Séance en hémicycle du 6 mai 2014 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, ce rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Je veux faire état ici d’un événement extrêmement grave survenu voilà quelques jours au Nigéria : l’enlèvement de plus de 200 jeunes filles de quinze à dix-huit ans. Le groupe terroriste qui a revendiqué ce kidnapping a déclaré que les jeunes filles n’avaient pas le droit d’étudier et annoncé qu’il allait vendre celles qu’il retenait au marché aux esclaves !

Il se trouve que, hier soir, le Sénat a ratifié à l’unanimité la convention d’Istanbul, laquelle a pour objet de donner un cadre européen à la lutte contre ce fléau que constituent les violences faites aux femmes.

Face à une telle horreur, nous ne pouvons qu’être sidérés et révoltés. Comment réagir autrement lorsque, en 2014, on apprend de pareilles nouvelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

C’est vrai, il y a vraiment de quoi être scandalisé !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Serions-nous revenus à des temps qu’on croyait révolus, ceux de la barbarie ?

J’invite le Sénat tout entier à se mobiliser. En effet, et je pense que nous serons unanimes sur ce point, nous devons tous, hommes et femmes, en tant que parlementaires, réagir et former une chaîne humaine de solidarité pour exprimer notre indignation.

J’en appelle à M. le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, pour que, sur son initiative, une délégation se rende à l’ambassade du Nigéria afin de condamner ces actes avec la plus grande fermeté. La Haute Assemblée doit, à cet égard, donner l’exemple, afin que la France réagisse à son tour et que tous les moyens soient mis en œuvre, tant au niveau national que sur le plan international, pour que ces jeunes filles recouvrent la liberté et retrouvent le chemin de leur foyer.

Une telle réaction sera à l’honneur des parlementaires que nous sommes. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, ma chère collègue. M. le président du Sénat en sera évidemment informé.

La parole est à M. Éric Doligé, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, je m’associe bien entendu totalement au rappel au règlement de Mme Cohen. Je pense que tous nos collègues ici présents se joignent à elle pour appuyer sa demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Mon rappel au règlement se fonde sur l’article de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux et fait suite à l’intervention du Président de la République, ce matin, sur une station de radio.

Au cours cette intervention, le Président de la République a évoqué la date des prochaines élections régionales et cantonales. Le Sénat étant l’assemblée qui représente les collectivités, cette nouvelle ne peut pas être ici passée sous silence.

Qui plus est, sur ce sujet, nous voyons défiler un certain nombre de textes qui se contredisent les uns les autres – pas moins de quatre en deux ans ! –, ce qui n’est pas sans poser problème. M. le ministre du travail, qui a siégé dans cette assemblée et y a exercé certaines responsabilités, s’interroge sans doute, lui aussi, sur l’impact que peuvent avoir des changements incessants quant aux dates de ces élections.

Je rappelle que le Président de la République a déclaré ce matin souhaiter « que nous puissions, pour les élections régionales et cantonales à venir, avoir un nouveau découpage pour les régions », ajoutant, en ce qui concerne la date des élections : « Si c’est en 2016, cela permettrait d’avoir le temps. »

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Il évoque « douze ou onze régions » et indique : « Pour les départements, je pense que les conseils généraux ont vécu. » Sous-entendu : il est probable que la suppression des conseils généraux interviendra en 2016, soit encore plus tôt que prévu...

Mais je rappelle aussi que, voilà tout juste huit jours, le 29 avril, ici même, le Premier ministre affirmait avec beaucoup de conviction que les élections régionales et cantonales auraient bien lieu au mois de mars 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Le Premier ministre nous disait en substance : ne vous inquiétez pas, on maintiendra la date des élections, on ne la changera pas…

Du reste, le 8 avril, dans son discours de politique générale, lorsqu’il a annoncé la suppression des conseils généraux à l’horizon de 2021, le Premier ministre n’avait pas dit autre chose.

Je pourrais faire de nombreux rappels de cette sorte, mais la journée n’y suffirait pas ! Je veux toutefois encore mentionner les déclarations importantes du Président de la République, lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier, et celles de Mme Lebranchu à Tulle, lors de ses vœux aux collectivités. Tous deux ont redit que les départements constituaient un élément essentiel du fonctionnement de nos institutions et qu’ils étaient incontournables.

Ce matin, selon le Bulletin quotidien, « le Président de la République, M. François Hollande, serait très réservé sur un tel report » à 2016, que réclament Alain Rousset et Didier Guillaume.

Toutes ces déclarations ne sont pas sans soulever un certain nombre de questions, d’autant que, dans quelques jours, le projet de loi sur l’organisation des territoires doit être présenté en conseil des ministres, avant d’être examiné en commission par le Sénat et inscrit à l’ordre du jour de nos travaux.

Avec ce texte est annoncée la disparition de la compétence générale, alors même qu’elle venait juste d’être instituée à nouveau ! Or il apparaît que, finalement, tout le monde la conservera ! Ainsi, les départements vont être invités à confier à la région le transport scolaire, mais, quelques lignes plus loin, il est prévu que la région pourra déléguer cette compétence aux départements !

On le voit, rien ne bouge en ce bas monde, en tout cas pour ce qui est de la clause de compétence générale !

Monsieur le président, je vous remercie de transmettre à M. le président du Sénat notre souhait de voir le Premier ministre venir à nouveau devant nous pour prononcer un discours de politique d’organisation territoriale, de manière que nous puissions essayer de comprendre ce qui va se passer. Peut-on véritablement croire que, dans les semaines qui viennent, c'est-à-dire dans un délai extrêmement court, nous serons en mesure de répondre à toutes les questions qui nous seront posées ? Je pense à ce nouveau projet de loi, aux nouvelles compétences qui seront dévolues aux collectivités – communautés de communes, départements, régions –, avec tous les problèmes que cela entraînera nécessairement.

Il relève de la responsabilité du Premier ministre de nous expliquer comment il pense organiser les collectivités territoriales. C’est d’autant plus important que, même si nous n’avons jamais parlé de cet aspect du problème, les départements délèguent des grands électeurs pour les élections sénatoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

M. Éric Doligé. Il serait tout de même intéressant de savoir si l’on supprime le Sénat…

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Pardonnez-moi ce lapsus ! Mais après tout, c’est peut-être la prochaine étape, mes chers collègues…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Je reprends : il serait intéressant de savoir si l’on supprime les départements avant 2016, car cela aura une incidence sur les élections sénatoriales de 2017. Comment fera-t-on alors ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, monsieur Doligé.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale (proposition n° 397, texte de la commission n° 488, rapport n° 487).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous êtes aujourd’hui appelés à examiner une très intéressante proposition de loi, déposée par le député Gilles Savary : elle vise à renforcer la responsabilité des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la sous-traitance internationale.

Il s’agit là d’un sujet qui revient souvent, car nous partageons tous un même but : lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale.

Le détachement de travailleurs étrangers n’est pas un fait nouveau, mais il se développe. En 2012, 170 000 salariés étrangers ont été détachés en France et, même si nous ne disposons pas encore des chiffres définitifs, on peut estimer que leur nombre aura été de 220 000 en 2013, soit une hausse importante, de l’ordre de 10 %. Bien entendu, il faut le souligner, un grand nombre de nos compatriotes bénéficient eux-mêmes d’un détachement : 140 000 Français sont détachés à l’étranger par des entreprises françaises. La France occupe ainsi le troisième rang en Europe quant à la mise en œuvre de cette possibilité.

Il convient de le souligner, le principe du détachement des travailleurs n’est pas en cause. Ce qui l’est, ce sont les montages frauduleux et les abus qui peuvent l’entourer et qui, malheureusement, sont de plus en plus fréquents.

La directive européenne Détachement de 1996 avait posé un cadre pertinent : aucun employeur établi hors d’un territoire ne peut détacher un salarié sans être soumis au respect des règles sociales de l’État d’accueil. Toutefois, force est de constater que cette directive est désormais contournée, sans possibilité réelle de sanction.

Ces situations ne sont l’apanage ni des villes ni des campagnes, pas plus que des chantiers de BTP ou des exploitations agricoles ; c’est un sujet qui concerne toute la société française, et même toute l’Europe.

Pour le Gouvernement, comme pour le Sénat, j’en suis sûr, le choix est clair : construire l’Europe, ce n’est pas laisser faire. Nous nous devons donc de refuser la concurrence par le moins-disant social.

C’est tout l’intérêt de cette proposition de loi. Elle protège les entreprises qui payent leurs cotisations sociales en France et respectent le droit. Elle protège les travailleurs installés en France d’une concurrence aussi inégale qu’injuste. Elle protège aussi les travailleurs détachés qui, loin d’être coupables, sont les victimes de certaines pratiques inacceptables.

C’est l’honneur de notre pays que de protéger et de respecter ceux qui travaillent sur notre sol. La loi française doit s’appliquer de la même manière à tous les travailleurs, détachés ou non. Or il est illégal, en France, par exemple, de faire travailler des salariés 45 heures par semaine pour 3 euros de l’heure, ou moins, de faire dormir des gens dans des hangars, de les priver d’accès aux soins.

Ces dénis ou, à tout le moins, ces contournements de notre droit provoquent la concurrence déloyale que dénoncent d’une même voix organisations syndicales et patronales et qui engendre, ici ou là, il faut bien le reconnaître, racisme et xénophobie.

En 2012, la Commission européenne a proposé un texte que je qualifierai de faible, car il ne permet pas de demander au donneur d’ordre, le vrai responsable, de rendre des comptes. La France l’a refusé le 25 octobre dernier, faisant ainsi échouer un mauvais compromis – comme quoi, c’est possible ! – et se donnant deux mois pour convaincre ses partenaires européens. C’est tout à l’honneur de notre pays.

Avec l’Allemagne, mais aussi la Roumanie et la Bulgarie, deux pays qui savent fort bien ce que signifie l’exploitation de leurs travailleurs, nous sommes parvenus, le 9 décembre 2013, à arracher, cette fois, un compromis que l’on peut considérer comme bon.

Il comporte en effet, incontestablement, deux avancées majeures.

Il prévoit, premièrement, que la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle doit être une liste ouverte. La France fixera la liste des documents exigibles pour tous les travailleurs détachés dans notre pays. La directive imposera aussi des règles dans les pays qui en sont aujourd’hui dépourvus.

Il prévoit, deuxièmement, que les entreprises donneuses d’ordres du secteur du bâtiment et des travaux publics doivent impérativement être responsabilisées vis-à-vis de leurs sous-traitants, et cela dans tous les États, sous la forme d’une responsabilité solidaire ou d’un mécanisme de sanctions équivalentes. Les responsables des fédérations du BTP, que j’ai rencontrés, souhaitaient une telle évolution.

En clair, cela signifie qu’il sera désormais possible d’établir une chaîne de responsabilités pour lutter contre les montages frauduleux, dont le seul but est de contourner les textes. La page de la directive Bolkestein, qui aura fait beaucoup jaser, est donc bel et bien tournée. Il n’y aura plus ni dumping ni exploitation !

Au moment où les élections européennes approchent, je tiens à souligner que le Parlement européen a, le 16 avril dernier, voté la nouvelle directive ; on en entend dire tellement de mal qu’il est bon aussi de rappeler les choses positives qu’il accomplit, même si cela s’est fait, en l’occurrence, sous la pression de notre pays.

La proposition de loi de Gilles Savary anticipe la mise en œuvre de cette nouvelle de cette nouvelle directive et en renforce même le dispositif. Elle ne limite pas son champ d’action au seul secteur du bâtiment. Elle élargit la chaîne de responsabilités à l’ensemble des donneurs d’ordre, des maîtres d’ouvrage, mais aussi des entreprises de travail temporaire ou des entreprises qui sous-traitent, et garantit ainsi aux salariés détachés la possibilité de faire valoir leurs droits. Elle confère en outre aux organisations syndicales la possibilité d’agir au nom d’un salarié lorsque celui-ci, par exemple, n’est plus présent sur le territoire, ce qui est bien souvent le cas.

La commission que vous présidez, madame David, a accompli, sous l’égide de Mme Emery-Dumas, un important travail de simplification de la proposition de loi, travail je voudrais ici remercier tous les membres de la commission des affaires sociales. Il est important d’aller vers des textes simples, efficaces, précis, qui puissent réellement s’appliquer.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Les propositions de la commission permettent de renforcer la portée du texte, en articulant les mesures qu’il contient autour de deux axes.

C’est, premièrement, la création d’une sanction administrative pour non-respect de l’obligation de déclaration de l’entreprise, mais aussi l’indispensable obligation de vigilance du donneur d’ordre, qui doit être lui-même responsabilisé et vérifier que l’entreprise à laquelle il fait appel est en règle.

C’est, deuxièmement, le recentrage de la solidarité financière en cas de non-respect de son obligation de diligence pour non-paiement des salariés par leur employeur, ou pour hébergement dans des conditions particulièrement indignes, ce qui arrive malheureusement encore trop souvent.

Les donneurs d’ordre qui, en France, ne se seront pas assurés du respect de ces obligations par leur prestataire seront également passibles de sanctions.

Parallèlement, la responsabilité solidaire du donneur d’ordre a été recentrée sur le paiement par l’entreprise de salaires inférieurs aux minima conventionnels ou légaux et/ou sur la prise en charge du relogement collectif des salariés. J’ai vu toutefois que des amendements avaient été déposés sur ce thème.

L’action, mesdames, messieurs les sénateurs, ne s’arrête pas là. Le plan national de lutte contre le travail illégal apporte des outils supplémentaires, comme la réforme de l’inspection du travail, qui crée des unités pluridisciplinaires et spécialisées, lesquelles sont indispensables. Les URSSAF, les forces de l’ordre et/ou les services fiscaux, de même que les services douaniers le cas échéant, sont également impliqués dans cette lutte, avec la volonté d’une plus grande cohérence de l’action collective.

Telles sont les orientations que nous avons retenues en France. Dans d’autres pays, la police effectue un contrôle systématique dès l’ouverture d’un chantier, pour vérifier la réalité des entreprises concernées et s’assurer de la légalité des conditions d’emploi des salariés. Nous n’en sommes pas là, mais nous mettons en place des dispositifs efficaces de vérification.

Sans harmonisation des conditions sociales en Europe, la liberté de circulation des hommes et des femmes comme des marchandises et des services finira, rongée par le dumping, par devenir caduque !

Le Gouvernement apporte donc son soutien plein et entier à cette proposition de loi, afin de mieux combattre les abus, en dissuadant de les commettre et, éventuellement, en les sanctionnant.

À la veille des élections européennes, ce texte montre quelle Europe nous voulons, nous, la gauche. Nous voulons une Europe solidaire, une Europe des échanges, du partage, de la libre circulation, mais aussi, comme je l’ai indiqué hier à mon homologue britannique, une Europe respectueuse des règles, faute de quoi le vivre ensemble des nations au sein du concert européen deviendra impossible.

Applaudissements sur l es travées du groupe socialiste, sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a été adoptée le 25 février dernier par l’Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée. Rebaptisée la semaine dernière en commission, elle vise désormais à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale.

Ce sujet n’est pas inconnu de notre assemblée puisque, le 16 octobre dernier, celle-ci a adopté en séance publique – et à l’unanimité des présents – à l’issue d’un débat de qualité, une résolution sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs.

Cette résolution apportait le soutien du Sénat au gouvernement français, engagé alors dans une négociation difficile avec nos partenaires européens au sujet de la directive d’exécution de la directive 96/71 concernant le détachement de travailleurs dans le cadre d’une prestation de services.

Je voudrais, à cette occasion, saluer le travail remarquable de la commission des affaires européennes du Sénat, et plus particulièrement de son rapporteur Éric Bocquet, dont le rapport d’information du 18 avril 2013 a permis de poser les jalons de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Ce travail précurseur a ensuite été repris et approfondi par nos collègues députés, à travers le rapport d’information du 29 mai 2013 de Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron, également assorti d’une proposition de résolution européenne, qui a été adoptée définitivement le 11 juillet dernier.

Compte tenu de l’ampleur du travail parlementaire sur cette question et des rappels auxquels vient de se livrer M. le ministre, je me contenterai, mes chers collègues, d’évoquer rapidement les enjeux économiques, sociaux et humains que représentent les abus et les fraudes au détachement.

Lié à la libre prestation de services, inscrite au cœur de la construction européenne, le détachement de travailleurs connaît une progression exponentielle. Selon la direction générale du travail –DGT –, 210 000 salariés ont été détachés en 2013 en France, ce qui représente, compte tenu d’une durée moyenne de prestation de 44 jours, 33 000 équivalents temps plein sur l’année. Le nombre de salariés détachés a ainsi été multiplié par 28 en treize ans.

En plus de ces travailleurs déclarés auprès de l’inspection du travail, il faut compter tous ceux qui ne le sont pas. Même si la DGT a, depuis, abandonné son estimation, elle a considéré en 2009 et en 2010 qu’un salarié détaché sur deux à un salarié sur trois n’était pas déclaré.

On distingue schématiquement deux catégories de fraudes et d’abus.

La première catégorie regroupe les fraudes et abus spécifiques à la réglementation du détachement. Comme vous le savez, les règles du détachement s’appliquent aux personnes qui exécutent leur travail, pendant une période limitée, sur le territoire d’un État membre autre que l’État sur le territoire duquel elles travaillent habituellement. Or le prestataire étranger n’est parfois qu’une coquille vide, sans activité stable, continue et permanente dans l’État d’origine, ce qui constitue un contournement du détachement. Par ailleurs, les salariés sont parfois recrutés exclusivement pour la durée du détachement. Surtout, les droits garantis par ce qu’on appelle le « noyau dur » ne sont pas toujours respectés, par exemple en matière de paiement du salaire minimum en vigueur dans le pays d’accueil, de conditions d’hygiène et de sécurité, de repos et de congés.

Même s’il faut éviter tout amalgame entre détachement de travailleurs et travail illégal, force est de constater que l’absence de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail s’accompagne souvent d’un délit de travail dissimulé.

Les délits de marchandage et de prêt de main-d’œuvre illicites sont, quant à eux, moins fréquents, mais non moins graves. Cette seconde catégorie de fraudes est difficile à déceler, car les montages juridiques sont souvent complexes et concernent plusieurs pays, dont parfois des pays tiers.

Il y a donc urgence à agir, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour protéger les droits des travailleurs détachés tout d’abord, qui sont souvent démunis, en position de faiblesse et, disons le mot, « exploités », mais aussi pour mettre fin au développement d’une concurrence déloyale à l’égard des entreprises françaises qui respectent la loi. Il s’agit aussi, plus globalement, de préserver notre modèle social, mis à mal par les entreprises qui ne paient pas leurs cotisations.

Tel est le sens de cette proposition de loi, qui a été considérablement enrichie lors de son examen en commission et en séance à l’Assemblée nationale, le plus souvent à l’instigation de son rapporteur, Gilles Savary, dont la compétence, l’engagement et le sens de l’écoute ne sont plus à démontrer.

Le texte ne se limite pas à transposer les articles 9 et 12 de la directive d’exécution adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen, qui portent respectivement sur les mesures de contrôle du détachement que peut instituer un État membre et sur la solidarité financière du donneur d’ordre à l’égard du salaire minimum des salariés détachés d’un sous-traitant. Il met également en œuvre certaines préconisations de la résolution européenne de l’Assemblée nationale du 11 juillet dernier, comme la création d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats, ou la possibilité pour les syndicats d’ester en justice pour défendre les droits d’un salarié détaché.

Par ailleurs, le texte renforce notre arsenal juridique de lutte contre le travail illégal, en conférant par exemple de nouvelles prérogatives aux agents de contrôle, aux juges et aux autorités administratives.

Enfin, il prévoit diverses mesures pour mieux encadrer le cabotage routier de marchandises.

J’en viens aux modifications apportées au texte par la commission des affaires sociales du Sénat.

Nous ne pouvons, bien entendu, que partager la philosophie des auteurs de la proposition de loi. Mais, à la lumière de la vingtaine d’auditions que j’ai effectuées le mois dernier, j’ai acquis la conviction qu’il fallait simplifier les règles si l’on voulait atteindre l’objectif de réduire les fraudes et les abus, éviter les stratégies de contournement de la part des entreprises et faciliter le travail des agents de contrôle. Je me félicite de constater que la commission a bien voulu adopter les amendements que je lui ai proposés en ce sens.

En premier lieu, la commission a souhaité traiter à part entière la question de la déclaration préalable de détachement, qui est au cœur du débat, sans la lier à celle de la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés détachés, comme le prévoyait l’article 1er de la proposition de loi tel qu’il résultait des travaux de l’Assemblée nationale.

Nous avons tout d’abord élevé au niveau législatif l’obligation pour le prestataire étranger d’effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail.

En plus de cette déclaration, l’employeur devra indiquer les coordonnées de son représentant en France, conformément à l’article 9 de la directive d’exécution, qui autorise un État membre à imposer la désignation d’une personne « chargée d’assurer la liaison avec les autorités compétentes dans l’État membre d’accueil dans lequel les services sont fournis ».

Nous avons ensuite fait obligation au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger de vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, quel que soit le montant de la prestation. Les particuliers sont toutefois dispensés de cette obligation de vigilance, à l’instar de ce qui était prévu dans la proposition de loi initiale.

Surtout, la commission a franchi un pas décisif en prévoyant que tout manquement à ces règles, de la part du prestataire étranger, mais aussi du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français dans sa relation avec un cocontractant étranger, sera passible d’une sanction administrative.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante, chacun en conviendra : l’amende contraventionnelle de quatrième classe, d’un montant de 750 euros, est peu dissuasive. En outre, elle est rarement appliquée. C’est pourquoi nous proposons de créer une sanction administrative, prononcée par le directeur de la DIRECCTE, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, en nous inspirant largement de celle qui est prévue à l’article 1er de la proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, dont le Sénat poursuivra tout à l’heure l’examen.

Le montant de l’amende sera au plus de 2 000 euros par salarié détaché et au plus de 4 000 euros en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende, le tout étant plafonné à 10 000 euros. Pour fixer son montant, l’autorité administrative devra prendre en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, ainsi que ses ressources et ses charges, ce qui autorisera une certaine souplesse.

En outre, la commission a supprimé la création d’une déclaration spécifique en cas de sous-traitance imposée aux maîtres d’ouvrage ou donneur d’ordre, car celle-ci devenait superfétatoire du fait de l’obligation générale de vérification imposée au donneur d’ordre ou au maître d’ouvrage « dès le premier euro ».

En deuxième lieu, la commission a retenu un dispositif unique de solidarité financière, applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non. Le dispositif prévu à l’article 1er, qui ne concernait que les salariés détachés, a donc été supprimé dans un souci de simplicité.

La commission a par ailleurs élargi le champ d’application de la solidarité financière prévue à l’article 2 : les personnes qui recourent aux services d’une entreprise de travail temporaire pourront désormais être mises à contribution, tandis que la protection de la solidarité financière s’étendra aussi aux salariés du cocontractant d’un sous-traitant.

En troisième lieu, la commission a procédé à divers aménagements pour renforcer la cohérence du texte.

Elle a tout d’abord sécurisé juridiquement les dispositions relatives à l’action en justice d’un syndicat pour défendre les droits d’un salarié détaché, sans mandat de sa part.

La commission a aligné les dispositions d’expression de l’opposition du salarié sur celles qui existent déjà dans le code du travail en matière notamment de marchandage, de discrimination ou de harcèlement.

Elle a ensuite prévu une amende de 3 750 euros et un emprisonnement de deux mois lorsqu’une personne qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour travail illégal ne respecte pas une décision administrative de remboursement d’aide publique.

Enfin, la commission a étendu la possibilité donnée au juge de prononcer, à titre de peine complémentaire, lorsqu’une personne est condamnée pour travail illégal, l’interdiction de recevoir une aide publique aux aides financières versées par une personne privée chargée d’une mission de service public. Il s’agissait, pour la commission, d’un amendement de cohérence juridique.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous constaterez comme moi que la commission a amélioré le texte sur des points décisifs : ses propositions devraient recueillir une large approbation sur ces travées.

Au final, le texte nous semble être conforme aux dispositions de la directive d’exécution et aux principes constitutionnels, tout en apportant des réponses pratiques aux attentes des entreprises, des salariés et des agents de contrôle.

Avant de conclure, je voudrais présenter les conditions nécessaires pour que les objectifs de cette proposition de loi puissent être atteints, tant à l’échelon européen qu’à l’échelon national.

Sur la scène européenne, notre pays doit tout d’abord œuvrer en faveur d’une harmonisation sociale par le haut. Le débat que nous avons eu la semaine dernière en commission en témoigne, la concurrence restera déloyale tant que les niveaux de cotisations sociales entre États membres resteront aussi hétérogènes. Compte tenu du différentiel de cotisations sociales et de l’obligation pour un salarié détaché pendant moins de deux ans de continuer de payer ses cotisations à la sécurité sociale de son pays d’origine, le coût horaire net d’un ouvrier polonais, par exemple, est de 20 % à 30 % plus bas que celui de son homologue français.

La convergence économique entre États membres et entre régimes de sécurité sociale est inéluctable, nous disent les plus optimistes. Certes, mais à quelle échéance ? Il n’empêche que notre gouvernement doit être une force motrice en Europe pour faire bouger les lignes.

En attendant, et dans le respect de la réglementation européenne qui s’impose à nous, il nous faut renchérir le coût des détachements, car ce différentiel de 20 % à 30 % sera sensiblement amoindri si le prestataire étranger doit supporter l’intégralité des frais de transport et d’hébergement de ses salariés détachés.

Il faudra également aller vers une carte d’affiliation à la sécurité sociale au niveau européen, ainsi que vers une déclaration européenne de détachement, afin de faciliter les contrôles et de lutter contre les fraudes transnationales.

Par ailleurs, la commission des affaires européennes du Sénat et son rapporteur, Éric Bocquet, ont rendu le 10 avril dernier un rapport d’information très complet et documenté sur les conditions de travail dans les transports européens, assorti d’une proposition de résolution contenant des pistes de réflexion qui méritent d’être approfondies.

Ainsi, dans le transport routier de marchandises, la commission préconise la mise en place rapide du chronotachygraphe intelligent dès 2018 dans tous les véhicules de transport par route et sa diffusion rapide dans les corps de contrôle, ainsi que l’introduction d’un carnet européen de cabotage pour chaque véhicule de transport.

À l’échelon français, la coopération entre les différents agents de contrôle doit être renforcée et facilitée. À défaut, les dispositions de la loi resteront lettre morte. Il ne s’agit pas de se donner bonne conscience en instaurant des normes ambitieuses que, dans la réalité, nous ne pourrons mettre en œuvre sur le terrain et qui, en fin de compte, susciteraient la frustration et la déception. De ce point de vue, le travail des corps de contrôle sera grandement facilité par la mise en œuvre de l’application SIPSI – système d’information-prestations de services internationales –, qui centralisera toutes les déclarations de détachement et pourra être consultée, notamment par les contrôleurs de l’URSSAF.

Le Gouvernement doit également poursuivre la réforme en cours de l’inspection du travail, qui est en première ligne pour détecter les abus et les fraudes au détachement et lutter contre le travail illégal. Les inspecteurs et les contrôleurs du travail ne peuvent pas se désintéresser de cette lutte, car les délits du droit du travail sapent les fondements mêmes du droit du travail. Qui peut accepter sur le territoire de la République des conditions de travail et d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine ? Encore faut-il que leurs effectifs, leurs missions et leurs formations soient à la hauteur de nos ambitions. C’est pourquoi j’apporte tout mon soutien au plan national de lutte contre le travail illégal, ainsi qu’à la réforme qui vise à faire du ministère du travail un « ministère fort », réforme que votre prédécesseur, monsieur le ministre, a engagée dès son arrivée aux responsabilités et que vous allez, je n’en doute pas, poursuivre.

En aval des contrôles, la réponse pénale doit être améliorée et complétée par le développement des sanctions administratives que j’appelle de mes vœux. Il faut en effet sanctionner rapidement les infractions non délictuelles et désengorger les tribunaux, tout en respectant le principe du contradictoire et les droits des employeurs. Telle est précisément le but de la sanction administrative que nous avons créée pour renforcer l’effectivité des déclarations préalables de détachement.

Enfin, les décisions administratives prises à l’encontre des personnes verbalisées pour travail illégal doivent être encouragées, car elles constituent un instrument riche de promesses au sein de notre arsenal juridique. Malheureusement, selon les indications provisoires fournies par la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, seules trois décisions de refus d’aides publiques et une décision d’exclusion temporaire des marchés publics ont été formulées l’an dernier. Il convient par conséquent d’identifier rapidement les obstacles qui freinent le développement de ces décisions et de les lever.

En conclusion, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter cette proposition de loi, fruit d’un travail approfondi du Parlement. Je souhaite qu’elle recueille l’assentiment le plus large possible sur nos travées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui prévoit un certain nombre de mesures pour lutter plus efficacement contre les abus dans le domaine du détachement des travailleurs.

Monsieur le ministre, je répéterai beaucoup de choses que vous avez vous-même déjà dites.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. C’est donc qu’il y a une convergence entre nous, monsieur le ministre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

La France est un pays qui accueille de plus en plus de salariés détachés : ils étaient 38 000 en 2006, 106 000 en 2009, 210 000 en 2013. Les travailleurs détachés présents en France sont principalement originaires de la Pologne, du Portugal et de la Roumanie.

La durée de détachement totale a progressé d’un tiers entre 2012 et 2013, passant de 5, 7 millions à 7, 6 millions de jours en détachement. La durée moyenne du détachement est de 45 jours et les secteurs les plus concernés sont le BTP et les agences de travail temporaire.

