Intervention de Bruno Retailleau

Commission des affaires économiques — Réunion du 7 mai 2014 : 1ère réunion
Audition de M. Pascal Lamy président d'honneur de « notre europe — Institut jacques delors »

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau :

La définition que vous avez donnée de la croissance est celle de la croissance potentielle, qui prend en compte la productivité globale des facteurs et la démographie active. Or, la croissance potentielle, en France, ne correspond pas au chiffre que vous avez donné ; elle se situe à moins de 1 %, les économistes s'y accordent. Pouvez-vous éclaircir vos vues, car c'est un élément important pour nos débats sur la trajectoire budgétaire ?

Étant de ces hauts fonctionnaires qui ont sillonné le monde, vous avez certainement lu le dernier livre d'Hubert Védrine, qui craint que l'Europe ne devienne « l'idiot du village global ». Par où l'on rejoint ce que disait Yannick Vaugrenard sur la monnaie. Nous connaissons la théorie ricardienne, mais nous savons aussi qu'entre la théorie et la pratique, il y a parfois des béances, des souffrances. Mettre en concurrence directe des pays où l'on fait travailler les enfants dans des conditions proches de l'esclavage et des pays qui jouissent d'un haut niveau de protection sociale et environnementale, c'est prendre le risque d'énormes déflagrations. Je sais bien que la multiplication des échanges internationaux crée de l'interdépendance - et c'est à mon sens une bonne chose - mais il faut réintroduire un peu de concret, de réel : on ne vit pas dans un village virtuel. Il est bon que l'on fasse des efforts, en France, pour réduire le coût du travail. Mais si le renminbi et le dollar restent sous-évalués, à quoi serviront nos efforts ? Voyez ce qu'il s'est passé pour le photovoltaïque : l'Europe a commencé par montrer ses muscles avant de capituler en rase campagne devant la Chine. De même pour le Farm Bill américain, qui fait passer le soutien aux agriculteurs par des régimes assurantiels, lesquels nous font bien défaut face aux aléas climatiques, qui menacent autant la Vendée que la Floride, comme on l'a vu avec Xynthia.

Il faut travailler sur la réduction des écarts, la convergence réglementaire, certes, mais sans oublier le réel, au risque de voir s'accomplir la prédiction d'Hubert Védrine.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion