Intervention de Éric Bocquet

Réunion du 7 mai 2014 à 14h30
Comptes bancaires inactifs et contrats d'assurance vie en déshérence — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Éric BocquetÉric Bocquet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui tente, par certains aspects, de clore un débat entamé avec la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, débat relatif à la gestion des avoirs « endormis » dans les écritures de nos établissements de crédit et de nos compagnies d’assurance.

Même si, par essence, nous ne connaissons pas tout à fait les montants en jeu, nous disposons, ainsi que le rappelle le rapport, de quelques éléments de mesure de l’ampleur du phénomène ; un phénomène mis au jour lors des précédents débats sur la profession bancaire que nous avons eus dans cette enceinte et qui motive, à la lecture du contenu des amendements défendus en commission comme de ceux qui ont été déposés en vue de l’examen en séance publique, un assez large accord sur la nécessité de mettre un terme à des pratiques qui devraient au demeurant avoir disparu depuis longtemps.

Le débat que nous avons est, au fond, assez proche, par ses enjeux, de celui relatif à l’assurance crédit, puisqu’on parle de plusieurs milliards d’euros d’encours enregistrés au crédit des comptes inactifs et des contrats d’assurance vie en déshérence. Ce montant représente à la fois peu au regard des sommes collectées chaque année par nos établissements de crédit, par exemple, et dans le même temps beaucoup. Même s’il est relativement dérisoire au regard de l’importance des écritures passées par nos banques et nos compagnies d’assurance, on ne peut oublier que plusieurs milliards d’euros de ressources gratuites constituent toujours un levier plutôt rémunérateur pour les établissements intéressés… D’autant que nos banques, par exemple, continuent d’encaisser quelques frais de gestion sur des comptes dont le calme et l’inactivité sont pourtant le lot. Étonnante pratique qui consiste à récupérer des frais sur les titulaires de comptes parfois un peu trop actifs, jusqu’à se retrouver à découvert, comme sur les comptes où rien ne se passe.

L’affaire porterait sur environ 3 milliards d’euros, somme que l’on ne peut évidemment s’empêcher de rapprocher de l’encours des comptes créditeurs, estimé à la fin de février dernier à plus de 487 milliards d’euros.

En clair, nous parlons de quelque chose qui pèse pour moins d’un point sur les comptes créditeurs de nos établissements bancaires et encore moins au regard de l’encours total des dépôts bancaires, qui dépassait, lui, à la fin de février, 1 600 milliards d’euros.

En pratique, les banques prélèvent des frais sur des comptes inactifs dont le montant constitue 0, 2 % de l’encours mensuel moyen des dépôts.

Pour en revenir au texte qui nous préoccupe ce jour, nous souhaitons évidemment qu’il soit adopté – nous y contribuerons –, quand bien même il conviendrait d’y apporter quelques utiles précisions, notamment sur la notion de « compte inactif », qui fait parfois débat. Nous pensons, pour notre part, que l’inactivité d’un compte bancaire, même si elle est constatée par les systèmes de gestion d’un établissement de crédit, ne peut être que le fait du titulaire même du compte. Nous avons décidé d’amender le texte en ce sens, et j’ai d’ailleurs constaté avec intérêt que ce souci de précision était largement partagé sur les travées de notre assemblée.

La même observation vaut pour les contrats d’assurance vie, et il importe que la question de la démarche de recherche des ayants droit soit précisée autant que faire se peut et que les responsabilités des compagnies d’assurance soient clairement établies.

Les articles du texte ont permis des avancées, mais il nous semble que d’autres doivent encore être obtenues, notamment du point de vue du contrôle de l’activité des compagnies. En tout état de cause, il est évident que l’adoption de la présente proposition de loi ainsi amendée permettra de compléter le nécessaire effort de transparence et de modification des pratiques bancaires et assurantielles entamé depuis deux ans.

La lecture du rapport de la commission est particulièrement riche d’enseignements. En effet, on y apprend que des établissements de crédit ont été défaillants dans l’application de certaines règles de gestion. Sont citées et pointées notamment l’identification des comptes inactifs, voire l’absence totale d’identification de ces comptes. La communication de la Cour des comptes est tout aussi explicite quant aux obligations de certains assureurs, qui ont été de leur côté également défaillants – c’est le mot utilisé.

Monsieur le rapporteur, je me permettrai ici de citer votre rapport, dont la lecture, même sur un sujet financier comme celui-ci, peut nous autoriser un sourire : « La part anormalement élevée de centenaires parmi les assurés sur la vie, dont certains battent tous les records de longévité, est un signe particulièrement révélateur de ces dysfonctionnements. » Vous citez également le manque de diligence de certains assureurs à s’acquitter de leurs obligations de recherche et d’information des bénéficiaires d’un contrat.

Je conclurai cet inventaire à la Prévert en me référant à nouveau à votre rapport, qui met clairement en cause l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – en tout cas jusqu’en 2011 – et l’insuffisance des contrôles effectués sur le respect des obligations des assureurs. Cette proposition de loi devrait donc aider à clarifier la gestion des comptes et contrats en déshérence. Toutefois, notre démarche ne serait pas complète si nous n’appelions pas à la plus grande vigilance quant aux responsabilités des établissements bancaires et des assureurs. Aucun maillon de la chaîne ne doit être défaillant ! Nul doute d’ailleurs que la situation dont nous débattons aujourd’hui aurait un peu moins de prégnance si notre secteur financier et assurantiel était investi de missions de service public dans un rôle exclusif de financement de l’économie réelle.

Mes chers collègues, le texte dont nous débattons ce jour ne constitue certes pas un enjeu fondamental de la nécessaire régulation des activités financières. Toutefois, il peut très modestement y contribuer, chacun mesurant bien à quel point il reste au « politique » bien du chemin à parcourir pour encadrer avec beaucoup de rigueur et d’efficacité les activités financières, afin de toujours les orienter vers l’intérêt de l’économie du réel et de nos concitoyens.

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