Intervention de André Trillard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 7 mai 2014 : 1ère réunion
Approbation de l'accord instituant le consortium des centres internationaux de recherche agricole en qualité d'organisation internationale et approbation de l'accord entre la france et le consortium des centres internationaux de recherche agricole relatif au siège du consortium et à ses privilèges et immunités sur le territoire français — Examen du rapport et des textes de la commission

Photo de André TrillardAndré Trillard, rapporteur :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons ce matin deux textes, adoptés par l'Assemblée nationale, il y a deux jours. Ils autorisent l'approbation de deux accords dans le domaine de la recherche agricole internationale.

C'est l'aboutissement d'une montée en puissance d'un réseau de centres internationaux de recherche que consacrent ces deux textes. C'est aussi une opportunité considérable pour la France de jouer un rôle déterminant en ce domaine.

En effet, les textes portent :

- d'une part, sur un accord octroyant un nouveau statut à ce réseau de centres internationaux de recherche agricole ;

- et d'autre part, sur son accord de siège.

J'ai deux observations sur les enjeux de ces textes :

1) Le premier accord, qui date du 13 septembre 2011, constitue la reconnaissance formelle de ce réseau comme opérateur majeur dans le domaine de la recherche agricole internationale. Il le transforme en organisation internationale.

2) Le second accord, en date du 4 mars 2013, tend à placer la France au rang d'acteur majeur en cette matière car il désigne Montpellier comme siège de l'Organisation.

1) Le premier accord signe l'aboutissement d'un long processus de collaboration mondiale en matière de recherche agricole qui a été mis en oeuvre dès 1971 avec la création du groupe consultatif pour la recherche agricole internationale, le CGIAR.

À l'origine, ce groupe ne comprenait que quatre centres de recherche :

- l'IRRI, l'Institut international de recherches sur le riz (IRRI), aux Philippines,

- le CIMMYT, Centre international d'amélioration du maïs et du blé au Mexique,

- le CIAT, Centre international d'agriculture tropicale en Colombie,

- et le CIP, Centre international de la pomme de terre au Pérou.

La création de ces centres a été inspirée par la « révolution verte » menée au Mexique en 1943. Il s'agit d'une politique visant à réduire le risque de famine, en faisant évoluer les agricultures des pays en développement vers l'utilisation de céréales à haut potentiel de rendements.

Le 19 mai 1971, 18 pays dont la France, ont créé le CGIAR qui compte désormais 15 centres de recherche,

- à travers le monde : en Indonésie, en Malaisie, en Inde, au Sri Lanka, au Liban, au Kenya, au Nigeria, au Bénin, aux Etats-Unis et en Italie,

- dans des domaines aussi variés que l'agriculture tropicale, celle des zones arides, la gestion de l'eau et les politiques alimentaires.

Soutenu principalement par des donateurs étatiques, ce réseau coordonne les efforts internationaux de recherche agricole afin de réduire la pauvreté et assurer la sécurité alimentaire dans les pays en développement.

En 2009, le CGIAR se réforme pour deux raisons. Son mode de gouvernance était trop complexe. Les nouveaux défis écologiques exigeaient une plus grande ouverture à l'ensemble des acteurs de la recherche agricole.

Ce partenariat mondial de recherche s'est alors doté d'une gouvernance unique.

En effet, l'architecture du réseau CGIAR repose depuis 2010 sur deux piliers :

- le premier pilier est le Consortium, structure unique de gouvernance qui regroupe les 15 centres. Il constitue le pilote stratégique et opérationnel des centres. Le Consortium conçoit un cadre de stratégie qu'il met en application lors de l'élaboration des programmes de recherche mondiaux. Ces derniers sont au nombre de seize. A titre d'illustration je citerai le programme sur l'amélioration des rendements des céréales en zones arides.

- le second pilier est constitué d'un Fonds. C'est le pilote financier. Il centralise les différentes donations des Etats faites au Consortium. Il est géré par la Banque mondiale.