Les travailleurs français sont également nombreux à être détachés. Ils étaient plus de 169 000 en 2011. Mon chiffre diffère du vôtre, monsieur le ministre, mais je suppose qu’il ne porte pas sur la même année ; vous disposez certainement de données plus récentes que moi. Les principaux pays d’accueil des salariés français détachés sont la Belgique, l’Allemagne et l’Italie.

Comme vous, monsieur le ministre, je considère que ce n’est pas le détachement en lui-même qui pose problème. Dans une Europe ouverte, les personnes doivent pouvoir circuler librement. Ce qui pose problème, ce sont les conditions dans lesquelles ces travailleurs sont accueillis et, à cet égard, les fraudes et les abus sont loin d’être négligeables.

En France, le taux de déclaration de détachement est compris entre 33 % et 50 % : c’est peu ! On estime que le nombre de détachements non déclarés, donc en situation irrégulière, oscille entre 200 000 et 300 000. Les conditions d’accueil et d’hébergement sont parfois indignes. Et je ne parlerai pas des rythmes de travail que certains employeurs infligent à ces travailleurs…

Ainsi, c’est de respect de la dignité humaine qu’il est question aujourd'hui. Le législateur doit mettre un terme aux conditions d’exploitation d’un autre âge auxquelles sont soumis certains travailleurs étrangers.

La présente proposition de loi définit dans cette optique une série de règles et de procédures visant à responsabiliser les entreprises ayant recours à des travailleurs détachés.

Je vais maintenant reprendre certaines de vos analyses, madame la rapporteur, mais c’est qu’elles portent sur des points importants. Ce faisant, je vais appliquer la « méthode du marteau », celle qui consiste à répéter pour bien enfoncer le clou ! §

Le cœur du dispositif est la responsabilité solidaire du donneur d’ordre. Celle-ci est étendue aux salaires, aux conditions de vie des travailleurs, aux libertés fondamentales et à tous les aspects du droit du travail. Les donneurs d’ordre devront également vérifier que leur prestataire a bien effectué les démarches de déclaration préalable de détachement.

C’est important, car il arrive qu’une petite société qui emploie des gens dans des conditions indignes n’ait plus d’existence au moment où on lui demande des comptes. Les donneurs d’ordre, en revanche, sont souvent de grandes sociétés ayant pignon sur rue ; ils peuvent donc rendre des comptes. C'est pourquoi cette disposition est fondamentale. Désormais, les entreprises qui auront recours à des travailleurs étrangers ne pourront plus dire qu’elles ne savaient pas. Elles seront tenues pour responsables et devront donc assurer des conditions d’accueil et de travail décentes à tous ceux qui, en fin de compte, œuvrent pour elles.

La liste noire prévue par la proposition de loi constitue également une avancée notable. Y seront inscrits les noms et coordonnées des prestataires de services condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal.

Le rôle de la société civile est également accru puisque les syndicats pourront désormais attaquer des employeurs en justice, même, il faut le souligner, sans mandat du travailleur concerné. Il s’agit, là aussi, d’une avancée notable. En effet, lorsque des conditions de travail déplorables attirent l’attention des médias, des syndicats ou de l’administration, les travailleurs concernés sont souvent soumis à des pressions, voire à des menaces qui visent à leur faire garder le silence. Grâce à la mesure prévue par la proposition de loi, les principaux intéressés n’auront pas à se mettre en danger pour que leurs droits soient respectés.

Garantie des périodes de repos pour les conducteurs routiers, suspension des aides publiques en cas de condamnation, inscription des déclarations de recours aux travailleurs détachés dans le registre unique du personnel : toutes ces mesures vont dans le bon sens.

Je me permets maintenant d’élargir le débat. Si cette proposition de loi permet de lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs, qu’en est-il de la lutte contre la concurrence déloyale et le dumping social ? Nous nous efforçons de limiter les effets négatifs sans ouvrir le débat sur les causes. Or ce qui pousse aujourd’hui les employeurs à recourir à une main-d’œuvre bon marché – low cost, diront les anglicistes –, c’est la dérégulation forcenée du monde du travail qui touche actuellement tous les pays d’Europe, et en particulier les plus fragiles.

Une des raisons du recours massif au détachement réside dans les écarts importants qui subsistent entre les systèmes sociaux des différents pays européens. À titre d’exemple, pour les ouvriers peu qualifiés du BTP, les cotisations patronales s’élèvent à plus de 50 % en France, contre seulement 20 % en Pologne. Ces écarts très importants sont une source d’économies pour les employeurs, car les salariés sont affiliés au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine. Certains pays deviennent ainsi de véritables aubaines pour les employeurs soucieux de réduire les coûts de personnel.

Le seul moyen d’enrayer ce phénomène est de procéder sans plus tarder à une coordination ou plutôt à une harmonisation des systèmes sociaux en Europe, afin de favoriser ou de sauvegarder la protection sociale sur notre continent. L’harmonisation doit s’accompagner de l’émergence d’une organisation européenne du travail et d’une coopération syndicale européenne, pour garantir efficacement la défense des travailleurs quel que soit leur pays d’origine.

Dans l’attente de ce débat, plus que jamais nécessaire à la veille des élections européennes, et considérant les avancées concrètes que contient la présente proposition de loi, les écologistes la voteront. Nous savons que l’Europe est notre horizon politique ; à nous de construire cette Europe sociale, cette Europe solidaire qui garantira la dignité de tous les travailleurs. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, au risque de créer la surprise, je vais entamer mon intervention par un compliment.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. J’attendais la suite !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je pense – savourez tout de même ce compliment – que cette proposition de loi est plutôt bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Bien que les différents pays de l’Union européenne aient été tantôt bénéficiaires et tantôt victimes du dumping social et de la concurrence déloyale, ils sont aujourd’hui majoritairement favorables à une meilleure régulation du marché du travail européen. Le droit de prester librement des services, qui a été consacré par l’article 49 du traité de Rome, donne en effet lieu à des abus manifestes.

Par prudence, je n’entrerai pas dans le débat que semble esquisser l’exposé des motifs de la présente proposition de loi. Les auteurs du texte estiment que c’est la conjonction de la directive relative aux services dans le marché intérieur, dite « directive Bolkestein », et de la directive relative au détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services, dite « directive Détachement », qui a laissé la porte ouverte à des fraudes et à des détournements massifs. Une démonstration contraire serait hasardeuse, et je souscris donc à ce postulat de départ. J’ajouterai simplement que la mauvaise application de ces directives ne doit pas servir à alimenter l’hostilité grandissante à l’égard du droit de prester librement des services. Nous devons au contraire, sur toutes les travées, dénoncer cette hostilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet. Je le dis sans crainte : il existe aujourd’hui un phénomène de détournement, de contournement – j’allais parler de « retournement », mais, là, le mot n’est vraiment pas approprié !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En d’autres termes, ne dénigrons pas les outils, même insuffisants, qui ont été mis en place, car ce sont ces outils qui nous permettront de résoudre pour une large part le problème des salariés low cost.

On l’oublie trop souvent, les travailleurs détachés ne sont que la partie émergée de l’iceberg. On en compte 210 000 en France, plus de 300 000 en Allemagne et près de 150 000 en Belgique. Mais quid de ceux qui ne sont pas inscrits ? Les estimations ne nous permettent pas d’appréhender le phénomène avec précision.

Une chose est sûre : après avoir plus ou moins fermé les yeux, les pays européens sont en train de prendre la mesure du problème. Certaines économies se sont longtemps satisfaites de cet afflux de main-d’œuvre bon marché pour exécuter des tâches à faible valeur ajoutée. Cependant, ceux qui croyaient que l’utilisation de travailleurs détachés pouvait améliorer la compétitivité de leur économie se sont trompés : d’abord parce que, à l’exception des transports, les secteurs concernés ne sont pas délocalisables ; ensuite parce que – le cas allemand le montre –les excédents commerciaux sont d’abord le fruit d’une meilleure compétitivité hors prix.

Aujourd’hui, la prise de conscience est générale. La Commission européenne n’y échappe pas puisqu’elle a présenté le 21 mars 2012 une proposition de directive relative à l’exécution de la directive Détachement.

Rappelons également que l’utilisation du système d’information du marché intérieur, l’IMI, pour la coopération administrative entre États membres est prévue par le règlement du 25 octobre 2012.

Le Parlement européen a poursuivi dans cette voie : le 20 juin 2013, sa commission de l’emploi et des affaires sociales a décidé d’entamer des négociations avec le Conseil. Enfin, le 9 décembre 2013, un accord sur une orientation générale a été conclu lors de la réunion du Conseil « Emploi et affaires sociales ».

Le groupe UMP n’est pas hostile par principe à une proposition de loi qui cherche à accélérer un processus déjà bien avancé, mais qui ne devrait s’achever qu’à compter de 2016.

C’est quant à son caractère opérationnel que cette proposition de loi soulève toutefois des difficultés.

L’article 2 prévoit la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires des travailleurs détachés par un sous-traitant direct ou indirect. Nous vous rejoignons sur ce point, mais pourquoi étendre le dispositif de responsabilité solidaire à l’ensemble du noyau d’obligations de l’employeur qui détache des travailleurs ? Cette disposition va consacrer une forme d’ingérence du donneur d’ordre à l’égard de ses sous-traitants. Par principe, nous ne pouvons souscrire à une telle extension de la responsabilité solidaire.

En outre, comment les donneurs d’ordre pourront-ils, concrètement, procéder aux vérifications qui leur incombent ? Cette difficulté est d’autant plus regrettable que la rédaction de l’article 2 a été considérablement améliorée à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale.

Nous nous interrogeons par ailleurs sur l’efficacité de la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates en matière de travailleurs détachés. En effet, le caractère coercitif de cette mesure nous échappe, puisqu’il nous semble qu’elle sera sans conséquence pour les entreprises concernées, notamment en termes d’accès aux marchés publics ; nous craignons qu’il ne s’agisse que d’un affichage. Plus surprenant encore : les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage pourront continuer à conclure des contrats avec les entreprises inscrites sur la liste noire.

De même, l’article 7 donne aux syndicats la possibilité de se constituer partie civile, y compris sans l’accord du salarié lésé, et l’article 6 bis permet aux organisations syndicales représentatives d’ester en justice devant le conseil de prud’hommes en faveur du salarié détaché ou en cas de travail dissimulé sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé, à condition toutefois que ce dernier ne s’y soit pas opposé. Ces dispositions me paraissent justifiées sur le plan éthique, mais très approximatives sur le plan constitutionnel ; monsieur le ministre, je pense que, dans votre for intérieur, vous en êtes conscient. Le principe selon lequel « nul ne plaide par procureur », qui est une sous-catégorie du principe de sécurité juridique, ne me semble pas respecté par les articles 6 bis et 7. Nous invitons donc la majorité et le Gouvernement à affiner leur dispositif.

Autre exemple de disposition justifiée sur le plan éthique : l’article 7 bis instaure une nouvelle peine pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé, à savoir l’exclusion de toute aide publique pendant cinq ans. Nous comprenons le caractère symbolique de la mesure, mais nous craignons qu’elle ne mette en danger les salariés de l’entreprise, et, en cas de reprise, les futurs repreneurs, qui devront payer pour autrui. Là encore, ce sont les salariés qui subiront les conséquences, et je doute que ce soit là votre volonté fondamentale.

Notre dernière interrogation porte sur la forme : votre nouvel article 9, qui prévoit l’obligation pour les employeurs de veiller à ce que le repos hebdomadaire des conducteurs routiers soit pris dans les conditions énoncées par les règles européennes, ne constitue-t-il pas un cavalier ?

La somme de ces imprécisions nous conduit à juger cette proposition de loi avec la plus grande circonspection, alors même que de nombreuses dispositions rencontrent un écho favorable au sein de notre groupe. Nous sommes par exemple en accord avec l’article 1er, selon lequel toute entreprise bénéficiaire d’une prestation internationale doit vérifier que l’entreprise prestataire établie hors de France avec laquelle elle conclut un contrat dépose bien une déclaration de détachement auprès des services de l’inspection du travail. Nous sommes également favorables à l’article 4 sur l’habilitation de l’inspection du travail à exiger la production immédiate de documents relatifs au détachement des travailleurs. Nous nous réjouissons enfin de la suppression de l’article 5, qui portait sur les sanctions en cas de poursuite d’activité avec un partenaire en situation irrégulière.

Nous sommes donc quelque peu déçus par les approximations que contient cette proposition de loi, car, comme je l’ai dit en préambule, celle-ci est bienvenue. Nous souscrivons à son esprit et à nombre des mesures qu’elle comporte. Malheureusement, l’applicabilité de l’extension de la responsabilité solidaire, la liste noire des entreprises condamnées pour travail illégal et l’extension du droit d’agir en justice pour les syndicats ne nous permettront pas de la voter.

J’achèverai mon intervention en revenant sur deux points.

Je tiens en premier lieu à souligner la pertinence des directives Bolkestein et Détachement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Je suis très logique, monsieur Desessard ! Vous ne m’avez pas suffisamment écouté, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, d'ailleurs…

Ces deux directives sont particulièrement pertinentes, mais elles ont été contournées. La présente proposition de loi vise à corriger cette situation. Je ne me suis jamais privé de dire que l’accord du 9 décembre 2013 était un bon accord. Nous ne sommes pas assez nombreux, sur toutes les travées de cet hémicycle, à dénoncer la démagogie et le populisme qui s’expriment au sujet des directives Bolkestein et Détachement, dont l’objectif est de créer ce marché unique qui est, avec le développement du numérique dans les entreprises, la clé et le cœur de la croissance de l’Union européenne.

En second lieu, monsieur le ministre, je dois vous avouer ma déception : hier, nous avons débattu de la proposition de loi de Bruno Le Roux sur les OGM, laquelle a été votée par une majorité de notre assemblée alors qu’elle est totalement inconstitutionnelle ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Eh oui ! C’est pour le moins surprenant de la part du Gouvernement d’avoir laissé faire cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

… aujourd’hui, vous nous présentez un texte comportant pour partie des dispositions que nous considérons comme inconstitutionnelles, à savoir les articles 6 bis et 7.

À ce sujet, monsieur le ministre, je veux vous rendre justice : je ne pense pas qu’une telle erreur résulte d’une mauvaise analyse de vos services, car elle est plutôt le fruit d’une posture politique. Seulement, à mon sens, ce n’est pas digne du Sénat que d’être ainsi instrumentalisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela a été dit, le présent texte est, certes, extrêmement technique, mais il touche aussi au cœur d’une des questions les plus cruciales posées par la construction européenne : comment articuler le marché unique avec l’extraordinaire disparité des législations sociales en vigueur dans les pays membres ?

La libre circulation des travailleurs est en effet inhérente au marché unique, avec la libre circulation des biens, des services et des capitaux.

Il est donc essentiel de réaffirmer, comme l’a très bien fait notre rapporteur, que le détachement des travailleurs n’est pas synonyme de travail illégal. En revanche, en l’absence d’un cadre législatif européen et national à la fois adapté, cohérent et ferme, cette pratique devient effectivement source d’illégalités, et elle le restera tant que les législations sociales ne seront pas harmonisées.

Aujourd’hui, ce cadre est, à l’évidence, insuffisant. Aussi difficiles à établir et approximatifs soient-ils, les chiffres demeurent éloquents : Jean Desessard l’a rappelé, entre 200 000 et 300 000 salariés détachés non déclarés se trouvaient sur le territoire français en 2009 et en 2010, ce qui n’est, bien sûr, pas acceptable.

Pour faire face à cette situation, la législation européenne se durcit, mais la nôtre aussi. Nous ne pouvons que nous en féliciter, et le fait que les deux évoluent de conserve est aussi fort appréciable, tout comme il est fort appréciable que, pour une fois, monsieur le ministre, nous ne soyons pas en retard pour transcrire une directive. §C’est un point sur lequel le Sénat a souvent appelé l’attention du Gouvernement.

Je me réjouis aussi de constater que, contre tous les stéréotypes, dans une matière par nature communautaire, la France conserve tout de même une marge de manœuvre juridique, certes étroite et soumise au contrôle de la Commission, mais néanmoins réelle.

Ce constat m’amène à parler du fond, en commençant par la fin, c'est-à-dire les dispositions relatives au cabotage, qui vont dans le bon sens.

L’article 10, qui tend à supprimer l’obligation faite aux transporteurs de marchandises par route d’avoir une licence communautaire pour faire du cabotage, était attendu des transporteurs routiers français, qui subissaient une concurrence déloyale des véhicules commerciaux de moins de 3, 5 tonnes étrangers.

De même, on ne peut que soutenir l’article 9, qui a pour objet d’apporter des garanties élémentaires en matière de repos hebdomadaire et de pratiques de rémunération sources de danger.

Le texte renforce par ailleurs le droit français contre le travail illégal. Nous ne pouvons que soutenir les dispositions qui obligent maîtres d’ouvrage et donneurs d’ordre à vérifier que tous les sous-traitants respectent les droits du « noyau dur » garantis par la législation européenne aux travailleurs détachés. Ce texte les contraint aussi à prendre en charge l’hébergement collectif des salariés en cas d’hébergement indigne.

Voilà d’excellentes mesures !

Quant à l’extension de la solidarité financière à tous les cocontractants du maître d’ouvrage et du donneur d’ordre, elle est de nature à dissuader un peu plus le travail dissimulé.

Mais le cœur du texte est constitué des articles 1er et 2, lesquels transposent les articles 9 et 12 de la directive d’exécution.

Sur ces articles, je tiens à saluer le travail de simplification effectué par notre rapporteur, qui a très opportunément découplé la déclaration préalable de détachement et la question de la solidarité financière.

En vertu de cette nouvelle rédaction, l’article 1er tend à obliger le prestataire à déclarer préalablement le détachement auprès de l’inspection du travail et le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage, à vérifier que la déclaration a bien été faite. Le non-respect de ces obligations expose à des sanctions administratives.

De surcroît, dorénavant, la solidarité financière en cas de non-paiement des salariés, renvoyée à l’article 2, ne distingue plus s’ils sont détachés ou non.

Ce dispositif, qui nous apparaît clair, appelle donc l’approbation pleine et entière du groupe UDI-UC.

Toutefois, monsieur le ministre, une fois ces règles établies, le problème du détachement est-il réellement traité à sa racine ? Certainement pas, car il trouve sa source dans le fait que le travailleur détaché reste affilié au régime de sécurité sociale de son pays d’origine si le détachement dure moins de deux ans. C’est bien cela qui explique l’explosion du nombre de travailleurs détachés dans notre pays. Les chiffres donnés par notre rapporteur l’attestent : il y avait 22 fois plus de salariés détachés en France en 2012 qu’en 2000 ; c’était l’équivalent de 25 000 équivalents temps plein sur une année.

À l’heure où l’objectif du Gouvernement est d’inverser la courbe du chômage, il faut se poser la question suivante : qu’est-ce qui peut bien motiver ces détachements si ce n’est principalement un différentiel de charges sociales, susceptible de faire économiser 20 % à 30 % du montant consacré au versement des salaires ?

Compte tenu de cette distorsion, les entreprises françaises sont bien sûr incitées financièrement à sous-traiter un certain nombre de tâches à des travailleurs étrangers détachés. Or le problème n’est absolument pas abordé par ce texte ni par la directive, ce qui nuit à leur efficacité : un peu comme s’ils ne s’attaquaient qu’aux symptômes pour combattre la maladie.

À terme, monsieur le ministre, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure, il faudra bien harmoniser les droits sociaux des pays membres de l’Union, en particulier les droits liés à la sécurité sociale. C’est d’ailleurs le pari fait par les vrais Européens : enclencher un cercle vertueux qui, via le marché unique, conduira au rattrapage des pays les moins développés, puis à une égalisation par le haut des niveaux de vie et de protection sociale.

Ce pari est jugé impossible par certains. Pourtant, il a déjà été gagné avec les pays du sud de l’Europe qui nous ont rejoints dans les années quatre-vingt. Le processus de rattrapage est aujourd’hui à l’œuvre dans presque tous les pays, dirons-nous, de l’est de l’Europe, même si, nous le savons, il sera encore long.

Alors, en attendant, une solution de transition est envisageable, et elle figure d’ailleurs dans le programme de l’UDI et du Modem pour les élections européennes. Il s’agit tout simplement de soumettre les travailleurs détachés aux cotisations sociales du pays d’accueil et d’organiser les transferts de droits afférents dans les pays d’origine.

Monsieur le ministre, cette solution est-elle à l’étude à l’échelon européen ? La France ne peut-elle pas peser de tout son poids au sein de l’Union pour aboutir le plus rapidement possible à sa mise en œuvre ? Telles sont les deux questions clefs sur lesquelles le groupe UDI-UC attend des réponses.

Pour conclure, il ne me reste plus qu’à féliciter Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur, de l’excellence de son travail, et en particulier de son effort de pédagogie sur un texte particulièrement ardu techniquement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, alors que, le 16 avril dernier, le Parlement européen adoptait la directive d’exécution sur le détachement des travailleurs, l’Assemblée nationale adoptait de son côté la proposition qui nous est soumise aujourd’hui et qui a en quelque sorte vocation à anticiper sur cette directive.

La volonté du Gouvernement de ne pas attendre l’adoption d’un projet de directive ayant fait l’objet, une première fois, d’un carton jaune par les députés du Parlement européen, est légitime. Elle est même compréhensible, tant la question du détachement des travailleurs européens et le dumping social qu’il entraîne inquiète nos concitoyens.

Pour autant, anticiper n’est pas nécessairement innover ; d’aucuns considèrent déjà, et nous en sommes, tout comme le juriste Hervé Guichaoua, que cette proposition de loi ainsi que la directive d’exécution ne vont pas suffisamment loin pour être réellement efficaces, car elles ne constituent en rien une remise en cause de la directive de 1996, la finalité de cette dernière, à savoir organiser la concurrence des travailleurs européens entre eux, n’étant nullement abandonnée.

Ainsi, comme vient de le rappeler M. Vanlerenberghechaque année, entre 200 000 et 300 000 salariés d’autres pays membres de l’Union européenne viennent travailler en France pour des salaires inférieurs à ceux que perçoivent les salariés nationaux et auxquels s’appliquent des cotisations sociales nettement inférieures. La différence est importante puisqu’elle peut atteindre, voire dépasser 30 %.

C’est donc un véritable dumping social que l’Europe organise, que la directive d’exécution et cette proposition de loi encadrent, sans pour autant jamais le remettre en cause.

On pourrait même dire qu’il s’agit d’une directive perdants-perdants si elle ne faisait pas quelques gagnants : certains employeurs, peu scrupuleux, à savoir les mêmes qui, aujourd’hui, exigent du Gouvernement encore plus de cadeaux, encore moins d’impôts, encore moins de cotisations sociales.

La question que nous sommes amenés à nous poser aujourd’hui en examinant cette proposition de loi est simple : sera-t-elle de nature à remédier à cette situation ? La réponse ne peut que nous laisser perplexes dans la mesure où la directive de 1996 demeure en l’état.

Pourtant, voilà quelques années, sur l’initiative de notre collègue Catherine Tasca, la Haute Assemblée avait adopté une position beaucoup plus audacieuse en débattant d’une proposition de résolution qui demandait au Gouvernement la révision de la directive de 1996 et la modification des traités.

Certes, la présente proposition de loi tend à responsabiliser le donneur d’ordre dans le cas où l’employeur du salarié appliquerait à ce dernier une rémunération inférieure à celle prévue par la loi. Bien sûr, cette mesure est positive, mais pour autant que l’on accepte, ce qui n’est pas notre cas, que la concurrence entre travailleurs européens puisse continuer à s’organiser autour d’un différentiel des cotisations sociales.

Toutefois, ce n’est pas notre seule critique qu’appelle de notre part cette proposition de loi, puisque celle-ci se contente de rappeler que le travailleur détaché doit être rémunéré au SMIC. Or certaines entreprises ayant recours ponctuellement à des travailleurs détachés ou certaines conventions de branche prévoient pour les salariés nationaux des rémunérations minimales supérieures au SMIC. Sur ce point, la proposition de loi est silencieuse, de sorte que la concurrence entre salariés français et salariés détachés pourra jouer à la fois sur les cotisations et sur la rémunération versée aux salariés.

Le texte demeure également silencieux sur une autre fraude, massivement pratiquée, qui consiste pour certains employeurs à déduire du salaire qu’ils versent des sommes exorbitantes au titre des frais de logement, de transport ou d’alimentation dont ils assument théoriquement la charge. Naturellement, en la matière, les contrôles de l’administration du travail seront indispensables. Mais sans doute aurait-il fallu explicitement viser ces cas pour renforcer les sanctions.

Sans doute faudrait-il aussi, monsieur le ministre, conforter réellement l’inspection du travail tant en accroissant ses effectifs, reconnus comme trop faibles par nombre de commentateurs, qu’en renforçant leur indépendance, à l’inverse des mesures réglementaires prises par le Gouvernement.

Par ailleurs, les auteurs de la proposition de loi entendent lutter contre ce que l’on appelle les « entreprises boîtes aux lettres », qui constituent un véritable fléau. Mes collègues du groupe CRC et moi-même souscrivons pleinement à cet objectif, même s’il nous semble qu’il aurait été possible d’être beaucoup plus ambitieux en la matière. Nous défendrons d’ailleurs un amendement tendant à préciser qu’un salarié ne peut jamais être placé en situation de détachement dans son pays d’origine. Cette précision nous semble être de nature à éviter certains abus, les entreprises parvenant à concilier hauts niveaux de formation, de compétence, de qualification et très faibles rémunérations.

Nous aurions également souhaité que cette proposition de loi renforce nettement les sanctions à l’encontre des employeurs qui ne respecteraient pas des règles sociales déjà très légères. Je vise explicitement le non-paiement des cotisations sociales à l’URSSAF et à Pôle emploi. Dans de tels cas, il nous est apparu souhaitable que la loi prévoie un mécanisme d’information à destination du donneur d’ordre, à charge pour lui d’obtenir et de transmettre la preuve que son sous-traitant a effectivement régularisé sa situation. Dans le cas contraire, l’entreprise donneuse d’ordre aurait dû être tenue responsable solidairement de cette fraude.

Vous le voyez mes chers collègues, nos réserves sur cette proposition de loi sont assez importantes. Elles le sont d’autant plus que nous sommes opposés, depuis l’origine, à la directive de 1996.

Pour autant, le groupe communiste républicain et citoyen agira, comme toujours, de manière responsable au moment de se prononcer sur cette proposition de loi. Bien que nous puissions considérer qu’elle manque parfois de vigueur et qu’elle ne constitue pas réellement la remise en cause que nous espérions du dumping social européen organisé par la directive de 1996, nous ne nierons pas les progrès qu’elle comporte.

Dans un autre domaine, s’inspirant de ce qui existe dans le secteur du transport aérien, une « liste noire » des personnes morales ou physiques condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal à 15 000 euros d’amende au moins serait élaborée et publiée sur internet. Là encore, la mesure est positive, bien qu’elle n’ait en réalité qu’une portée assez limitée. Sans doute aurait-il été plus efficace de prévoir qu’une entreprise inscrite sur cette liste noire ou les dirigeants d’une telle entreprise ne soient plus autorisés à détacher des travailleurs en France. Pour le moins, ces entreprises devraient être automatiquement privées de la possibilité de répondre à des marchés publics.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont, en substance, les critiques que nous pouvons formuler sur les insuffisances de cette proposition de loi. Celle-ci apporte toutefois des garanties nouvelles, modestes mais réelles, pour les salariés. C’est pourquoi le groupe CRC votera en faveur de cette dernière, désireux qu’il est de protéger les salariés, même partiellement. Dans notre esprit, c’est une forme d’encouragement à aller beaucoup plus loin, en France comme à Bruxelles, pour ouvrir enfin le chantier de l’harmonisation sociale au sein de l’Union européenne.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité de Rome de 1957, qui visait à poser « les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens », a consacré la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux.

Cela signifiait notamment qu’un prestataire de services établi dans un pays de l’Union européenne avait le droit de détacher temporairement des travailleurs dans un autre pays membre pour y accomplir une mission complexe. Si ce droit offrait un plus grand choix de prestataires et pouvait répondre à une éventuelle pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs bien précis, il n’en reste pas moins qu’il a aussi ouvert la voie à l’optimisation sociale, au dumping social.

Le 17 février 1894, devant la Chambre des députés, Jean Jaurès déclarait : « Ce que nous ne voulons pas, c’est que le capitalisme international aille chercher la main-d’œuvre sur les marchés où elle est le plus avilie, humiliée, dépréciée, pour la jeter sans contrôle et sans réglementation sur le marché français et pour amener partout dans le monde les salaires au niveau des pays où ils sont le plus bas. » Ce que Jean Jaurès redoutait il y a cent vingt ans s’est malheureusement produit ! Nos salariés ont été confrontés à la concurrence déloyale de prestataires issus de pays dans lesquels les règles de protection des travailleurs sont beaucoup moins exigeantes, et certains employeurs y ont vu l’occasion de disposer d’une main-d’œuvre à bon marché !

Avec la crise économique, le mouvement s’est amplifié. Selon l’excellent rapport de notre collègue Éric Bocquet intitulé « Le travailleur détaché, un salarié low cost ? », le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 45 % depuis 2004.

Pour mettre un terme aux dérives et au dumping social, la directive européenne de 1996 relative au détachement de travailleurs, devait « concilier l’exercice de la liberté de fournir des services transfrontaliers et la protection appropriée des droits des travailleurs détachés temporairement à l’étranger à cet effet ». Elle établissait ainsi un socle de conditions de travail et d’emploi, imposé au prestataire de services dans le pays d’accueil pour garantir une protection minimale des travailleurs.

