C'est un honneur que de recevoir M. Pascal Lamy, dont je rappellerai simplement qu'il a été directeur général de l'Organisation mondiale du commerce entre 2005 et 2013 et qu'il est aujourd'hui, notamment, président d'honneur du think tank « Notre-Europe - Institut Jacques Delors ».
Vos fonctions, votre position, vos compétences largement reconnues font de vous un observateur privilégié de la situation économique et sociale de la France et de l'Europe, car la connaissance fine de ce qui se fait ailleurs dans le monde permet de voir autrement ce qui se fait ici. C'est ce regard à la fois proche et distancié qui nous intéresse tout particulièrement.
Vous venez de publier un ouvrage dont le titre exprime ce qui est pour vous l'ambivalence de la situation de notre pays : Quand la France s'éveillera. Ce titre sonne comme un constat sévère, puisque si l'on doit s'éveiller, c'est que l'on est endormi, assoupi, ou à tout le moins insuffisamment mobilisé, mais il exprime aussi un certain optimisme quant à l'avenir de notre économie et à la force de ses atouts.
Vous dénoncez dans cet ouvrage la tendance de certains, en Europe et en France, à céder à ce que vous appelez la delectatio morosa. J'ignore si sévit en Europe une morosité un peu morbide, mais certains indicateurs objectifs montrent que tout ne va pas pour le mieux : croissance en berne, chômage élevé, accroissement de la pauvreté, inversion de la tendance historique à la réduction des inégalités de revenus et de patrimoine au sein de nos sociétés, montée du vote d'extrême droite dans nombre de pays européens, à commencer par le nôtre...
Quel diagnostic portez-vous sur la situation économique de la France et de l'Europe ? Y a-t-il selon vous des facteurs de blocage de la croissance européenne et française ? Quel regard portez-vous sur les politiques économiques menées en France et en Europe ? Agit-on sur les bons leviers structurels ou conjoncturels ? Se mobilise-t-on sur les bons enjeux et les bonnes priorités ?
J'ai lu, dans une interview, votre analyse sur les barrières non tarifaires. Elles touchent au domaine des valeurs et de la précaution, aux préférences collectives en matière de perception et de gestion des risques. Je souhaite vous interroger sur la levée de ces barrières qui est l'objectif de la négociation en cours sur le traité transatlantique entre l'Europe et les États-Unis. Ne peut-on craindre de se voir imposer par les États-Unis des normes de précaution ne répondant pas à nos pratiques en matière de santé ou d'environnement ?