Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 5 mai 2014 à 21h30
Convention européenne contre les violences à l'égard des femmes — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Je suis certaine que le présent débat aura son utilité.

Ensuite, le Sénat est appelé à autoriser cette ratification en présence de Najat Vallaud-Belkacem, que je remercie d’être ce soir au banc des ministres.

Le contenu de la convention d’Istanbul a déjà été commenté par les précédents intervenants ; je n’y reviendrai pas. Je me contenterai de me féliciter que la France, en ratifiant ce texte, valide un instrument international complet en ce qu’il vise tant la prévention des violences que la protection des victimes et la poursuite des auteurs des faits.

Les types de violences traités par cette convention correspondent aux préoccupations de notre délégation aux droits des femmes, dont les membres constatent régulièrement combien les violences subies par les femmes, partout dans le monde, s’inscrivent dans un continuum dont font partie les harcèlements, les violences conjugales, les violences sexuelles, les mutilations génitales, le mariage forcé et les crimes dits « d’honneur ».

Je note toutefois que la convention n’aborde pas une forme de violence : la prostitution, qui relève pourtant incontestablement des violences faites aux femmes. Mais nous débattrons de cette question, du moins je l’espère, lors de l’examen en séance publique de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel.

Malgré cette lacune, je relève avec intérêt que le préambule de la convention reconnaît les violences, notamment sexuelles, dont les femmes sont victimes du fait des conflits armés. Dans cette logique, son article 2 précise qu’elle « s’applique en temps de paix et en situation de conflit armé ». Je rappelle que la délégation aux droits des femmes a consacré, en décembre 2013, un rapport d’information à ce sujet si grave du « viol de guerre ».

Mes collègues et moi-même ne pouvons que nous féliciter que cette convention ait pris en compte la particulière vulnérabilité des femmes dans les conflits armés et reconnaisse la « violence fondée sur le genre » qui prospère dans le contexte des guerres.

Aucun pays ne peut en effet se blottir à l’abri de ses frontières et se considérer comme non concerné par les violences dont traite la convention d’Istanbul.

En ce qui concerne les violences sexuelles du fait des conflits armés, les représentantes du Comité médical pour les exilés, le COMEDE, que la délégation a entendues, nous ont appris que 65 % des femmes suivies médicalement en France dans le cadre d’un parcours migratoire avaient subi des violences dans leur pays d’origine et que 16 % d’entre elles avaient subi des tortures. Ces souffrances physiques et psychologiques liées aux guerres doivent donc aussi être traitées médicalement dans notre pays.

Quant aux violences conjugales, il faut inlassablement répéter que, sur notre territoire, tous les deux jours et demi, une femme meurt sous les coups de son conjoint.

Enfin, le drame des mariages forcés menacerait, selon le Haut Conseil à l’intégration, environ 70 000 jeunes femmes et jeunes filles en France, qu’il s’agisse de jeunes Françaises mariées de force dans le pays d’origine de leurs parents ou de jeunes binationales. Les consulats français traiteraient ainsi chaque année entre douze et quinze cas de mariage forcé.

Une autre raison d’être favorable à la ratification de cette convention est qu’elle considère l’égalité entre hommes et femmes comme un « élément clé dans la prévention de la violence à l’égard des femmes », rejoignant ainsi, là encore, une conviction de la délégation aux droits des femmes, qui constate régulièrement l’existence d’un lien étroit et fort entre les inégalités entre hommes et femmes et les violences faites aux femmes.

Dans ce domaine, la convention reflète les préoccupations habituelles de la délégation, puisque son article 14 invite les pays parties prenantes à intégrer la thématique de l’égalité dans leurs programmes d’enseignement et à sensibiliser les élèves au respect mutuel et à la « résolution non violente des conflits dans les relations interpersonnelles ».

L’étude que mène actuellement la délégation aux droits des femmes sur le thème de la prostitution, en vue de l’examen de la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, confirme que la sensibilisation à l’égalité et au respect doit impérativement être renforcée dans le cadre scolaire, et ce le plus tôt possible : au lycée, il est déjà trop tard.

Dans un autre registre, le travail conduit par la délégation depuis le début de cette année sur les stéréotypes masculins et féminins dans les manuels scolaires nous conforte, audition après audition, dans la conviction que ces stéréotypes renforcent les discriminations entre filles et garçons, puis entre hommes et femmes.

Les stéréotypes se mettent en place d’abord au stade des études, puis dans le milieu professionnel, notamment parce que l’orientation professionnelle contribue très directement à enfermer les jeunes filles dans des parcours de formation qui ne représentent pas, tant s’en faut, des « passeports vers la réussite »…

Il est donc particulièrement regrettable que le débat sur les « ABCD de l’égalité » ait réduit ce qui n’était rien d’autre que l’apprentissage du respect entre filles et garçons à l’école à une polémique inappropriée sur le « genre ».

Une autre stipulation de la convention rejoint une préoccupation de la délégation et confirme la pertinence de ce texte : je veux parler du point 2 de l’article 17, qui engage les parties à développer les capacités des enfants, des parents et des éducateurs « à faire face à un environnement des technologies de l’information et de la communication qui donne accès à des contenus dégradants à caractère sexuel ou violent qui peuvent être nuisibles ».

De fait, dans notre société, les risques liés au contact avec des images qui, par leur violence ou leur caractère pornographique, peuvent constituer de véritables agressions contre les jeunes publics, doivent impérativement être pris en compte. On sait, par exemple, qu’il existe des jeux vidéo en ligne banalisant le viol.

Les conséquences de la diffusion de ces images sur les relations entre garçons et filles puis, plus tard, entre hommes et femmes doivent impérativement être prises en considération. À cet égard, la convention encourage de manière très opportune la mise en œuvre d’actions d’éducation, indispensables eu égard à la prolifération d’images non maîtrisables dans le monde d’aujourd’hui.

Cette convention nous invite donc à mettre en place ou à renforcer des actions de sensibilisation auprès des jeunes, actions qui sont indispensables à la construction d’une société d’égalité entre hommes et femmes.

Telles sont, monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les remarques que peut inspirer la convention d’Istanbul, au vu des travaux actuellement conduits par la délégation aux droits des femmes. Ces réflexions ne peuvent que nous encourager à adopter le présent projet de loi, comme nous y invite la commission des affaires étrangères, afin d’autoriser la ratification d’un texte opportun et nécessaire. §

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