Le Mouvement du Nid est une association présente dans trente départements, qui rencontre 5 000 personnes sur les lieux de prostitution et en accompagne 1 500 dans des permanences, dont 90 % sont des femmes et 10 % des hommes ou des trans. Ces personnes sont à 85 % étrangères, venant pour l'écrasante majorité d'un nombre limité de pays : Bulgarie, Roumanie, Nigéria, Cameroun et Chine. Un élément marquant est la grande vulnérabilité de ces personnes en très grande exclusion sociale, en désaffiliation, qui n'ont aucune idée des procédures les plus élémentaires d'accès aux droits. Les rencontres internationales nous montrent que c'est le cas partout : en Inde, les prostituées viennent des castes les plus basses ; au Canada, ce sont souvent des femmes autochtones, victimes dans leur enfance d'abus sexuels de masse lors des placements en foyers destinés à les « civiliser », en Europe, ce sont des migrantes de pays moins développés ; 85 % des prostituées bulgares en Europe de l'Ouest font partie de deux minorités ethniques, turcophone et rom.
L'article 1er ter de la proposition de loi renforce les droits des victimes dans la procédure pénale à travers des mesures concrètes que nous demandons depuis des années : possibilité de se domicilier chez son avocat ou dans un commissariat, de témoigner sans faire apparaître son identité, mesures de protection, droit d'utiliser une identité d'emprunt. Ce sont des changements concrets. Car aujourd'hui, ces personnes ne vont pas témoigner dans les procès, n'ont pas confiance dans les services de police. La possibilité pour les associations de se porter partie civile est aussi essentielle : il y a aujourd'hui de nombreuses condamnations pour proxénétisme, mais peu de victimes reconnues par le tribunal. Cela rend plus difficile la reconstruction pour des personnes qui ont le droit à la reconnaissance de leur statut de victime et à une réparation. L'article 1er ter envoie enfin un signal très fort aux policiers et aux avocats sur l'accompagnement particulier, indispensable, des personnes prostituées.
L'Assemblée nationale a substitué une obligation de signalement à l'obligation pour les fournisseurs d'accès de fermer les sites qui contreviennent à la législation française sur le proxénétisme et la traite des êtres humains. Il serait grave de ne pas se donner les moyens d'empêcher l'accès à des sites que tous connaissent comme criminels ! Les personnes pourraient certes contourner le blocage en s'équipant de VPN (réseaux privé virtuels) qui vont chercher les sites n'apparaissant plus par le biais de fournisseurs d'accès étrangers. Il faut sans doute un équilibre entre lutte contre le proxénétisme et libertés publiques, mais nous devrions trouver des solutions de proportionnalité ou de contrôle juridictionnel. La nécessité d'utiliser des VPN limiterait, au moins techniquement, le nombre de personnes pouvant accéder à ces sites et l'exposition générale, notamment des jeunes, à ceux-ci. Cela faciliterait aussi des enquêtes plus précises sur les utilisateurs.