La Cour de justice de l’Union européenne a toutefois quelque peu ébranlé cet édifice protecteur. Selon la jurisprudence qui ressort de quatre arrêts rendus par la Cour entre 2007 et 2008, les droits fondamentaux sont susceptibles de subir des restrictions et des limitations. La Cour a ainsi privilégié les libertés économiques garanties par les traités et privé la directive Détachement des moyens d’atteindre son objectif de protection des salariés détachés.

Le constat est sans appel : les principes édictés par la directive de 1996 sont quotidiennement bafoués par des entreprises sans scrupules, au point que certains ont parlé de l’émergence d’un « nouvel esclave moderne » !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Les travailleurs parlent rarement la langue du pays dans lequel ils sont détachés, ignorent leurs droits et sont parfois contraints de dormir dans des hangars et sur une simple paillasse. Certaines entreprises n’hésitent pas à facturer à leurs salariés les frais d’hébergement et de nourriture pour compenser les salaires versés en France !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Plusieurs bilans effectués par la Commission européenne et les services de contrôle nationaux ont régulièrement dénoncé les détournements de la directive et les très nombreux cas de fraude. En 2012, on estimait ainsi à 300 000 ou 350 000 le nombre de travailleurs détachés en France, alors que 170 000 d’entre eux étaient officiellement déclarés. S’ils représentent moins de 2 % de la population active, force est de constater que leur forte concentration, en particulier dans les métiers du bâtiment, de l’agriculture et des transports, met en péril nos entreprises, notamment les plus petites, déjà fortement affectées par la crise économique.

La législation européenne en la matière est devenue insuffisante, voire inefficace. Pis, elle est devenue un véritable outil de concurrence déloyale qui déstabilise des pans entiers de l’économie française. L’absence de dispositions concrètes en matière de contrôle participe pleinement à l’explosion de la fraude au détachement.

Ces abus ont conduit la Commission européenne à présenter, en mars 2012, une proposition de directive d’exécution. Je tiens, à ce titre, à saluer l’engagement du gouvernement français, qui a enfin permis de trouver un compromis lors de la réunion du Conseil des ministres « emploi, politique sociale, santé et consommateurs » du 9 décembre 2013. Le texte initial n’était en effet pas acceptable et constituait véritablement une régression pour notre pays. La détermination dont a fait preuve Michel Sapin a permis aux États membres de s’entendre sur un accord globalement satisfaisant pour la France.

Aujourd’hui, il nous est proposé de transposer cette directive d’exécution, adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen. Il s’agit de mettre en place les outils nécessaires pour prévenir et sanctionner le dumping social, notamment en impliquant la responsabilité du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage. Nous ne pouvons que saluer l’initiative de nos collègues socialistes de l’Assemblée nationale.

Cette proposition de loi devrait en effet permettre d’endiguer les fraudes, de donner aux corps de contrôle un ensemble de règles visant à la fois à améliorer leur information quant aux situations observables sur le terrain et à orienter leurs contrôles, et de renforcer le caractère dissuasif des sanctions encourues par les contrevenants. Je pense notamment à la possibilité de poursuivre un donneur d’ordre pour les fraudes relevant d’un de ses sous-traitants, au renforcement des pénalités pour les infractions de travail illégal commises en bande organisée, ou encore à la mise en place d’une liste noire sur internet, où figureront les entreprises qui auront été condamnées à une amende de plus de 15 000 euros pour travail illégal. Sur ce point, nous vous proposerons d’ailleurs que l’inscription sur cette liste noire se fasse quel que soit le montant de l’amende.

Les modifications apportées tant par l’Assemblée nationale que par notre commission des affaires sociales vont dans le bon sens et nous y souscrivons pleinement.

Pour autant, comme l’a rappelé la rapporteur, dont je salue l’excellent travail, cette proposition de loi ne suffira pas, à elle seule, à lutter contre les abus liés au détachement des travailleurs. Il faudra envisager l’instauration d’une véritable harmonisation sociale et mettre fin à la dichotomie qui existe entre les règles relatives à la sécurité sociale et celles qui portent sur le droit du travail en cas de détachement. En France, nous devrons également renforcer la coopération entre les différents agents de contrôle, améliorer la réponse pénale et utiliser davantage les sanctions administratives.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs du RDSE apporteront leur soutien à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC . – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi « visant à lutter contre les fraudes et les abus constatés lors des détachements de travailleurs et la concurrence déloyale ». Je retiens là le titre que vous avez fort pertinemment, madame la rapporteur, fait adopter par la commission des affaires sociales, car il réaffirme l’essence même de ce texte au moment où l’emploi est la première des préoccupations de nos concitoyens.

Permettez-moi, d’ailleurs, de saluer la qualité du travail que vous avez réalisé sur ce texte, dont les dispositions peuvent paraître très techniques alors qu’elles sont éminemment politiques.

Permettez-moi aussi de remercier chaleureusement notre collègue Éric Bocquet, auteur d’un rapport d’information sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs et d’une proposition de résolution adoptée par le Sénat le 16 octobre 2013. Ses travaux permettent de nous éclairer sur la situation exacte des travailleurs détachés et sur les décisions qu’il convient de prendre pour que soit respectée la dignité de leurs conditions de travail.

Nous refusons « l’Europe de la compétition des travailleurs, de la guerre civile des droits sociaux, l’Europe où la pauvreté des uns fait le malheur des autres, [une Europe qui] serait inéluctablement vouée à s’abîmer dans le rejet de nos peuples et dans les pires errements populistes ». Ainsi s’exprimait Gilles Savary, rapporteur de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, le 18 février 2014, lors de son examen en séance publique.

Ces propos sont essentiels quand il s’agit de transposer la directive n° 96/71/CE, dont l’application a été largement contournée depuis, les orateurs précédents l’ont tous dit. C’est ce qui a conduit la Commission européenne à proposer une directive d’exécution de la directive de 1996, pour en préciser les modalités d’application. Cette directive a été adoptée par le Parlement européen le 16 avril dernier, après des discussions animées et malgré de fortes oppositions de la part de certains États membres. Ces discussions se sont conclues par un accord politique obtenu au Conseil des ministres le 9 décembre 2013, grâce, en particulier, à la détermination du gouvernement français, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre.

Quelle est en effet la situation actuelle, à laquelle il convient de remédier ? Les travailleurs détachés, salariés ou non, exécutent leur travail pendant une période limitée sur le territoire d’un État membre autre que celui de leur lieu de travail habituel. Les règles du droit du travail sont celles du pays d’accueil : elles sont regroupées au sein de ce que l’on dénomme le « noyau dur », dont il a déjà été suffisamment question cet après-midi pour que je n’aie pas à y revenir.

J’aimerais mettre l’accent sur une disposition qui, bien que légale, est source de distorsions : le travailleur détaché reste affilié au régime de sécurité sociale de son pays d’origine si le détachement dure moins de deux ans. Ainsi, pour une entreprise, à salaire équivalent, le coût d’un travailleur détaché dans notre pays peut être inférieur d’au moins 30% à celui d’un travailleur exerçant normalement en France.

Force est de constater que le texte que nous examinons aujourd’hui n’apporte pas de solution à ce problème fondamental.

Nous devons prendre acte du fait que le nombre de travailleurs détachés a considérablement augmenté ces dernières années : officiellement, en France, il est passé de 38 000 et 170 000 entre 2006 et 2012. Mais il semble que ce nombre se situe en réalité à ce jour entre 220 000 et 300 000, l’importance de la fourchette faisant clairement apparaître la difficulté qu’ont les pouvoirs publics à appréhender le véritable chiffre.

Cette explosion quantitative du nombre de détachements s’est accompagnée d’une hausse importante des abus et fraudes, comme vous l’avez vous-même relevé, madame la rapporteur, ainsi que beaucoup d’autres intervenants. Parmi les infractions les plus fréquentes, on peut citer : un taux de déclaration moyen très modeste, compris entre 33 % et 50% ; des entreprises prestataires qui ne sont que des coquilles vides ; le non-respect du salaire minimum du pays d’accueil, infraction parfois doublée d’un délit au regard du droit de travail. Ces infractions reposent généralement sur des montages juridiques très complexes, qui rendent la réalisation des contrôles particulièrement difficile.

Il n’est pas question de stigmatiser le principe du détachement, d’autant que, rappelons-le, environ 300 000 Français travaillent à l’étranger et que la France est, derrière l’Allemagne et la Pologne, le troisième pays de l’Union pour l’envoi de travailleurs détachés.

Néanmoins, pour les entreprises et les travailleurs détachés, nous nous devons de proposer des mesures efficaces. Du reste, cette exigence est exprimée unanimement par les organisations syndicales, les organisations patronales, les organisations professionnelles et les inspecteurs du travail.

Les dispositions prévues par cette proposition de loi s’inscrivent dans un triptyque simple : dissuasion en amont, contrôle et vigilance lors de la prestation, sanction en aval.

Le teste qui nous est soumis comporte quatre grands types de mesures.

La mesure phare est l’institution de la responsabilisation solidaire du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage.

S’y ajoute un alourdissement des sanctions.

Vient ensuite la possibilité pour les organisations syndicales d’ester en justice afin de permettre la poursuite d’infractions constatées sans que cela relève d’un souhait des intéressés. Certains s’interrogent sur la validité et l’applicabilité d’une telle mesure. Or de semblables dispositions existent déjà dans le code du travail, en particulier lorsqu’il est question de discrimination ou de harcèlement au travail. Quoi qu'il en soit, cette disposition est importante parce que de nombreux travailleurs hésitent à porter plainte personnellement.

Enfin, figurent des dispositions catégorielles, concernant notamment le BTP et le cabotage routier des marchandises ; notre collège Éric Bocquet a beaucoup travaillé sur ces questions.

Le débat fort intéressant que nous avons eu en commission des affaires sociales a permis de mettre au jour une volonté partagée de lutter contre les abus et les fraudes concernant les travailleurs détachés.

Vous avez beaucoup insisté, madame la rapporteur, sur la nécessité de simplifier les règles en matière de déclaration, de détachement et de solidarité financière, arguant que la simplicité prête nettement moins prise aux détournements. Vous avez d’ailleurs proposé à la commission une réécriture de l’article 1er qui va, me semble-t-il, dans le sens d’une telle simplification.

Vous avez aussi souligné que cette proposition de loi, si importante soit-elle, ne suffirait pas à lutter contre les abus liés au détachement de travailleurs. Nous partageons tous cette analyse, conscients que nous sommes de la nécessité absolue de faire avancer l’harmonisation sociale au niveau européen et de mettre ainsi fin à la dichotomie entre les règles relatives aux différences en matière de protection sociale et celles qui portent sur le droit du travail en cas de détachement. On a évoqué, par exemple, la différence de charges patronales entre la France et la Pologne dans le BTP.

Ce sujet est absolument central et doit donner lieu à des débats dans le cadre de la campagne électorale des élections européennes.

Monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je veux souligner la qualité de nos échanges sur cette proposition de loi. Certes, le sujet est loin d’être clos, mais cela n’empêchera pas le groupe socialiste de voter sans hésitation en faveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’emploi reste à l’évidence, et sans doute encore pour longtemps, la première préoccupation des Français.

Or l’Europe, il faut le reconnaître, n’est pas toujours perçue par nos concitoyens comme une alliée sur le front de l’emploi. J’avais d’ailleurs, le 13 janvier 2013, interrogé votre prédécesseur, monsieur le ministre, sur la problématique des travailleurs détachés et, plus largement, sur l’avenir d’une Europe sociale, source de progrès, de développement et d’emploi pour tous.

On l’a rappelé, la directive du 16 décembre 1996, au départ conçue comme protectrice des différents marchés du travail européens, est devenue un outil d’optimisation du profit et de dumping social au détriment de la protection des travailleurs. Ce constat se retrouve d’ailleurs dans deux résolutions européennes, l’une adoptée par l’Assemblée nationale le 11 juillet 2013, l’autre par notre assemblée le 16 octobre dernier.

Ces deux textes invitaient également le Gouvernement à faire preuve de fermeté lors des négociations à Bruxelles, notamment en ce qui concerne le renforcement de la marge de manœuvre des États membres dans les procédures de contrôle. Il faut le dire, Michel Sapin et Thierry Repentin ont défendu avec pugnacité cette position devant les États membres, ce qui a conduit à un accord le 9 décembre 2013.

Le Parlement européen, à la suite de cet accord, a voté le projet de directive d’exécution sur les travailleurs détachés, afin que soient renforcés les contrôles et la responsabilisation des entreprises donneuses d’ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants. L’accord doit maintenant être formellement approuvé par le Conseil des ministres.

Il s’agit, mes chers collègues, d’un signal fort : L’Europe n’accepte pas la fraude ou l’abus des règles applicables au détriment des travailleurs détachés !

Par conséquent, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui est le fruit d’une volonté politique portée jusqu’à Bruxelles : celle de renforcer la protection juridique des travailleurs détachés, qui sont de plus en plus fréquemment les victimes de dévoiements de la procédure de détachement des travailleurs.

Je le disais, la directive du 16 décembre 1996 avait pour objet d’encadrer le détachement de travailleurs dans le cadre de prestations de services. Elle dispose notamment qu’une entreprise peut détacher provisoirement ses salariés dans un autre État membre de l’Union européenne, que l’employeur doit alors se conformer aux conditions de travail de l’État membre, tels le respect du temps de travail ou encore le salaire minimum, mais que, en revanche, les cotisations sociales sont versées dans le pays d’origine et calculées selon les règles nationales.

Cette réglementation a, en pratique, été largement détournée, créant des situations inacceptables de dumping social. Notre excellent collègue Éric Bocquet avait d’ailleurs mis en exergue l’« émergence d’un salarié low cost, à bas coût, risquant de créer des tensions sur le marché du travail ». En effet, pourquoi recruter un salarié français quand on peut disposer d’un salarié venant d’un autre État membre et ainsi économiser 30 % sur la masse salariale ?

De nombreuses sociétés d’intérim ont d’ailleurs choisi de s’implanter dans les pays où les cotisations sociales sont faibles ou qui n’appliquent aucun salaire minimum.

Les entreprises qui sous-traitent ont aussi leur part de responsabilité ; elles ne peuvent ignorer totalement la situation des travailleurs détachés au sein de leur entreprise. On sait également que certains secteurs sont plus touchés que d’autres, comme ceux du bâtiment ou des transports.

En France comme partout en Europe, le nombre de travailleurs détachés ne cesse d’augmenter. L’insuffisance des dispositions de la directive de 1996 explique cette explosion de pratiques pernicieuses, consistant à contourner sciemment la législation à des fins d’optimisation des bénéfices. Notre collègue Anne Emery-Dumas, rapporteur, a parfaitement mis en relief la complexité des situations frauduleuses pouvant être liées aux règles de détachement ou constitutives de travail illégal, les deux types d’infraction pouvant d’ailleurs coexister.

Cette proposition de loi a donc pour objet, selon l’exposé des motifs, de lutter contre « les fraudes et détournements massifs qui consistent à utiliser le négoce de main-d’œuvre bon marché comme argument de concurrence », en vue de mettre fin à l’émergence de cet esclavage moderne.

Elle prévoit la responsabilisation de manière solidaire du donneur d’ordre et du maître d’ouvrage, mesure centrale qui a. pour corollaires un renforcement des contrôles et une accentuation des sanctions financières.

Il faut souligner que, dans un souci de simplification, la commission des affaires sociales du Sénat a retenu un dispositif unique de solidarité financière applicable au donneur d’ordre et au maître d’ouvrage, en cas de non-paiement du salaire minimum à un salarié d’un sous-traitant, qu’il soit détaché ou non. Son champ d’application a été logiquement étendu aux entreprises de travail temporaire.

Ce texte prévoit également la possibilité d’ester en justice pour les syndicats de salariés, afin de pouvoir faire constater les infractions sans que les intéressés, pour des raisons que l’on devine, aient l’obligation de leur donner un mandat ad hoc.

Enfin, des dispositions spécifiques pour les secteurs les plus touchés, tels que le bâtiment et les transports, sont prévues.

En résumé, cette proposition de loi est, comme le faisait justement remarquer Anne Emery-Dumas, la traduction de la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement de « construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, dans laquelle le primat accordé à la concurrence ne doit plus se faire au détriment de la protection des droits des travailleurs ».

C’est pourquoi, mes chers collègues, cette proposition de loi, bien qu’importante, ne constitue à ce stade qu’une étape sur le chemin ambitieux que nous entendons suivre pour construire une Europe sociale forte et solidaire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi déposée à l’Assemblée nationale par les députés socialistes et qui vise à « lutter contre le dumping et la concurrence déloyale » est, selon moi, une formidable invitation à nous emparer d’un sujet d’une actualité brûlante, à savoir le détachement des travailleurs au sein de l’Union européenne, qui s’est développé de façon exponentielle.

Ce sujet est aussi délicat que brûlant dans la mesure où cette possibilité, aujourd’hui transformée en une véritable mise en concurrence généralisée des travailleurs et des différents modèles sociaux, nourrit d’une certaine manière la méfiance, voire le rejet qu’inspire l’Union européenne à une frange croissante de la population. Le détachement illustre également, hélas, les impasses de l’Union en dévoyant un principe noble, celui de la libre circulation des personnes, nécessaire à l’émergence d’une véritable conscience européenne.

L’actualité du sujet se mesure au fait que, loin d’être une abstraction pour nos concitoyens, le principe du détachement dans un pays tiers de travailleurs qui continuent à être affiliés au régime de protection sociale de leur pays d’origine fait chaque jour sentir ses effets.

Cette disposition européenne s’applique avec une intensité particulière dans les zones frontalières, telle ma région, l’Alsace.

C’est précisément pour faire état des inquiétudes de nos concitoyens à cet égard que, le 18 décembre 2012, dans cet hémicycle, j’avais interpellé le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, sur le contexte de distorsions de concurrence avec leurs voisins européens dont souffrent les producteurs de fruits et légumes français, et plus particulièrement les producteurs frontaliers.

Parmi les éléments de réponse du ministre figurait déjà en bonne place la question de la directive européenne de 1996 relative au détachement des travailleurs et de son processus de révision, ou plutôt d’application. Ilm’avait en effet indiqué que la France soutenait la refonte de cette directive afin de remettre un peu d’ordre dans le marché unique européen.

Un an plus tard, le 9 décembre 2013, lors de négociations au Conseil de l’Union européenne sur la proposition de directive d’application de ce texte, Michel Sapin, alors ministre du travail, a obtenu des avancées importantes. Ces dernières visaient à faire en sorte que les États membres restent libres de déterminer les documents pouvant être exigés auprès des entreprises dans le cadre des contrôles sur la liste des mesures de contrôle nationales et que, dans le secteur de la construction, la responsabilité des contractants soit conjointe, solidaire et obligatoire.

Depuis, la proposition de directive d’application a été adoptée en session plénière, le 16 avril dernier, par le Parlement européen de Strasbourg. Je crois pouvoir dire que ce vote a constitué une première victoire politique contre le dumping social. Nous sortons en effet du seul principe d’« espace de concurrence libre et non faussée » pour entrer dans le domaine de la protection des acquis sociaux des travailleurs. Ce vote était donc porteur d’une autre vision de l’Europe, une Europe du progrès social, avec la perspective d’une révision complète du texte de 1996, au lieu d’une simple directive d’application de ce texte, telle qu’elle est proposée aujourd’hui.

Cet accord obtenu par Michel Sapin à la fin de l’année 2013, puis confirmé par le Parlement européen, représente un premier pas important. Il témoigne, à mon sens, de la détermination du gouvernement français à mener la lutte contre le dumping social, qui passe notamment, nous le savons, par une plus grande harmonisation sociale et fiscale de nos modèles nationaux, que nous appelons depuis longtemps – trop longtemps, dirai-je ! – de nos vœux.

Il importe, en effet, de mettre un terme à ce mouvement mortifère de divergence sociale et fiscale entre les États membres de l’Union européenne. Cette réalité d’aujourd’hui mine la croyance en l’Europe elle-même. J’ai, pour ma part, toujours milité en faveur d’une Europe des peuples, une Europe pensée comme un espace de coopération, plutôt que de concurrence débridée dans une zone de libre-échange généralisé où le marché est le seul régulateur.

Comme l’ensemble des sociaux-démocrates du continent européen, je pense que le marché est évidemment un moteur de développement, mais qu’il est aveugle et qu’il doit impérativement être régulé par les lois nationales et les directives européennes. C’est le fond même de la pensée économique des socialistes et des sociaux-démocrates.

Je salue d’ailleurs l’inscription à l’ordre du jour de la séance du 20 mai prochain, à la demande de la commission des affaires européennes du Sénat, d’un débat sur les perspectives de la construction européenne : il nous offrira une nouvelle occasion de préciser notre vision d’une Europe progressiste.

Pour l’heure, il nous appartient de nous prononcer sur la présente proposition de loi. Comme le résume très bien Mme Emery-Dumas dans son rapport, ce texte poursuit quatre objectifs majeurs : assurer une transposition extrêmement rapide de certaines dispositions de la directive tout juste adoptée ; mettre en œuvre certaines préconisations de la résolution européenne de l’Assemblée nationale, telle que la liste noire des personnes condamnées pour travail illégal à une amende supérieure à 15 000 euros, seuil sur lequel on peut d’ailleurs s’interroger ; renforcer l’arsenal juridique pour lutter contre le travail illégal ; répondre aux enjeux liés au cabotage routier. Sur ce dernier point, par exemple, les véhicules de moins de 3, 5 tonnes seront soumis aux mêmes règles de cabotage que les poids lourds, afin de mettre un terme à une concurrence déloyale qui porte atteinte aux entreprises françaises de transport.

L’adoption de cette proposition de loi sera donc un nouveau signe fort de l’action collective que nous pouvons mener ensemble contre le dumping social. C’est en effet une action coordonnée des parlementaires au niveau national et au niveau européen, avec l’appui ferme du Gouvernement au Conseil de l’Union européenne, qui doit nous permettre aujourd’hui de muscler notre arsenal législatif et, par là même, de protéger notre modèle social national.

Selon le fabuliste Ésope, la langue est à la fois la meilleure et la pire des choses. Je dirai qu’il en va de même pour la concurrence : elle est la meilleure des choses si elle permet la croissance et le développement, mais la pire des choses si elle aboutit à la surexploitation des travailleurs pour emporter des marchés. C’est ce dumping social qu’il nous faut combattre.

Nous soutenons ce texte qui va dans le bon sens, même s’il reste encore bien du chemin à parcourir pour parvenir à l’harmonisation fiscale et sociale et protéger ainsi efficacement et durablement les salariés de nos entreprises. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je souhaite remercier les différents intervenants et souligner encore une fois la qualité du travail réalisé par la commission, en particulier par Mme la rapporteur.

La simplification recherchée, nous la trouvons dans ce texte.

M. Bizet, intervenant au nom du groupe UMP, a fait un certain nombre de remarques.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Nous ne désespérons pas de parvenir à le convaincre qu’aucun risque d’inconstitutionnalité ne pèse sur les articles 6 bis et 7.

Nous partageons un même objectif, qui a été fort bien résumé par Roland Ries : la lutte contre le dumping social. À cet égard, la rapidité de l’inscription de ce texte à l’ordre du jour des assemblées ainsi que le travail qui a été mené sur ce sujet tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat honorent le Parlement, et je souscris aux propos qu’a tenus M. Vanlerenberghe à ce sujet.

Des cotisations sociales identiques dans tous les pays, c’est un beau rêve, une belle ambition. Cela ne pourra se faire que par le haut, et non par le bas, car il est important que les nombreux travailleurs français détachés puissent bénéficier de la protection sociale de leur pays d’origine.

Vous avez réalisé, monsieur Bocquet, un travail considérable sur cette question, et vous avez bien voulu saluer l’avancée que représente cette proposition de loi. Bien sûr, tout n’est pas encore parfait ! Le SMIC n’est pas forcément une obligation ; on peut trouver une autre solution, et même la souhaiter.

Je veux remercier Catherine Génisson et Claude Jeannerot de leurs interventions sur l’Europe sociale et saluer, à cette occasion, comme l’a fait notamment Mme Laborde, le travail effectué par Michel Sapin pour résister au niveau européen. Cela montre qu’il est possible d’obtenir des avancées, puis de les transposer dans le droit français.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Chapitre Ier

Dispositions générales modifiant le code du travail

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1262-2, il est inséré un article L. 1262-2-1 ainsi rédigé:

« Art. L. 1262-2-1. – I. – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues à l’article L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse préalablement au détachement à l’inspection du travail du lieu où s’effectue la prestation, ou du premier lieu de l’activité si elle doit se poursuivre dans d’autres lieux, une déclaration.

« II. – L’employeur mentionné au I désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L.8271-1-2 pendant la durée de la prestation. » ;

2° Après l’article L. 1262-4, sont insérés des articles L. 1262-4-1 et L. 1262-4-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 1262-4-1. – Le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui contracte avec un prestataire de services qui détache des salariés dans les conditions mentionnées aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2 vérifie auprès de ce dernier avant le début du détachement qu’il s’est acquitté des obligations mentionnées aux I et II de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1262-4-2. – L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas au particulier qui contracte avec un prestataire de services établi hors de France, pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. » ;

3° L’article L. 1262-5 est complété par des 4°, 5° et 6° ainsi rédigés :

« 4° Les modalités de désignation et les attributions du représentant mentionné au II de l’article L. 1262-2-1 ;

« 5° Les modalités selon lesquelles sont effectuées les vérifications prévues à l’article L. 1262-4-1 ;

« 6° Les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’article L. 1264-3. » ;

4° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie du code du code du travail est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Amendes administratives

« Art. L. 1264-1. – La méconnaissance par l’employeur qui détache un ou plusieurs salariés d’une des obligations mentionnées à l’article L. 1262-2-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3.

« Art. L. 1264-2. – La méconnaissance par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre d’une des obligations de vérification mentionnées à l’article L. 1262-4-1 est passible d’une amende administrative dans les conditions prévues à l’article L. 1264-3, lorsque son cocontractant n’a pas rempli au moins l’une des obligations lui incombant en application des dispositions de l’article L. 1262-2-1.

« Art. L. 1264-3. – L’amende administrative mentionnée aux articles L. 1264-1 et L. 1264-2 est prononcée par l’autorité administrative compétente, après constatation par un des agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par salarié détaché et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende. Il ne peut être supérieur à 10 000 euros.

« Pour fixer le montant de l’amende, l’autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. André Reichardt, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été largement souligné, un grand nombre de nos entreprises souffrent de concurrence déloyale du fait du détachement des travailleurs dans l’Union européenne.

Ces difficultés concernent, certes, l’ensemble de notre pays, mais elles sont particulièrement ressenties dans les zones frontalières. En tant qu’Alsacien, à l’instar de Roland Ries, je suis bien placé pour en parler. Ainsi, depuis de nombreuses années, les entreprises de la bande rhénane alsacienne sont régulièrement confrontées à la concurrence d’entreprises allemandes qui utilisent des travailleurs détachés, la plupart du temps en provenance des pays de l’Est, à des conditions tarifaires dérisoires, et je pèse mes mots !

En effet, du seul fait de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, l’économie réalisée par le recours à ces travailleurs peut représenter jusqu’à 30 % du coût salarial.

À cela s’ajoutent des salaires souvent considérablement plus bas que chez nous. En effet, comme vous le savez, il n’existe pas de SMIC en Allemagne, et la Cour de justice de l’Union européenne a estimé impossible d’exiger des entreprises de détachement une adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d’application générale.

De nombreux secteurs sont concernés, en particulier le bâtiment. Dans l’agriculture, il est affligeant de voir à quel point les distorsions de concurrence sont fortes entre les planteurs d’asperges alsaciens et ceux d’outre-Rhin, qui sont installés à seulement un kilomètre de chez nous. Le coût du travail est bien différent de part et d’autre de la frontière, et il ne reste à nos exploitants récoltants que leurs yeux pour pleurer... Mais je pourrais citer bien d’autres domaines d’activité.

Je ne reviendrai pas sur le diagnostic, me contentant de souligner que la proposition de loi qui nous est soumise tend à apporter une réponse intelligente au détournement des deux directives concernées, la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs et la directive Bolkestein.

Je suis satisfait, à titre personnel, que ce texte reprenne des mesures issues de l’accord des ministres européens du 9 décembre dernier, telle la responsabilité solidaire. Il est en effet nécessaire d’instaurer une obligation pour le donneur d’ordre de s’assurer de la régularité de l’entreprise prestataire, sous peine de responsabilité solidaire pour le paiement des salaires.

Il me semble, aussi, extrêmement important d’engager la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés, et non plus seulement en cas de défaut de paiement des salaires. Tel est l’objet de cet article 1er, dont je me félicite.

J’ajouterai un mot sur la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates.

Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut revenir sur le montant minimal de 15 000 euros. Pourquoi ce seuil et pas un autre ? Dès lors que le délit est consommé, il me paraît normal que l’entreprise qui a pris le risque figure sur cette liste noire ! J’y reviendrai.

Pour autant, monsieur le ministre, permettez-moi de dire, à mon tour, mon regret que ne puisse être imposée à l’avenir l’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’accueil pour les travailleurs détachés, sauf si le droit du pays d’envoi est plus favorable. C’est en effet de cette question que sont nées l’absence de transparence, puis la montée de la fraude, inacceptable, pratiquée par certaines entreprises étrangères qui se contentent de présenter aux contrôleurs et aux inspecteurs du travail une attestation sur l’honneur selon laquelle elles ont payé des cotisations sociales à l’étranger.

L’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’envoi est à l’origine de tous ces abus.

En conclusion, mes chers collègues, je soutiens la volonté de prendre de l’avance sur la future réglementation européenne. Je suis tout à fait favorable au fait de border le dispositif de responsabilité solidaire. En Alsace, nous sommes particulièrement attentifs à cette difficulté.

Il est toutefois à craindre que, malgré ce dispositif, le dumping social ne continue, tout simplement parce que le coût du travail est trop élevé dans notre pays. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce problème majeur, qui est à l’origine du dumping social. C’est cela qui conduit nos entreprises à mettre en œuvre toutes les démarches possibles pour remédier à l’importance de ce coût.

Sur ce point, monsieur le ministre, les mesures prises par le Gouvernement ne sont toujours pas à la hauteur des exigences de la conjoncture actuelle. Je suis convaincu qu’il doit agir le plus tôt possible et plus fortement en matière de compétitivité-coûts. §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Voilà quelques semaines, j’étais intervenu dans cette enceinte même pour faire part de mon inquiétude relative au problème croissant des travailleurs détachés en France, notamment en Languedoc-Roussillon : sous couvert de libre circulation, on voit se développer travail illégal, abus et fraudes.

Force est de le constater, la directive concernant le détachement de travailleurs était aisément contournée par les entreprises à bas coûts ou low cost, les sociétés boîtes aux lettres, les entreprises d’intérim situées à l’étranger, qui mettent à profit les fossés sociaux et fiscaux existant entre les États membres.

Ainsi, les régimes de détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services étaient détournés pour conduire à de véritables filières de mise à disposition de personnel, sans respect des règles du droit du travail et sans que soient assumées les charges pesant sur les entreprises françaises.

De nouveaux garde-fous étaient donc absolument nécessaires. Il était également indispensable que soient établies toutes les responsabilités dès lors que l’on constatait des agissements frauduleux.

C’est pourquoi je suis satisfait que la présente proposition de loi nous soit présentée aujourd’hui, car elle vise à répondre aux abus et aux fraudes observés lors des détachements de travailleurs, et, plus globalement, au fléau du travail illégal, qui porte préjudice aux salariés, souvent aux plus faibles et aux plus démunis d’entre eux, ainsi qu’aux entreprises qui respectent la légalité et, plus généralement, à notre modèle social, comme l’a rappelé Mme la rapporteur.

J’irai plus loin : si cette proposition de loi symbolise l’investissement de la majorité du Sénat et du Gouvernement pour défendre l’emploi, elle témoigne aussi de notre volonté sans faille de construire une Europe sociale à la hauteur des attentes de nos concitoyens, une Europe dans laquelle la primauté accordée à la concurrence ne se fera plus, au moins sur ce point, au détriment de la protection des droits des travailleurs, grâce à la transposition dès aujourd'hui en droit français de l’accord européen conclu le 9 décembre dernier à Bruxelles.

L’article 1er de cette proposition de loi tend à élever au niveau législatif l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement, par l’introduction d’un nouvel article dans le code du travail.

Une telle déclaration permettra de localiser les entreprises qui emploient des travailleurs détachés. Les inspecteurs du travail pourront ainsi croiser plus facilement les données pour faciliter leurs contrôles.

J’apprécie non seulement que la déclaration s’effectue selon des modalités simples, avec un formulaire type pour ne pas alourdir les démarches, mais aussi que son défaut soit sanctionné.

J’apprécie aussi que, en vertu d’un amendement adopté par la commission, le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage qui recourt à un prestataire étranger soit obligé de vérifier que celui-ci s’est bien acquitté de son obligation de déclaration, et ce quel que soit le montant de la prestation.

Par ailleurs, tout manquement à ces règles de la part du prestataire étranger, du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage français pourra donner lieu à une sanction administrative bien plus dissuasive.

En conclusion, je me félicite que nous mettions en place, par le biais de cet article, des règles simples, lesquelles, j’en suis sûr, démontreront rapidement leur efficacité, en faisant reculer le travail illégal, les abus et les fraudes à l’origine de nombreuses pertes d’emplois, notamment dans le secteur du bâtiment.

Je considère qu’il s’agit d’un texte de grande qualité, qui répond à nos attentes. C’est la raison pour laquelle je voterai cet article. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. – Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« III. – Ces dispositions ne sont pas applicables aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports. »

II. – En conséquence, alinéa 7

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

L’article L. 1262-4-1 ne s’applique pas aux prestations de transport international, ni aux prestations de cabotage exercées dans les conditions prévues par l’article L. 3421-4 du code des transports.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Parmi les prestations de services, le cas du transport, notamment du transport routier, doit être traité de manière spécifique.

En effet, il n’est pas envisageable de demander à toute entreprise établie hors de France réalisant du transport international et dont les salariés effectuent une partie du trajet sur le territoire français d’appliquer les règles du détachement et de faire une déclaration préalable de détachement pour des salariés qui ne resteraient sur le sol français que pendant une très courte période.

De même, la durée maximale de cabotage routier telle que prévue par l’article L. 3421-4 du code des transports n’est que de sept jours. Or le cabotage peut ne durer qu’une journée. Il ne paraît pas pertinent d’appliquer les obligations déclaratives liées au détachement pour une durée aussi courte. Qui plus est, les contrôles sont difficiles à mettre en œuvre s’agissant de passages aussi brefs sur le territoire français.

En conséquence, il est nécessaire de préciser que l’obligation de vérification par le donneur d’ordre que le sous-traitant établi hors de France a effectué la déclaration préalable de détachement ne s’applique pas en cas de transport international et de cabotage routier réalisé conformément à la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Je rappelle que les entreprises de transport international de marchandises sont actuellement soumises à l’obligation d’effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail dès lors que les opérations se poursuivent dans un État membre au-delà des huit jours prévus pour le cabotage.

Ces règles, qui constituent déjà un assouplissement en faveur des transporteurs routiers, découlent directement de l’article 8 du règlement européen du 21 octobre 2009 établissant des règles communes pour l’accès au marché du transport international de marchandises par route, transposé en droit interne par le décret n° 2010-389.

Les auteurs de l’amendement n° 1 souhaitent revenir sur le droit en vigueur, en supprimant purement et simplement l’obligation de déclaration préalable.

Je ne suis pas favorable à une telle approche, qui aurait pour effet d’ouvrir la boîte de Pandore des exceptions et dérogations, et susciterait une forte hostilité de la part des organisations professionnelles des transporteurs français, que j’ai eu l’occasion d’auditionner à l’occasion de l’examen de ce texte. Tous nos interlocuteurs nous ont expliqué qu’ils souffraient déjà de la concurrence déloyale résultant d’opérations illégales de cabotage.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je profite de cette prise de parole pour répondre à M. Reichardt. Monsieur le sénateur, j’ai entendu votre vibrant plaidoyer en faveur des asperges alsaciennes ! J’imagine que vous vous réjouissez de l’introduction d’un salaire minimum en Allemagne.

Par ailleurs, il n’est effectivement jamais trop tard pour prendre conscience de la perte de compétitivité de nos entreprises. Il vous a simplement fallu dix ans pour vous en apercevoir !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 7, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

obligations mentionnées

insérer les mots :

aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 et

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

L’article 1er de la présente proposition de loi vise à organiser l’extension de l’obligation de vigilance de toute entreprise bénéficiaire d’une prestation de services. Il s’agit notamment de s’assurer que les déclarations de détachement ont bien été effectuées auprès de l’inspection du travail.

Néanmoins, nous pensons que cette mesure n’est pas suffisante. Quand elle a recours aux services d’un ou plusieurs sous-traitants, comme c’est souvent le cas, l’entreprise bénéficiaire de la prestation de services devrait faire preuve d’une vigilance accrue, particulièrement en matière de législation du travail, conformément à l’article L. 1262-4 du code du travail, auquel fait référence la proposition de loi.

Nous souhaiterions que, outre toutes ces déclarations préalables, l’entreprise donneuse d’ordre s’acquitte des formalités liées à la prévention du travail dissimulé, en vérifiant que l’immatriculation auprès du répertoire des métiers a été réalisée, ainsi que la déclaration auprès des organismes de protection sociale et de l’administration fiscale.

Par ailleurs, l’entreprise donneuse d’ordre a aussi un devoir de vigilance quant à la délivrance du bulletin de paie, à la vérification des heures travaillées et de leur paiement dû. Ces dispositions sont mentionnées aux articles L. 8221-3 et L.8221-5 du code du travail.

En somme, une entreprise donneuse d’ordre doit être non seulement vigilante quant aux formalités devant être réalisées auprès des différents organismes publics à la suite de l’accueil de travailleurs détachés, mais aussi attentive à ce que son sous-traitant ou sa chaîne de sous-traitance respecte au plus près la législation nationale.

Eu égard à l’ampleur actuelle des montages frauduleux et des pratiques de travail dissimulé, nous réaffirmons, par le biais du présent amendement, la responsabilité pénale des donneurs d’ordre à l’égard des agissements de tous leurs prestataires de services employant des travailleurs détachés. Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à l’adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Les auteurs de l’amendement n° 7 souhaitent que le donneur d’ordre ou le maître d’ouvrage non seulement effectuent la déclaration préalable de détachement, mais aussi vérifient que le prestataire est en règle dans son pays d’origine.

Une telle disposition paraît inutile, car l’interdiction de recourir aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé est d’application générale. Elle s’impose à toutes les entreprises, quelle que soit leur nationalité.

En outre, la sanction administrative que nous avons prévue la semaine dernière en commission a vocation à s’appliquer seulement en cas de défaut de vigilance concernant la déclaration préalable et la désignation d’un correspondant national.

Selon moi, il faut conserver des systèmes simples et rapides de contrôle. J’ajoute que le déploiement de l’application SIPSI, système d’information-prestations de services internationales, d’ici à la fin de cette année pourra constituer un instrument utile en la matière.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Même si je comprends l’intention des auteurs de cet amendement, la responsabilité des donneurs d’ordre en matière d’infractions aux interdictions de travail dissimulé commises par un sous-traitant fait déjà l’objet de dispositions du code du travail, qui sont justement renforcées par la présente proposition de loi.

Comme vient de le dire Mme la rapporteur, l’objet de l’article 1er est différent : il s’agit de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas les obligations déclaratives en matière de détachement.

J’estime donc que l’adoption de cet amendement serait contreproductive, puisqu’elle engendrerait une certaine confusion concernant les obligations des donneurs d’ordre et les sanctions encourues dans chaque situation.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 20, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

« En cas de manquement à ces obligations, les contrats concernés par ces manquements seront réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les donneurs d’ordre et les maîtres d’ouvrage ne peuvent pas rester indifférents au sort réservé aux salariés des entreprises sous-traitant une partie de leur activité, nous en sommes toutes et tous convaincus. C’est la raison pour laquelle les députés et, plus encore, les sénatrices et sénateurs membres de la commission des affaires sociales ont renforcé les obligations pesant sur eux.

Si, à gauche, notre conviction en la matière est forte, c’est que nous mesurons à quel point le recours à la sous-traitance peut obéir à une logique financière. En effet, plus le degré de sous-traitance est important, plus les coûts sont réduits et, mécaniquement, plus les marges sont grandes. Les donneurs d’ordre le savent. De la même manière que les consommateurs doivent être sensibilisés aux risques qu’ils encourent en consommant des biens à prix trop bas, les donneurs d’ordres doivent savoir que la recherche coûte que coûte des prix de production les plus bas ne peut les laisser indifférents.

Certes, la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, constitue un certain progrès. Mais celui-ci demeure trop timide à nos yeux. En effet, lorsque le recours à la sous-traitance est abusif, il semble opportun de prévoir une sanction plus lourde et, donc, plus dissuasive.

C’est ce que nous proposons au travers de cet amendement, en prévoyant que, en cas de manquement à ses obligations, l’employeur risque de voir les contrats concernés requalifiés, de telle sorte qu’ils soient réputés avoir été conclus directement avec le salarié détaché et le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Même si nous comprenons la volonté des auteurs de cet amendement, une telle mesure paraît difficilement justifiable et risque, à l’aune de la Commission européenne, d’être qualifiée de disproportionnée, car elle bloquerait les flux de détachement en France.

Elle serait également source d’imbroglios juridiques. À mes yeux, la sanction administrative que nous avons introduite à l’article 1er la semaine dernière lors des travaux de la commission constitue une avancée décisive pour lutter contre les abus. Nous prévoyons en effet que le directeur de la DIRECCTE aura toute liberté pour fixer son montant.

La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Je partage l’avis de la commission.

Une raison supplémentaire d’être défavorable à cet amendement, c’est que la seule absence de dépôt d’une déclaration de détachement – c’est un élément important – ne fait pas des salariés détachés des salariés de l’entreprise donneuse d’ordre. En ce cas, on serait confronté à un important problème juridique.

L’objet de l’article 1er, cela vient d’être dit, est de sanctionner de manière rapide, efficace et simple les entreprises qui ne respectent pas la législation ou ne s’assurent pas du respect de l’obligation déclarative.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 19, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1261-3 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, n’est pas reconnue travailleur détaché la personne de nationalité française salariée d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Cet amendement pragmatique vise à rendre impossible dans notre pays une pratique scandaleuse et abusive qui consiste ni plus ni moins à faire travailler en France des travailleurs détachés de nationalité française.

Cette pratique est légale, car elle n’est interdite ni par la loi ni même par les directives. Pourtant, il s’agit là d’un dévoiement réel de la directive européenne relative au détachement des travailleurs, dévoiement qui ne repose que sur une seule logique : l’optimisation sociale et fiscale, la réduction artificielle d’un coût du travail prétendument trop élevé en France, ainsi qu’on nous en rebat les oreilles.

Cette fraude légale n’est pas minime puisque, comme le révélait récemment une chaîne d’information continue, la deuxième communauté de travailleurs détachés en France est de nationalité française ! Ces salariés empruntent les mêmes chemins que ceux de l’évasion fiscale.

Direction, donc, le Luxembourg, où les agences d’intérim ont flairé l’opportunité. Un travailleur français s’inscrit dans une agence de travail temporaire luxembourgeoise. L’agence en question le place sur un chantier en France, par exemple dans l’Est, près de la frontière, puisque c’est souvent dans les régions frontalières que cette pratique a lieu.

Comme le soulignent à raison les journalistes de la chaîne d’information susvisée, « au final, l’agence d’intérim et l’entreprise utilisatrice sont gagnantes. Contrairement à l’employé, qui pendant ce temps-là, ne cotise pas en France, ni pour sa retraite, ni pour son assurance maladie, ni pour le chômage. » Au rang des grands perdants de cette situation ubuesque, il convient d’ajouter l’État et la sécurité sociale pour lesquels ces non-cotisations représentent des pertes non négligeables.

Afin d’éviter cet abus manifeste, il convient donc de limiter le statut des travailleurs détachés aux seuls salariés recrutés dans un autre pays membre et non titulaires de la nationalité française, de telle sorte que nos concitoyens ne soient pas pris en otage par la forme d’organisation du travail que les employeurs tentent en l’occurrence de leur imposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission partage bien entendu le souci des auteurs du présent amendement. Elle craint toutefois que la disposition proposée ne constitue pas la bonne réponse au problème que M. Bocquet vient de soulever dans la mesure où l’adoption de cet amendement exclurait de tout détachement en France les travailleurs français. Ainsi, un salarié qui, pour des raisons professionnelles personnelles, aurait décidé depuis vingt ans de travailler en Allemagne dans une grande entreprise n’aurait pas la possibilité d’effectuer une mission de détachement de quinze jours en France. Une telle situation serait complètement en contradiction avec le système du détachement.

Cela étant, il faut toutefois trouver un moyen de mettre fin aux abus qui sont effectivement constatés, notamment dans le cadre des entreprises de travail temporaire et à l’égard des transfrontaliers.

Pour cette raison, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement comprend également les motivations qui sous-tendent cet amendement. Mais même au nom de la prévention des abus, on ne peut pas empêcher un salarié de nationalité française – et l’exemple qu’a donné Mme la rapporteur à cet égard est juste – d’être détaché par son entreprise en France ou ailleurs. Une telle interdiction irait à l’encontre de la loi, puisqu’elle limiterait le droit à circuler et à travailler des salariés, et constituerait une atteinte au principe de libre circulation des travailleurs.

Les dispositions actuelles du code du travail en matière de lutte contre le travail illégal, renforcées par la proposition de loi dont nous discutons, permettent de poursuivre les entreprises qui, de mauvaise foi bien sûr, utilisent le détachement aux fins de s’exonérer de leurs obligations fiscales et légales.

C’est pourquoi, tout en comprenant tout à fait la finalité visée au travers de cet amendement, nous ne pouvons pas y donner un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Avant de me prononcer sur cet amendement, je voudrais obtenir quelques précisions.

Si le travailleur détaché est français, il relève du régime de sécurité sociale français. Il ne subit donc aucune perte. J’ai du mal à comprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Non, il est affilié au régime de sécurité sociale du pays où est installée la société qui le détache !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je comprends mieux.

Pour ma part, j’aurais tendance à souscrire à cet amendement, qui me paraît très pertinent, car il existe effectivement un risque de dumping social : un grand nombre de sociétés vont s’établir au Luxembourg et embauchent des travailleurs français qu’elles détachent dans l’est de la France d’abord, ensuite dans le centre, dans le sud et le sud-ouest en faisant valoir qu’elles sont moins chères que les autres. Leurs travailleurs n’ont pas de problème de logement puisqu’ils habitent sur place. Il existe donc là un dévoiement possible.

Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, c’est l’harmonisation sociale par le bas. Si on ne réalise pas demain l’harmonisation sociale, elle se fera dans le sens qu’a illustré par son exemple M. Bocquet. Les dispositions seront détournées, les entreprises embaucheront des travailleurs français sous un régime social le plus bas possible pour les faire travailler en France, à côté de chez eux, et à la place des travailleurs employés en France qui, eux, relèvent du système français de sécurité sociale.

Madame la rapporteur, puisque cet amendement est selon vous une mauvaise réponse à la judicieuse question soulevée, pouvez-vous nous indiquer quelle est la bonne réponse ? Cela me permettrait de me prononcer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Il s’agit d’un contournement du détachement et il faut prouver que l’entreprise en question ne répond pas aux règles du détachement.

Je vous renvoie à la page 32 de mon rapport où sont énumérés les critères permettant d’apprécier la réalité d’un détachement de salarié. Il s’agit notamment de « la durée limitée du détachement dans un autre État membre, la reprise par le salarié de son activité normale à l’issue du détachement, la nature des activités du salarié, la prise en charge par l’employeur du voyage, de la nourriture et de l’hébergement », etc. Un faisceau d’indices est donc nécessaire pour apporter la preuve que la société en question contourne le détachement et est passible des sanctions prévues par la présente proposition de loi. Mais il n’est pas nécessaire d’interdire de façon générale à tout salarié français d’être détaché en France.

Dans l’amendement, il est précisé que c’est la nationalité du salarié qui est prise en compte. Or vous pouvez être français et travailler aux États-Unis ou en Afrique. Dans ce cas, on ne peut pas vous interdire d’être détaché en France par votre entreprise dans le cadre normal du détachement. En revanche, par le système de sanctions qui est mis en place, il doit être possible de sanctionner une société qui contourne le détachement et se livre à du travail illégal.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je remercie Éric Bocquet d’avoir soulevé ce problème, parce que c’est justement ce type de détournement de la loi qui alimente l’esprit anti-européen, même s’il peut sembler paradoxal que ce soit lui qui l’ait posé!

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Madame la rapporteur, je vois bien l’obstacle juridique, je comprends parfaitement votre réponse, mais elle est complexe. Or ce qui alimente l’anti-européanisme, c’est justement la complexité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Ce sont les méandres juridiques qui rendent les détournements possibles. La solution, monsieur le ministre, et j’en reviens à la proposition que j’ai formulée tout à l’heure, serait d’obliger les travailleurs détachés à acquitter les cotisations sociales dans le pays d’accueil, sous réserve évidemment que ce régime leur soit plus favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Vous l’avez souligné tout à l’heure, j’avais alors oublié de le préciser, mais je le fais maintenant. Si le droit européen n’évolue pas en ce sens, on ne notera pas de véritable avancée dans le domaine de l’illégalité du travail détaché.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Monsieur Bocquet, vous envisagez un détournement du détachement, un détournement du droit.

Vous avez évoqué l’exemple d’une entreprise luxembourgeoise de travail temporaire qui embauche un salarié français et le met à disposition d’une entreprise française. Elle acquitte les cotisations sociales non pas en France, mais au Luxembourg. Et ce n’est donc pas la nationalité du salarié qui compte.

Or il serait particulièrement injuste, vous en conviendrez avec moi, de pénaliser le salarié lui-même, qui a le droit, s’il le souhaite, d’être employé au Luxembourg et de revenir travailler en France, si les règles en vigueur sont respectées. L’adoption de votre amendement aboutirait à une limitation du droit de circuler, de travailler du salarié, ce qui serait contraire au droit.

Bien sûr, dans le monde idéal que vous dépeignez – j’aimerais bien y évoluer ! –, le problème serait résolu. Pour autant, j’en suis bien convaincu, il ne faut pas cesser de se battre en vue d’une harmonisation sociale européenne, et donc pour tirer vers le haut le système de protection sociale.

En l’espèce, il s’agit d’un détournement…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Mais vous ne pouvez pas sanctionner ce détournement en pénalisant le salarié, en l’empêchant de circuler et de travailler. Il y a là une contradiction juridique. Cependant, je le répète, j’ai tout à fait compris l’esprit qui sous-tend cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 19.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 171 :

Le Sénat n'a pas adopté.

La sous-section 2 de la section 3 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1221-15-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221 -15-1. – Il est annexé au registre unique du personnel la déclaration mentionnée au I de l’article L. 1262-2-1. » –

Adopté.

M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 8, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 1111-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 4° Pendant la durée de leur détachement, les travailleurs titulaires d’un contrat de détachement employés par une entreprise, y compris dans le cadre d’une sous-traitance par une autre entreprise, sont pris intégralement en compte dans l’effectif de l’entreprise.

« 5° Une même entreprise ne peut pas faire appel, directement, à des prestataires de services, si le nombre de salariés ainsi détachés excède le nombre de salariés employés par le donneur d’ordre dans des proportions définies par décret. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L’article 1er de la présente proposition de loi étend l’obligation de vigilance de l’entreprise bénéficiaire d’une prestation de service internationale à la vérification du dépôt de la déclaration de détachement auprès de l’inspection du travail. L’article 1er bis, quant à lui, impose que soit annexée au registre du personnel toute formalité déclarative exigée des prestataires étrangers, qu’ils en soient dispensés ou non.

Rappelons que le registre du personnel est un outil mis à la disposition des salariés et des représentants du personnel pour leur permettre de vérifier que les décisions et actions de l’entreprise sont bien conformes aux dispositions des codes du travail et de la sécurité sociale. Il paraît donc normal que toute procédure engagée par l’entreprise et ayant un rapport avec l’emploi de travailleurs étrangers figure dans ce même registre.

Le phénomène croissant de détachement de travailleurs, dans des conditions qui peuvent être totalement licites au regard du droit européen, mais qui violent totalement le droit social de notre pays, repose sur le manque de transparence et l’impunité dont jouissent parfois les entreprises, par manque de contrôle, mais aussi faute de possibilité de prouver les infractions face à des montages frauduleux complexes.

C’est pourquoi nous souhaitons que soient comptabilisés dans l’effectif et inscrits dans le registre unique du personnel les travailleurs en situation de détachement, même dans le cadre d’une sous-traitance. Cela permettrait de responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre, renforcerait la transparence des emplois au sein de l’entreprise, et faciliterait les contrôles et la punition des infractions.

En parallèle, nous défendons la mise en place d’un pourcentage maximal autorisé de travailleurs détachés au sein des entreprises, selon un taux correspondant à la taille de l’entreprise et à ses besoins. Les PME et TPE sont les structures qui subissent le plus fortement les conséquences de ce phénomène croissant de détachement, lequel introduit une concurrence déloyale à l’égard de laquelle elles se sentent souvent désemparées. Les plus grosses entreprises, qui recourent massivement à ce genre de méthode, seront tenues de respecter un quota fixé dans la loi, et non par décret.

Le présent amendement vise donc à encadrer et limiter l’usage du détachement de travailleurs dans les entreprises, ainsi que les abus fréquents qui conduisent à une situation de pressurisation sociale insupportable pour les travailleurs comme pour les petits entrepreneurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

L’objet de cet amendement est double.

D’une part, il vise à ce que les salariés détachés soient pris en compte dans les effectifs de l’entreprise d’accueil. Cette proposition soulève un problème, car, si elle était adoptée, elle effacerait totalement la distinction entre les effectifs du prestataire étranger et ceux de l’entreprise d’accueil. Elle aurait, en outre, une incidence majeure sur les règles d’assujettissement applicables en matière d’institutions représentatives du personnel – la constitution d’un comité d’entreprise, par exemple –, ce qui impliquerait une concertation préalable à l’échelon national entre partenaires sociaux. L’annexion de la déclaration de détachement au registre unique du personnel de l’entreprise d’accueil, prévue à l’article 1er bis, me semble plus acceptable.

D’autre part, l’amendement prévoit qu’un décret fixera le nombre maximal de détachements autorisés par entreprise en fonction de ses effectifs. L’idée peut paraître séduisante, mais elle irait à l’encontre de la libre prestation de services qui découle des traités européens et du principe constitutionnel de liberté d’entreprendre.

Par conséquent, la commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle y sera défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Je partage le sentiment de Mme la rapporteur.

Monsieur le sénateur, je comprends votre souci d’encadrer le détachement de salariés et de lutter contre les abus et les fraudes en la matière, mais je souhaiterais vous apporter deux arguments qui expliquent les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à votre amendement.

Vous le savez, et Mme la rapporteur l’a rappelé, les salariés détachés ne sont pas des salariés de l’entreprise donneuse d’ordre et ne relèvent pas de son collectif de travail. Ils ne peuvent donc pas être intégrés dans ses effectifs. C'est seulement en cas de fraude impliquant du travail dissimulé, et s’il s’avère que le donneur d’ordre emploie des salariés détachés comme ses propres salariés, qu’il devient employeur de fait.

Par ailleurs, limiter le recours à des prestataires de services étrangers en fonction du nombre de salariés détachés par rapport au nombre de salariés employés par le donneur d’ordre constitue une mesure discriminatoire, portant atteinte de manière disproportionnée au principe de la libre prestation de services. Elle pourrait surtout – je crois, monsieur le sénateur, que vous serez sensible à ma remarque – aboutir en pratique à l’effet inverse de celui recherché, en incitant en quelque sorte à une sous-déclaration : il n’y a pas de limite quand on essaye de contourner la loi !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 10, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 1262-1 du code du travail est ainsi modifié :

1° La seconde occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot «, ».

2° Sont ajoutés les mots : « et que la rémunération prévue pour les travailleurs en situation de détachement corresponde à la grille des salaires et des qualifications pratiqués au sein de l’entreprise du donneur d’ordre ou du maître d’ouvrage ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L’article 1er bis, adopté par l’Assemblée nationale en séance publique, rend obligatoire l’annexion des déclarations relatives au détachement des travailleurs dans le registre unique du personnel de l’entreprise d’accueil. À nos yeux, c’est une mesure nécessaire, qui permet d’inscrire le salarié dans la réalité administrative de l’entreprise, mais qui est loin d’être suffisante.

En effet, les protections offertes aux salariés détachés en matière de rémunération sont particulièrement limitées : la seule vraie contrainte est que le travailleur soit rémunéré comme la loi nationale l’impose, c’est-à-dire au moins au SMIC. Or il est courant que certaines entreprises rémunèrent leurs salariés au-delà du SMIC, puisqu’il est logique que corresponde à des compétences et à un poste précis un salaire adéquat.

Pourtant, les travailleurs détachés employés par des donneurs d’ordre en France et qui accomplissent des missions qui requièrent des compétences spécifiques peuvent être contraints de percevoir un salaire bien inférieur à leur compétence réelle, bien que correspondant au minimum légal.

Pour ainsi dire, la concurrence et le dumping jouent autant sur les cotisations sociales que sur les salaires, puisqu’il est possible d’employer un travailleur très compétent dans son domaine tout en le rémunérant, en toute légalité, au SMIC.

Les travailleurs détachés échappent donc aux protections et aux avantages dont disposent les salariés de l’entreprise, notamment les acquis des conventions collectives, qui parfois ont participé de la négociation des grilles de salaires. Bien qu’ils soient détachés pour une période limitée, il n’est pas normal qu’ils échappent aux acquis sociaux résultant de la négociation au sein de l’entreprise. Parce que la loi impose le minimum légal, il faudrait s’y conformer : la loi impose en effet un minimum, mais ce n’est pas pour autant qu’il existe un plafond. La grille des salaires de l’entreprise doit être un outil de référence pour rémunérer le travailleur, détaché ou non, selon ses compétences et diplômes.

Afin de remédier à cette situation et d’éviter réellement le dumping social, notre amendement vise à préciser que les salariés détachés ont droit à une rémunération égale à celle que pratique l’entreprise dans laquelle ils sont détachés.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Cet amendement tend à fixer le niveau du salaire qui doit être versé aux salariés détachés. Il revient donc sur la liberté contractuelle qui existe entre l’entreprise d’accueil et le prestataire étranger.

La proposition de loi que nous examinons impose déjà l’obligation de verser un salaire minimum légal ou conventionnel, qui peut donc, dans certaines branches, être plus élevé que le SMIC – l’inverse peut aussi exister. Ce salaire minimum n’est malheureusement pas toujours respecté, comme chacun le sait. Nous avons d’ailleurs prévu un dispositif de sanction dans ce texte.

La mesure proposée risquerait d’être considérée comme une entrave à la libre prestation par la Commission européenne.

Cela dit, cet amendement soulève une question judicieuse. La commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Madame la rapporteur, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Monsieur le sénateur, la question que vous soulevez est intéressante, mais votre amendement n’y apporte pas de réponse satisfaisante.

