Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, comme cela a été largement souligné, un grand nombre de nos entreprises souffrent de concurrence déloyale du fait du détachement des travailleurs dans l’Union européenne.
Ces difficultés concernent, certes, l’ensemble de notre pays, mais elles sont particulièrement ressenties dans les zones frontalières. En tant qu’Alsacien, à l’instar de Roland Ries, je suis bien placé pour en parler. Ainsi, depuis de nombreuses années, les entreprises de la bande rhénane alsacienne sont régulièrement confrontées à la concurrence d’entreprises allemandes qui utilisent des travailleurs détachés, la plupart du temps en provenance des pays de l’Est, à des conditions tarifaires dérisoires, et je pèse mes mots !
En effet, du seul fait de l’affiliation au système de sécurité sociale du pays d’origine, l’économie réalisée par le recours à ces travailleurs peut représenter jusqu’à 30 % du coût salarial.
À cela s’ajoutent des salaires souvent considérablement plus bas que chez nous. En effet, comme vous le savez, il n’existe pas de SMIC en Allemagne, et la Cour de justice de l’Union européenne a estimé impossible d’exiger des entreprises de détachement une adhésion à des conventions collectives qui ne sont pas d’application générale.
De nombreux secteurs sont concernés, en particulier le bâtiment. Dans l’agriculture, il est affligeant de voir à quel point les distorsions de concurrence sont fortes entre les planteurs d’asperges alsaciens et ceux d’outre-Rhin, qui sont installés à seulement un kilomètre de chez nous. Le coût du travail est bien différent de part et d’autre de la frontière, et il ne reste à nos exploitants récoltants que leurs yeux pour pleurer... Mais je pourrais citer bien d’autres domaines d’activité.
Je ne reviendrai pas sur le diagnostic, me contentant de souligner que la proposition de loi qui nous est soumise tend à apporter une réponse intelligente au détournement des deux directives concernées, la directive de 1996 relative au détachement des travailleurs et la directive Bolkestein.
Je suis satisfait, à titre personnel, que ce texte reprenne des mesures issues de l’accord des ministres européens du 9 décembre dernier, telle la responsabilité solidaire. Il est en effet nécessaire d’instaurer une obligation pour le donneur d’ordre de s’assurer de la régularité de l’entreprise prestataire, sous peine de responsabilité solidaire pour le paiement des salaires.
Il me semble, aussi, extrêmement important d’engager la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés, et non plus seulement en cas de défaut de paiement des salaires. Tel est l’objet de cet article 1er, dont je me félicite.
J’ajouterai un mot sur la mise en place d’une liste noire d’entreprises indélicates.
Je suis de ceux qui considèrent qu’il faut revenir sur le montant minimal de 15 000 euros. Pourquoi ce seuil et pas un autre ? Dès lors que le délit est consommé, il me paraît normal que l’entreprise qui a pris le risque figure sur cette liste noire ! J’y reviendrai.
Pour autant, monsieur le ministre, permettez-moi de dire, à mon tour, mon regret que ne puisse être imposée à l’avenir l’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’accueil pour les travailleurs détachés, sauf si le droit du pays d’envoi est plus favorable. C’est en effet de cette question que sont nées l’absence de transparence, puis la montée de la fraude, inacceptable, pratiquée par certaines entreprises étrangères qui se contentent de présenter aux contrôleurs et aux inspecteurs du travail une attestation sur l’honneur selon laquelle elles ont payé des cotisations sociales à l’étranger.
L’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’envoi est à l’origine de tous ces abus.
En conclusion, mes chers collègues, je soutiens la volonté de prendre de l’avance sur la future réglementation européenne. Je suis tout à fait favorable au fait de border le dispositif de responsabilité solidaire. En Alsace, nous sommes particulièrement attentifs à cette difficulté.
Il est toutefois à craindre que, malgré ce dispositif, le dumping social ne continue, tout simplement parce que le coût du travail est trop élevé dans notre pays. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce problème majeur, qui est à l’origine du dumping social. C’est cela qui conduit nos entreprises à mettre en œuvre toutes les démarches possibles pour remédier à l’importance de ce coût.
Sur ce point, monsieur le ministre, les mesures prises par le Gouvernement ne sont toujours pas à la hauteur des exigences de la conjoncture actuelle. Je suis convaincu qu’il doit agir le plus tôt possible et plus fortement en matière de compétitivité-coûts. §