Séance en hémicycle du 16 juin 2010 à 21h30

Résumé de la séance

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  • catastrophe
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  • submersion
  • tempête
  • xynthia

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle le débat sur les conséquences de la tempête Xynthia, organisé à la demande de la mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

La parole est à M. le président de la mission commune d’information.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, dans la nuit du 27 au 28 février dernier, Xynthia a tué 29 personnes en Vendée, 12 personnes en Charente-Maritime, et 53 personnes au total en France.

Ce bilan est inacceptable et, en ouvrant ce débat, je tiens, au nom de tous les membres de la mission commune d’information, à exprimer aux familles endeuillées notre immense sympathie ; bien entendu, nos pensées vont aussi à ceux qui, depuis hier, sont confrontés à la perte de proches ou d’amis dans le Var.

Je souhaite leur dire que tous leurs disparus habitent nos travaux et que le plus bel hommage que nous puissions leur rendre est non pas de nous contenter de discours, mais de faire en sorte de tirer toutes les leçons de cette catastrophe pour que, à l’avenir, un tel drame ne se reproduise pas.

C’est la raison pour laquelle nous nous sommes rapidement mis au travail grâce au président de la Haute Assemblée, Gérard Larcher, qui a proposé la création de cette mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Nous avons mené plus d’une centaine d’auditions. Très vite, nous sommes allés sur le terrain, en Vendée et en Charente-Maritime, pour rencontrer les sinistrés. Nous nous sommes également rendus dans l’estuaire de la Gironde, à Bruxelles pour convaincre les commissaires de ne pas bloquer les aides promises, notamment aux agriculteurs, aux Pays-Bas pour comprendre comment ce pays, né des eaux par la main de l’homme, organise sa défense contre la mer et contre les crues.

Nos travaux se poursuivront avec la remise du rapport final qui est prévue au début du mois de juillet prochain. Ils ne s’achèveront pas pour autant : nous suivrons jusqu’au bout les mesures qui ont été annoncées ou qui le seront dans les semaines à venir, je pense par exemple au plan « digues », comme on l’appelle encore pour le moment improprement.

Nous avons cependant tenu à engager ce débat en nous appuyant sur ce rapport d’étape qui nous permettra d’enrichir nos réflexions.

Je souhaite remercier Alain Anziani, rapporteur, et tous les membres de la mission commune d’information de l’esprit dans lequel ils ont travaillé. J’ai été heureux de constater que, lorsque l’essentiel est en jeu, nous n’avions aucun mal à dépasser nos différences de tempérament, de géographie ou d’appartenance partisane.

Quels sont les premiers enseignements que nous pouvons d’ores et déjà tirer ?

Le constat est malheureusement sans appel : si Xynthia, comme phénomène climatique extraordinaire, était inévitable, le drame Xynthia, lui, n’était pas une fatalité.

La question des responsabilités est du ressort de la justice, qui est saisie. Toutefois, il est évident que ce drame a pour origine principale l’impréparation de la France au risque spécifique de submersion marine. Celle-ci a conduit à de graves défaillances et à une forte dilution de la responsabilité dans la chaîne de décisions.

Ces défaillances sont de natures diverses.

Elles apparaissent dans la phase de prévision et d’alerte : aucune évaluation des conséquences de la tempête à terre, un système d’alerte insuffisamment explicite, des plans communaux de sauvegarde inexistants, rendant délicates les mesures d’évacuation. Preuve de ce dysfonctionnement, la consigne était de se calfeutrer chez soi ; or, ce faisant, on enfermait les gens dans ce qui allait devenir leur tombeau.

Nous constatons également des défaillances dans la prévention. Pourquoi des maisons avaient-elles été construites, alors qu’il existait un risque naturel majeur avéré ? Pourquoi, en France, les plans de prévention des risques naturels sont-ils si peu nombreux, alors que, dans cette zone, le risque était bien présent ?

Enfin, les défaillances ont également concerné les systèmes de protection. La gestion des ouvrages naturels ou artificiels de défense contre la mer souffre en France de plusieurs maux : fragmentation de la propriété, retrait des financements de l’État, manque d’entretien, lourdeur des procédures, etc.