Il faut bien sûr empêcher les fraudes et les abus en la matière, mais le code du travail prévoit déjà des dispositions spécifiques, comme vient de le rappeler Mme la rapporteur. L’employeur prestataire de services étranger doit respecter le SMIC légal et, quand il est plus favorable – cela peut arriver ! –, le salaire minimum conventionnel.

Par ailleurs, les travailleurs détachés, je l’ai déjà indiqué, ne sont pas salariés du maître d’ouvrage ou de l’entreprise donneuse d’ordre. Ils doivent donc être rémunérés sur la base non pas des salaires pratiqués en son sein, mais de ceux de la branche d’activité dont ils relèvent.

D’autres dispositions de cette proposition de loi également évoquées par Mme la rapporteur, notamment l’obligation de vigilance des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage en cas de non-paiement du salaire minimum légal ou conventionnel – c'est l’objet de l’article 2 –, permettent de répondre aux enjeux que vous soulevez.

Vous êtes revenu à plusieurs reprises, et à juste titre, sur la chasse aux fraudeurs et sur la nécessité de soutenir les salariés. Mais si les propositions figurant dans vos amendements n° 8 et 10 étaient appliquées, elles pourraient, à terme, se retourner contre les salariés.

Monsieur le sénateur, je souhaite que vous retiriez votre amendement ; à défaut, le Gouvernement y sera défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 9, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 1262-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucun autre contrat de détachement ne peut être conclu entre un donneur d’ordre ou un maître d’ouvrage et l’employeur mentionné à l’article L. 1262-1, s’il n’est observé une période de carence d’un mois entre la fin du précédent contrat et le détachement d’un nouveau salarié. »

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

En l’état actuel du droit, un employeur peu scrupuleux peut avoir recours à ce que l’on peut appeler le « détachement à la chaîne ». Ainsi, les travailleurs étrangers étant détachés pour accomplir des missions souvent courtes, il existe, notamment sur les chantiers du BTP, un turn over assez important de personnel détaché. De ce fait, il est plus difficile de faire respecter le droit du travail par le biais du contrôle, la courte durée du détachement ne correspondant pas à celle, plus longue, du travail de l’inspection du travail ou du traitement administratif.

Cette situation s’explique tout simplement par l’absence de disposition légale réglementant la durée entre deux détachements.

Par ailleurs, une entreprise peut détacher un travailleur sur le sol français alors même que les formalités ne sont pas officiellement finalisées : les entreprises n’hésitent pas à envoyer le travailleur réaliser sa mission dans un pays étranger sans que le formulaire de détachement ait été retourné. Le travailleur commence alors sa mission sans être entièrement ni officiellement protégé par le droit du travail français.

C’est pourquoi nous souhaitons, à l’article 1er bis, introduire dans le code du travail une disposition tendant à ce qu’un délai d’un mois soit imposé à toute entreprise entre deux détachements.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Cet amendement pose une interdiction générale et absolue : celle de bénéficier de deux détachements en moins d’un mois.

N’étant pas prévue par la directive d’exécution adoptée le 16 avril dernier par le Parlement européen, une telle mesure serait contraire au principe de libre prestation de service consacré par les textes européens.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 11, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l’article L. 2323-70 du code du travail, après les mots : « les relations professionnelles », sont insérés les mots : « le nombre de salariés détachés et le nombre de travailleurs détachés accueillis ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’article 1er bis introduit l’obligation de faire apparaître dans le registre unique du personnel les formalités déclaratives relatives au détachement de personnel.

Nous pensons que, pour être efficace dans la lutte contre les fraudes et les abus liés au détachement de salariés ou à l’accueil de personnel détaché, ce dispositif doit s’accompagner de mesures volontaristes de transparence.

Le bilan social, réalisé obligatoirement par l’entreprise employant plus de trois cents salariés, est un document de grande valeur informative pour les salariés et les représentants du personnel : il récapitule les principales données chiffrées qui permettent d’apprécier la situation de l’entreprise dans le domaine social ; il compile des informations concernant l’emploi, les conditions de travail, de santé et de sécurité, la formation, les relations professionnelles, etc.

Il peut aussi être un outil supplémentaire d’encadrement des détachements.

En effet, sur le fond, ces travailleurs étrangers ne doivent surtout pas être considérés comme des « salariés fantômes » au sein de l’entreprise donneur d’ordre ou sous-traitante, car, on le sait, la pratique du détachement couplée à cette situation de clandestinité incite en elle-même les entreprises à la fraude et à la dissimulation, en contradiction avec la législation sociale nationale et aux dépens des travailleurs détachés, qui, faut-il le souligner ?, ne disposent que de peu de possibilités de recours, ne parlant pas toujours la langue du pays d’accueil.

Par ailleurs, les salariés « permanents » de l’entreprise donneuse d’ordre, qui prennent part à la vie de l’entreprise et à sa gestion via les représentants du personnel, doivent, selon nous, pouvoir être informés de l’emploi de travailleurs détachés par leur entreprise et pouvoir le contrôler.

Aussi, de manière à donner aux inspecteurs du travail les moyens et les outils nécessaires pour lutter efficacement contre la fraude et le dumping social, nous souhaitons que, à des fins de transparence, l’accueil comme l’envoi de travailleurs détachés soient mentionnés dans le bilan social de l’entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission a considéré que cet amendement était tout à fait conciliable avec la directive applicable en la matière.

Étant favorable à une meilleure information du comité d’entreprise dans le domaine du détachement, elle a émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Permettez-moi toutefois, mesdames, messieurs les sénateurs, de formuler quelques remarques.

Il est vrai qu’informer les représentants du personnel de la présence de salariés détachés permet d’assurer une certaine transparence sur les pratiques de l’entreprise. Cela dit, toutes les informations nécessaires relatives à la sous-traitance figurent normalement dans le bilan social. Au reste, ce n’est pas contradictoire…

Cependant, le bilan social étant annuel, prévoir des informations complémentaires sur le détachement de salariés peut être efficace pour prévenir les éventuelles fraudes.

Par ailleurs, l’objectif d’information est en grande partie atteint par l’inscription des déclarations de détachement dans le registre unique de l’entreprise, auquel ont déjà accès les représentants du personnel.

Dans ces conditions, je pose la question : faut-il vraiment créer une nouvelle obligation en la matière ? Je laisse à la Haute Assemblée le soin d’y répondre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur Watrin, si j’ai bien compris votre amendement, auquel je suis favorable, vous souhaitez qu’apparaisse, dans le bilan social de l’entreprise donneur d’ordre, le fait qu’elle recourt soit à des sous-traitants, soit à des travailleurs détachés.

Consacrer la responsabilité du donneur d’ordre sur ce plan est tout à fait dans l’esprit du texte !

Une telle disposition me paraît intéressante, normale et même très logique quand on sait que les entreprises font appel à la sous-traitance ou à des travailleurs détachés pour contourner l’existence d’une grille de salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Avouons-le, il n’est pas très compliqué, pour une entreprise, d’ajouter une ligne ou un chiffre dans son bilan social !

La mention du nombre de salariés détachés et du nombre de salariés détachés accueillis ne représente aucune surcharge de travail. Ces données sont connues, à moins qu’elles ne soient cachées, et donc révélatrices de pratiques illégales.

Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je pense par conséquent que l’amendement vaut la peine d’être adopté. En tout cas, nous y sommes favorables !

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er bis.

Le livre II de la huitième partie du code du travail est complété par un titre VIII ainsi rédigé :

« Titre VIII

« VIGILANCE DU DONNEUR D’ORDRE EN MATIÈRE D’APPLICATION DE LA LÉGISLATION DU TRAVAIL

« Chapitre unique

« Obligation de vigilance et responsabilité du donneur d’ordre

« Art. L. 8281 -1. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 d’une infraction aux dispositions légales et aux stipulations conventionnelles applicables au salarié d’un sous-traitant direct ou indirect en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :

« 1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;

« 2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;

« 3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux ;

« 4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;

« 5° Exercice du droit de grève ;

« 6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;

« 7° Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;

« 8° Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires ;

« 9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants,

« enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant mentionné au premier alinéa informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées au présent article, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est passible d’une sanction prévue par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 8281 -2. – Tout maître d’ouvrage ou tout donneur d’ordre, informé par écrit par un agent de contrôle mentionné à l’article L. 8271-1-2 du présent code, du fait que des salariés de son cocontractant ou d’une entreprise sous-traitante directe ou indirecte sont soumis à des conditions d’hébergement collectif incompatibles avec la dignité humaine, mentionnées à l’article 225-14 du code pénal, lui enjoint aussitôt, par écrit, de faire cesser sans délai cette situation.

« À défaut de régularisation de la situation signalée, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de prendre à sa charge l’hébergement collectif des salariés, dans des conditions respectant les normes prises en application de l’article L. 4111-6 du présent code.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, de son concubin ou de ses ascendants ou descendants. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 2, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 12, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

en matière de législation du travail,

insérer les mots :

et ce, pour tous les secteurs d’activité,

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

La directive européenne 96/71/CE prévoit que l’obligation de vigilance du donneur d’ordre en matière d’application de la législation du travail ne s’applique qu’au secteur du bâtiment. Or, comme nous l’avons dit à plusieurs reprises dans cet hémicycle, les travailleurs détachés n’exercent pas leur activité dans ce seul secteur. Bien au contraire, on constate que l’ensemble des secteurs d’activité sont touchés par ce phénomène : agriculture, transports, métiers de l’événementiel, de la sécurité…

Même s’il est prévu à l’article 1er ter que le code du travail mentionne « en matière de législation du travail », pour éviter tout détournement, il nous semble incontournable de préciser que cette obligation s’applique à l’ensemble des secteurs d’activité. En effet, compte tenu de l’ingéniosité dont les entreprises sont capables quant aux montages qu’elles effectuent afin d’optimiser leurs pratiques de dumping social, il est indispensable de ne leur laisser aucune ouverture.

En Europe, la France est pionnière dans la lutte contre les pratiques illégales liées au détachement de salariés. Il est important qu’elle le reste, en œuvrant toujours plus dans le domaine de la protection des travailleurs détachés car, malheureusement, l’accord européen sur ce sujet est vraiment a minima et ne va pas assez loin.

Le présent amendement tend à apporter une simple précision, sans changer le sens du texte original. C’est pourquoi nous vous proposons de l’adopter, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Je veux d’abord faire observer que le champ de la proposition de loi s’étend à tous les secteurs d’activité, contrairement à la directive en cause, qui, elle, ne concerne que le secteur du BTP.

Il ne me paraît donc pas nécessaire de préciser que les obligations posées à l’article L. 8281-1 du code du travail s’appliquent à tous les secteurs d’activité. Sinon, il faudrait réaliser le même ajout partout dans ce même code ! Cela reviendrait non seulement à alourdir le texte, mais aussi à créer des risques d’a contrario : l’oubli de cette précision à un article du code ferait naître un doute.

De surcroît, les craintes des auteurs du présent amendement sont fondées sur une lecture inexacte de la directive d’exécution. S’il est vrai que l’article 12 de cette dernière prévoit que le mécanisme de solidarité financière en cas de non-paiement du salaire minimal aux salariés détachés n’est obligatoire que dans le secteur de la construction, l’article 2 de la proposition de loi que nous examinons reprend ce dispositif et l’étend à tous les secteurs.

Considérant que votre amendement est satisfait, madame Pasquet, la commission vous demande de bien vouloir le retirer.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Madame la sénatrice, votre amendement peut poser problème.

Le code du travail est, par principe, d’application générale ! Dès lors, toute exception sectorielle doit être explicitement mentionnée. Par conséquent, si l’on précise que les dispositions de l’article 1er ter s’appliquent à tous les secteurs, on ne fait que répéter ce qui est écrit par ailleurs dans le code du travail. Surtout, on laisse planer un doute sur l’ensemble des autres dispositions du code précité qui ne comportent pas une telle précision !

C’est pourquoi le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 12 est retiré.

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Nous avions déposé l’amendement n° 2 tendant à la suppression de l’article 1er ter, car nous pensons que cet article, ajouté par l’Assemblée nationale, va particulièrement loin. En tout état de cause, il va vraiment plus loin que le texte initial.

On ne peut qu’être favorable à la chasse aux entreprises qui fraudent. En revanche, prenons garde à ne pas nous immiscer dans les dispositifs de sous-traitance ! Les donneurs d’ordre ne peuvent pas toujours bien connaître l’ensemble des entreprises amenées à travailler sur de gros chantiers. J’attire votre attention sur ce point. Il ne faudrait pas pénaliser les sociétés qui ne fraudent pas ! Sinon, nous allons encore mettre un frein à l’entreprise, à l’initiative, et donc à l’économie et à l’emploi.

Dans la logique qui nous avait amenés à déposer l’amendement n° 2, que nous avons toutefois retiré, nous voterons contre cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Bien entendu, je voterai en faveur du présent article.

Cependant, je suis étonné de l’argument dont vous usez, monsieur Savary, et j’ai du mal à le comprendre : selon vous, les contrôles affaibliraient les entreprises honnêtes.

Au contraire, j’ai l’impression qu’une entreprise qui joue le jeu subit la concurrence déloyale liée au travail clandestin et aux non-déclarations ! Dès lors, plus les contrôles sont nombreux, plus les entreprises honnêtes sont rassurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie David

Je vais abonder dans le sens de M. Desessard.

Monsieur Savary, je veux vous rassurer : les collectivités qui continueront à jouer le jeu ne seront pas pénalisées !

En effet, c’est l’inspection du travail qui signalera les abus, et dès lors que les collectivités territoriales seront informées de fraudes, elles devront demander aux entreprises qu’elles emploient de respecter la loi. Mais l’on ne demandera pas aux collectivités territoriales de contrôler elles-mêmes les entreprises qu’elles emploient.

Je voulais préciser ce point, car nous avons eu ce débat ce matin en commission ; il semble d’ailleurs qu’il ait lieu au sein de tous les groupes. Des élus locaux, notamment des maires, s'inquiétaient de savoir comment ils pouvaient vérifier, sur tous les chantiers, que les entreprises se conforment bien à la loi. Je le répète, ce n’est que lorsqu’un élu saura que l’une des entreprises employées fraude qu’il devra lui demander d’appliquer la loi, sans quoi il sera pénalisé – mais alors, il ne s'agira plus d’un élu qui joue le jeu...

L'article 1 er ter est adopté.

Après le chapitre V titre IV du livre II de la troisième partie du même code, il est inséré un chapitre V bis ainsi rédigé :

« Chapitre V bis

« Obligations et responsabilité financière du donneur d’ordre

« Art. L. 3245 -2. – Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informé par écrit par l’un des agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2 du non-paiement partiel ou total du salaire minimum légal ou conventionnel dû au salarié de son cocontractant, d’un sous-traitant direct ou indirect ou d’un cocontractant d’un sous-traitant, enjoint aussitôt, par écrit, à ce sous-traitant ou à ce cocontractant de faire cesser sans délai cette situation.

« Le sous-traitant ou le cocontractant mentionné au premier alinéa du présent article informe, par écrit, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre de la régularisation de la situation. Ce dernier en transmet une copie à l’agent de contrôle mentionné au même premier alinéa.

« En l’absence de réponse écrite du sous-traitant dans un délai fixé par décret en Conseil d’État, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre en informe aussitôt l’agent de contrôle.

« Pour tout manquement à ses obligations d’injonction et d’information mentionnées aux premier et troisième alinéas, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu solidairement avec l’employeur du salarié au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.

« Le présent article ne s’applique pas au particulier qui contracte avec une entreprise pour son usage personnel, celui de son conjoint, partenaire lié par un pacte civil de solidarité, concubin, de ses ascendants ou descendants. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 23, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Après les mots :

du sous-traitant

insérer les mots :

ou du cocontractant

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Il s'agit d’un amendement de coordination juridique : la commission avait oublié de mentionner le cocontractant à l’alinéa 6.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 3, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre II de la huitième partie du même code est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V

« Dispositions particulières aux professions du bâtiment et des travaux publics

« Art. L. 8225 -1. – Dans les entreprises visées aux articles D. 3141-12 et D. 3141-14, une carte d’identification nominative est établie par la caisse et adressée à l’entreprise pour tout salarié déclaré ou détaché temporairement par une entreprise non établie en France.

« Cette carte est remise par l’entreprise à chaque salarié concerné, qui doit la présenter, sur demande, aux agents de contrôle mentionnés à l’article L. 8271-1-2. »

Cet amendement a été retiré.

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article L. 8222-5 du même code, après le mot : « intervention », sont insérés les mots : « du cocontractant, ». –

Adopté.

(Non modifié)

L’article L. 8271-6-2 du même code est complété par les mots : « et du chapitre II du titre VI du livre II de la première partie ». –

Adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 13, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Après l’article L. 8224-6 du code du travail, il est inséré un article L. 8224-… ainsi rédigé :

« Art. L. 8224 -... – Tout maître d’ouvrage ou donneur d’ordre qui, après avoir été informé par écrit dans les conditions prévues par l’article L. 8225-5, poursuit l’exécution du contrat avec l’entreprise dont la situation irrégulière n’a pas cessé, est passible des sanctions prévues à l’article L. 8224-1. Une fois l’infraction constatée, ces sanctions seront susceptibles d’être effectives. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L’Assemblée nationale, lorsqu’elle a examiné la présente proposition de loi, a supprimé l’article 5. Celui-ci disposait que, si l’entreprise donneuse d’ordre poursuivait l’exécution du contrat passé avec une entreprise sous-traitante qui s’était avérée en infraction, elle était passible d’une sanction de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, prévue par l’article L. 8224-1 du code du travail.

Néanmoins, et c’était la faiblesse de cet article, l’entreprise donneuse d’ordre avait alors un mois pour inciter son sous-traitant à se mettre en règle avant que la sanction pénale ne soit effective. Si, au terme de ce délai, l’entreprise sous-traitante, bien qu’initialement en infraction, obéissait aux règles du droit, aucune sanction pénale n’était alors infligée.

Évidemment, si nous nous prononçons pour un renforcement de la responsabilité conjointe et solidaire du donneur d’ordre et de son sous-traitant, nous ne pouvons accepter que ce dernier dont l’infraction est avérée bénéficie d’une immunité pénale. En effet, nul n’est censé ignorer la loi. Au nom de quoi une entreprise incriminée pourrait-elle se soustraire à la sanction qu’elle a, somme toute, méritée ? Cela constituerait une forme de laxisme manifeste, qui n’irait pas dans le sens du renforcement du dispositif législatif pour dissuader davantage les donneurs d’ordre fraudeurs.

C’est pourquoi nous demandons la réintégration dans la proposition de loi de l’article 5, modifié de façon que le sous-traitant ne puisse plus se soustraire à ses obligations légales, notamment en matière de travail dissimulé et de prêt illicite de main-d’œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Dans la proposition de loi initiale, une période de tolérance d’un mois bénéficiait au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre pour mettre un terme au comportement d’un cocontractant ayant commis une infraction de travail dissimulé.

À l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales a supprimé ce délai d’un mois, puis l’article 5 lui-même a été supprimé en séance publique.

Il ne me semble pas utile de le rétablir presque à l’identique au Sénat, car nous disposons déjà d’un outil très efficace de solidarité financière en cas de travail dissimulé visé à l’article L. 8222-5 du code du travail.

En outre, les pénalités prévues à l’article L. 8224-1 du même code – trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende – s’appliquent aujourd’hui dans de très nombreux cas de figure, dont la liste est mentionnée à l’article L. 8221-1 dudit code, notamment « le fait de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. »

En conclusion, le droit en vigueur paraît satisfaire les préoccupations des auteurs de l’amendement, dont la commission souhaite donc le retrait.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le recours intentionnel par un donneur d’ordre à du travail illégal est déjà puni par l’article L. 8224-1 du code du travail, sans délai de régularisation. C'est d'ailleurs pour cette raison, me semble-t-il, que la disposition en question avait été supprimée par l’Assemblée nationale.

Le Gouvernement émet par conséquent un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 13 est retiré.

En conséquence, l’article 5 demeure supprimé.

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le 4° des articles L. 8224-3 et L. 8256-3 est ainsi rédigé :

« 4° L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; »

2° Les articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que la diffusion prévue au 9° de l’article 131-39 soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

3° Le dernier alinéa de l’article L. 8234-1 est ainsi rédigé :

« La juridiction peut également ordonner, à titre de peine complémentaire, l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;

4° Le dernier alinéa de l’article L. 8243-1 est ainsi rédigé :

« Dans tous les cas, la juridiction peut ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal. Lorsqu’une amende au moins égale à 15 000 € est prononcée, la juridiction peut ordonner que cette diffusion soit opérée, pour une durée maximale de deux ans, par les services du ministre chargé du travail sur un site internet dédié, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Reichardt.

L'amendement n° 21 est présenté par M. Marseille.

L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

au moins égale à 15 000 €

par les mots :

, quel qu’en soit le montant,

Les amendements n° 6 et 21 ne sont pas soutenus.

La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l'amendement n° 22 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'article 6 autorise le juge à prononcer, à titre de peine complémentaire, l'inscription sur une liste noire des personnes condamnées pour des infractions constitutives de travail illégal.

Dans la proposition de loi initiale, cette possibilité était ouverte au juge dès lors que l’amende était au moins égale à 45 000 euros, ce qui correspond à la peine maximale encourue par les personnes physiques pour les pratiques de travail illégal.

Lors des travaux de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les députés, estimant ce seuil beaucoup trop élevé, l’ont abaissé à 15 000 euros, c'est-à-dire trois fois moins.

Pour notre part, nous considérons que conditionner l’inscription sur la liste noire au franchissement du seuil de 15 000 euros risquerait de réduire la portée de cette mesure.

Aussi, notre amendement vise à supprimer toute référence à une peine d’amende minimale. Il s'agit de laisser à la libre appréciation du juge le fait d’inscrire ou non une entreprise sur la liste noire, quel que soit le montant de l’amende prononcée par ailleurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission a déjà eu ce débat la semaine dernière.

La Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, ou CAPEB, qui soutient cet amendement, souhaite un abaissement du seuil au premier euro d’amende, tandis que le MEDEF réclame la suppression complète de la liste noire.

Le seuil de 15 000 euros retenu par l’Assemblée nationale lui semblant constituer un juste équilibre, la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

La liste noire doit avoir un caractère exemplaire. Y faire figurer toutes les entreprises condamnées pour travail illégal placerait sur le même plan les petits fraudeurs et les entreprises qui mettent en place de vrais systèmes de fraude organisée, ce qui conduirait, en pratique, à en amoindrir la portée. Le seuil de 15 000 euros semblait équilibré. Mais eu égard à la complexité du débat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. L’argument juridique avancé de l’équilibre entre la CAPEB et le MEDEF est assez original…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Notre amendement est logique, de sagesse. On fait confiance au tribunal qui prononce une condamnation. C'est lui qui alimente la liste noire.

Mais l’argumentation de haut vol selon laquelle, pour établir un équilibre entre les souhaits de la CAPEB et du MEDEF, qui voulait faire passer le seuil initialement prévu de 45 000 euros à zéro, on retient celui de 15 000 euros, ne me convainc pas. D'ailleurs, j’ai le sentiment que M. le ministre n’est pas lui-même totalement convaincu…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Laborde

Il faut sans doute fixer un seuil en se référant aux fraudes organisées évoquées précédemment. Mais, pour les entreprises qui récidivent, qui sont condamnées à des amendes successives de 3 000 euros, peut-être revient-il au juge de dire que, indépendamment de toute fraude organisée, il s'agit néanmoins de fraudeurs. Laissons-lui la possibilité d’inscrire ou non ces entreprises sur la liste noire. C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous incite à adopter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je suivrai madame la rapporteur, et m'opposerai donc au présent amendement. Une entreprise peut commettre une erreur, établir une mauvaise déclaration impliquant une condamnation minime. L’inscrire sur la liste noire reviendrait à placer tout le monde dans le même panier. Je suis sensible à l’argument selon lequel il s’agit de pointer les pratiques systématiques de certaines entreprises et les graves manquements aux règles en vigueur.

Le seuil retenu – on peut toujours en discuter – tend à distinguer ce qui relève de la négligence de pratiques systématiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je comprends parfaitement les arguments avancés, mais le choix est assez cornélien. Une condamnation à verser un euro symbolique de dommages et intérêts n’a pas la même portée qu’une sanction plus grave. Faut-il, dans tous les cas, faire figurer l’entreprise en cause sur une liste noire ? Je crois que l’inscription sur cette liste est limitée dans le temps…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Pour aider la sagesse à mieux s'exprimer, je donnerai un petit éclairage. Les services concernés ont étudié le montant des amendes prononcées ces derniers temps. En 2010 et 2011, alors que respectivement douze et sept amendes étaient supérieures au seuil de 15 000 euros, cent soixante et une et cent quatorze étaient inférieures. Ces chiffres, qui ne sont pas exhaustifs, sont cependant parlants.

Si l’amendement n° 22 rectifié est adopté, ce sera non plus une liste noire, mais un registre de toutes les entreprises condamnées…

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

L’inscription sur une telle liste constitue une peine complémentaire. Le président Mézard le sait par cœur, il faudrait que le juge puisse expressément décider de la non-inscription sur la liste…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

L’amendement n° 14 du groupe CRC, qui doit être examiné juste après celui qui est en discussion, tend à allonger la durée d’inscription sur la liste noire. Je vous indique d’ores et déjà, monsieur le président, que nous le retirons au profit de l'amendement n° 22 rectifié, qui vise, en supprimant le seuil, à laisser la liberté au juge de décider de l’inscription sur la liste noire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 172 :

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° 14, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase, alinéa 5, alinéa 7, seconde phrase, et alinéa 9, seconde phrase

Remplacer le mot :

deux

par le mot :

cinq

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 6, modifié.

L'article 6 est adopté.

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Le chapitre IV du titre VI du livre II de la première partie est ainsi rédigé :

« Chapitre IV

« Actions en justice

« Art. L. 1264 -1. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

2° Le chapitre III du titre II du livre II de la huitième partie est ainsi modifié :

a) L’intitulé est ainsi rédigé : « Droits des salariés et actions en justice » ;

b) Est insérée une section 1 intitulée : « Droits des salariés » et comprenant les articles L. 8223-1 à L. 8223-3 ;

c) Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Actions en justice

« Art. L. 8223 -4. – Les organisations syndicales représentatives peuvent exercer en justice toutes les actions résultant de l’application du présent titre en faveur d’un salarié, sans avoir à justifier d’un mandat de l’intéressé.

« Il suffit que celui-ci ait été averti, dans des conditions déterminées par voie réglementaire, et ne s’y soit pas opposé dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle l’organisation syndicale lui a notifié son intention.

« L’intéressé peut toujours intervenir à l’instance engagée par le syndicat et y mettre un terme à tout moment. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 24, présenté par Mme Emery-Dumas, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le titre VI du livre II de la première partie est complété par un chapitre V ainsi rédigé :

II. – Alinéa 3

Remplacer la référence :

IV

par la référence :

V

III. – Alinéa 5

Remplacer la référence :

L. 1264-1

par la référence :

L. 1265-1

La parole est à Mme la rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Il s’agit d’un amendement de coordination juridique. Il convient de modifier l'insertion dans le code du travail des dispositions prévues à l'article 6 bis à la suite de la nouvelle rédaction de l’article 1er.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Favorable, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 15, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 6

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

II. – Alinéa 7

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

III. – Alinéa 15

Après les mots :

voie réglementaire

supprimer la fin de cet alinéa.

IV. – Alinéa 16

Supprimer les mots :

et y mettre un terme à tout moment

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Or, chacun le sait, l’un des rôles majeurs des syndicats est de défendre lesl’intéressé.

Pour autant, afin de ne pas fragiliser les travailleurs détachés, pour défendre leurs droits.

C’est pourquoi nous vous proposons unpeuvent faire l’objet de pressions ou d’intimidations.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Comme nous l’avons évoqué la semaine dernière en commission, les modalités d’opposition du salarié sont calquées sur celles qui existent déjà dans le droit du travail en matière de délit de marchandage, de prêt de main-d’œuvre illicite, d’emploi d’étrangers sans titre de travail, de discriminations, ou encore de harcèlement.

Le Conseil constitutionnel autorise les syndicats à agir en justice pour défendre les droits d’un salarié même sans mandat de sa part, mais celui-ci doit toujours pouvoir s’y opposer et intervenir à l’instance s’il le souhaite.

En conséquence, la commission a souhaité le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Il faut laisser au salarié la possibilité de s’opposer à l’intervention d’un syndicat en son nom s’il ne la souhaite pas.

La liberté de saisir le juge offerte à chacun ne peut pas se transformer, comme vous le proposez, monsieur Bocquet, en obligation. Le dispositif prévu par le texte s’inspire d'ailleurs de ce qui existe déjà dans le code du travail. Il permet au salarié de donner son accord tacite à une action syndicale en lui offrant la possibilité de s’y opposer expressément dans les quinze jours. Cela me paraît constituer un bon équilibre.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 bis est adopté.

Le chapitre II du titre VII du livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa des articles L. 8272-2 et L. 8272-4, après les mots : « elle peut, », sont insérés les mots : « si la proportion de salariés concernés le justifie », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou », et les mots : « et à la proportion de salariés concernés » sont supprimés ;

Supprimé

3° Après l’article L. 8272-4, il est ajouté un article L. 8272-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 8272-5. – Le fait de ne pas respecter les décisions administratives mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 8272-1, ainsi qu’aux articles L. 8272-2 et L. 8272-4 est puni d’une amende de 3 750 € et d’un emprisonnement de deux mois. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 16, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 6 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l’offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur peut se fonder, outre les critères mentionnés à l’article 53 du code des marchés public, sur la limitation à trois du nombre de niveau de sous-traitance.

