Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 7 mai 2014 à 14h30
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance vie en déshérence — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, cher Michel Sapin, monsieur le rapporteur, cher François Marc, madame la vice-présidente de la commission, chère Fabienne Keller, mes chers collègues, la proposition de loi soumise à notre examen s’attaque à un sujet qui aurait pu sembler marginal a priori, mais dont l’ampleur est en réalité considérable. C’est un véritable trésor dont il s’agit !

Les chiffres avancés par la Cour des comptes sont éloquents : les encours concernés s’élèvent à 1, 6 milliard d’euros pour les comptes bancaires inactifs et à 2, 76 milliards d’euros pour les contrats d’assurance vie. Plus de 670 000 comptes bancaires inactifs sont concernés !

Tout l’enjeu de la proposition de loi consiste à définir le périmètre des comptes bancaires considérés comme inactifs, ainsi que celui des contrats d’assurance vie en déshérence. Je crois que les critères fixés sont pertinents. Je salue donc le travail de Christian Eckert, ancien rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, devenu secrétaire d’État chargé du budget.

Je reconnais à la proposition de loi trois qualités majeures : elle institue une meilleure protection des intérêts des épargnants et de leurs ayants droit, elle améliore la garantie des intérêts de l’État et elle témoigne d’un réel souci d’encadrer les activités bancaires.

La protection des droits des épargnants, titulaires de comptes ou ayants droit, passe d’abord par un plus grand suivi des activités du compte et par une meilleure connaissance des conditions dans lesquelles un compte bancaire est déclaré inactif, mais elle repose surtout sur un vrai travail, systématique, de recherche et d’identification des titulaires et des ayants droit, afin de garantir leur droit de propriété sur les sommes en jeu. En effet, il arrive trop souvent que les ayants droit ne soient pas informés de leur statut par les titulaires des comptes, notamment avant un décès. C’est pourquoi il est de la responsabilité de la banque ou de la société d’assurance de faire son possible pour identifier et informer le nouveau titulaire.

Les délais fixés – dix ans, puis vingt ans, soit trente ans au total avant le transfert des sommes à l’État – me semblent raisonnables ; nous verrons à l’usage s’ils conviennent, mais je suis assez confiant à cet égard.

Dans un deuxième temps, lorsque tout a été mis en œuvre pour identifier les titulaires des comptes et des contrats, c’est évidemment à l’État que doivent revenir les sommes et les avoirs non réclamés. De ce point de vue, je salue l’effort des auteurs de la proposition de loi pour que les intérêts de l’État soient défendus par le biais de la prescription trentenaire. Il est en effet indispensable de s’assurer que les fonds non réclamés au bout de trente ans reviennent bien à l’État. Ce dispositif garantit les intérêts des citoyens non seulement en tant qu’épargnants, mais aussi en tant que contribuables, dans la mesure où le manque à gagner fiscal et financier pour l’État est loin d’être négligeable. Pourquoi, dans ces moments de flottement, les banques profiteraient-elles de la situation ?

Fondamentalement, la proposition de loi témoigne de la volonté de la majorité de poursuivre son travail d’encadrement des activités bancaires ; du reste, cette volonté est partagée par l’ensemble de nos collègues, unanimes, comme M. le rapporteur l’a signalé, à appuyer la proposition de loi. Cet encadrement passe par une plus grande transparence dans la gestion et dans la restitution des comptes bancaires inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence, notamment via un effort de recensement des comptes inactifs et des contrats non réglés. Il prend également la forme d’un plafonnement du montant des frais et commissions prélevés par les banques, afin d’éviter des ponctions trop importantes. Dans les faits, les prélèvements atteignent parfois plus de 60 % du montant total des actifs inscrits sur le compte !

Ce qu’il faut éviter par-dessus tout, ce sont les abus et les négligences – disons-le ! – commis par les banques et par les sociétés d’assurance. Je rappelle que ces excès sont dommageables pour les épargnants, pour les contribuables et pour les finances publiques. L’un de ces excès me paraît absurde : le fait que les banques puissent continuer à prélever automatiquement des frais sur des comptes bancaires considérés comme inactifs, alors que, en raison de l’absence d’écriture de ligne, elles ne supportent que des frais tout à fait minimes pour la gestion de ces comptes. Sans compter que ces frais sont largement compensés par l’accès aux liquidités ainsi disponibles !

Pour mettre fin à cette perception injustifiée de frais, dont les jeunes vivant à l’étranger et les personnes dépendantes ou malades sont les premières victimes, nous avons déposé un amendement à l’article 1er. Je sais que cet amendement, identique à un autre présenté par le groupe CRC, fait débat ; je trouve dommage qu’il n’y ait pas un plus large accord sur ce sujet.

Mes chers collègues, je me réjouis du travail parlementaire que nous avons accompli. Nous avons pu nourrir ce débat et progresser dans notre réflexion, d’abord lors de l’examen du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, puis lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation. Je vous rappelle que, au cours de ce dernier débat, nous avons retiré notre amendement tendant à supprimer les frais sur les comptes bancaires inactifs, après avoir obtenu du Gouvernement la promesse que le problème serait abordé ultérieurement. Je suis content que nous puissions en débattre cet après-midi, même si, je l’ai bien constaté, le Gouvernement n’a pas promis que le débat aboutirait…

La proposition de loi va dans le bon sens : celui de la reconnaissance des droits des épargnants et des intérêts de l’État. Pour cette raison, elle semble faire consensus parmi nous, ce dont je me réjouis ; ce fait, suffisamment rare pour être remarqué et apprécié, illustre la force du bicamérisme et l’utilité du Sénat.

Le groupe écologiste votera la proposition de loi, qui marque une avancée attendue et essentielle en matière d’encadrement des activités bancaires et de renforcement des droits. Je me félicite une nouvelle fois de l’excellent travail réalisé par Christian Eckert, nos collègues de l’Assemblée nationale, notre rapporteur, les membres de la commission des finances du Sénat et le nouveau ministre des finances.

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