Sur chacune de ces défaillances, la mission fera des propositions concrètes.

En revanche, tous les avis convergent pour reconnaître le caractère remarquable de la gestion de la crise. Les secours, coordonnés par les préfets, ont été massifs et formidablement efficaces. Des centaines de vies humaines ont ainsi pu être sauvées et il faut rendre hommage à tous ceux qui ont fait preuve d’un courage exemplaire, souvent au péril de leur vie : sapeurs-pompiers, gendarmes, militaires, pilotes d’hélicoptères et, dans la phase suivante, secouristes et bénévoles.

C’est ainsi que, dans cette nuit noire de désolation, de nombreux actes de bravoure ou de générosité nous ont rappelé le vrai sens du mot « fraternité », qui est le plus beau, mais aussi sans doute le plus exigeant de notre devise républicaine.

Madame la secrétaire d'État, je souhaite également saluer la réactivité de l’État. Jamais un arrêté de catastrophe naturelle n’a été pris aussi rapidement, presque simultanément, au lendemain de la tempête, le 1er mars dernier.

Très vite, les mesures d’indemnisation et de soutien aux filières économiques ont été annoncées, tandis qu’un formidable élan de solidarité s’organisait entre les collectivités, les associations, les anonymes qu’il faut saluer comme le signe tangible des liens invisibles qui relient entre eux nos concitoyens.

Bien sûr, tout n’est pas parfait et il y aurait beaucoup à redire. À ce stade, je formulerai deux observations.

La première remarque porte sur les mesures de soutien aux filières. Plusieurs questions restent en suspens. Ainsi, il faut impérativement obtenir le soutien de l’Union européenne, notamment à travers le Fonds de solidarité de l’Union européenne. Il convient également de revoir les délais de versement des aides, notamment pour la filière agricole. Madame la secrétaire d'État, un contrôle administratif tatillon de la Commission européenne s’impose-t-il lorsqu’il s’agit de mesures d’indemnisation et non d’aides susceptibles d’entraîner une distorsion de concurrence ? Il faut je crois replacer les choses à leur juste mesure.

Le problème de l’équité se pose également. Pourquoi existe-t-il un traitement différent pour les conchyliculteurs et les agriculteurs ? Ainsi, le taux de vétusté forfaitaire, de l’ordre de 10 % pour les agriculteurs, sera pris en charge totalement par l’État pour la filière conchylicole.

La seconde remarque concerne les zones d’acquisitions amiables.

La mission est tout à fait favorable au principe selon lequel les terrains exposés à un risque naturel grave doivent être déclarés inconstructibles.

Toutefois, l’application de ce principe juste a souffert de trois problèmes : trop précipitation, pas assez de transparence et beaucoup de confusion dans l’expression publique.

La position que la mission avait définie dès le 14 avril dernier lors de sa visite en Charente-Maritime est sans équivoque et peut se résumer rapidement.

Les périmètres actuels n’ont pas de fondement juridique : ils donnent aux propriétaires la possibilité de vendre leur maison selon une procédure d’acquisition amiable. Je pense qu’il s’agit là d’un point positif pour tous les sinistrés qui veulent tourner la page.

Ces périmètres ne doivent pas être définitivement figés. Il faut au contraire qu’ils soient resserrés au terme des deux prochaines étapes : la constitution du dossier d’enquête publique – il faut profiter des mois qui restent à notre disposition pour mener des expertises complémentaires –, la procédure d’enquête publique avec des expertises contradictoires au cas par cas, parcelle par parcelle, avant l’expropriation.

Nous souhaitons que l’État étudie un mécanisme de compensation fiscale pour les communes qui subiront aussi une destruction de leur base fiscale.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous n’avons pas fini de gérer les conséquences de cette tempête. Mais il faut dès maintenant préparer l’avenir et ne pas se contenter de réagir à la dernière tempête. Car d’autres événements climatiques de cette nature surviendront, c’est une certitude.

Préparer l’avenir, c’est évaluer précisément les enjeux pour doter la France d’une véritable culture du risque. Ceux-ci sont de trois ordres.