La parole est à M. Dominique Watrin.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

À l’occasion de la rédaction de son rapport d’information sur les travailleurs détachés, notre collègue Éric Bocquet a formulé une proposition mise en œuvre en Allemagne, à savoir la limitation à trois du nombre de niveaux de sous-traitance.

En effet, la chaîne de sous-traitance peut parfois être complexe et atteindre huit ou neuf échelons. Dans ce cas, on comprend bien que l’obligation de vigilance à l’égard des sous-traitants, bien que légitime dans son principe, soit difficile à mettre en œuvre. Comment engager la responsabilité ou prouver la responsabilité d’un donneur d’ordre pour le comportement fautif d’un sous-traitant au quatrième, au cinquième, au sixième degré, voire plus ?

De surcroît, tous les observateurs s’accordent à dire que chaque degré de sous-traitance supplémentaire s’accompagne d’une dégradation des conditions de vie, de rémunération et de travail des salariés.

Pourtant, dans son témoignage devant la cour d’appel de Toulouse lors du procès pénal AZF, Annie Thébaud-Mony soulignait le caractère pathogène et accidentogène de la sous-traitance. On apprenait que le travail est divisé de telle sorte que les salariés des entreprises sous-traitantes disposent des droits les plus réduits, peuvent le moins s’organiser et se syndiquer, supportent les tâches les plus déqualifiées, pénibles et dangereuses.

Dans le même temps, les transformations de l’organisation du travail par le recours à la sous-traitance font souvent obstacle à la mise en œuvre de dispositifs réglementaires et législatifs de prévention et de réparation des atteintes à la santé liées au travail.

Dans ce contexte et conformément à l’esprit de la recommandation contenue dans le rapport d’Éric Bocquet adopté par la Haute Assemblée, nous proposons, dans une logique de responsabilité sociale et environnementale, que les donneurs d’ordre publics puissent préciser dans leurs appels d’offres, sur la base du volontariat, que la personne ou l’entreprise qui remporte le marché public ne délègue pas à plus de trois niveaux ses missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission partage la philosophie des auteurs de cet amendement très intéressant, mais qui semble satisfait par le droit en vigueur. Rien n’interdit en effet à un candidat de s’autolimiter et d’imposer trois niveaux au maximum dans la chaîne de sous-traitance.

En outre, cet amendement tend à modifier le code des marchés publics, dont les dispositions sont d’ordre réglementaire.

Par ailleurs, il nous semblerait plus judicieux de parler simplement de limitation du niveau de sous-traitance, sans fixer un chiffre particulier. Selon les cas, deux ou quatre échelons peuvent être préférables. Nous laisserions ainsi à l’adjudicateur le choix du nombre d’échelons qu’il préconise.

Compte tenu des nombreuses interrogations que suscite le présent amendement, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Monsieur le sénateur, votre amendement est très technique. Le Gouvernement y est défavorable, et je m’en explique.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteur, les règles régissant les marchés publics, qui figurent dans le code des marchés publics, sont de nature réglementaire.

Pour ce qui est de la limitation du nombre de niveaux de sous-traitance, elle est contraire à la liberté de sous-traiter reconnue par la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, réaffirmée par une directive du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Un critère d’attribution qui limiterait le nombre de sous-traitants est contraire au principe de libre accès à la commande publique.

Toutefois, le niveau ou le nombre de sous-traitants ne constitue pas un motif d’exclusion lié à l’une des interdictions de soumissionner qui est fixée par l’article 8 de l’ordonnance du 6 juin 2005 ou par l’article 57 de la directive précitée.

L’effet utile de la mesure est tout de même très relatif puisque le titulaire peut décider de sous-traiter une partie du marché public à n’importe quel moment de son exécution.

La limitation du nombre de niveaux de sous-traitance constitue, je le rappelle, une restriction à l’accès à la commande publique des PME et des TPE, qui interviennent le plus souvent en tant que sous-traitants.

Je comprends l’esprit de cette proposition. Cependant, comme j’ai pu l’expérimenter lors d’appels à sous-traitance dans le cadre de la construction d’un tramway, il est préférable de ne pas limiter le nombre de sous-traitants si l’on veut permettre l’intervention de PME et de TPE.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

Après l’article 2-21 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-21-1 ainsi rédigé :

« Art. 2 -21 -1. – Toute association, tout syndicat professionnel ou tout syndicat de salariés de la branche concerné régulièrement déclaré depuis au moins deux ans à la date des faits et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts collectifs des entreprises et des salariés peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions définies au livre II de la huitième partie du code du travail même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 5, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

pourvu que celle-ci ait été avertie par écrit et n’ait pas déclaré s’y opposer

Cet amendement a été retiré.

Je mets aux voix l'article 7.

L'article 7 est adopté.

I. – Après le 11° de l’article 131-39 du code pénal, il est inséré un 12° ainsi rédigé :

« 12° L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de percevoir toute aide publique attribuée par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. »

II. – §(Non modifié) Au 2° des articles L. 8224-5, L. 8234-2, L. 8243-2 et L. 8256-7 du code du travail, la référence : « et 9° » est remplacée par les références : «, 9° et 12° ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 4, présenté par M. Bizet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

de cinq ans

par les mots :

d'un an

Cet amendement a été retiré.

L'amendement n° 17, présenté par MM. Watrin, Bocquet et Billout, Mmes Cohen, David et Pasquet, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 2

Après les mots :

cinq ans au plus,

insérez les mots :

de bénéficier d’une procédure d’exonération de cotisations sociales en application de l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale et

II. – Après l’alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 13° L’obligation, pour une durée maximale de cinq ans, de reverser aux organismes concernés l’intégralité des sommes perçues au titre d’aides publiques durant la période du contrat incriminé. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les différentes formes de fraude au droit du travail et au financement de la protection sociale auxquelles ont recours les employeurs peu scrupuleux sont incontestablement des comportements antisociaux, qui portent atteinte à notre pacte social et à la confiance que nous accordons, en tant qu’élus, aux employeurs, ainsi qu’à celle que nos concitoyens accordent à leur direction.

Voilà peu, l’ancienne présidente du MEDEF déclarait ne pas comprendre la méfiance de certains parlementaires à l’encontre de certains patrons, au seul prétexte que ces parlementaires, dont nous sommes, exigent de ces patrons des contreparties précises et chiffrées en échange des milliards d’euros de cadeaux qui leur sont octroyés.

Or si nous sommes vigilants, c’est que nous ne connaissons que trop la situation. Nous savons, par exemple, qu’un rapport de la Cour des comptes a mis en lumière le fait que la fraude aux prestations sociales était très inférieure à la fraude aux cotisations sociales – notamment due au recours au travail dissimulé –, qui représente, au bas mot, 50 milliards d’euros !

C’est pourquoi nous sommes persuadés qu’il faut aller plus loin que ne le permet la présente proposition de loi, dont les dispositions prévoient que les entreprises qui ne seraient pas en règle ne peuvent prétendre au versement d’une aide publique. Or cette rédaction n’exclut pas le bénéfice des aides sociales prenant la forme d’exonérations de cotisations sociales, lesquelles, de fait, ne sont pas des aides publiques !

Par ailleurs, au-delà de la question de la non-attribution de ces aides, il nous semble fondamental que ces comportements délicieux soient sanctionnés. La meilleure des sanctions nous semble être le remboursement de ces aides, non seulement parce que le fait d’en bénéficier à la faveur d’une obligation non respectée constitue une forme d’enrichissement sans cause, inadmissible dans le contexte actuel de raréfaction des fonds publics, mais aussi parce qu’elles font cruellement défaut pour financer des projets réellement porteurs, réellement créateurs de richesses ou réellement protecteurs pour les salariés.

Aussi, compte tenu de tous ces éléments, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement, afin de sanctionner tout abus de la confiance dont le Gouvernement témoigne envers les employeurs à travers cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

La commission comprend les préoccupations des auteurs de cet amendement qui poursuivent un double objectif.

La première partie de cet amendement vise à donner au juge la faculté d’interdire le bénéfice d’une exonération de cotisations sociales pendant au maximum cinq ans. Cette mesure paraît à la commission difficilement justifiable, car sans lien direct avec l’infraction de travail illégal, et assez difficile à mettre en œuvre dans le cadre de cette proposition de loi. S’il faut punir sévèrement le délit de travail illégal, il faut aussi conserver une certaine proportionnalité des sanctions. La commission émet donc un avis défavorable sur cette première partie.

La seconde partie tend à accorder au juge la possibilité de prononcer à titre de peine complémentaire, en cas de condamnation pour travail illégal, le remboursement des aides publiques versées depuis cinq ans.

Nous considérons que cette proposition est déjà largement satisfaite par l’article L. 8272-1 du code du travail, qui autorise les personnes publiques à demander le remboursement des aides perçues les douze mois précédant une verbalisation pour travail illégal.

Toutefois, compte tenu de son intérêt, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette seconde partie.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Il s’agit d’une bonne idée, dont je comprends l’esprit, mais qui ne semble pas du tout opérationnelle. Cet amendement vise, je le rappelle, à instaurer deux nouvelles peines pénales complémentaires prononcées par un juge.

Si ces mesures semblent intéressantes, il y aura néanmoins un delta très grand entre leur adoption et leur mise en application effective ! En effet, il n’existe pas de circuit d’information adapté entre les organismes de recouvrement des cotisations sociales – je parle bien des cotisations et non du remboursement des aides –, les services gestionnaires des aides financières et les tribunaux correctionnels.

De plus, le code du travail et le code de la sécurité sociale comportent un certain nombre de dispositifs administratifs d’annulation des exonérations de cotisations, de refus du bénéfice des aides financières publiques et de remboursement de ces prestations. Si elles sont encore peu utilisées, ces dispositions existent bel et bien.

Je voudrais donc mettre en garde le Sénat : personne ne conteste l’intérêt ni les bonnes intentions de certaines mesures, mais leur non-application ne fera que compliquer, voire perturber, la loi existante qu’il est déjà parfois difficile de mettre en œuvre.

Le Gouvernement est donc défavorable aux deux parties de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

L’article 7 bis instaure une peine complémentaire pouvant être prononcée par le juge à l’encontre des entreprises condamnées pour travail dissimulé, emploi d’étrangers sans titre de travail, prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage, et consistant en l’interdiction de percevoir toute aide publique pendant une durée maximale de cinq ans. Nous sommes préoccupés, monsieur le ministre, par cette durée qui pénaliserait les entreprises et pourrait aller à l’encontre du bien-être des salariés, en tout cas de leur emploi.

Se pose alors le problème de la reprise. On peut comprendre la logique visant à empêcher que l’argent public puisse soutenir des entreprises qui ne respectent ni leurs salariés ni leurs concurrents, mais la durée maximale de la peine – cinq ans – est particulièrement longue, au risque d’être contre-productive. En effet, faute d’être dissuasive, elle risque surtout de pousser les entreprises concernées à mettre la clé sous la porte et donc à procéder à des licenciements.

Il s’agit de nouveau d’une mesure initialement pleine de bonnes intentions mais qui risque de devenir préjudiciable aux salariés et de décourager les repreneurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’article 7 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je comprends parfaitement l’argumentation développée conjointement par Mme la rapporteur et M. le ministre sur la première partie de cet amendement.

En revanche, l’obligation de reverser aux organismes concernés, pour une durée maximale de cinq ans, l’intégralité des sommes perçues au titre des aides publiques me semble être une bonne mesure.

Ces fraudes sont perçues comme une très grande injustice sociale. Voir des entreprises transgresser la loi en totale impunité est très mal vécu par nos concitoyens comme par les salariés de ces entreprises. Il s’agit d’une mesure intéressante, qui doit être défendue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Compte tenu de la position de la commission, nous allons procéder à un vote par division sur l’amendement n° 17.

Je mets aux voix le I de l’amendement n° 17.

Le I de l'amendement n'est pas adopté.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte le II de l'amendement.

L'amendement est adopté.

L'article 7 bis est adopté.

(Non modifié)

I. – Le livre II de la huitième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L’article L. 8224-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le fait de méconnaître les interdictions définies aux 1° et 3° du même article L. 8221-1 en commettant les faits en bande organisée est puni de dix ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende. » ;

2° Après le premier alinéa des articles L. 8234-1 et L. 8243-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée. »

II. – Le titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le 19° de l’article 706-73, il est inséré un 20° ainsi rédigé :

« 20° Délits de dissimulation d’activités ou de salariés, de recours aux services d’une personne exerçant un travail dissimulé, de marchandage de main-d’œuvre, de prêt illicite de main-d’œuvre, d’emploi d’étrangers sans titre de travail prévus aux 1° et 3° de l’article L. 8221-1 et aux articles L. 8221-3, L. 8221-5, L. 8224-1, L. 8224-2, L. 8231-1, L. 8234-1, L. 8234-2, L. 8241-1, L. 8243-1, L. 8243-2, L. 8251-1 et L. 8256-2 du code du travail. » ;

2° L’article 706-88 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le présent article n’est pas applicable aux délits mentionnés au 20° de l’article 706-73. »

III. – Au VII de l’article 4 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».

IV. – Au second alinéa de l’article 323-5 du code des douanes, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ».

V. – Au second alinéa de l’article 193-5 du code des douanes de Mayotte, la seconde occurrence du mot : « dernier » est remplacée par le mot : « huitième ». –

Adopté.

(Non modifié)

Le deuxième alinéa de l’article L. 241-1 du code des assurances est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Tout candidat à l’obtention d’un marché public doit être en mesure de justifier qu’il a souscrit un contrat d’assurance le couvrant pour cette responsabilité. » –

Adopté.

(Non modifié)

Le titre unique du livre III de la troisième partie du code des transports est ainsi modifié :

1° Le chapitre III est complété par un article L. 3313-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 3313 -3. – Il est interdit à tout conducteur routier de prendre à bord d’un véhicule le repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil.

« Tout employeur veille à ce que l’organisation du travail des conducteurs routiers soit conforme aux dispositions relatives au droit au repos hebdomadaire normal. » ;

2° Après l’article L. 3315-4, il est inséré un article L. 3315-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3315 -4 -1. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :

« a) Le fait d’organiser le travail des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition sans veiller à ce que ceux-ci prennent en dehors de leur véhicule leur temps de repos hebdomadaire normal défini au h de l’article 4 du règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route modifiant les règlements (CEE) n° 3821/85 et (CEE) n° 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) n° 3820/85 du Conseil ;

« b) Le fait de rémunérer, à quel titre et sous quelle forme que ce soit, des conducteurs routiers employés par l’entreprise ou mis à sa disposition, en fonction de la distance parcourue ou du volume des marchandises transportées, dès lors que ce mode de rémunération est de nature à compromettre la sécurité routière ou à encourager les infractions au règlement (CE) n° 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, précité. » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 3315-6, après la référence : « L. 3315-4 », est insérée la référence : «, L. 3315-4-1 ». –

Adopté.

(Non modifié)

À la seconde phrase de l’article L. 3421-3 du code des transports, les mots : « et titulaire d’une licence communautaire » sont supprimés –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Dominique Watrin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

La présente proposition de loi va bien évidemment dans le bon sens – je souscris pleinement à l’intervention de mon collègue Éric Bocquet – et comporte des avancées positives : encadrement du recours à la sous-traitance et aux travailleurs détachés, responsabilisation des donneurs d’ordre à l’égard du comportement des entreprises auxquelles ils délèguent une partie de leur activité… Elle marque incontestablement un progrès.

Il s’agit toutefois d’un progrès limité, tant le retard que nous avons malheureusement accumulé depuis des années est grand et tant le recours aux travailleurs détachés est devenu récurrent. On parle, cela a déjà été dit, de 200 000 à 300 000 travailleurs détachés en France, sans compter ceux qui ne sont pas déclarés.

Or cette pratique, autorisée par la directive européenne de 1996, répond dans la plupart des cas à une logique, à un fondement économique et politique que nous contestons et selon lequel il faudrait, au nom d’une certaine conception, laisser les intérêts financiers et marchands dicter leurs règles.

En réalité, cette logique libérale – nous en subissons malheureusement les effets – met en concurrence les peuples et les pays européens.

Soyons clairs : nous ne nous retrouvons nullement dans cette construction européenne-là, qui autorise le dumping social et la mise en concurrence des travailleurs entre eux. Cela a déjà été indiqué par d’autres intervenants : cette conception va à l’encontre de l’idéal européen.

À la différence d’autres groupes politiques, nous n’hésitons pas à affirmer de manière constante et régulière notre opposition non seulement à ce gâchis économique et social, mais aussi à cette dérive ultralibérale européenne qui conduit à des replis dangereux.

C’est pourquoi, au-delà de la conjoncture électorale actuelle, nous revendiquons de manière constante des mesures beaucoup plus fortes pour combattre toutes les formes de dumping social.

Sur le fond, nous pensons qu’il faut être beaucoup plus ferme pour protéger les salariés et les petites et moyennes entreprises victimes de cette concurrence déloyale. Nous le montrons d’ailleurs de manière constante : seuls les élus du groupe Gauche unitaire européenne-Gauche verte nordique, dont font partie les élus communistes et ceux du Front de gauche, se sont opposés à l’adoption de la directive d’exécution, laquelle, nous le savons tous dans cette enceinte, ne constitue en rien un changement fondamental par rapport au texte initial.

Monsieur le ministre, vous avez opté pour un discours volontariste et optimiste en disant que faire l’Europe, ce n’est pas laisser faire et qu’il n’y aura plus ni dumping ni exploitation. Mais vous savez tout aussi bien que nous que la directive européenne permet intrinsèquement ce dumping social, le différentiel de cotisations patronales suivant les pays pouvant impliquer un différentiel de coût de l’ordre de 30 à 40 %.

Beaucoup de chemin reste encore à parcourir. La vraie question, selon nous, est celle de l’harmonisation sociale européenne. Il s’agit de la seule voie efficace pour combattre à la racine et dans la durée le dumping social que chacun, semble-t-il, condamne dans cet hémicycle.

La présente proposition de loi constitue un petit pas ; elle apporte des garanties nouvelles, même modestes, pour protéger les salariés et nos entreprises. Nous resterons bien évidemment vigilants, mais aussi ambitieux pour faire avancer les choses encore plus. Nous voterons ce texte qui marque une étape intéressante. §

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Au moment de conclure ce débat, je souhaiterais revenir sur deux points particuliers.

Tout d’abord, face au dumping social et à l’explosion du nombre de travailleurs détachés au cours des cinq dernières années – nous avons noté les chiffres –, le législateur n’avait d’autre choix que de se saisir du problème sans attendre que la Commission européenne reprenne ses travaux, au risque d’accuser un certain retard.

La majorité, à travers ce gouvernement, a donc pris ses responsabilités en soumettant à notre examen cette proposition de loi.

Ensuite, le présent texte contient, parmi les dispositions euro-compatibles, les mesures les plus à même de limiter les abus et contournements des directives dites « Bolkestein » et « de détachement des travailleurs ».

Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, d’exprimer quelques réserves, d’ordre chronologique notamment. Légiférer sur ce sujet avant que la future Commission européenne ne soit formée ne me semble pas être un signe de défiance à son endroit. Les discussions, qu’elles aient lieu dans un cadre intergouvernemental ou communautaire, ont avancé depuis que la Commission européenne a présenté, le 21 mars 2012, une proposition de directive d’exécution de la directive. Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, sur la question de l’opportunité de la présente proposition de loi.

Sur le fond, je rejoins la position exprimée par Jean Bizet lors de la discussion générale. Malgré les modifications souvent nécessaires que le Sénat a pu apporter, l’opérationnalité de certaines dispositions est, dans le meilleur des cas, contestable. Nous sommes toujours favorables au principe de responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires ; cela est d’une redoutable évidence.

Cependant, et toujours sans la moindre ambiguïté, nous sommes opposés, je le répète, à l’article 1er ter, qui engage la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés. M. le ministre l’a rappelé, l’inspection du travail n’est pas la seule habilitée à contrôler le respect des règles, mais les sous-traitants peuvent intervenir à tout moment sur un chantier. On voit donc bien la difficulté.

Nous sommes également perplexes quant aux conséquences de l’adoption de l’article 7 bis, je l’ai signalé lors de mon explication de vote sur cet article, qui instaure deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, et l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. Songeons, mes chers collègues, aux entreprises qui feront l’objet d’une reprise, et qui seront ainsi pénalisées.

Enfin – et cette interrogation trouve un écho particulier avec l’adoption, hier, de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié –, nous doutons du respect du principe constitutionnel selon lequel nul ne plaide par procureur, que semblent ignorer les articles 6 bis et 7, malgré les améliorations que le Sénat a apportées sur ce point.

Dès lors, parce que ce texte répond à une urgence sociale, les membres du groupe UMP ne s’y opposeront pas. Mais parce qu’il reste approximatif sur le plan constitutionnel et imprécis quand il aborde les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, les sénateurs UMP s’abstiendront.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai évidemment pas sur l’analyse de ce texte, que j’ai déjà eu l’occasion de vous présenter lors de la discussion générale, pas plus que sur les motivations qui entraînent le groupe UDI-UC à voter en sa faveur.

Je profite de cette intervention pour remercier Mme la rapporteur et les fonctionnaires de la commission des affaires sociales, dont le travail a permis de clarifier le texte. C’est une question urgente, en effet ; le dumping social et la concurrence déloyale que représentent les travailleurs détachés nourrissent, il faut bien l’avouer, l’europhobie, à l’heure même où nous sommes en campagne pour les élections européennes.

Cet après-midi, c’est sans ambiguïté que nous allons voter une proposition de loi très importante. Je regrette seulement, je le signale une nouvelle fois, monsieur le ministre, que la directive et le présent texte ne puissent pas aller plus loin. La concurrence déloyale est aussi alimentée par les distorsions existant entre les niveaux de cotisations sociales. Une mesure de transition, simple, serait de faire payer les cotisations dans le pays d’accueil, sous réserve, bien sûr, qu’elle soit plus favorable pour le travailleur détaché. J’espère que vous pourrez défendre cette position à Bruxelles, monsieur le ministre, auprès de vos collègues européens, au cours des prochains mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Néanmoins, cela nous permet d’aller vite, ce dont nous nous réjouissons. Cette proposition de loi, dès lors, nous satisfait malgré tout.

Une question se pose néanmoins. Lors de nos discussions, nous avons souligné qu’il fallait lutter contre les abus, promouvoir une harmonisation sociale – nous ne parlons pas, même si le point mériterait d’être soulevé, d’harmonisation fiscale – par le haut. Tout le monde partage ces bonnes intentions.

Dès lors, comment ne pas être étonné que nous nous engagions concomitamment dans la signature du traité transatlantique ? Les ambiguïtés, les contradictions vont se voir renforcées : d’un côté l’harmonisation sociale par le haut, voulue par M. le ministre et au moins la moitié des membres de cet hémicycle, de l’autre un traité signé avec les États-Unis visant à supprimer les barrières, aussi bien douanières – et donc financières – que non douanières. La concurrence devra être totale, et les garde-fous politiques et sociaux devront disparaître !

Nous nous trouverons donc en pleine contradiction : grâce aux efforts de MM. Sapin et Repentin, l’Europe sociale se construit petit à petit, même si c’est difficile, et à peine obtenues quelques avancées à l’échelle communautaire, on signe un traité qui remet tout à plat !

Je sais que, dans ce traité, dont nous ne sommes pas censés connaître les dispositions puisqu’il est normalement secret

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Le débat de ce jour était donc souhaitable, et le groupe écologiste, je le répète, votera la présente proposition de loi avec détermination et enthousiasme. Mais cette dernière sera difficile à mettre en œuvre, d’une part, cela a été souligné par tout le monde, parce qu’elle est incomplète, et, d’autre part, parce qu’elle se heurte aux dispositions d’un traité qui laisse le champ libre à la concurrence, sans aucune garantie pour les droits sociaux.

Cette explication de vote sur l’ensemble me permet d’affirmer une nouvelle fois que les écologistes sont opposés à la signature du traité transatlantique. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souscris tout à fait aux arguments développés par René-Paul Savary, qui vous a expliqué que le groupe UMP allait s’abstenir sur ce texte.

À titre personnel, mon abstention doit être considérée comme positive. Il me semble, en effet, que l’on prend vraiment le problème à bras-le-corps. Le dumpingsocial est la plaie de nos PME. Nous en entendons régulièrement parler, et il était temps que nous intervenions. Certes, M. Savary l’a souligné, la proposition de loi présente une fragilité, liée à des aspects constitutionnels et à des questions d’applicabilité. Nous verrons ce qu’il en est.

Je considère néanmoins que ce texte, sur un plan général, constitue un signal fort.

Je voulais également dire quelques mots sur un point plus particulier. Les articles 9 et 10, relatifs au transport routier, se sont greffés sur un texte avec lequel ils ont un lien presque évident.

Nos entreprises de transport routier constituent le trait d’union entre les PME et les clients, les fournisseurs. Nous savons le rôle qu’elles jouent dans nos territoires, et le nombre d’emplois important qui sont concernés.

Les dispositions qui figurent à l’article 9, en particulier, sont tout à fait opportunes. Il est temps de mettre de l’ordre dans la façon dont certains transporteurs étrangers se comportent avec leurs salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je pense notamment aux conditions dans lesquelles les salariés prennent leur repos hebdomadaire et à la façon dont certains sont rémunérés : en fonction du rendement. Pour ces derniers, le salaire dépend du nombre de kilomètres parcourus, du temps mis pour les couvrir, ainsi que du tonnage des marchandises transportées.

Il arrive régulièrement, lorsque l’on se promène le week-end, de voir sur les aires de repos des autoroutes ou des stations-service des quantités impressionnantes de camions étrangers. En réalité, c’est là que les chauffeurs prennent leur repos hebdomadaire.

Au-delà du texte qui nous est soumis aujourd’hui, je pose donc la question, monsieur le ministre, des moyens que vous allez pouvoir mettre à la disposition des autorités départementales, représentant les services de l’État, pour veiller à l’application des règles applicables, soutenues par les professionnels, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

… notamment par les transporteurs routiers de mon département, qui m’ont interpellé à ce sujet, et dont je me fais ici le porte-parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Nous l’avons indiqué au cours de la discussion générale, le groupe socialiste, bien évidemment, votera en faveur de cette proposition de loi.

Grâce au travail fourni en commission, enrichi des éclairages de Mme la rapporteur et de M. le ministre lors de l’examen des amendements présentés, nous avons pu améliorer le texte, afin de faire de l’Europe un espace de coopération plutôt que de concurrence déloyale.

Nous l’avons dit de façon unanime : il s’agit d’un premier pas, certes fondamental mais encore insuffisant. On ne pourra pas supprimer le dumpingsocial tant qu’on ne traitera pas le sujet de l’harmonisation sociale.

M. le ministre nous a montré la détermination du Gouvernement en la matière, pour lequel ce sujet est parfaitement d’actualité. Il l’est d’autant plus que l’échéance des élections européennes approche. À charge pour nous, dès lors, de poursuivre le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission, modifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 30 avril dernier prennent effet.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires (proposition n° 396, texte de la commission n° 459, rapport n° 458).

Je vous rappelle que nous avions commencé l’examen de cette proposition de loi lors de notre séance du mardi 29 avril dernier.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Dominique Gillot.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après cette longue interruption de la discussion du texte, je vais synthétiser l’intervention que devait faire notre collègue Ronan Kerdraon et la mienne.

L’examen, aujourd’hui, de cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires participe de la réflexion, déterminante, à conduire pour l’avenir de notre jeunesse, sa place dans notre société, la reconnaissance de ses aptitudes et la considération de son statut, fondamentale pour impliquer la responsabilité de l’ensemble des organismes chargés d’organiser et d’accueillir les stages.

L’urgence d’agir pour l’insertion professionnelle des jeunes n’est plus à démontrer. Depuis le début de cette crise, qui modifie durablement nos perspectives, le chômage des jeunes a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. La situation dans notre pays est peut-être moins alarmante, mais la projection de ces jeunes dans une situation instable ne fait qu’accroître leur inquiétude face à leur devenir.

Les conséquences de l’exclusion de la jeunesse sont dramatiques aujourd’hui, mais aussi pour demain. Elles cristallisent l’échec du relais aux générations nouvelles, l’échec de l’intégration transgénérationnelle et l’incapacité de notre société à ouvrir les portes d’un avenir confiant.

Pourtant, c’est en la jeunesse que nous devons trouver une source de richesse, de qualification, de croissance à même de restaurer la confiance. La discussion d’aujourd’hui porte non pas directement sur l’emploi, mais sur une des plus importantes passerelles entre le monde des études et le monde du travail : le stage.

Un meilleur encadrement des stages est l’objectif à mettre en œuvre pour réaffirmer le partenariat respectueux entre les deux secteurs concernés : le secteur éducatif et le secteur économique.

Le Président de la République avait fait de l’encadrement des stages l’engagement n° 39 de sa campagne. Ronan Kerdraon et moi-même nous félicitons, comme beaucoup de présents ici, de voir que la promesse est tenue. Car l’emploi des jeunes est un enjeu prioritaire !

Dans son rapport du mois de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1, 6 million par an, contre 600 000 en 2006.

S’il faut bien évidemment développer les stages, qui offrent de réelles opportunités, il est important de souligner les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes en formation ou même déjà diplômés, qui expliquent en partie cette situation.

Que les jeunes s’y préparent ou disposent de brevets de technicien supérieur, ou BTS, de diplômes universitaires de technologie, ou DUT, de diplômes de grandes écoles ou de diplômes universitaires, nous nous devons de n’oublier personne.

