En réalité, la culture du risque ne doit pas être seulement l’affaire de l’État, des collectivités et des élus ! Elle doit aussi être très largement partagée par la population.
Chers collègues, tirer les leçons de Xynthia se résume fondamentalement à trois actions.
C’est d’abord prendre en compte la spécificité du risque de submersion marine, phénomène qui n’est pas en tout point égal à ce que l’on appelle une crue de rivière.
Cela signifie, pour le premier pilier de la prévision, procéder à une véritable évaluation des conséquences sur terre d’une surcote en mer, avec un système d’alerte intelligible, compréhensible, pour que les élus puissent prendre les bonnes décisions.
Concernant le deuxième pilier qui est celui de la prévention, la création de plans de prévention de risques de submersion marine doit obéir à des règles bien particulières. On sait bien que, désormais, l’État n’a pas les moyens de procéder à un contrôle de légalité systématique. Dès lors, il convient que celui-ci se concentre sur sa mission régalienne de protection des personnes. Le contrôle systématique des actes d’urbanisme doit être effectué de manière généralisée dans les zones à risques pour toutes les autorisations d’urbanisme.
Enfin, concernant le pilier de la protection, nous attendons bien sûr le plan « digues », qui portera vraisemblablement un nom différent ; du moins je l’espère.
À cet égard, madame la secrétaire d’État, il faut d’ores et déjà préparer les marées d’équinoxe. Quand le Président de la République est venu à La Roche-sur-Yon – vous étiez également présente –, il s’est engagé à ce que l’État finance 50 % du montant des travaux, non seulement pour conforter les brèches, mais aussi pour préparer les marées d’équinoxe qui doivent se produire à la mi-septembre. Les préfets attendent les délégations de crédits qui leur permettront de donner le feu vert aux maîtres d’ouvrage. Les ordres de service doivent être prêts ! Il faut les signer pour que les entreprises travaillent maintenant si l’on veut pouvoir affronter demain, en septembre, les grandes marées d’équinoxe.
Sachez que, concernant le plan « digues », nous ne sommes pas favorables à une gestion centralisée à l’échelle nationale, car l’État n’en a plus les moyens. En revanche, si la gestion doit être locale, il faut une stratégie nationale.
Le deuxième outil qui doit accompagner la culture du risque consisterait à adopter une approche de la gestion du risque non pas fragmentée – c’est le mal français ! – mais globale, ce qui signifie assurer une meilleure coordination entre les trois piliers de la prévision, de la prévention et de la protection.
Je m’appuierai sur un exemple simple. Il faut de vraies cartographies, adaptées au bon aléa climatique. Ces cartographies seront utiles à la fois pour le système d’alerte, le plan de prévention des risques et les plans communaux de sauvegarde, ainsi que pour mettre en relation la protection, le système dunaire, les systèmes de protection naturel et artificiel avec les problèmes que l’on peut constater précisément sur ces cartes.
Enfin, il faut associer plus étroitement la gestion du risque à l’aménagement de l’espace.
On ne peut pas – c’est notre conviction –, au nom du risque de submersion marine, sanctuariser de façon systématique tous les espaces littoraux. Cette conception serait vouée à l’échec. À l’inverse, on ne peut pas non plus laisser la pression foncière et immobilière s’exercer au mépris de la sécurité ou de la préservation des espaces naturels fragiles. À cet égard, nous ferons des propositions à Mme la secrétaire d’État dans notre rapport final pour concilier ces deux dimensions.
Pour conclure, les propositions que nous allons désormais développer s’éloigneront résolument de deux positions extrêmes. D’un côté, la vision progressiste et prométhéenne serait celle d’un monde où l’homme moderne prétendrait domestiquer complètement la nature et où l’État protecteur lui offrirait une sorte de garantie tous risques constitutionnalisée dans le principe de précaution. De l’autre côté, diamétralement opposée à la première, la vision régressive et malthusienne imposerait à l’homme de se soumettre et de s’incliner devant mère nature. Si l’on suivait ce point de vue, il faudrait placer en zone noire tout territoire précédemment conquis sur la nature !
Mes chers collèges, le risque fait partie de notre monde et de la société dans laquelle nous vivons. Il serait dangereux de le nier, mais il serait stupide d’en faire une fatalité. C’est un défi qu’il nous faut relever ; depuis Xynthia, nous n’avons cependant plus le droit de faire comme si de rien n’était.