Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que je bénéficierai de la même attention de la part de mes collègues que Mme Cohen à l’instant. Elle et moi sommes solidaires dans cette supplique !
Avant d’entamer la discussion de l’article 1er, monsieur le ministre, je tenais à dire combien, dans le monde rural, les responsables des maisons familiales rurales sont préoccupés par les conséquences attendues de cette proposition de loi. Son principe n’est pas contesté. Qu’il y ait eu des abus dans un certain nombre de secteurs, notamment dans l’enseignement supérieur, personne ne peut le contester. En revanche, vouloir étendre à plus de 1 million de stagiaires les dispositions inscrites dans ce texte va en fait tarir la source.
Aujourd'hui, pour chaque stage, il faut un maître de stage. Or qui sont les maîtres de stage ? Ce sont de petites entreprises, pas seulement agricoles. Les maisons familiales rurales forment aujourd'hui à des métiers qui intéressent un certain nombre de secteurs d’activité. Je pense au bois, bien sûr, à l’agriculture, mais également à d’autres domaines. Or les maîtres d’apprentissage ont peu à peu renoncé à accueillir des stagiaires. On le voit bien, monsieur le ministre, un stagiaire est accueilli parce que quelqu’un accepte de rendre service. C’est déjà très difficile.
Nous-mêmes, en tant qu’élus, nous sommes sollicités par des jeunes qui rencontrent de graves difficultés alors qu’il leur faut impérativement trouver un stage. Demain, les maîtres de stage renonceront, compte tenu de la difficulté. §
Une confusion va s’installer concernant le statut des jeunes qui sont concernés. Un apprenti relève du code du travail. C’est un salarié. Il est soumis aux règles. Bien sûr, je ne le conteste pas. Mais ces jeunes ne sont pas des apprentis, ce sont des stagiaires. Or les stagiaires vont être également concernés par un certain nombre de dispositions particulièrement lourdes. Je les cite rapidement : tenir un registre du personnel, la gratification si le stage est supérieur à deux mois – par voie de conséquence, refus de tout stage dépassant cette durée –, décompte le temps de travail, risques juridiques liés notamment à la requalification éventuelle du stage en contrat de travail, sans parler des contrôles de l’inspection du travail.
D’une façon générale, on le sent bien, l’alternance suscite des inquiétudes, qui sont légitimes. Les maisons familiales rurales – je suis, comme d’autres ici le seront tout à l’heure en présentant des amendements, l’un de leurs porte-parole – estiment que la volonté affichée par le Gouvernement de soutenir la formation en alternance ne se traduit pas dans les faits en leur faveur. Ainsi, elles assistent à la suppression des différentes formes de préapprentissage ; elles rencontrent des difficultés avec les procédures de dérogation pour l’utilisation des machines dites « dangereuses » ; elles doivent faire face à des incertitudes sur la taxe d’apprentissage ; elles subissent les coups de rabot sur les aides accordées aux employeurs d’apprentis et la réduction du crédit d’impôt d’apprentissage ; elles sont confrontées au blocage du financement attribué aux maisons familiales rurales jusqu’en 2017.
Bref, je le répète, ce sont des inquiétudes légitimes. Monsieur le ministre, nous sommes tout à fait favorables à ce que des dispositions soient adoptées pour mettre fin aux excès que tout le monde connaît, mais la généralisation à tous les stagiaires du dispositif proposé entraînera de graves difficultés, dont les jeunes seront malheureusement les victimes. §