En France, la part de jeunes âgés de vingt-cinq à trente-quatre ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur avoisine 40 %, plaçant notre pays parmi les plus avancés de l’Europe ou de l’OCDE. C’est une bonne chose, mais il faut souligner les fortes disparités qui existent entre nos territoires.

Certaines régions se détachent à la fois par leur proportion élevée de jeunes diplômés et par leur progression. C’est le cas de l’Île-de-France, mais aussi de la Bretagne et des régions Midi-Pyrénées ou bien encore Rhône-Alpes.

Cependant, selon l’Association pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes diplômés, l’AFIJ, près d’un tiers des jeunes diplômés de l’année 2011 n’ont encore occupé aucun poste depuis la fin de leurs études. C’est évidemment inadmissible, surtout quand le nombre de stagiaires augmente !

On observe une corrélation entre l’augmentation du nombre de stagiaires en France et la hausse du chômage des jeunes. Le chômage des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans est passé de 17, 3 % au mois de janvier 2008 à 24, 6 % au deuxième trimestre 2013. Cette situation et ces chiffres doivent nous interpeller ! Ils parlent d’eux-mêmes quand 47 % des jeunes non diplômés occupent toujours un contrat à durée déterminée quatre ans après leur sortie de formation, contre 26 % des jeunes diplômés du supérieur.

Même s’il est en baisse ces derniers mois, le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans est encore trop élevé et la demande de diplômes supérieurs est toujours en augmentation.

Pire, le nombre de stages comptabilisés correspondant en réalité à des emplois réels est évalué à 100 000 ! C’est une dérive inacceptable : l’emploi durable doit être une de nos priorités pour les jeunes.

N’oublions pas que 17 % des jeunes âgés de dix-huit à vingt-neuf ans vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 13 % pour l’ensemble de la population. En 2008, plus d’un pauvre sur deux avait donc moins de trente-cinq ans !

Le comité interministériel de la jeunesse du 21 février 2013 avait fixé une feuille de route claire sur le sujet, et le Gouvernement, en accord avec les partenaires sociaux, avait souhaité, lors de la grande conférence sociale du mois de juin 2013, qu’une initiative législative voie rapidement le jour. Certes, des initiatives ont été prises ces dernières années. De nombreux textes ont été votés pour protéger les stagiaires des abus dont ils sont victimes, avec un encadrement législatif et réglementaire progressif des stages. Le premier texte sur le sujet a été élaboré par le groupe socialiste du Sénat en 2006, sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Godefroy, rapporteur de la présente proposition de loi.

Quelques mois après la création du collectif Génération précaire a été votée la loi sur l’égalité des chances. Elle a instauré l’obligation d’une convention de stage et prévu une franchise des cotisations patronales censée permettre aux entreprises de mieux indemniser les stagiaires. Ainsi, dans les entreprises privées, les stages de plus de trois mois doivent obligatoirement être rémunérés, mais le montant minimal n’a pas été fixé.

Il y a eu une nouvelle avancée avec la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, qui a instauré une « gratification » d’au moins 436, 12 euros mensuels, à partir de deux mois de stage, contre trois mois auparavant. Votée en 2011, la loi Cherpion sur l’apprentissage a obligé les entreprises à respecter un délai de carence entre l’accueil de deux stagiaires sur un même poste, égal au tiers de la durée du stage précédent. L’objectif, clairement affiché au fil des textes, est donc bien d’« éviter les emplois déguisés ».

La loi précise d’ailleurs que les stages « ne peuvent pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise ». C’est notamment pour permettre des contrôles de l’inspection du travail que la loi Cherpion de 2011 imposait aux entreprises de tenir à jour un registre de leurs stagiaires. Malheureusement, le décret n’a toujours pas vu le jour.

La loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, ou loi ESR, a, elle aussi, marqué une avancée sur le sujet en fixant la durée maximale de stage à six mois et en rendant obligatoire une gratification d’au moins 436, 12 euros mensuels à partir de deux mois de stage, et ce dès le commencement du stage.

La présente proposition de loi vise à rassembler toutes les dispositions en un seul et même texte pour plus de lisibilité, dans le même code de l’éducation, et aussi à aller plus loin, en dotant les stagiaires de droits effectifs au regard de la place qu’ils occupent de manière temporaire et contractuelle dans les entreprises, l’exercice de ces droits étant, de mon point de vue, une bonne manière de préparer la responsabilité et l’insertion professionnelle des bénéficiaires.

Ainsi, mieux considérés dans la communauté instituée de l’entreprise, les stagiaires percevront mieux la qualité du rapport employeur-employé, sans se confondre avec les salariés, et pourront mieux penser l’évolution de leur ambition de carrière.

Les stages et périodes de formation en milieu professionnel donnent également aux entreprises l’opportunité de bénéficier de compétences nouvelles, de se constituer un vivier de recrutement potentiel, tout en leur permettant éventuellement d’éprouver leurs procédures pour assurer les meilleures conditions d’une réelle transmission de savoir-faire.

Avec environ 1, 6 million de stages effectués par an, et des entreprises qui ont de plus en plus recours aux stagiaires, dans des proportions parfois déraisonnables, la force vive, l’utilité, la capacité de stimulation de nos jeunes ne sont pas à démontrer.

Il convient toutefois de souligner que, de façon paradoxale, de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages. Les causes sont multiples, nous les connaissons : absence d’un réseau personnel et/ou familial, méconnaissance du monde du travail ou discriminations similaires à celles qui sont mises en cause pour l’accès à l’emploi.

N’oublions pas, mes chers collègues, que le stage est défini comme un outil de formation intégré dans un parcours de formation défini. Ainsi, l'article 7 de l’arrêté du 1er août 2011 relatif à la licence définit bien le cadre : « Chaque parcours prévoit la possibilité d’un stage obligatoire ou facultatif intégré au cursus et faisant l’objet d’une évaluation concourant à la délivrance du diplôme. »

Les liens entre université et entreprise, tout comme l’insertion professionnelle, ne doivent pas se traduire par des accueils bâclés, des stages mal ou pas encadrés, des stages qui ne nourrissent pas les formations dans lesquelles les étudiants sont engagés, pis des stages qui se substituent à l’emploi de personnes peu ou pas qualifiées, des stages qui utilisent la disponibilité, les aptitudes, les aspirations des jeunes, plus qu’ils ne transmettent des compétences, des savoir-faire ou des savoir-être.

Le stage comporte bien une finalité de professionnalisation, mais il n’est juridiquement pas un emploi et ne doit pas l’être. La relation entre le stagiaire et l’organisme d’accueil n’est pas fondée sur un contrat de travail.

Levons les ambiguïtés, génératrices de trop nombreuses difficultés auxquelles nous devons répondre. Ainsi, 63 % des stages durent deux mois ou plus, et seulement 50 % des stagiaires perçoivent une « gratification ». En outre, dans 60 % des stages offrant une gratification, le montant de celle-ci est compris entre 436 euros et 600 euros.

Le montant de gratification est supérieur à la règle pour seulement 20 % des stages. Trop nombreux sont ceux qui définissent la gratification du stagiaire comme une rémunération, mais non ! Car une rémunération est liée à un contrat de travail, ce qui n’est pas le cas pour un stage.

Cependant, cette question de la gratification n’est pas neutre.

La réussite des étudiants tout au long de leur parcours dépend aussi et en grande partie de leurs conditions de vie. Or, trop souvent, celles-ci sont difficiles, notamment en matière de ressources, et, généralement, même ceux qui n’ont pas l’absolue nécessité de travailler pendant l’année universitaire profitent de l’été pour provisionner l’année suivante.

Or, dans certains cursus, le développement des périodes de stages obligatoires pendant les vacances perturbe ce schéma et n’est pas assez encadré par les universités.

La gratification des stages, que notre rapporteur propose de porter à 15 % du plafond sécurité sociale, en plus de rétribuer un service effectué, permettra à de nombreux stagiaires de contribuer à leur équilibre d’autonomie financière, de participer aux moyens de leur subsistance et de poursuivre leur parcours.

C’est aussi une forme de justice et de reconnaissance d’un engagement respecté, la valorisation d’une contribution à un projet d’équipe, voire la réalisation d’un réel projet personnel utile à la marche de l’entreprise. La réalité est que certaines entreprises ont tendance à abuser des stages – qui coûtent moins cher : gratification inférieure à un salaire minimum et absence de cotisations sociales – pour placer des stagiaires sur des postes de travail permanents au lieu de recruter des salariés.

La hantise du chômage pèse tout au long du parcours sur la construction de soi et c’est aussi une cause de la multiplication des stages.

Pour éviter des périodes d’inactivité trop longues, les jeunes multiplient les stages en acceptant parfois des conditions dépassant le cadre légal d’un stage, tout cela dans l’espoir de décrocher un CDD et, enfin, un CDI.

Ainsi, les périodes de stage deviennent fréquemment un véritable sas d’entrée dans la vie active, mais conduisent encore trop souvent à la fragilisation des jeunes qui s’y soumettent sans voir aboutir leur demande d’embauche.

Le stage est bien un outil de formation pédagogique, une expérience pratique qui s’inscrit dans un cycle d’enseignement. Il doit être appréhendé comme une manière de confronter la connaissance théorique à la pratique, de les concilier, pour en tirer des observations, des questionnements utiles à la maturation du projet professionnel.

En aucun cas, il ne peut s’agir pour les entreprises d’un biais pour obtenir de la main-d’œuvre bon marché, mal considérée, corvéable, dans une situation précaire stérile et profondément pesante pour toutes les parties.

Plus encore, la jeunesse ne doit pas être amenée à tout accepter, parce que le chômage rôde et qu’il faudrait nourrir un CV par la multiplication de ces périodes pas toujours propices à la fructification des acquis.

Mes chers collègues, trop de jeunes aujourd’hui oscillent entre périodes d’activité – stages, intérim, CDD... – et périodes de chômage. Pour eux, ce sont des expériences professionnelles. Pour moi, c’est de la précarisation ! Il faut cesser ces pratiques pour apporter une insertion stable, durable des jeunes dans la vie professionnelle !

Je suis persuadée que l’État doit intervenir. Les premiers efforts sont là. Il faut renouer le dialogue avec les partenaires sociaux, les régions, élaborer des stratégies de confiance pour redonner à la jeunesse une vision positive et moins sombre de l’avenir, de son avenir.

Nous connaissons la détermination du Gouvernement en la matière. Il faut le soutenir.

Aussi, cette proposition de loi apporte des éléments de régulation. Nous encourageons les entreprises offrant par le stage un investissement d’avenir et nous condamnons la concurrence déloyale de celles qui ont des pratiques douteuses.

Cependant, les entreprises ne sont pas seules en cause, ce que souligne d’ailleurs le mouvement Génération précaire : « On sous-estime beaucoup la responsabilité des établissements qui, aujourd’hui, professionnalisent leur formation non pas par les cours dispensés par les enseignants, mais par le recours à des stages à outrance. » La formation est externalisée au maximum dans les entreprises. Dans certaines écoles de commerce, 70 % de la formation se fait en dehors des murs de l’établissement !

Bien souvent, certaines écoles privées, à but lucratif, qui fournissent un grand nombre de stagiaires aux entreprises, notamment de nombreuses écoles de commerce, de communication, de marketing, ou encore de journalisme, n’assurent aucun suivi !

Des universités restent discrètes sur le sujet, refusant parfois de communiquer sur ce sujet, voire, dans certains cas, de transmettre leurs statistiques au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pourtant, elles disposent d’un service dédié à l’orientation, à l’information et à l’insertion professionnelle – la dénomination du service varie en fonction des universités –, mais les moyens restent insuffisants pour offrir aux étudiants le suivi nécessaire au bon déroulement d’un stage.

L’article 1er de la proposition de loi fixe les missions de l’établissement d’enseignement. Ce dernier doit encadrer l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage, définir au mieux le parcours pédagogique, en précisant les compétences à acquérir ou à développer, enfin désigner un enseignant référent chargé du suivi et du bon déroulement du stage de l’étudiant, voire chargé de recueillir son avis sur cette période. Il prévoit également de limiter la durée du stage à six mois et de mettre fin aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur, à l’issue d’une période de transition de deux ans. Ce sont là des outils pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages.

Il est également nécessaire de plafonner le nombre des stagiaires dans les effectifs des entreprises, mais il faut le faire avec souplesse pour s’adapter à la réalité des entreprises et ne pas entraver les possibilités d’accueil. Voilà pourquoi est posé le principe de la limitation, par voie réglementaire, du nombre de stagiaires rapportés à l’effectif global de l’organisme d’accueil.

Nous souhaiterions que le décret tienne compte de la diversité des situations, notamment pour les TPE, les PME ou les start-up, pour qui les stagiaires sont souvent de réels « investissements d’avenir », dont elles testent l’adhésion à leur projet et que, la plupart du temps, elles gardent pour assurer leur développement.

Les maisons familiales rurales et les instituts de recherche doivent aussi bénéficier de cette adaptation.

À la lecture de cette proposition de loi, des questions essentielles se sont posées concernant l’alternance. Le Gouvernement les a entendues et tient à répondre à ces inquiétudes.

La question relative à l’alternance est aussi fortement évoquée dans le domaine social.

Aussi Ronan Kerdraon a-t-il déposé un amendement proposé par l’Assemblée des départements de France afin de mettre en place une enveloppe d’intérêt général pour les établissements médico-sociaux destinée à financer le surcoût des stages des élèves ou étudiants en travail social.

L’encadrement doit lui aussi être réglementé. Aussi, un même tuteur ne peut encadrer qu’un nombre limité de stagiaires pour garantir la qualité de cet encadrement et faciliter sa tâche.

Par ailleurs, le texte prévoit d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires.

L’article 2 met en place une partie spécifique dans le registre unique du personnel où, comme pour les salariés, les nom et prénoms des stagiaires seront inscrits de façon indélébile.

Voilà pourquoi est renforcée l’interdiction de substituer un stage à un emploi permanent. Ne faisons pas de notre jeunesse une main-d’œuvre bradée.

Grâce à ce texte, le stagiaire bénéficiera des mêmes droits et de la même protection que les salariés dans l’entreprise. Il jouira ainsi de congés, d’autorisations d’absence par exemple, d’avantages sociaux pour la restauration, les déplacements. Il s’agit là de belles avancées.

Des dispositions permettront également de valider des stages écourtés pour des raisons médicales ou autres recevables.

Cette loi permettra aussi, en cas d’embauche, la prise en compte de la période de stage dans la période d’essai.

Léo Lagrange disait : « Aux jeunes, ne traçons pas un seul chemin ; ouvrons-leur toutes les routes ». Mes chers collègues, c’est à cela que nous invite ce texte et c’est pourquoi le groupe socialiste le soutient. §

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la semaine dernière, Catherine Procaccia et Jean-Léonce Dupont ont repris tous deux la phrase de Montesquieu : « Le mieux est l’ennemi du bien ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Cette affirmation s’applique parfaitement à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Je crois que, dans cet hémicycle, tout le monde sera d’accord pour dire qu’il faut mettre les barrières nécessaires pour empêcher certains employeurs indélicats d’utiliser les stagiaires comme de la simple main-d’œuvre bon marché ou pour assurer des tâches subalternes.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

La loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances y a mis bon ordre, d’autant que de plus en plus de lycéens et d’étudiants ont des stages obligatoires en entreprises inclus dans leur cursus de formation. Sans ces stages, leurs diplômes ne peuvent pas être validés. Je parle en connaissance de cause pour avoir dirigé en tant qu’universitaire des formations de DESS et de master. Cette loi précise aussi que « tout stage a pour objet d’assurer à l’étudiant une formation pratique en rapport avec l’enseignement suivi à l’université ».

Il faut donc veiller à la bonne application de la loi, d’autant plus que les stages ouvrent souvent la porte à l’emploi. Une publication du mois de mars dernier du Centre d’études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, indique que 35 % des jeunes diplômés trouvent leur premier emploi dans l’entreprise où ils ont effectué un stage ou assuré un emploi saisonnier.

Cependant, renforcer les mesures coercitives pour les entreprises, les services publics ou les associations, en limitant le nombre de stagiaires, en prévoyant des formalités lourdes, dont l’inscription des stagiaires dans un registre séparé de celui des salariés, en limitant les périodes de stage à six mois maximum, voilà qui risque de rétrécir singulièrement l’offre de stages.

En effet, il ne faut pas oublier que les entreprises, en accueillant des stagiaires, acceptent de consacrer du temps et des moyens pour former ces derniers à la pratique de leurs métiers. Il s’agit d’un réel investissement.

Or, en renforçant les contraintes, on risque de décourager les chefs d’entreprise – en particulier ceux des petites entreprises – d’accueillir des stagiaires.

En outre, les auteurs de ce texte prétendent aller vers plus de justice. Pourtant, c’est à l’effet inverse que l’on peut s’attendre. L’offre de stages se rétrécissant face à une demande croissante, seuls les étudiants disposant de relations ou de réseaux trouveront à se caser. §Les autres vont « galérer », comme disent les jeunes, pour réussir à trouver des entreprises d’accueil.

Mes chers collègues, l’entrée dans le monde du travail est aujourd’hui devenue un exercice extrêmement difficile pour les jeunes, même s’ils ont obtenu un diplôme. La tâche du législateur est de rendre les choses plus simples et plus faciles et non pas de tout compliquer et de multiplier les contraintes. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Je voudrais tout d’abord vous dire combien j’ai plaisir à être parmi vous au moment de la clôture de cette discussion générale.

Je voudrais aussi saluer et remercier Geneviève Fioraso, qui va animer ces débats, de même que M. le rapporteur de cette proposition de loi qui tend au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, autant d’objectifs qui me semblent à l’exact opposé des propos que je viens d’entendre.

En effet, le débat important qui s’est engagé avec ce texte est nécessaire pour la protection des stagiaires, mais aussi pour l’amélioration de leur statut.

Dans le prolongement de l’intervention de Mme Gillot, on pourrait résumer en disant que cette proposition de loi est intelligente, car elle met le stage à sa juste place. En effet, la gratification n’est pas un salaire, et la convention de stage n’est pas un contrat de travail. Encore faut-il le rappeler ! Le stage est un temps de formation, très important pour les jeunes aujourd’hui, qui leur permet de s’insérer sur le marché du travail. De fait, on constate aujourd’hui une augmentation exponentielle du nombre de stagiaires, leur nombre ayant doublé depuis 2006, passant de 600 000 à 1, 2 million environ par an.

Un tiers des jeunes stagiaires trouvent du travail ou ont une proposition de travail dans la structure au sein de laquelle ils ont effectué leur stage, 50 % d’entre eux étant même embauchés en CDI. On mesure donc avec ces chiffres l’importance des stages.

Pour autant, ce texte ne mérite pas les qualificatifs que je viens d’entendre, car il contient finalement des mesures de normalité, de bon sens. Il s’agit de lutter contre les abus. Fort heureusement, ils n’ont pas lieu d’être dans la majorité des cas. Mais ce texte a le mérite de créer un droit opposable et protecteur pour ceux qui subiraient ces abus.

Je rencontre nombre de chefs d’entreprise très heureux de prendre des stagiaires, mais eux-mêmes dénoncent ceux qui en profitent, et qui, de fait, nuisent aux stages de manière générale.

Il ne s’agit pas, en luttant contre les abus, de jeter l’opprobre sur tous les chefs d’entreprise, qui sont aujourd’hui nombreux à employer des stagiaires pour leur permettre de découvrir le monde du travail et de s’y insérer.

Avec cette proposition de loi, les vides juridiques, au sein desquels les abus peuvent précisément se loger, seront comblés.

Une chose est claire : le Gouvernement refuse de considérer que la jeunesse peut s’accommoder de la précarité.

Les dispositifs qui ont été mis en place ont permis, pour la première fois depuis fort longtemps, de faire reculer le chômage des jeunes. C’est un engagement qui avait été pris, et le pari a été tenu. En effet, de mars 2013 à mars 2014, le chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans a reculé de 2, 6 %. C’est sans doute encore insuffisant, mais cela mérite d’être signalé.

Nous refusons tous la précarité et notre société, comme le Président de la République l’a encore rappelé ce matin, doit faire confiance à la jeunesse et lui donner toute sa place.

D’ailleurs, je ne doute pas que ce sera, ce soir ou très prochainement, également un engagement de la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso

Quelle est la réalité législative aujourd’hui ? Les stages sont régis par quatre lois et plus de six décrets, dont certains sont contradictoires entre eux, et d’autres contredisent l’esprit de la loi à laquelle ils sont rattachés. De surcroît, cette réglementation est contenue dans deux codes différents, le code du travail et le code de l’éducation.

Il s’agit donc d’abord de simplifier, au moyen d’un texte qui rassemble tous les dispositifs qui ont été adoptés par le passé, en leur donnant une vraie cohérence. Il s’agit de faire en sorte que les décrets ne dépendent plus que d’une seule loi, et qu’il n’y ait plus qu’un seul code de référence, le code de l’éducation, afin d’affirmer clairement ce qui devrait faire consensus entre nous, à savoir que le stage est avant tout un dispositif de formation. En effet, en aucun cas le stage ne doit se substituer à un CDD ou à un congé maternité, et il ne doit pas non plus remplacer une période d’essai avant une embauche.

Le stage est bien un outil de formation, qui doit s’intégrer dans une maquette de formation.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État. Il me semble que nous pouvons tous nous entendre sur ces éléments fondamentaux et nous aurons l’occasion, au cours du débat sur les amendements, de discuter de telle ou telle procédure qui pourrait poser problème. Nous l’avons déjà fait lors du débat à l’Assemblée nationale pour le secteur social ; nous avons su alors trouver ensemble une solution, et je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à débattre dans cet état d’esprit positif de ce texte qui concerne notre jeunesse, donc notre avenir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean Desessard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Le titre II du livre Ier de la première partie est complété par un chapitre IV intitulé : « Stages et périodes de formation en milieu professionnel » et comprenant les articles L. 124-1 à L. 124-20 ;

2° Au même chapitre IV, sont insérés des articles L. 124-1 à L. 124-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 124 -1. – Les enseignements scolaires et universitaires peuvent comporter, respectivement, des périodes de formation en milieu professionnel ou des stages. Les périodes de formation en milieu professionnel sont obligatoires dans les conditions prévues à l’article L. 331-4.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages ne relevant ni du 2° de l’article L. 4153-1 du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’élève ou l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

« Art. L. 124 -2. – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les élèves ou les étudiants dans leur recherche de périodes de formation en milieu professionnel ou de stages correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des élèves et des étudiants, respectivement, aux périodes de formation en milieu professionnel et aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et la manière dont celui-ci s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulé de la période de formation en milieu professionnel ou du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnées à l’article L. 124-1. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi régulier sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 124 -3. – Les périodes de formation en milieu professionnel et les stages sont intégrés à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement de la période de formation en milieu professionnel ou du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 124-4 et, à la première phrase, après le mot : « achevé », sont insérés les mots : « sa période de formation en milieu professionnel ou » ;

4° L’article L. 612-9 devient l’article L. 124-5 et est ainsi modifié :

a) À la première phrase, après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou périodes de formation en milieu professionnel » et les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

b) (Supprimé)

5° L’article L. 612-11 devient l’article L. 124-6 et est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage ou de la période de formation en milieu professionnel au sein d’un même » ;

– après le mot : « stages », sont insérés les mots : « ou la ou les périodes de formation en milieu professionnel » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage ou de formation en milieu professionnel. » ;

6° Après l’article L. 124-6, dans sa rédaction résultant du 5° du présent article, sont insérés des articles L. 124-7 à L. 124-10 ainsi rédigés :

« Art. L. 124 -7. – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 124 -8. – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 124-15.

« Art. L. 124 -9. – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 124-2.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 124 -10. – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 124-11 ;

8° Après l’article L. 124-11, dans sa rédaction résultant du 7° du présent article, sont insérés des articles L. 124-12 à L. 124-15 ainsi rédigés :

« Art. L. 124 -12. – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 124 -13. – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 124-5, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours de la période de formation en milieu professionnel ou du stage.

« Pour les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel d’une durée supérieure à celle mentionnée à l’article L. 124-6 du présent code, le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 124 -14. – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1°

Suppression maintenue

« 2° À la présence de nuit ;

« 3° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne peut excéder la durée légale hebdomadaire de travail fixée par l’article L. 3121–10 du code du travail.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 124–15. – Lorsque le stagiaire interrompt sa période de formation en milieu professionnel ou son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider la période de formation en milieu professionnel ou le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin de la période de formation en milieu professionnel ou du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° L’article L. 612-12 devient l’article L. 124-16 ;

10° Après l’article L. 124-16, dans sa rédaction résultant du 9° du présent article, sont insérés des articles L. 124-17 à L. 124-20 ainsi rédigés :

« Art. L. 124 -17. – La méconnaissance des articles L. 124-8, L. 124-9 et L. 124-14 est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 124 -18. – La durée du ou des stages et de la ou des périodes de formation en milieu professionnel prévue aux articles L. 124-5 et L. 124-6 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 124-13.

« Art. L. 124 -19. – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages ou les périodes de formation en milieu professionnel peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage ou de la période de formation en milieu professionnel à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 124-1.

« Art. L. 124 -20. – Pour chaque stage ou période de formation en milieu professionnel à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil, dans des conditions fixées par décret. » ;

11° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 124-2. » ;

12° Les articles L. 612-8 et L. 612-13 sont abrogés ;

13° La division et l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre VI sont supprimés.

II. – Au premier alinéa de l’article L. 351-17 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 612-8 » est remplacée par la référence : « L. 124-1 » et la référence : « L. 612-11 » est remplacée par la référence : « L. 124-6 ».

III. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage

« Art. L. 1454–5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage mentionnés à l’article L. 124–1 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

IV

V

VI

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les indiscutables excès relatifs aux stages non rémunérés, parfois de longue durée, réalisés dans le cadre d’études supérieures, voire même en dehors de tout cursus de formation, ont été justement dénoncés.

Ils ont déjà été corrigés par la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, elle-même complétée à trois reprises, en 2009, 2011 et 2013.

La proposition de loi dont nous débattons ce soir étend à tous les stages de l’enseignement professionnel le champ des dispositions législatives envisagées, y compris le cas particulier de l’enseignement agricole.

Ce sont près de 150 000 jeunes, en formation de CAP ou de bac professionnel, qui seront impactés dans l’enseignement agricole. Ces formations nécessitent l’accomplissement de stages en milieu professionnel, indispensables à leur parcours pédagogique.

On ne peut raisonnablement mettre sur un même plan des jeunes titulaires d’un bac au moins et âgés de dix-huit ans et plus, et des jeunes qui ont, par exemple, quinze ans.

Tout d’abord, il s’agit d’élèves souvent mineurs, qui n’ont pas la maturité des étudiants. Ils ne sont pas davantage liés par un contrat de travail – d’apprentissage – qui, par nature, crée une exigence employeur-salarié.

Cette proposition de loi souhaite soumettre aux mêmes caractéristiques des publics différents. L’état d’adolescence, voire de préadolescence, devrait permettre d’opérer un distinguo entre les types de stages.

L’accueil d’un jeune stagiaire nécessite un fort investissement du maître de stage : il faut préparer sa venue, lui présenter et expliquer la structure, lui faire rencontrer le personnel, quand il y en a, préparer ce qu’il aura à faire, l’accompagner, corriger, expliquer, réexpliquer…

Le jeune stagiaire est avant tout en situation de formation, et non de production.

Ensuite, les entreprises ou structures relevant des formations de l’enseignement agricole sont assaillies de demandes de stages, car ceux-ci sont obligatoires dans le cadre de la formation.

Mais comme rien n’oblige à prendre un jeune, la vérité est que jeunes et familles rencontrent des difficultés croissantes à trouver des stages.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Férat

Les propositions faites dans ce texte – formalités administratives, gratification du stagiaire dès le premier jour si le stage est d’une durée supérieure à deux mois, risques de contentieux, sanctions pécuniaires, etc. – seront contre-productives et freineront le développement des stages.

N’oublions pas qu’il existe d’ores et déjà des dispositions protectrices pour les jeunes stagiaires.

En effet, les articles D. 331–3 du code de l’éducation et R. 715–1 du code rural prévoient l’obligation d’une convention de stage entre l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil. Celle-ci rappelle l’obligation de désigner un tuteur, l’obligation de définir une annexe pédagogique précisant les activités de l’élève dans l’organisme, en relation avec le diplôme préparé, la durée de présence hebdomadaire, qui ne peut dépasser 35 heures hebdomadaires – 32 heures pour les élèves de moins de seize ans –, l’interdiction du travail de nuit, les exigences en matière de repos hebdomadaire, qui doit être de deux jours consécutifs dont le dimanche – sauf exception.

Les mesures nouvelles risquent de décourager les entreprises familiales ou individuelles de former des jeunes stagiaires. Et, en milieu rural, il est encore moins commode de trouver des structures.

Je défendrai deux amendements visant à restreindre l’application de cette proposition de loi, et aussi à en exclure les stages réalisés dans le cadre des enseignements dispensés selon les modalités définies dans le code rural.

Par ailleurs, madame, monsieur les ministres, je crois qu’il sera indispensable de prévoir, dans un an, un bilan de cette réforme. §Je ne vous propose pas un nouveau document, que notre assemblée aurait des difficultés à produire, mais un vrai bilan objectif, qui devrait permettre de vérifier si ces mesures n’ont pas été néfastes pour les jeunes de l’enseignement professionnel, en particulier ceux de l’agriculture et des services à la personne.

Il serait pertinent de s’assurer que les élèves trouvent encore des stages pour parfaire leur formation et que les structures accueillantes n’ont pas été découragées pour former nos jeunes.

