Intervention de François Marc

Réunion du 7 mai 2014 à 14h30
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance vie en déshérence — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de François MarcFrançois Marc, rapporteur :

Certes, les obligations des banques à l’égard de leurs clients ne sont pas les mêmes que celles des assureurs. Alors que le contrat d’assurance sur la vie a pour objet même le versement d’un capital en cas de décès, ce qui implique de rechercher et de prévenir les bénéficiaires, le banquier n’est tenu qu’à une obligation de restitution au titulaire des fonds qui lui sont confiés. C’est d’ailleurs un point sur lequel nous aurons l’occasion de revenir lors de l’examen des amendements.

Il n’en reste pas moins que les banquiers appliquaient assez peu jusqu’à présent les dispositions relatives aux comptes en déshérence : les sommes déposées volontairement à la Caisse des dépôts et consignations, comme celles qui sont versées au Trésor public au titre de la prescription trentenaire, sont, ces dernières années, restées symboliques. Le fait que ces avoirs constituent des ressources stables au bilan des banques et continuent de donner lieu à la perception de frais, parfois jusqu’à épuisement du compte, n’y est sans doute pas totalement étranger.

Il me paraissait nécessaire de faire ces rappels, peu flatteurs pour nos établissements financiers, même si les pratiques ont été variables, car ce sont les manquements aux dispositions existantes qui justifient, pour une large part, une proposition de loi beaucoup plus précise que les principes et règles générales que nous avions adoptés jusqu’à maintenant.

Une nouvelle intervention du législateur était donc nécessaire, à la fois pour traiter le stock considérable d’avoirs en déshérence qui s’est constitué et pour prévenir une aggravation de ce dernier. Dès lors, il convient de saluer l’initiative de Christian Eckert, qui, en s’appuyant sur l’enquête de la Cour des comptes commandée par la commission des finances de l’Assemblée nationale, a déposé, en novembre dernier, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Votre commission des finances a décidé de procéder à l’examen conjoint de cette proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale le 19 février, et de celle qui a été déposée par notre collègue Hervé Maurey, qui travaille depuis longtemps sur le sujet. Les deux propositions de loi ont le même objet et puisent leur inspiration à la même source. La commission des finances a repris l’essentiel de leurs dispositions, tout en élargissant le champ d’application des dispositions contenues dans la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale.

Si cette dernière a rencontré une très large approbation au sein de la commission, c’est parce qu’elle franchit une étape décisive par rapport aux initiatives antérieures. En effet, elle encadre de manière précise les différentes étapes conduisant, après trente ans et en l’absence de manifestation de tout ayant droit en dépit des informations et des recherches mises en œuvre, à la prescription des sommes au profit de l’État. Le dispositif prévu s’organise ainsi en trois temps : d’abord, constat du décès de l’assuré ou du caractère inactif du compte bancaire ; ensuite, à l’issue d’un délai variable selon les situations – dix ans dans la plupart des cas –, dépôt des fonds à la Caisse des dépôts et consignations, qui organise la publicité de l’identité des titulaires du compte ou du contrat et garantit le reversement des sommes si leur destinataire légitime se manifeste ; enfin, si personne ne se présente, transfert à l’État en application de la prescription trentenaire.

La mécanique de précision qu’il est proposé de mettre en place a une triple vertu : premièrement, elle renforce la protection des épargnants et des bénéficiaires de contrats d’assurance vie ; deuxièmement, elle conforte les intérêts financiers de l’État, en garantissant le respect de la prescription trentenaire ; troisièmement, enfin, elle permet aux professionnels, en particulier aux assureurs, de « sortir par le haut », si je puis dire, d’une situation qu’ils ont certes contribué à créer, mais qui leur est devenue de plus en plus préjudiciable au fur et à mesure qu’a été révélée, au cours de ces dernières années, l’ampleur des sommes en jeu et des dysfonctionnements.

Les activités bancaires et d’assurance vie, essentielles à la sécurisation de l’épargne et au financement de l’économie, reposent sur la confiance des épargnants. Le lancinant dossier des avoirs en déshérence était, on l’a bien compris, de nature à entamer cette confiance ; cette proposition de loi devrait permettre de la rétablir.

À présent, je crois utile de vous présenter, mes chers collègues, de manière plus détaillée, les principales dispositions de la proposition de loi.

Ce texte vient tout d’abord combler une lacune de notre droit, en définissant ce qu’est un compte inactif et le régime auquel il doit être soumis.

Un compte peut être déclaré inactif parce que son titulaire est décédé. Dans ce cas, les sommes sont déposées à la Caisse des dépôts et consignations au bout d’un délai que la commission des finances a souhaité relever de deux à trois ans à compter de la date du décès si aucun ayant droit ne s’est manifesté. La proposition de loi oblige le notaire chargé de la succession à consulter systématiquement le fichier national des comptes bancaires et assimilés, le FICOBA, afin d’identifier l’ensemble des comptes souscrits par le défunt. Cela devrait, à l’avenir, réduire de manière très significative le nombre de comptes en déshérence à la suite du décès de leur titulaire.

