Intervention de Hélène de Rugy

Commission spéciale sur la lutte contre le système prostitutionnel — Réunion du 30 avril 2014 : 1ère réunion
Audition de Mme Hélène de Rugy déléguée générale de l'amicale du nid de Mm. Yves Charpenel président de la fondation scelles grégoire théry secrétaire général du mouvement du nid et philippe moricet président de l'association altaïr

Hélène de Rugy, déléguée générale de l'Amicale du Nid :

L'Amicale du Nid est une association laïque, professionnelle, regroupant 200 salariés dans huit établissements, dont sept sont des centres d'hébergement et de réinsertion sociale. Nous accompagnons les personnes en danger ou ayant connu la prostitution dans leur insertion socio-professionnelle. L'association mène aussi une action pour sensibiliser le public et former des professionnels. En 2013, nous avons rencontré sur les lieux de prostitution plus de 4 900 personnes et accompagné - ce ne sont pas forcément les mêmes - 4 092 adultes, et plus de 1 000 enfants, qu'on oublie trop souvent. La prévention a touché 1 200 jeunes et la formation 1 500 professionnels.

Voici nos constats : la prostitution est une violence dont nous voyons tous les jours les effets sur les victimes, que nous accompagnons à leur demande et sans conditions. L'impact concerne la santé globale et pas seulement des maladies sexuellement transmissibles. Les personnes que nous rencontrons dans les rues des villes ou sur les routes sont à 97 % étrangères. Nous lançons aussi actuellement des actions expérimentales pour prendre contact avec les personnes par Internet à partir d'un premier inventaire des sites de prostitution, parfois difficiles à identifier, et pour établir un premier lien par chat avec elles, comme en Suède.

L'accompagnement spécialisé est important. Les travailleurs sociaux interviennent avec les valeurs attachées à leur métier, mais aussi avec un suivi spécifique : il faut savoir parler de la prostitution, travailler sur ses représentations et ses conséquences, violences subies, dévalorisation de soi, isolement, perte de lien social, dégradation de la santé physique et psychique, rapport au corps, à la sexualité, au temps, à l'argent et à la parentalité. Il faut prendre en compte les nécessités de protection et de mise à l'abri, l'accès à la santé, à la régularisation administrative, à un revenu, à une formation, à un métier, à un logement. La proposition de loi est un pas en avant, ne serait-ce que parce que l'un des quatre piliers porte sur l'accompagnement et la protection des personnes.

La prévention est cruciale. Il faut d'abord intervenir le plus tôt possible auprès des mineurs prostitués pour éviter que la prostitution devienne une activité chronique : plus nous agissons vite et plus ils ont de chances de se reconstruire un avenir. Il faut aussi mener une politique de prévention générale auprès des collégiens et lycéens, pour affirmer des principes d'égalité entre les femmes et les hommes, incompréhensibles si l'utilisation du corps des femmes est possible et admise dans la prostitution. À cet égard, comment faire de la prévention si la société ne se prononce pas clairement sur l'achat d'actes sexuels ? Un jeune sur un site Internet de chat confiait qu'il ne se sentait pas très bien après être allé à La Jonquera... La première réponse qu'il a reçue a été : « C'est parce que tu as payé trop cher »... Quelle est cette société qui produit de telles réponses ? La proposition de loi est cohérente, il est indispensable d'énoncer que les personnes ne peuvent être réduites à l'état d'objet. L'adoption du texte par l'Assemblée nationale a suscité de grands espoirs chez les personnes prostituées, qui attendent les nouveaux droits qu'elle leur donnera : ne les décevez pas !

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