Mmes Muguette Dini et Esther Sittler ainsi que MM. Gérard Bailly et François Trucy applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, l’article 1er de cette proposition de loi a le mérite de prévoir un début d’encadrement des stages, censés compléter l’apprentissage académique par la pratique, qui sont initialement pensés pour mettre en œuvre l’idée selon laquelle une formation qui dispense essentiellement des savoirs peut utilement être accompagnée par la confrontation à un milieu professionnel, lequel permet de passer du savoir au savoir-faire.

Pour autant, les stages ont été détournés de leur vocation première, et servent dans une grande majorité des cas aux entreprises, qui les utilisent comme moyen de substitution à de véritables emplois.

Les stagiaires présentent en effet l’avantage pour les entreprises d’être une main-d’œuvre extrêmement économique, à peine plus de 450 euros par mois, tout en étant quasiment dépourvue de droits.

Si nous continuons de penser que les stages peuvent avoir une utilité, dans leur dimension éducative, il est indispensable et urgent d’enrayer les dérives qui les entourent.

Pour cela, il faut les encadrer et les définir plus strictement dans la loi. Tel est l’objectif de la présente proposition de loi.

Faute de quoi, la progression du chômage aidant, les propositions du MEDEF d’un SMIC inférieur pour les jeunes n’auront plus besoin de nouvelles lois, mais viendront trouver leurs applications de manière détournée dans les stages.

L’article 1er de cette proposition de loi répond à un certain nombre des questions que nous pouvons nous poser.

Il prévoit, par exemple, de limiter la durée des stages à six mois, ainsi d’ailleurs que le nombre de stagiaires par entreprise. C’est indispensable si l’on veut que les stages ne soient pas un mode de fonctionnement pérenne de l’entreprise, substitutif à l’emploi.

Dans la même optique, cette proposition de loi prévoit l’interdiction de conclure une convention de stage sur des missions correspondant à un poste de travail permanent, ou pour remplacer un salarié absent ou malade.

L’article 1er inscrit également dans la loi l’obligation pour l’établissement universitaire délivrant des conventions de stages de dispenser un volume minimal de formation au sein de l’établissement.

Ce point permettra de lutter contre les établissements qui créent des formations, essentiellement des DU, ou diplômes universitaires, qui ne sont pas diplômantes, ne comportent aucun cours, mais sont uniquement destinées à délivrer des conventions de stages, en général à des jeunes ayant fini leurs études, mais qui, ne trouvant pas d’emplois et faute de mieux, préfèrent acquérir une expérience « professionnelle » supplémentaire en effectuant un stage.

Cet article 1er prévoit aussi un meilleur encadrement, avec la désignation d’un tuteur qui doit accompagner le stagiaire au sein de l’entreprise, et une amélioration des droits du stagiaire, notamment en termes de congés.

Ces dispositions sont des avancées positives, mais qu’il faut à notre sens compléter. C’est dans cet esprit que nous allons présenter un certain nombre d’amendements.

Je ne ferai que les énumérer ici, puisque nous allons vous les présenter plus en détail lors de l’examen de l’article.

Nous proposerons notamment une revalorisation de la gratification des stagiaires, pour la porter, au minimum, à 50 % du SMIC. Les jeunes stagiaires se retrouvent en effet dans une situation de précarité inadmissible, et ils doivent pouvoir disposer de plus d’argent afin de pouvoir subvenir à leurs besoins.

Et encore, quand ils sont rémunérés, car, actuellement, les stages effectués au sein d’administrations publiques et les stages de moins de deux mois ne font pas l’objet de rémunérations obligatoires. Cela nous semble un point important, sur lequel il nous faudra revenir.

Pour lutter efficacement contre l’utilisation des stages en lieu et place d’emplois pérennes, nous proposons également d’introduire un délai de carence d’une durée équivalant à la période de stage, pour éviter que les stagiaires ne se succèdent sur des postes qui, finalement, sont permanents.

Enfin, nous proposerons de supprimer la période d’essai pour les jeunes qui seraient embauchés à l’issue de leur stage par l’entreprise au sein de laquelle ils l’ont effectué.

Toutes nos propositions, comme vous avez pu le constater si vous avez été attentifs à mon propos, …

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

… s’inscrivent dans la même optique que cet article 1er, et viennent utilement le compléter pour lutter efficacement contre le recours abusif aux stages et assurer la protection des stagiaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que je bénéficierai de la même attention de la part de mes collègues que Mme Cohen à l’instant. Elle et moi sommes solidaires dans cette supplique !

Avant d’entamer la discussion de l’article 1er, monsieur le ministre, je tenais à dire combien, dans le monde rural, les responsables des maisons familiales rurales sont préoccupés par les conséquences attendues de cette proposition de loi. Son principe n’est pas contesté. Qu’il y ait eu des abus dans un certain nombre de secteurs, notamment dans l’enseignement supérieur, personne ne peut le contester. En revanche, vouloir étendre à plus de 1 million de stagiaires les dispositions inscrites dans ce texte va en fait tarir la source.

Aujourd'hui, pour chaque stage, il faut un maître de stage. Or qui sont les maîtres de stage ? Ce sont de petites entreprises, pas seulement agricoles. Les maisons familiales rurales forment aujourd'hui à des métiers qui intéressent un certain nombre de secteurs d’activité. Je pense au bois, bien sûr, à l’agriculture, mais également à d’autres domaines. Or les maîtres d’apprentissage ont peu à peu renoncé à accueillir des stagiaires. On le voit bien, monsieur le ministre, un stagiaire est accueilli parce que quelqu’un accepte de rendre service. C’est déjà très difficile.

Nous-mêmes, en tant qu’élus, nous sommes sollicités par des jeunes qui rencontrent de graves difficultés alors qu’il leur faut impérativement trouver un stage. Demain, les maîtres de stage renonceront, compte tenu de la difficulté. §

Une confusion va s’installer concernant le statut des jeunes qui sont concernés. Un apprenti relève du code du travail. C’est un salarié. Il est soumis aux règles. Bien sûr, je ne le conteste pas. Mais ces jeunes ne sont pas des apprentis, ce sont des stagiaires. Or les stagiaires vont être également concernés par un certain nombre de dispositions particulièrement lourdes. Je les cite rapidement : tenir un registre du personnel, la gratification si le stage est supérieur à deux mois – par voie de conséquence, refus de tout stage dépassant cette durée –, décompte le temps de travail, risques juridiques liés notamment à la requalification éventuelle du stage en contrat de travail, sans parler des contrôles de l’inspection du travail.

D’une façon générale, on le sent bien, l’alternance suscite des inquiétudes, qui sont légitimes. Les maisons familiales rurales – je suis, comme d’autres ici le seront tout à l’heure en présentant des amendements, l’un de leurs porte-parole – estiment que la volonté affichée par le Gouvernement de soutenir la formation en alternance ne se traduit pas dans les faits en leur faveur. Ainsi, elles assistent à la suppression des différentes formes de préapprentissage ; elles rencontrent des difficultés avec les procédures de dérogation pour l’utilisation des machines dites « dangereuses » ; elles doivent faire face à des incertitudes sur la taxe d’apprentissage ; elles subissent les coups de rabot sur les aides accordées aux employeurs d’apprentis et la réduction du crédit d’impôt d’apprentissage ; elles sont confrontées au blocage du financement attribué aux maisons familiales rurales jusqu’en 2017.

Bref, je le répète, ce sont des inquiétudes légitimes. Monsieur le ministre, nous sommes tout à fait favorables à ce que des dispositions soient adoptées pour mettre fin aux excès que tout le monde connaît, mais la généralisation à tous les stagiaires du dispositif proposé entraînera de graves difficultés, dont les jeunes seront malheureusement les victimes. §

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Ump

Très bien !

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

M. François Rebsamen, ministre. Monsieur Lenoir

M. Jean-Claude Lenoir s’entretient avec plusieurs collègues du groupe UMP.

Debut de section - Permalien
François Rebsamen, ministre

Je pense, monsieur le sénateur, que vous avez un peu mélangé les choses et que vous n’avez pas bien écouté ce que j’ai dit. Le stage, ce n’est pas l’alternance, ce n’est pas l’apprentissage. Dans votre intervention, vous avez confondu les maîtres de stage des apprentis et les stagiaires. Or ce n’est pas du tout la même chose. Je tenais à l’indiquer.

Puisque vous avez évoqué l’apprentissage – c’est ce qui m’a fait réagir –, permettez-moi de vous donner quelques chiffres. En 2006, il y avait environ 370 000 jeunes en apprentissage. En 2007-2008, on a atteint le nombre de 400 000, lequel s’est ensuite stabilisé jusqu’à la fin de l’année 2012, où il est monté à 435 000. Puis il y a eu un petit problème, et on est redescendu à 400 000. Il n’y a donc pas là de quoi faire la leçon à d’autres, au contraire. L’apprentissage, je le répète, n’a rien à voir avec les stages.

Les stagiaires, eux, on l’a dit, sont au nombre de 1, 1 million ou 1, 2 million par an. Il y en avait 600 000 en 2006. Cela n’a donc rien à voir. Le public concerné n’est pas du tout le même.

Le stage offre la possibilité à un jeune de découvrir le monde du travail, de s’y insérer et, souvent – une fois sur trois –, de se voir proposer, on l’a dit, une embauche à la sortie.

L’apprentissage, c’est un cursus professionnel qui débouche souvent directement sur un emploi. C’est un parcours avec des formations qualifiantes. Il n’a rien à voir avec les stages.

Le Président de la République a fixé un objectif de 500 000 apprentis. Nous devons donc encore, tous ensemble, faire des efforts. Parler de l’apprentissage, c’est bien, mais faire augmenter le nombre d’apprentis, c’est mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 59 rectifié bis, présenté par MM. Revet, Magras et J. Boyer, Mme Sittler, M. D. Laurent, Mme Bruguière et M. Portelli, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de l’éducation est ainsi modifié :

1° L’article L. 612–8 est ainsi rédigé :

« Art. L. 612–8. - Les enseignements supérieurs peuvent comporter des stages.

« Les stages ne relevant pas de la formation professionnelle tout au long de la vie définie à la sixième partie du code du travail, ni de la formation professionnelle tout au long de la vie, définie à la sixième partie du même code, font l’objet d’une convention entre le stagiaire, l’organisme d’accueil et l’établissement d’enseignement, dont les mentions obligatoires sont déterminées par décret.

« Les stages correspondent à des périodes temporaires de mise en situation en milieu professionnel au cours desquelles l’étudiant acquiert des compétences professionnelles et met en œuvre les acquis de sa formation en vue de l’obtention d’un diplôme ou d’une certification et de favoriser son insertion professionnelle. Le stagiaire se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil.

2° Après l’article L. 612–8, sont insérés trois articles L. 612–8–1 à L. 612–8–3 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–8–1 . – L’établissement d’enseignement est chargé :

« 1° D’appuyer et d’accompagner les étudiants dans leur recherche de stage correspondant à leur cursus et à leurs aspirations et de favoriser un égal accès des étudiants aux stages ;

« 2° De définir dans la convention, en lien avec l’organisme d’accueil et le stagiaire, les compétences à acquérir ou à développer au cours du stage et la manière dont celui-ci s’inscrit dans le cursus de formation ;

« 3° De désigner un enseignant référent au sein des équipes pédagogiques de l’établissement, qui s’assure du bon déroulé du stage et du respect des stipulations de la convention mentionnées à l’article L. 612–8. Le nombre de stagiaires suivis simultanément par un même enseignant référent et les modalités de ce suivi régulier sont définis par le conseil d’administration de l’établissement, dans des conditions fixées par décret ;

« 4° D’encourager la mobilité internationale des stagiaires, notamment dans le cadre des programmes de l’Union européenne.

« Art. L. 612–8–2 . – Les stages sont intégrés à un cursus pédagogique universitaire, selon des modalités déterminées par décret. Un volume pédagogique minimal de formation en établissement, ainsi que les modalités d’encadrement du stage par l’établissement d’enseignement et l’organisme d’accueil sont fixés par ce décret et précisés dans la convention de stage. » ;

3° L’article L. 612-14 devient l’article L. 612–8–3 et, à la première phrase, les mots : « élève ou » sont supprimés ;

4° À la première phrase de l’article L. 612–9, les mots : « une même entreprise » sont remplacés par les mots : « un même organisme d’accueil » ;

5° L’article L. 612-11 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est ainsi modifiée :

– les mots : « de stage au sein d’une même entreprise, administration publique, assemblée parlementaire, assemblée consultative, association ou au sein de tout autre » sont remplacés par les mots : « du stage au sein d’un même » ;

– les mots : « au cours d’une même année scolaire ou universitaire » sont remplacés par les mots : « au cours d’une même année d’enseignement » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La gratification mentionnée au premier alinéa est due au stagiaire à compter du premier jour du premier mois de la période de stage. » ;

6° Après l’article L. 612–11, sont insérés des articles L. 612–11–1 à L. 612–11–4 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–11–1 . – Aucune convention de stage ne peut être conclue pour exécuter une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent, pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’organisme d’accueil, pour occuper un emploi saisonnier ou pour remplacer un salarié ou agent en cas d’absence ou de suspension de son contrat de travail.

« Art. L. 612–11–2 . – Le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours sur une même semaine civile dans l’organisme d’accueil ne peut pas être supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. Pour l’application de cette limite, il n’est pas tenu compte des périodes de prolongation prévues à l’article L. 612–11–9.

« Art. L. 612–11–3 . – L’organisme d’accueil désigne un tuteur chargé de l’accueil et de l’accompagnement du stagiaire. Le tuteur est garant du respect des stipulations pédagogiques de la convention prévues au 2° de l’article L. 612–8–1.

« Un accord d’entreprise peut préciser les tâches confiées au tuteur, ainsi que les conditions de l’éventuelle valorisation de cette fonction.

« Art. L. 612–11–4 . – Un tuteur de stage ne peut pas être désigné si, à la date de la conclusion de la convention, il est par ailleurs désigné en cette qualité dans un nombre de conventions prenant fin au-delà de la semaine civile en cours supérieur à un nombre fixé par décret en Conseil d’État. » ;

7° L’article L. 612-10 devient l’article L. 612–11–5 ;

8° Après l’article L. 612–11–5, dans sa rédaction résultant du 7° du présent article, sont insérés des articles L. 612–11–6 à L. 612–11–9 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–11–6 . – Les stagiaires bénéficient des protections et droits mentionnés aux articles L. 1121-1, L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés.

« Art. L. 612–11–7 . – En cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, le stagiaire bénéficie de congés et d’autorisations d’absence d’une durée équivalente à celles prévues pour les salariés aux articles L. 1225-16 à L. 1225-28, L. 1225-35, L. 1225-37 et L. 1225-46 du code du travail.

« Pour les stages dont la durée est supérieure à deux mois et dans la limite de la durée maximale prévue à l’article L. 612–9, la convention de stage doit prévoir la possibilité de congés et d’autorisations d’absence au bénéfice du stagiaire au cours du stage.

« Pour les stages d’une durée supérieure à celle mentionnée à l’article L. 612–11 du présent code, le stagiaire a accès au restaurant d’entreprise ou aux titres-restaurant prévus à l’article L. 3262-1 du code du travail, dans les mêmes conditions que les salariés de l’organisme d’accueil. Il bénéficie également de la prise en charge des frais de transport prévue à l’article L. 3261-2 du même code.

« Art. L. 612–11–8 . – La présence du stagiaire dans l’organisme d’accueil suit les règles applicables aux salariés de l’organisme pour ce qui a trait :

« 1° À la présence de nuit ;

« 2° Au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés.

« Pour l’application du présent article, l’organisme d’accueil établit, selon tous moyens, un décompte des durées de présence du stagiaire.

« Le temps de présence du stagiaire fixé par la convention de stage ne peut excéder la durée légale hebdomadaire de travail fixée par l’article L. 3121–10 du code du travail.

« Il est interdit de confier au stagiaire des tâches dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

« Art. L. 612–11–9 . – Lorsque le stagiaire interrompt son stage pour un motif lié à la maladie, à un accident, à la grossesse, à la paternité, à l’adoption ou, en accord avec l’établissement, en cas de non-respect des stipulations pédagogiques de la convention ou en cas de rupture de la convention à l’initiative de l’organisme d’accueil, le rectorat ou l’établissement d’enseignement supérieur peut choisir de valider le stage, même s’il n’a pas atteint la durée prévue dans le cursus. En cas d’accord des parties à la convention, un report de la fin du stage, en tout ou partie, est également possible. » ;

9° Après l’article L. 612–12 sont insérés des articles L. 612–12–1 à L. 612–12–4 ainsi rédigés :

« Art. L. 612–12–1 . – La méconnaissance des articles L. 612–11–2, L. 612–11–3 et L. 612–11–8est constatée par les agents de contrôle de l’inspection du travail mentionnés aux articles L. 8112-1 et L. 8112-5 du code du travail.

« Les manquements sont passibles d’une amende administrative prononcée par l’autorité administrative.

« Le montant de l’amende est d’au plus 2 000 € par stagiaire concerné par le manquement et d’au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d’un an à compter du jour de la notification de la première amende.

« Le délai de prescription de l’action de l’administration pour la sanction du manquement par une amende administrative est de deux années révolues à compter du jour où le manquement a été commis.

« L’amende est recouvrée comme les créances de l’État étrangères à l’impôt et au domaine.

« Art. L. 612–12–2 . – La durée du ou des stages prévue aux articles L. 612–9 et L. 612–11 est appréciée en tenant compte de la présence effective du stagiaire dans l’organisme d’accueil, sous réserve de l’application de l’article L. 612–11–7.

« Art. L. 612–12–3 . – Pour favoriser la mobilité internationale, les stages peuvent être effectués à l’étranger. Les dispositions relatives au déroulement et à l’encadrement du stage à l’étranger font l’objet d’un échange préalable entre l’établissement d’enseignement, le stagiaire et l’organisme d’accueil, sur la base de la convention définie au deuxième alinéa de l’article L. 612–8.

« Art. L. 612–12–4 . – Pour chaque stage à l’étranger, est annexée à la convention de stage une fiche d’information relative aux droits et devoirs du stagiaire dans le pays d’accueil, dans des conditions fixées par décret. » ;

10° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 611-5 est ainsi rédigée :

« Ce bureau remplit la mission définie au 1° de l’article L. 612–8–1. » ;

11° L’article L. 612–13 est abrogé.

II. – Le chapitre IV du titre V du livre IV de la première partie du code du travail est complété par une section 3 ainsi rédigée :

« Section 3

« Demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage

« Art. L. 1454–5. – Lorsque le conseil de prud’hommes est saisi d’une demande de requalification en contrat de travail d’une période de formation en milieu professionnel ou d’un stage mentionnés à l’article L. 612–8 du code de l’éducation, l’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine. »

III. – Un décret fixe les formations pour lesquelles il peut être dérogé à la durée de stage prévue à l’article L. 612–9 du code de l’éducation pour une période de transition de deux ans à compter de la publication de la loi n° … du … tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires.

IV. – À la deuxième phrase du troisième alinéa de l’article L. 4381–1 du code de la santé publique, les mots : « l’article 9 de la loi n° 2006–396 du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances » sont remplacés par les mots : « l’article L. 612–11 du code de l’éducation ».

La parole est à M. Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Les interventions que nous venons d’écouter auraient pu suffire pour présenter cet amendement.

Que ce soit Raymond Couderc – le mieux est l’ennemi du bien –, Mme Férat ou Jean-Claude Lenoir à l’instant, chacun a fait part des inquiétudes suscitées par le dispositif qui nous est proposé et souhaité, madame, monsieur les ministres, que tous les aspects ayant été mis en avant soient pris en compte. Les stages, les systèmes de formation en alternance sont différents, et il faut tenir compte de ces différences.

Nous sommes tous d’accord, monsieur le ministre, pour reconnaître qu’il y a des abus et pour qu’ils soient réprimés, car ils sont scandaleux. Toutefois, dans la majorité des cas, les stages effectués s’inscrivent bien dans le cadre de la formation. Ils font partie de la formation et sont obligatoires.

Comme nous, monsieur le ministre, vous avez tenu – vous en tenez peut-être encore – des permanences et vous avez vu des jeunes qui ne parvenaient pas à trouver un stage, lequel est pourtant indispensable à l’obtention du diplôme.

Il faut prendre en compte la diversité des situations. Nous avons beaucoup parlé des maisons familiales rurales, qui effectuent, vous le savez, un travail extraordinaire. Dans mon département, les jeunes, qui ont pratiquement tous leur CAP, ont presque tous une possibilité de placement à l’issue de leur formation. Il faut en tenir compte.

Ce qui est vrai, c’est que de nombreux jeunes ont des difficultés pour trouver un stage, parce qu’il y a trop de contraintes, trop de difficultés. Dans ce cas, c’est le diplôme qui est en cause. Je me souviens ainsi d’un jeune qui est venu me voir il y a quelques semaines et qui m’a dit que s’il ne trouvait pas un stage dans les huit jours, il n’obtiendrait pas son diplôme. J’ai réussi à l’aider. On peut essayer de le faire de temps à autre, autant que possible. Mais les entreprises elles aussi ont leurs contraintes. Il faut avoir cela à l’esprit, monsieur le ministre.

Je pense aux maisons familiales rurales parce que c’est vrai qu’il y en a partout. Au demeurant, monsieur le ministre, si le même type de structures pouvait être mis en œuvre dans certaines zones urbaines, cela faciliterait peut-être beaucoup les choses et l’intégration des jeunes.

Tel est l’objet de cet amendement, qui vise à réécrire l’article 1er. C’est dans cet esprit que mes collègues et moi-même l’avons déposé. Nous présenterons ultérieurement d’autres amendements, qui iront dans le même sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

Cet amendement est bien sûr en contradiction avec l’esprit du texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… qui institue un cadre unique pour tous les cursus comportant des périodes de mise en situation professionnelle, qu’ils soient dans le supérieur ou le secondaire. Pour ces derniers, cela revient en fait à inscrire dans la loi des règles jusqu’à présent fixée à un niveau inférieur, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Godefroy

… pour les clarifier et, surtout, leur donner leur pleine portée.

Mon cher collègue, ce n’est pas parce qu’un jeune de seize ou dix-sept ans ne passe qu’un mois en entreprise qu’il ne doit pas avoir des droits ou qu’il ne faudrait pas signer une convention.

Aussi, la commission vous prie de bien vouloir retirer votre amendement afin que nous puissions débattre valablement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

J’entends bien vos inquiétudes, mesdames, messieurs les sénateurs, aussi permettez-moi de les reprendre une par une, même si nous y reviendrons au cours du débat, et d’apporter quelques précisions.

La première concerne la spécificité des maisons familiales rurales. Nous vous proposerons dans le cours de la discussion, au moment opportun, un amendement tendant à préserver les stages dans les maisons familiales rurales, qui sont spécifiques. La formation y est tellement professionnalisante qu’elle se fait principalement in situ, dans des fermes, dans des exploitations, ou dans des établissements souvent petits.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Je le sais bien.

La formation comprend quarante semaines de stage en deux ans.

Effectivement, si on prenait la proposition de loi qui vous est aujourd'hui proposée stricto sensu, cela pénaliserait les maisons familiales rurales.

Comme nous l’avons fait pour le secteur social lors du débat à l’Assemblée nationale, nous vous proposerons par amendement des mesures spécifiques qui permettront de ne pas pénaliser ces formations, qui sont bien, mais qui ne représentent pas l’ensemble des formations.

Cet amendement vous sera donc proposé.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Nous aurons cet amendement dans l’heure, car il nécessite une petite négociation avec le ministère de l’agriculture, qui, au dernier moment, a souhaité ajouter une disposition.

J’en viens à l’argument selon lequel cette proposition de loi ne devrait pas s’appliquer au secondaire, donc aux lycées professionnels. Je tiens à préciser, ce qui vous a peut-être échappé d’ailleurs, que depuis le début de la législation sur les stages, c'est-à-dire 2006, l’enseignement professionnel a toujours été concerné, dans les quatre dispositifs législatifs successifs, même si cela a été appliqué de façon plus ou moins heureuse.

Nous vous proposerons, là encore, parce qu’il existe des spécificités, un amendement – l’amendement n° 141 – tendant à protéger la formation dans les lycées professionnels.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons tenu compte des spécificités.

Nous avons voulu un dispositif législatif simplifié, pragmatique, qui prenne en compte la réalité et qui soit bénéfique à la fois pour les jeunes et pour les entreprises. Peu d’entreprises, c’est vrai – elles constituent une minorité –, ne sont pas vertueuses, mais le fait est qu’elles jettent le discrédit sur l’ensemble des autres entreprises. Or le stage est la première vision que les jeunes ont du monde du travail. Il est donc essentiel que cette vision soit la plus positive possible, surtout dans les secteurs industriels et de l’agriculture, secteurs vers lesquels les jeunes ne choisissent pas de s’orienter et où il y a des métiers en tension.

Nous aurons l’occasion de voir, au fur et à mesure de la discussion, que toutes ces spécificités ont bien été prises en compte.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de rejeter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Madame, monsieur les ministres, l’enjeu est trop important. Pour ma part, je considère que la rédaction actuelle présente trop de risques pour les jeunes. Or c’est à eux que nous devons penser, à leur formation, à la possibilité qu’ils auront ensuite de trouver un emploi.

J’entends bien ce que vous dites. Nous verrons tout à l’heure ce qu’il adviendra, car d’autres amendements seront présentés. Pour l’heure, je maintiens mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je vous ferai d'abord une petite remarque, monsieur le ministre. Non, il n’y avait pas de confusion dans mes propos. J’ai simplement, dans un souci de concision, pour être compendieux, rassemblé plusieurs éléments d’information que je voulais porter à votre connaissance. Je fais bien la distinction entre les stages et l’apprentissage ; la lecture du compte rendu des débats au Journal Officiel permettra d’en avoir confirmation.

Madame la ministre, vous nous avez apporté un élément important, mais nous travaillons tout de même dans des conditions assez étonnantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Nous discutons d’un amendement important, puisqu’il tend à réécrire l’article 1er. Nous posons des questions que vous estimez légitimes ; je prends acte de vos propos. Cependant, vous nous annoncez, pour nous rassurer, que le Gouvernement présentera un amendement tout à l'heure, alors que nous aurions besoin de connaître dès à présent cet amendement pour pouvoir décider du sort qu’il faut réserver à l’excellent amendement de Charles Revet, qui constitue un rempart face à un certain nombre de problèmes.

Je me tourne à la fois vers le Gouvernement et vers la présidente de la commission. La commission a-t-elle examiné l’amendement du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je ne voudrais pas perturber le déroulement de nos travaux, mais n’y a-t-il pas un moyen pour que nous soyons éclairés au sujet de cet amendement ? Il me semble que ce serait une meilleure façon de travailler.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Les maisons familiales rurales ne nous ont signalé qu’aujourd'hui l’inconvénient dont j’ai parlé. Nous avons mené la négociation dans les meilleurs délais. L’amendement vous parviendra d’ici à dix minutes. Or il nous reste une vingtaine d’amendements à examiner avant d’atteindre les amendements relatifs aux maisons familiales rurales. Nous avons donc un peu de temps devant nous. En tout état de cause, il me semble inopportun de mettre en péril le dispositif législatif dès le premier amendement. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un bon dispositif, favorable aux jeunes.

Tout à l'heure, vous avez dit que les jeunes venaient nous voir dans nos permanences – cela m’est arrivé il n’y a pas si longtemps – pour nous dire que la réussite de leur formation était compromise s’ils ne trouvaient pas de stage. Ces jeunes viennent en réalité pour nous dire qu’on ne les accepte pas dans les formations en alternance s’ils n’ont pas trouvé d’entreprise pour les accueillir.

Debut de section - Permalien
Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

Ce ne sont pas les stages qui sont en cause. Dans l’enseignement secondaire, les lycées professionnels se chargent de trouver les stages ; dans l’enseignement supérieur, les bureaux d’aide à l’insertion professionnelle des étudiants ont été chargés de cette mission par la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche. Les stages sont tellement intégrés à la formation qu’ils sont complètement en phase avec les demandes du milieu socio-économique ; dans ce cadre, aucun jeune ne reste sur le carreau.

Les jeunes qui restent sur le carreau, ce sont ceux qui ne peuvent pas s’engager dans une formation en alternance. C’est vrai que nous en voyons beaucoup, et que les jeunes issus des milieux les plus défavorisés sont pénalisés par leur manque de réseau. Ce n’est pas acceptable, bien entendu, mais c’est un autre débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je suis enchantée d’entendre Mme la ministre dire que les préoccupations des maisons familiales rurales seront prises en compte. En effet, nous avons tous été sollicités, non pas aujourd'hui, mais il y a déjà longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Je m’étonne d'ailleurs que les maisons familiales rurales n’aient pas contacté le Gouvernement avant de contacter les parlementaires.

Vous savez bien que la législation sur les stages pose des problèmes dans certaines filières, comme l’action sociale, qui incluent des stages rémunérés obligatoires dans la formation. Si le Sénat a voté une proposition de loi, c’était pour éviter que certaines filières sanitaires et sociales ne disparaissent.

J’en viens à l’amendement de Charles Revet. Je suis gênée. J’estime tout d'abord que l’enseignement agricole ne devrait pas être le seul concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

L’amendement me semble donc incomplet. En outre, il me pose problème en raison des incidences que son adoption aurait sur le reste du texte de la commission, à l’élaboration duquel nous avons travaillé. C'est pourquoi je ne prendrai pas part au vote sur cet amendement, à moins qu’il ne soit possible d’étendre ses dispositions à d’autres secteurs que le secteur agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix l'amendement n° 59 rectifié bis.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du scrutin n° 173 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 mai 2014, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, de la loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’informe le Sénat que le groupe socialiste et apparentés a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances, à la place laissée vacante par M. François Rebsamen, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante.