Intervention de Patrick Lefas

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Suite à donner au référé de la cour des comptes concernant le contrôle des comptes et la gestion de l'école nationale supérieure des beaux-arts ensba portant sur les exercices 2001 à 2011 — Audition de Mm. Nicolas Bourriaud directeur de l'ensba patrick lefas président de la troisième chambre de la cour des comptes et michel orier directeur général de la création artistique

Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes :

Le contrôle dont je vous rappelle les conclusions ce matin n'est pas allé au-delà, pour la partie juridictionnelle, de l'exercice 2011. Pour ce qui est de la gestion, il a toutefois porté jusqu'à la période 2012-2013. Je précise en outre que la procédure de suivi appliquée aux référés de la Cour des comptes a été étendue par le Premier président Migaud aux rapports particuliers. Dans le cas de la troisième chambre, elle pourra par exemple concerner les établissements de l'audiovisuel public sur lesquels nous travaillons (France Télévisions, Radio France).

L'ENSBA est héritière des académies royales de peinture et de sculpture. Elle est issue d'une fusion opérée sous le premier Empire et son statut date de la Restauration. Cet historique pèse sur l'école encore aujourd'hui. Mais il convient aussi de replacer les enjeux dans le contexte plus général de l'évolution de l'enseignement supérieur et de la recherche. Depuis l'origine, l'école a pour mission de former les artistes à la création. Vous l'avez rappelé, l'une de ses spécificités réside dans le fait qu'elle abrite sous le même toit une école et un musée.

À l'échelle du ministère de la culture, il s'agit d'un petit budget. Celui-ci est de l'ordre de 11 millions d'euros, dont 7,5 millions d'euros de subvention du ministère de la culture et de la communication. Les effectifs de l'école, relativement peu nombreux, s'établissent à 218 équivalents temps plein (ETP), tandis que le coût par étudiant se situe dans une fourchette haute de 19 000 euros.

Le cycle d'études dure cinq ans. Dans le cadre du processus de Bologne, l'école s'est adaptée à la règle « licence-master-doctorat » (LMD). Le diplôme national supérieur d'arts plastiques a désormais rang de master. Quelques étudiants suivent, ensuite, une formation doctorale dénommée « SACRe » (sciences, arts, création, recherche). Enfin, l'école a rejoint le pôle de recherche et d'enseignement supérieur.

Le référé de la Cour des comptes émet quatre séries de critiques.

Tout d'abord, il s'attache à la place et au rayonnement de l'ENSBA en France et à l'étranger. À cet égard, nous parlons d'un « îlot détaché dans un vaste archipel ». L'école ne partage aucune fonction support avec des établissements comparables, qu'ils soient parisiens ou nationaux. Un déficit de réflexion et de stratégie quant au devenir de l'école apparaît donc ; il incombe aussi bien au ministère de la culture qu'à celui de l'enseignement supérieur et de la recherche. Par ailleurs, l'ENSBA souffre d'un manque d'ouverture à l'international : elle peine à attirer aussi bien des étudiants que des enseignants étrangers. Cette situation la met en difficulté pour tenir son rang dans la compétition internationale.

Les conditions de conservation des oeuvres représentent le deuxième angle de critiques. Pour mémoire, l'ENSBA abrite 2 000 peintures et 3 700 sculptures. Ces oeuvres sont bien évidemment un élément de richesse mais leur conservation constitue également la source de multiples difficultés. En ce qui concerne les préoccupations liées à la surveillance, au contrôle et à la préservation des oeuvres - située rue Bonaparte, l'école est en zone inondable -, les retards se sont accumulés. C'est pourquoi un adossement à un autre établissement (la Bibliothèque nationale de France, le musée du Louvre, le musée d'Orsay ou le Centre Pompidou, par exemple) est souhaitable sur ces sujets.

Le troisième sujet de préoccupation de la Cour des comptes porte sur l'organisation de la politique éditoriale et des expositions de l'ENSBA. Ces dernières demeurent en effet relativement confidentielles avec 30 000 à 35 000 visiteurs par an. En outre, l'école n'a mis en oeuvre aucune mutualisation dans le cadre de ses éditions.

Enfin, le dernier sujet d'inquiétude concerne la gestion administrative de l'établissement. La Cour des comptes pointe des déficiences liées à l'absence de contrat de performance, au défaut de comptabilité analytique ainsi qu'à la faiblesse des procédures de contrôle interne et de suivi. Il résulte de ces lacunes une difficulté à mieux rationaliser les moyens de l'école. S'agissant de la gestion des ressources humaines, celle-ci est devenue prévisionnelle. Toutefois, il n'existe aucun outil de contrôle sur le temps de travail ni sur les conséquences des titularisations impliquées par la mise en oeuvre de la loi Sauvadet.

En conclusion, la Cour des comptes relève un défaut d'orientation stratégique dans le pilotage de l'ENSBA. Un contrat de performance sur une période triennale s'impose avec une réflexion d'ensemble sur les filières de l'enseignement artistique. Un plan général de conservation des oeuvres paraît également nécessaire avec l'adossement à un autre établissement. Certes, le budget de l'école est limité mais des économies peuvent néanmoins être réalisées.

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