Je n'ai pas, sur la monnaie, les mêmes positions que Louis Gallois. Le problème des taux de change exige d'être analysé avec les bons chiffres : non pas les taux nominaux constatés sur les marchés, mais le taux de change effectif réel, c'est à dire corrigé des effets de prix et pondéré en fonction de la nature des flux commerciaux auxquels il s'applique. Or ce taux est stable, entre l'euro et le dollar, sur vingt ou trente ans. J'ajoute que ce n'est pas la BCE qui a la responsabilité politique des changes - même si la politique monétaire a, via les taux d'intérêt, des effets induits sur le change - mais le Conseil Ecofin.
Je ne suis pas de ceux qui, selon un tropisme bien hexagonal, brandissent la dévaluation comme une solution miracle. La dépréciation d'une monnaie n'est pas sans effets néfastes. Certes, elle dope la compétitivité de ceux qui exportent, mais quid de ceux qui importent ? Une dévaluation a sans conteste un impact économique et social négatif, car elle remet en cause la compétitivité d'un certain nombre d'acteurs de l'économie, en particulier quand le pays doit importer beaucoup d'énergie. Quant au reste, je rappelle que dans les échanges avec les États-Unis, le surplus industriel de l'Europe est de 300 milliards ; c'est sur la zone euro que la France perd des parts de marché.
Sur la question des normes sociales internationales, vous avez raison. Lorsque j'étais commissaire européen, mon mandat était d'établir un pont entre OIT et OMC. Et lorsque je suis devenu directeur général de l'OMC, j'ai fait ce que j'ai pu...Le système international est ainsi fait que les État décident, à l'OMC, des critères de régulation du commerce international, à l'OIT, des standards sociaux internationaux, à l'UIT (Union internationale des télécommunications), de la répartition des fréquences, au Codex alimentarius, filiale de l'organisation mondiale de la santé et de la FAO, des standards en matière de sécurité alimentaire. Il en est ainsi depuis 1948. Les porteurs de la cohérence entre ces séries de règles, ce sont deux cents États souverains. Quand ils souscrivent à des disciplines en matière de standards sociaux, ils sont censés les respecter. L'OIT a son mécanisme de règlement des différends, mais qui reste lettre morte faute de volonté politique des États membres. J'ai tenté de bâtir des ponts, mais dans les limites de ce qu'un pays comme l'Inde d'un côté, les États-Unis de l'autre considéraient admissible.
Vous me reprochez mes propos sur les jeunes. Je suis un homme libre, et je dis ce que je pense. Il s'agit de leur trouver du boulot. Si le chômage des jeunes était à 5 ou 10 %, comme en Suisse ou en Allemagne, je n'aurais pas dit ce que j'ai dit. Mais quand on est dans la zone rouge, il faut mettre en cause quelques lignes jaunes. Je m'indigne de voir que mon pays tolère un chômage des jeunes qui atteint 25 %.