Plusieurs bilans effectués par la Commission européenne et les services de contrôle nationaux ont régulièrement dénoncé les détournements de la directive et les très nombreux cas de fraude. En 2012, on estimait ainsi à 300 000 ou 350 000 le nombre de travailleurs détachés en France, alors que 170 000 d’entre eux étaient officiellement déclarés. S’ils représentent moins de 2 % de la population active, force est de constater que leur forte concentration, en particulier dans les métiers du bâtiment, de l’agriculture et des transports, met en péril nos entreprises, notamment les plus petites, déjà fortement affectées par la crise économique.
La législation européenne en la matière est devenue insuffisante, voire inefficace. Pis, elle est devenue un véritable outil de concurrence déloyale qui déstabilise des pans entiers de l’économie française. L’absence de dispositions concrètes en matière de contrôle participe pleinement à l’explosion de la fraude au détachement.
Ces abus ont conduit la Commission européenne à présenter, en mars 2012, une proposition de directive d’exécution. Je tiens, à ce titre, à saluer l’engagement du gouvernement français, qui a enfin permis de trouver un compromis lors de la réunion du Conseil des ministres « emploi, politique sociale, santé et consommateurs » du 9 décembre 2013. Le texte initial n’était en effet pas acceptable et constituait véritablement une régression pour notre pays. La détermination dont a fait preuve Michel Sapin a permis aux États membres de s’entendre sur un accord globalement satisfaisant pour la France.
Aujourd’hui, il nous est proposé de transposer cette directive d’exécution, adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen. Il s’agit de mettre en place les outils nécessaires pour prévenir et sanctionner le dumping social, notamment en impliquant la responsabilité du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage. Nous ne pouvons que saluer l’initiative de nos collègues socialistes de l’Assemblée nationale.
Cette proposition de loi devrait en effet permettre d’endiguer les fraudes, de donner aux corps de contrôle un ensemble de règles visant à la fois à améliorer leur information quant aux situations observables sur le terrain et à orienter leurs contrôles, et de renforcer le caractère dissuasif des sanctions encourues par les contrevenants. Je pense notamment à la possibilité de poursuivre un donneur d’ordre pour les fraudes relevant d’un de ses sous-traitants, au renforcement des pénalités pour les infractions de travail illégal commises en bande organisée, ou encore à la mise en place d’une liste noire sur internet, où figureront les entreprises qui auront été condamnées à une amende de plus de 15 000 euros pour travail illégal. Sur ce point, nous vous proposerons d’ailleurs que l’inscription sur cette liste noire se fasse quel que soit le montant de l’amende.
Les modifications apportées tant par l’Assemblée nationale que par notre commission des affaires sociales vont dans le bon sens et nous y souscrivons pleinement.
Pour autant, comme l’a rappelé la rapporteur, dont je salue l’excellent travail, cette proposition de loi ne suffira pas, à elle seule, à lutter contre les abus liés au détachement des travailleurs. Il faudra envisager l’instauration d’une véritable harmonisation sociale et mettre fin à la dichotomie qui existe entre les règles relatives à la sécurité sociale et celles qui portent sur le droit du travail en cas de détachement. En France, nous devrons également renforcer la coopération entre les différents agents de contrôle, améliorer la réponse pénale et utiliser davantage les sanctions administratives.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien à cette proposition de loi.