chez Badoit justement, 2 500 salariés, dans le groupe PSA, 90 000 à 100 000 salariés, ou chez Casino, 73 000 emplois. Mais comment un salarié d’une très petite entreprise confronté à la même souffrance psychique et à la précarité économique pourrait-il cumuler autant de jours de repos et donc de possibilités d’accompagner son enfant ?

Ce qu’il faudrait, c’est créer un vrai droit, garanti à tous et non hypothéqué sur les relations amicales et sociales que l’on a pu tisser ; un vrai droit qui ne dépende pas du bon vouloir des autres salariés, de leur propre état de fatigue ou tout simplement du besoin de prendre la totalité de leurs jours de congés ; un droit qui évite la culpabilisation de l’autre.

Qui plus est, la proposition de loi, et cela nous ennuie quelque peu, prévoit que l’employeur pourrait s’opposer à l’élan solidaire exprimé par des salariés. Autrement dit, on entend créer un droit qui serait doublement putatif, dépendant tout à la fois des collègues de travail et de l’employeur.

Ce n’est pas, mes chers collègues, l’idée que nous nous faisons, pour notre part, du mot « solidarité ». S’il faut effectivement renforcer et sécuriser la solidarité locale, il faut aussi sécuriser la solidarité nationale.

Et je vous le dis, nous n’avons pas de leçon d’humanité à recevoir, notamment de la part de l’auteur de la proposition de loi, qui a déclaré dans la presse que les élus seraient en quelque sorte irresponsables s’ils ne votaient pas cette loi et, plus encore, s’ils avaient l’outrecuidance de déposer des amendements ! À l’évidence, avec de tels messages adressés aujourd'hui aux parlementaires, on imagine ce que sera demain la pression sur les salariés culpabilisés.

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