La mise en oeuvre de la réforme a eu pour effet d'accroitre la confiance des donateurs. Le budget est ainsi passé de 500 millions de dollars en 2008 à 1 milliard de dollars en 2013.

La montée en puissance du Consortium, comme en témoigne son budget ainsi que les 10 000 agents répartis dans le monde dans les différents centres de recherche, a posé la question de son institutionnalisation.

De ce point de vue, la réforme structurelle de 2009 a prévu, dans un premier temps, d'octroyer au Consortium, le statut particulier de joint venture, c'est-à-dire d'entreprise commune.

Cependant, cette forme juridique n'a qu'une vocation transitoire. Seul le statut d'organisation internationale peut permettre au Consortium de gagner pleinement en autonomie et en efficacité.

En lui conférant la personnalité juridique, distincte de celle de ses centres, le Consortium peut ainsi être partie à d'autres accords, disposer de l'autonomie de gestion comptable et financière, recruter du personnel et ester en justice. Le Consortium devient également redevable formellement devant ses membres et ses partenaires financiers.

2) Quant au second accord, l'accord de siège, il renforce la position de la France comme acteur majeur dans le domaine de la recherche agricole. La ville de Montpellier a été choisie pour accueillir le Consortium.

Rappelons que la recherche agronomique à l'international constitue un domaine d'action privilégié et constant de la France. La Commission de la Recherche Agricole Internationale, la CRAI, instituée en 1978, incarne cette excellence. Elle a pour rôle de définir les positions de la France en ce domaine.

Or, l'expertise française est très recherchée en matière de biodiversité, d'amélioration des productions végétales et animales et de gestion durable des ressources naturelles.

Si les deux dispositifs, celui de la CRAI et celui du Consortium, sont distincts, ils sont, toutefois, très liés. Les organismes français de recherche comme le Cirad, l'INRA ou l'IRD collaborent régulièrement et étroitement avec le Consortium.

En fixant le siège du Consortium à Montpellier, le second accord renforce les liens ainsi noués avec la France, membre fondateur du CGIAR.

La localisation sur le site d'Agropolis International a fait l'objet d'un appel d'offres international qui s'est achevé le 7 octobre 2010. Montpellier était en compétition avec Addis-Abeba, Nairobi, New Delhi et Rome. Le programme scientifique ainsi que l'offre immobilière française se sont révélés être les meilleurs.

Le pôle scientifique représenté par Agropolis International constitue une des plus grandes communautés scientifiques mondiales dans les domaines de l'agriculture, l'alimentation, la biodiversité et l'environnement.

Ce pôle réunit plus de 3 000 chercheurs au sein d'établissements, tels que le Cirad, l'IRD, l'INRA, l'IRSTEA, l'Ifremer, l'IAMM, Montpellier Sup'Agro et les Universités de Montpellier, Nîmes et Perpignan.

S'agissant du volet immobilier de l'offre de Montpellier, la région Languedoc-Roussillon a entrepris de construire un bâtiment de 800 mètres carrés, à l'usage du Consortium. Ce bâtiment doit être inauguré le 2 juin 2014.

Quant au personnel travaillant au siège, on dénombre 37 personnes dont 6 français en 2014.

Conformément à l'accord de siège, ces personnels bénéficieront des immunités et privilèges liés traditionnellement au statut d'organisation internationale. Ces derniers sont strictement limités à l'intérêt du bon fonctionnement de l'organisation et non à leur avantage personnel. Ils n'empêcheront pas la France de prendre les mesures utiles à la sécurité et à la sauvegarde de l'ordre public.

En conclusion, pour l'ensemble de ces raisons,

- et en insistant sur l'opportunité pour la France de contribuer aux missions du Consortium qui sont de permettre à la recherche agricole internationale de nourrir les populations les plus pauvres, tout en préservant l'environnement et la biodiversité,

- je vous propose d'adopter les deux projets de loi visant à ratifier l'accord octroyant le statut d'organisation internationale au Consortium et son accord de siège, et de prévoir leur examen en séance publique en forme simplifiée, le 15 mai.

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