Premièrement, en France, comme dans le reste du monde, les populations s’agrègent de plus en plus le long des estuaires et sur le littoral ; une délégation de l’ambassade du Japon le confirmait voilà quelques heures encore. La pression démographique et foncière ne se démentira pas sur ces zones.

Deuxièmement, le changement climatique accroîtra considérablement encore la vulnérabilité du littoral.

Ce changement climatique, qui entraîne une élévation du niveau de la mer, a été constaté dès le xxe siècle. De vingt centimètres au siècle passé, cette augmentation sera comprise entre cinquante centimètres et un mètre au cours du xxie siècle – tous les experts que nous avons rencontrés s’accordent sur cette estimation –, avec des conséquences impressionnantes en termes de surcote, donc de submersion marine, et de période de retour.

Les Néerlandais ont calculé qu’une élévation de cinquante centimètres du niveau de la mer ramenait la période de retour d’un événement centennal à dix ans !

Troisièmement, la culture du risque, c’est aussi la conscience du risque que peuvent avoir nos sociétés.

Or, vous le savez, nos sociétés, qui se considèrent hautement avancées sur les plans technologique et scientifique, ont progressivement tué l’idée même du risque, et par là même effacé la conscience du risque et affaibli la culture du risque.

La culture du risque, ce ne sont pas seulement des règles enfermées dans des codes. Nous sommes d’ailleurs sans doute les champions du monde des règles, mes chers collègues !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

En réalité, la culture du risque ne doit pas être seulement l’affaire de l’État, des collectivités et des élus ! Elle doit aussi être très largement partagée par la population.

Chers collègues, tirer les leçons de Xynthia se résume fondamentalement à trois actions.

C’est d’abord prendre en compte la spécificité du risque de submersion marine, phénomène qui n’est pas en tout point égal à ce que l’on appelle une crue de rivière.

Cela signifie, pour le premier pilier de la prévision, procéder à une véritable évaluation des conséquences sur terre d’une surcote en mer, avec un système d’alerte intelligible, compréhensible, pour que les élus puissent prendre les bonnes décisions.

Concernant le deuxième pilier qui est celui de la prévention, la création de plans de prévention de risques de submersion marine doit obéir à des règles bien particulières. On sait bien que, désormais, l’État n’a pas les moyens de procéder à un contrôle de légalité systématique. Dès lors, il convient que celui-ci se concentre sur sa mission régalienne de protection des personnes. Le contrôle systématique des actes d’urbanisme doit être effectué de manière généralisée dans les zones à risques pour toutes les autorisations d’urbanisme.

Enfin, concernant le pilier de la protection, nous attendons bien sûr le plan « digues », qui portera vraisemblablement un nom différent ; du moins je l’espère.

À cet égard, madame la secrétaire d’État, il faut d’ores et déjà préparer les marées d’équinoxe. Quand le Président de la République est venu à La Roche-sur-Yon – vous étiez également présente –, il s’est engagé à ce que l’État finance 50 % du montant des travaux, non seulement pour conforter les brèches, mais aussi pour préparer les marées d’équinoxe qui doivent se produire à la mi-septembre. Les préfets attendent les délégations de crédits qui leur permettront de donner le feu vert aux maîtres d’ouvrage. Les ordres de service doivent être prêts ! Il faut les signer pour que les entreprises travaillent maintenant si l’on veut pouvoir affronter demain, en septembre, les grandes marées d’équinoxe.

Sachez que, concernant le plan « digues », nous ne sommes pas favorables à une gestion centralisée à l’échelle nationale, car l’État n’en a plus les moyens. En revanche, si la gestion doit être locale, il faut une stratégie nationale.

Le deuxième outil qui doit accompagner la culture du risque consisterait à adopter une approche de la gestion du risque non pas fragmentée – c’est le mal français ! – mais globale, ce qui signifie assurer une meilleure coordination entre les trois piliers de la prévision, de la prévention et de la protection.

Je m’appuierai sur un exemple simple. Il faut de vraies cartographies, adaptées au bon aléa climatique. Ces cartographies seront utiles à la fois pour le système d’alerte, le plan de prévention des risques et les plans communaux de sauvegarde, ainsi que pour mettre en relation la protection, le système dunaire, les systèmes de protection naturel et artificiel avec les problèmes que l’on peut constater précisément sur ces cartes.

