Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les comptes bancaires inactifs et les contrats d’assurance vie en déshérence représentent une injustice qui, depuis de nombreuses années, mobilise le Parlement, tant l’Assemblée nationale que le Sénat.
Lors de la discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, il y a déjà un an, le problème des comptes bancaires inactifs avait été abordé. Mon prédécesseur, Pierre Moscovici, avait alors indiqué qu’il soutiendrait une initiative parlementaire sur le sujet, qui concerne nombre de nos concitoyens. Je m’inscris moi-même dans cette démarche, et je redis tout le soutien que le Gouvernement apporte à cette proposition de loi.
Je me permets de souligner devant vous le travail approfondi effectué, avant que ce ne soit également le cas ici, par la commission des finances de l’Assemblée nationale et l’implication toute particulière de Christian Eckert, alors rapporteur général. C’est lui qui a souhaité que je sois chargé de défendre ici ce texte, qui doit beaucoup de sa substance et de son intelligence à son propre travail.
L’Assemblée nationale s’est appuyée sur le travail de la Cour des comptes, qui a établi un diagnostic fiable avec un objectif double : d’une part, protéger les clients et les épargnants, ou leurs ayants droit, qui n’ont jamais réclamé des fonds qui leur appartiennent pourtant ; d’autre part, protéger les intérêts financiers de l’État, à qui ces fonds doivent être retournés au terme du délai de prescription trentenaire.
Avant de développer ces deux volets, j’aimerais souligner à quel point la résolution de ce problème, dont la traduction en chiffres révèle l’ampleur, doit être l’une des priorités de l’action publique. Dans son rapport, établi à la demande de la commission des finances de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes évalue ainsi le montant des encours concernés à plus de 1, 2 milliard d’euros pour les comptes bancaires et à plus de 2, 7 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie et de capitalisation non réclamés.
Sur quoi porte le constat de la Cour des comptes ?
Premièrement, les lacunes en matière de traitement des avoirs en déshérence portent atteinte à la protection des épargnants et de leurs ayants droit. D’abord, parce que ceux-ci ne sont pas en mesure d’identifier les fonds dont ils ne savent pas, soit par oubli, soit par ignorance, qu’ils sont les propriétaires légitimes. Ensuite, parce que les règles de transfert à la Caisse des dépôts et consignations ne sont pas assez claires ; elles sont donc mal respectées.
Deuxièmement, le rapport souligne que l’État n’est pas aujourd’hui en mesure de faire respecter son droit en matière de recouvrement des avoirs frappés par la prescription trentenaire.
Les conclusions du rapport de la Cour des comptes confirment donc la nécessité de procéder à des modifications législatives afin d’assurer un traitement satisfaisant des avoirs en déshérence. Le débat sur les avoirs bancaires et les contrats d’assurance vie en déshérence dure depuis trop longtemps.
Cette proposition de loi, de grande qualité, enrichie par l’Assemblée nationale et la commission des finances du Sénat, traite le sujet de façon satisfaisante. Son premier volet, relatif aux comptes bancaires, définit les comptes bancaires inactifs dans le code monétaire et financier. Cette disposition comble une lacune du cadre juridique applicable aux comptes bancaires inactifs, qui ne sont pas définis par la loi aujourd’hui et sur lesquels l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, ne peut donc exercer un contrôle efficace.
Le texte prévoit un ensemble d’obligations à la charge des banques, en particulier une obligation de consultation annuelle du répertoire national d’identification des personnes physiques, le RNIPP, afin de vérifier que le titulaire du compte n’est pas décédé, le recensement des comptes inactifs et le plafonnement des frais perçus, ainsi que l’obligation de transfert des fonds à la Caisse des dépôts.
La commission des finances du Sénat a par ailleurs trouvé une solution ad hoc pour la gestion du contenu des coffres-forts en déshérence. Il s’agit d’une solution pragmatique dont le Gouvernement se félicite.