Un compte peut également être déclaré inactif s’il n’a pas enregistré d’opération depuis un an et que son titulaire ne s’est pas manifesté. Dans ce cas, le transfert à la Caisse des dépôts et consignations intervient au bout de dix ans d’inactivité. Durant cette période, les établissements sont tenus de vérifier tous les ans que le titulaire du compte inactif n’est pas décédé, en consultant le répertoire national d’identification des personnes physiques. Le dépôt intervient seulement après que la banque a cherché à prévenir le titulaire à différentes occasions définies par le texte, qui pose à cet égard des obligations très précises.

Enfin – c’est un point important –, la proposition de loi instaure un plafonnement des frais pouvant être prélevés sur un compte inactif.

Dans tous les cas, les sommes déposées auprès de la Caisse des dépôts et consignations sont acquises à l’État à l’issue d’un délai de trente ans, qui se décompte à partir du décès du titulaire ou de la dernière opération enregistrée sur le compte.

Le champ du dispositif est large puisqu’il inclut tous les comptes d’épargne considérés comme inactifs au terme d’un délai de cinq ans.

La commission des finances a précisé les conditions de liquidation, au terme du délai de dix ans, des titres déposés sur des comptes inactifs, en substituant un critère de liquidité à celui de la cotation des titres, ce qui permet d’étendre l’application du dispositif. Elle a aussi comblé un vide juridique en adoptant un dispositif spécifique pour la délicate question des coffres-forts en déshérence.

Comme pour les comptes bancaires, le dispositif concernant les contrats d’assurance sur la vie ou de capitalisation non réclamés s’organise en trois étapes.

En premier lieu, la proposition de loi renforce au cours d’une première période les obligations d’information à la charge de l’assureur et oblige ce dernier à respecter un taux minimal de revalorisation post mortem du capital garanti en cas de décès, afin de l’inciter à retrouver les bénéficiaires des contrats.

En deuxième lieu, si, au terme d’un délai de dix ans, les sommes dues n’ont pas été réclamées, elles sont versées à la Caisse des dépôts et consignations, qui assure alors la publicité sur internet de l’identité des souscripteurs des contrats en déshérence.

En troisième et dernier lieu, au terme d’un délai complémentaire de vingt ans, les sommes déposées sont acquises à l’État si personne ne les a réclamées.

La commission des finances a souhaité étendre un peu plus le périmètre d’application du dispositif proposé.

Tout d’abord, elle a étendu aux contrats d’assurance sur la vie ne comportant pas de valeur de rachat, telles les assurances décès, l’obligation de comporter un mécanisme de revalorisation post mortem du capital garanti.

Ensuite, elle a inclus ces contrats ainsi que les bons ou contrats de capitalisation au porteur dans le champ du dispositif de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations.

Enfin, elle propose de faire bénéficier l’ensemble des contrats d’assurance sur la vie, y compris les contrats en cours, du taux minimum de revalorisation introduit par la proposition de loi.

Le texte comporte plusieurs mesures destinées à faciliter le règlement des contrats.

Ainsi, le notaire chargé d’une succession sera autorisé à interroger le futur fichier des contrats d’assurance sur la vie, le FICOVIE, sur mandat d’un bénéficiaire éventuel ou pour identifier les contrats de capitalisation souscrits par le défunt.

Dans le même esprit, la commission des finances a introduit des dispositions visant à renforcer les moyens de recherche et d’information des assureurs, en leur permettant de bénéficier du concours de l’administration fiscale et des notaires.

La proposition de loi doit entrer en vigueur le 1er janvier 2016, afin de laisser à chacun le temps de préparer les outils et procédures nécessaires à sa bonne mise en œuvre. Cela permettra également aux assureurs d’accomplir avec diligence leurs obligations de recherche et d’information des bénéficiaires des contrats qui, sinon, seront transférés à la Caisse des dépôts et consignations ou acquis à l’État.

Tels sont, mes chers collègues, les éléments essentiels que je souhaitais vous livrer. Je vous proposerai tout à l’heure un certain nombre d’amendements visant à améliorer la rédaction du texte élaboré en commission et à lui apporter des précisions utiles. La proposition de loi pourra également être complétée par l’adoption de plusieurs amendements de notre collègue Hervé Maurey, que la commission a validés.

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la commission des finances vous invite donc à adopter la proposition de loi. Ce texte n’est pas de nature à susciter des clivages politiques ; il fait, je crois, « œuvre utile », en accroissant la protection des épargnants et des titulaires de comptes bancaires et, à défaut, des intérêts de l’État.

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