Enfin, il faut associer plus étroitement la gestion du risque à l’aménagement de l’espace.

On ne peut pas – c’est notre conviction –, au nom du risque de submersion marine, sanctuariser de façon systématique tous les espaces littoraux. Cette conception serait vouée à l’échec. À l’inverse, on ne peut pas non plus laisser la pression foncière et immobilière s’exercer au mépris de la sécurité ou de la préservation des espaces naturels fragiles. À cet égard, nous ferons des propositions à Mme la secrétaire d’État dans notre rapport final pour concilier ces deux dimensions.

Pour conclure, les propositions que nous allons désormais développer s’éloigneront résolument de deux positions extrêmes. D’un côté, la vision progressiste et prométhéenne serait celle d’un monde où l’homme moderne prétendrait domestiquer complètement la nature et où l’État protecteur lui offrirait une sorte de garantie tous risques constitutionnalisée dans le principe de précaution. De l’autre côté, diamétralement opposée à la première, la vision régressive et malthusienne imposerait à l’homme de se soumettre et de s’incliner devant mère nature. Si l’on suivait ce point de vue, il faudrait placer en zone noire tout territoire précédemment conquis sur la nature !

Mes chers collèges, le risque fait partie de notre monde et de la société dans laquelle nous vivons. Il serait dangereux de le nier, mais il serait stupide d’en faire une fatalité. C’est un défi qu’il nous faut relever ; depuis Xynthia, nous n’avons cependant plus le droit de faire comme si de rien n’était.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la mission commune d’information, mes chers collègues, la tempête Xynthia, ses 53 morts, ses 500 000 victimes, ses 2, 5 milliards d’euros de dommages marqueront certainement notre mémoire ; en tout cas, nous pouvons et nous devons l’espérer.

Cette tempête a provoqué l’indignation : comment se fait-il qu’un pays comme le nôtre n’ait pas été capable de prévenir sa population et de la protéger ? Le fait est là, terrible et indiscutable : nos connaissances n’ont été ni suffisantes ni suffisamment exploitées et notre organisation administrative a failli.

Notre rapport ne peut en effet se réduire à un examen des causes naturelles qui ont été rappelées ; ce serait une erreur considérable. Nous devons bien entendu aller au-delà et déterminer ce qui relève de notre responsabilité.

Celle-ci commence très tôt. Les dommages auraient été certainement très différents si nous nous étions inquiétés depuis longtemps d’un trait de côte fragilisé ou de cordons dunaires rompus.

Cependant, le pire maintenant serait d’oublier. Il est facile et souvent commode d’oublier, en retenant, par exemple, et je reprendrai ici les propos du président de la mission commune d’information, le fait que nous sommes en présence d’un risque centennal. Or, une telle fréquence théorique n’interdit pas que deux tempêtes se succèdent sur un intervalle de temps plus resserré demain, après-demain, l’année prochaine. Surtout, il suffit d’une augmentation de cinquante centimètres du niveau de la mer pour que nous passions d’un risque centennal à un risque décennal.

Xynthia peut donc devenir demain sinon une catastrophe ordinaire, du moins un événement ordinaire. Et c’est à nous, parlementaires, de faire en sorte que cet événement ordinaire ne devienne pas une catastrophe habituelle devant laquelle nous baisserions les bras.

Nous l’avons entendu cet après-midi : les armoires sont remplies de rapports sur les inondations ou les submersions, mais aucune décision n’est prise à l’issue de ces publications. C’est sans doute ce défi que nous devons relever.

Les Pays-Bas y sont parvenus avant nous. En 1953, ils ont connu une catastrophe qui a provoqué la mort de plus de 1 800 personnes. Ils ont alors changé l’ensemble de leur organisation administrative. Depuis, la submersion marine et les inondations n’ont plus fait une seule victime aux Pays-Bas.

Nous devons sans doute modifier notre manière de voir. J’examinerai avec vous quatre questions auxquelles notre mission a été confrontée.

