Au moment de conclure ce débat, je souhaiterais revenir sur deux points particuliers.
Tout d’abord, face au dumping social et à l’explosion du nombre de travailleurs détachés au cours des cinq dernières années – nous avons noté les chiffres –, le législateur n’avait d’autre choix que de se saisir du problème sans attendre que la Commission européenne reprenne ses travaux, au risque d’accuser un certain retard.
La majorité, à travers ce gouvernement, a donc pris ses responsabilités en soumettant à notre examen cette proposition de loi.
Ensuite, le présent texte contient, parmi les dispositions euro-compatibles, les mesures les plus à même de limiter les abus et contournements des directives dites « Bolkestein » et « de détachement des travailleurs ».
Permettez-moi néanmoins, mes chers collègues, d’exprimer quelques réserves, d’ordre chronologique notamment. Légiférer sur ce sujet avant que la future Commission européenne ne soit formée ne me semble pas être un signe de défiance à son endroit. Les discussions, qu’elles aient lieu dans un cadre intergouvernemental ou communautaire, ont avancé depuis que la Commission européenne a présenté, le 21 mars 2012, une proposition de directive d’exécution de la directive. Nous sommes donc d’accord avec vous, monsieur le ministre, sur la question de l’opportunité de la présente proposition de loi.
Sur le fond, je rejoins la position exprimée par Jean Bizet lors de la discussion générale. Malgré les modifications souvent nécessaires que le Sénat a pu apporter, l’opérationnalité de certaines dispositions est, dans le meilleur des cas, contestable. Nous sommes toujours favorables au principe de responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-paiement des salaires ; cela est d’une redoutable évidence.
Cependant, et toujours sans la moindre ambiguïté, nous sommes opposés, je le répète, à l’article 1er ter, qui engage la responsabilité solidaire du donneur d’ordre en cas de non-respect du noyau dur des obligations incombant aux employeurs qui détachent des salariés. M. le ministre l’a rappelé, l’inspection du travail n’est pas la seule habilitée à contrôler le respect des règles, mais les sous-traitants peuvent intervenir à tout moment sur un chantier. On voit donc bien la difficulté.
Nous sommes également perplexes quant aux conséquences de l’adoption de l’article 7 bis, je l’ai signalé lors de mon explication de vote sur cet article, qui instaure deux nouvelles peines pour les entreprises condamnées pour travail dissimulé : l’exclusion de toute aide publique pendant une durée de cinq ans, et l’exclusion de toute aide financière versée par une personne privée chargée d’une mission de service public. Songeons, mes chers collègues, aux entreprises qui feront l’objet d’une reprise, et qui seront ainsi pénalisées.
Enfin – et cette interrogation trouve un écho particulier avec l’adoption, hier, de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié –, nous doutons du respect du principe constitutionnel selon lequel nul ne plaide par procureur, que semblent ignorer les articles 6 bis et 7, malgré les améliorations que le Sénat a apportées sur ce point.
Dès lors, parce que ce texte répond à une urgence sociale, les membres du groupe UMP ne s’y opposeront pas. Mais parce qu’il reste approximatif sur le plan constitutionnel et imprécis quand il aborde les relations entre donneurs d’ordre et sous-traitants, les sénateurs UMP s’abstiendront.