Elle est l’aboutissement d’un long travail du Conseil de l’Europe, qui se consacre à la sauvegarde et à la protection des droits de l’homme sur le continent européen et qui, pour cette raison même, a fait de la lutte contre les violences faites aux femmes l’une de ses priorités.
Précédentes oratrices ont souligné les manques en matière de prostitution. Je vous rappelle, mes chères collègues, que nous avons voté au Sénat la transposition en droit interne d’une directive européenne visant à lutter contre la traite des êtres humains et les mariages forcés. Le Conseil de l’Europe a également pris en compte le phénomène prostitutionnel puisqu’il a voté lors de sa dernière séance au mois d’avril dernier un rapport intitulé Prostitution, traite et esclavage moderne en Europe, du rapporteur portugais José Mendes Bota.
En 2005, une convention a été signée à Varsovie, qui a pris en compte la lutte contre les violences faites aux femmes, y compris la violence domestique. Depuis 2006, un réseau parlementaire « pour le droit des femmes de vivre sans violence » s’est mis en place au sein du Conseil de l’Europe. Il se compose de cinquante et un parlementaires issus des délégations d’États membres et d’observateurs auprès de l’assemblée parlementaire et des délégations des partenaires pour la démocratie et s’emploie sans relâche à promouvoir la convention d’Istanbul. Notre collègue Bernadette Bourzai, qui est l’un de ses membres, peut témoigner de la volonté politique présente dans les parlements européens.
Nous soutenons le travail accompli par le Conseil de l’Europe, qui ouvre la voie à la création d’un cadre juridique de portée paneuropéenne pour protéger les femmes contre toutes les formes de violence ainsi que pour prévenir, réprimer et éliminer la violence contre les femmes et la violence domestique. Cette lutte se construit au travers de toutes les actions qui ont été rappelées précédemment ; je n’insisterai donc pas davantage sur ces différents points. Vous l’avez dit, madame la ministre, intimité ne doit pas rimer avec impunité, comme c’est malheureusement souvent le cas aujourd'hui !
L’enquête menée par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne, basée à Vienne, est la première du genre à porter sur la violence à l’égard des femmes dans les vingt-huit États membres de l’Union européenne. Néanmoins, beaucoup de pays manquent encore d’outils de collecte de données. Dans le cadre d’entretiens, 42 000 femmes issues de l’Union européenne ont donc été interrogées sur leur tragique expérience de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, perpétrées notamment par un ou une partenaire intime.
L’enquête confirme que la violence à l’égard des femmes est une maltraitance à grande échelle : 33 % des sondées ont connu de la maltraitance physique ou sexuelle dès l’âge de quinze ans, 22 % d’entre elles ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint et 67 % admettent ne pas avoir signalé de faits commis par leur conjoint à la police ou à une autre organisation.
Cette convention, qui vise à créer une Europe sans violence à l’égard des femmes et sans violence domestique en appelant à combattre, en premier lieu, toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, rejoint bien les politiques menées par la France. Elle se présente comme un instrument novateur qui établit des normes contraignantes, dans une approche intégrée, en vue de prévenir la violence et de protéger les victimes.
Les trois piliers – prévention, protection, poursuites – ont été évoqués ; je n’y reviendrai donc pas. Je mentionnerai simplement que les États parties devront veiller à ce que la culture, les traditions ou l’« honneur » ne soient pas considérés comme des justifications à ces comportements.
Une fois ces nouveaux délits intégrés dans les droits nationaux, le cadre juridique existera pour poursuivre les auteurs de violence ; cela impliquera également la mise en place des mesures d’enquête et de protection des victimes.
La convention prévoit en outre un mécanisme de suivi permettant de mesurer son efficacité, la mise en place d’observatoires nationaux indépendants ainsi que la collecte systématique des données, qui sont encore trop lacunaires aujourd’hui. La France a déjà mis en œuvre certaines de ces préconisations.
Outre l’adoption de mesures spécifiques, telles que celles prévues dans le projet de loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes que nous avons voté au Sénat et qui complète notre droit en introduisant des éléments correspondant à ce que requiert cette convention, tous les ministres se sont impliqués personnellement dans la rédaction d’une feuille de route pour l’égalité femmes-hommes dans leur champ de compétence. Une fois la convention ratifiée, nous devrons maintenir notre exigence et notre vigilance pour renforcer l’accès à l’égalité. De plus, le suivi de la convention d’Istanbul devra prendre en compte l’image complète des mesures et des politiques pour chaque pays. Ce suivi sera assuré par des experts indépendants, qui évalueront, sur la base de visites et de rapports, dans quelle mesure les États parties respectent les normes définies.
Vous le savez, mes chers collègues, cette convention est une étape importante. C’est donc avec beaucoup de conviction que mes collègues du groupe socialiste et moi-même voterons le projet de loi de ratification.