La première, sans doute la plus médiatique, pas nécessairement la plus délicate, est celle de la délimitation des zones noires. Nous pensons que, dans certains lieux, dans certaines circonstances, il est de notre devoir d’évacuer les populations. Si notre position est claire quant au fond, elle l’est tout autant concernant la méthode : le procédé « à la hussarde » qui a été employé n’est pas satisfaisant. Les zones noires ont été pour 90 % d’entre elles créées en quinze jours, et ce davantage à l’appui de séries statistiques manipulées au sein de cabinets que lors de visites de terrain.

Cette approche technocratique a évidemment provoqué l’incompréhension et même, souvent, la colère, une colère qui perdure aujourd’hui encore. Elle a été perçue comme une sanction, là où était en réalité institué un droit de cession amiable dans de bonnes conditions.

Il me semble qu’il y a eu un manque de pédagogie et peut-être même d’humanité ; qu’il y a eu – excusez-moi pour ce terme, madame la secrétaire d’État – une cacophonie dans le vocabulaire employé par différents membres du Gouvernement ; qu’il y a eu des déclarations péremptoires sans véritable sens, la notion de zone noire n’ayant pas de fondement juridique. Tous ces éléments ont abouti à la confusion que nous avons constatée.

A contrario, dans d’autres départements, notamment dans celui dont Françoise Cartron et moi-même sommes les élus, nous avons eu la surprise de constater que des familles qui se sont retrouvées sur le toit de leur maison ne peuvent pas céder leur bien à l’amiable à l’État, ce qui, évidemment, provoque une inégalité devant la loi.

La deuxième question est celle de l’indemnisation. Elle n’est pas encore réglée.

Selon France Domaine, au 7 juin, 1 367 procédures d’acquisition avaient été engagées. L’estimation totale de l’indemnisation varie fortement : elle atteindrait 800 millions d’euros selon France Domaine, mais le ministre du budget indiquait il y a quelques jours une somme de 400 millions d’euros ; nous estimons pour notre part que le montant serait plus proche de 400 millions que de 800 millions d’euros.

Or, le fonds Barnier, chargé d’indemniser les victimes et de financer les digues, et dont les recettes annuelles ne dépassent pas 150 millions d’euros, dispose d’une trésorerie correspondant à 75 millions d’euros. Comment faire face aux indemnisations avec une telle somme ?

Plusieurs solutions peuvent être envisagées. Nous pourrions peut-être effectuer un prélèvement exceptionnel auprès de la Caisse centrale de réassurance, ou CCR, ce qui est envisageable dans la mesure où celle-ci dispose de liquidités importantes. Évitons en tout cas de faire appel à de nouvelles taxes comme certains l’ont proposé, en considérant par exemple que l’on pourrait prélever un complément sur les taxes du foncier bâti dans les communes.

Les collectivités locales ont également subi des préjudices, à l’instar des filières économiques, mais je ne reviendrai pas sur ce qu’a déjà développé M. Bruno Retailleau.

J’en viens à ma troisième question, que je tenterai d’examiner le plus rapidement possible : aurions-nous pu éviter les dommages ?

À cet égard, nous sommes face à un paradoxe : la prévision de la tempête a été parfaitement exacte, les cartes de Météo France ont donné des prévisions justes, mais l’impact sur la terre n’a pas été bien calculé, et nous n’avions pas d’informations sur les effets de la submersion dans telle ou telle commune.

Il y a là un manque de connaissances, qui tient sans doute à des raisons techniques, mais aussi au morcellement de l’intelligence. Nous avons constaté au sein de la mission d’information que les personnes intelligentes étaient nombreuses mais qu’elles travaillaient dans des pièces différentes sans jamais se parler ou mettre en commun leurs savoirs.

Par ailleurs, la mission a mis en évidence un dispositif d’alertes controversé. Les préfectures considèrent qu’elles ont fait leur travail en transmettant aux maires les informations dont elles disposaient. Les maires que nous avons rencontrés se sont plaints de ne disposer que d’une information disparate ne leur permettant pas de prendre des décisions ; il pouvait s’agir d’une simple carte de Météo France ou d’une indication de surcote d’un mètre pour une commune non déterminée.

Comme l’a indiqué l’un des maires que nous avons interrogés : « trop d’alertes tue l’alerte ». Quand trente alertes sont décrétées au cours d’une année, c’est-à-dire deux ou trois fois par mois, et qu’il ne se passe rien, les populations ne donnent plus de crédit aux élus qui en sont à l’origine.

La prévention s’est révélée quant à elle gravement incomplète.

En Vendée et en Charente-Maritime, deux départements qu’il ne faut pas stigmatiser car cet événement aurait pu toucher d’autres départements, seules 46 communes disposent d’un plan de prévention approuvé et les plans communaux de sauvegarde sont très peu nombreux. Ce laxisme, si on peut dire, a abouti à la construction de 235 000 maisons entre zéro et moins deux mètres en dessous du niveau de la mer. Il faudra évidemment examiner à qui incombe la responsabilité de cette lacune.

La tendance naturelle qui se dessine est donc la suivante : le maire est rendu responsable, il est le bouc émissaire. Une telle logique révèle une méconnaissance totale de la procédure du permis de construire. La demande est, le plus souvent, instruite par les services de l’État, en l’espèce toujours par les services de l’État dans les communes concernées. Le maire, sur l’avis du service de l’État, délivre le permis de construire, puis le service de légalité, qui dépend encore de l’État, juge de la conformité de l’autorisation aux normes en vigueur.

Malheureusement, le service de légalité a failli. Nous avons constaté que sur l’ensemble des actes déférés au tribunal administratif, seulement 0, 024 % concernent des autorisations de construire.

L’explication nous a été très clairement donnée : RGPP oblige, faute de disposer des moyens d’exercer le contrôle de légalité qui leur revient, les préfectures ne peuvent plus procéder que par échantillonnage, ce qui explique ce chiffre tout à fait insatisfaisant.

Je terminerai mon propos en évoquant le plan « digues ». Madame la secrétaire d’État, je saisis la chance de votre présence pour vous le dire très nettement : ne renouvelez pas, avec le plan « digues », l’erreur de précipitation qui a été commise avec les zones noires ou les zones de solidarité ! Je vous le dis en toute franchise, si le plan « digues » nous tombe brutalement sur la tête du haut d’un ciel technocratique, ce ciel qui sait tout, cela n’ira pas ! Un bon plan « digues », c’est un plan qui a fait l’objet d’une concertation, notamment avec les élus parfaitement avertis de l’état des ouvrages qui sont les leurs.

Je vous mets également en garde contre le risque de confondre plan « digues » et plan de protection. Il faut absolument qu’il y ait un plan de protection des populations ! Cela commence, par exemple, par le cordon dunaire. Renforçons les cordons dunaires avec du sable, réensablons les plages, comme les Hollandais savent très bien le faire ! Construisons des digues là où il le faut, rehaussons-les, ne serait-ce que pour tenir compte de l’élévation du niveau de la mer. Et puis, derrière ces digues, étudions la possibilité de constructions alternatives, soumises à des normes qui pourront différer des normes habituelles. Peut-être faudra-t-il parfois interdire purement et simplement les constructions.

Contraint par le temps qui m’est imparti, je ne peux évoquer tous les sujets. Je tiens néanmoins à dire que la digue doit être aussi un outil d’aménagement paysager. Qu’elle ressemble à un mur de béton, et elle « tuera », en quelque sorte, la commune où elle est implantée ! Elle doit être intégrée dans le paysage, qu’il soit urbain ou rural. Vous y parviendrez en créant, par exemple, des pistes cyclables sur cet espace, qui peut aussi accueillir des animations. Bref, faisons de la digue un élément qui attire le touriste au lieu de le faire fuir !

Comme l’a dit M. Retailleau, il faudra régler la question du financement et mettre en place une gouvernance des digues.

Je voudrais terminer en disant qu’il ne faut pas se tromper d’enjeu. Oui, il nous manque encore certaines connaissances – on peut toujours en avoir davantage ! Oui, il nous manque et il nous manquera toujours de l’argent ! Mais ce qui nous manque le plus, je peux l’affirmer, après tant d’années, après le rapport d’Éric Doligé, après la situation que nous avons connue à Vaison-la-Romaine, après d’autres rapports rendus sur des phénomènes similaires sans être identiques, ce qui nous manque le plus, c’est la volonté politique !

