Intervention de Aline Archimbaud

Réunion du 30 avril 2014 à 14h30
Don de jours de repos à un parent d'enfant gravement malade — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Aline ArchimbaudAline Archimbaud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi concerne les parents d’un enfant gravement malade qui travaillent et qui ont besoin de dégager du temps pour l’accompagner durant cette période particulièrement douloureuse. C’est un objectif qui, je le sais – j’en ai eu la confirmation lors de nos échanges en commission –, est partagé sur toutes les travées de cet hémicycle.

Ce dispositif concerne en moyenne 1 500 familles par an. Il s’agit donc de situations exceptionnelles. Ces maladies très lourdes ne laissent malheureusement pas souvent l’espoir d’une issue heureuse et se traduisent par des périodes de grande détresse au cours desquelles les médecins attestent qu’une présence affective est indispensable.

Spontanément et à plusieurs reprises, il est arrivé que des salariés décident de faire don de jours de repos à l’un de leurs collègues afin que celui-ci puisse passer plus de temps auprès de son enfant. Il s’agit d’un geste de générosité collective spontané, mais qui ne manque pas de nous interroger, au moins à deux égards.

Tout d’abord, cette situation souligne que la solidarité nationale, organisée par la loi, est incomplète sur ce point et nécessite d’être améliorée.

Il existe déjà en droit du travail, comme l’a rappelé Mme la rapporteur, plusieurs dispositifs permettant de prendre soin d’un enfant malade : absence pour enfant malade – trois ou cinq jours par an –, passage à temps partiel de droit, congé de présence parentale. En tout, le nombre maximal de jours de congés dont le salarié peut bénéficier au titre du congé de présence parentale est de 310 jours ouvrés, soit quatorze mois, dans une période dont la durée est fixée, pour un même enfant et par maladie, accident ou handicap, à trois ans. Cependant, ce cadre juridique est contraignant pour les familles et les rémunérations prévues – les chiffres viennent d’être cités – empêchent, de fait, beaucoup de parents aux revenus modestes d’avoir recours à ces congés prévus par la loi.

C’est cette insuffisance qui a poussé certains salariés à se substituer généreusement et spontanément à la solidarité nationale. Or c’est cette substitution que la proposition de loi nous suggère aujourd’hui de faciliter, en lui offrant un cadre légal.

Certains de nos collègues trouvent cela choquant et en appellent à une réforme d’ampleur de la solidarité nationale pour les parents d’un enfant malade. C’est également ce que je souhaite à terme. Pour autant, doit-on refuser tout aménagement transitoire ? Que proposer en attendant à ces 1 500 familles qui se trouvent dans des situations à la fois très douloureuses et exceptionnelles ?

Ensuite, ce geste de générosité collective constaté dans plusieurs entreprises soulève la question de l’instauration d’une inégalité de fait entre les travailleurs. En effet, tous les travailleurs ne sont pas salariés. En outre, parmi les salariés, la négociation de tels arrangements ne semble en l’état possible que dans des entreprises assez grandes. Elle a par ailleurs échoué, à plusieurs reprises, à se mettre en place dans le secteur public.

La proposition de loi, je le concède, ne répond pas à toutes ces interrogations. Toutefois, je constate que, en offrant un cadre à ce qui relevait pour l’instant de l’improvisation, elle permettra d’élargir de fait le nombre de salariés pouvant bénéficier du dispositif, notamment tous les salariés du secteur public, au sein duquel le don de jours de repos, autorisé pour l’instant dans le cadre d’un accord collectif dans les entreprises du secteur privé, n’était pas prévu, et donc légalement impossible.

N’oublions pas que la proposition de loi est sérieusement encadrée, puisqu’elle ne remet pas en cause le droit fondamental à quatre semaines de congés payés et qu’elle garantit par ailleurs le principe de l’anonymat du don.

En l’occurrence, ma conviction est que le mieux est l’ennemi du bien. Oui, la solidarité nationale a les moyens d’améliorer ce dispositif ! Oui, cela serait utile ! Mais cela se fera-t-il effectivement et, si oui, quand ?

Pour notre part, nous sommes pragmatiques. Nous connaissons la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le Gouvernement, qui mobilise son énergie à la recherche de milliards d’euros. Ce genre de réforme d’ampleur sera difficile à mettre en œuvre et devra sans doute attendre des jours meilleurs.

De manière générale, je suis favorable aux initiatives parlementaires quand elles améliorent la situation. Ces initiatives ne sont jamais parfaites – celle-ci ne l’est pas non plus, mais vous savez également que nous avons des possibilités restreintes –, mais cette proposition de loi améliore la situation des parents confrontés à la maladie d’un enfant. Il sera toujours possible, par la suite, d’adopter ce dispositif dans le cadre d’un projet de loi.

Les récentes élections municipales nous ont rappelé, encore une fois, combien nos concitoyens souhaitaient que les responsables politiques sortent de leur bulle et soient beaucoup plus à l’écoute de leurs problèmes de la vie quotidienne et de leurs souffrances. Quand un formidable élan de générosité et de solidarité se manifeste dans la société civile, nous avons le devoir de le relayer et, à tout le moins, de lui donner la possibilité de s’exprimer légalement.

Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous vous en remettiez à la sagesse du Sénat. Pour sa part, en toute conscience et après avoir mûrement réfléchi, le groupe écologiste, pour les raisons que j’ai exposées, votera en faveur de la proposition de loi.

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