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà à peu près vingt ans que je m’intéresse à ces sujets. Pour cette seule année, la France a notamment subi la tempête Xynthia et des inondations toutes récentes dans le Var. Et à chaque fois, au fil du temps, j’ai vraiment l’impression d’avoir parlé dans le vide. Les politiques nationales ont échoué, et les politiques locales n’ont guère eu plus de succès !

On se donne beaucoup de mal pour s’apercevoir qu’au final les choses ne bougent pas beaucoup ! Le titre du rapport d’information, « Xynthia, les leçons d’une catastrophe », m’intéresse beaucoup : j’espère que ce rapport va enfin nous permettre de tirer les leçons d’une catastrophe !

Nous vivons malheureusement dans une société qui ignore la culture du risque, une société dans laquelle l’oubli est particulièrement rapide, une société très individualiste, très émotive, dans laquelle le poids des médias est extrêmement fort.

Chaque fois qu’une catastrophe se produit, on en parle beaucoup, et puis, deux ou trois semaines après, cela passe : on cesse d’en parler et on l’oublie totalement. Et il ne reste que quelques individus – dont certains sont parmi vous – pour travailler sur ces sujets en essayant d’être à contre-courant et de trouver des solutions jusqu’à la prochaine catastrophe.

Bien sûr, celle-ci a été très marquante. Nous sommes à l’aube d’une petite révolution au terme de laquelle vont peut-être lentement réapparaître les rapports qui avaient été enfermés dans des armoires. Et dans toutes ces pages, peut-être trouvera-t-on quelques éléments intéressants qui dissiperont ce sentiment d’avoir travaillé pendant aussi longtemps dans le vide !

Sur les travées de la Haute Assemblée, comme au banc du Gouvernement, je vois un certain nombre de personnes qui travaillent depuis longtemps sur ces sujets et aimeraient voir aboutir les différents travaux auxquels ils ont participé.

Je voudrais élargir quelques-unes des constatations, des réflexions et des propositions d’ordre général formulées par M. le président de la mission et M. le rapporteur.

Comme l’ont dit MM. Retailleau et Anziani, toutes ces catastrophes sont l’illustration d’un urbanisme totalement incontrôlé : il se construit beaucoup de choses qui ne devraient probablement pas sortir de terre – certaines dans la légalité et d’autres à la marge.

Je me souviens d’un préfet de mon département qui, voilà plus d’une dizaine d’années, avait pris, pour les bords de la Loire, un programme d’intérêt général. Ce PIG a créé la révolution ! Les élus ne voulaient pas en entendre parler parce qu’il interdisait de construire – sans qu’il y ait à l’époque d’éléments d’urbanisme suffisants – sur des terrains en zone constructible qui avaient beaucoup de valeur puisqu’ils étaient au bord de la Loire. Personne ne voulait alors croire qu’ils étaient submersibles, alors que tous les documents l’établissaient !

Plus de dix ans après, un certain nombre de personnes se souviennent encore du nom de ce préfet et lui en veulent d’avoir interdit de construire sur des terrains qui sont assurément inondables à tous les coups !

L’urbanisme a été relativement incontrôlé. On continue de construire dans des zones fortement exposées aux risques. Chacun sait qu’en région parisienne, à peu près un tiers des permis de construire sont accordés dans des zones inondables – plus ou moins inondables, certes. Sans doute sont-ils « peu inondables » si on raisonne sur une décennie. Mais quels seront les dégâts quand surviendra une inondation centennale, du type de la crue de 1910 ?

Ce qu’il faut retenir d’une inondation, ce sont, bien sûr, les dégâts humains qui, dans le cas d’une submersion marine, sont considérables. Mais il faut aussi savoir que la France aura du mal à se relever d’une véritable inondation nationale ou d’une crue centennale sur l’un de nos grands fleuves.

L’habitat est totalement inadapté aux submersions marines et aux inondations. On laisse construire des habitats qui ne permettent pas d’absorber l’inondation. On ne tient pas compte des caractéristiques spécifiques de chaque type d’inondation. Et l’on a bien vu construire de plain-pied dans des zones inondables ! C’est totalement irresponsable de la part de la société en général. Malheureusement, nous sommes tous responsables de ce qui peut se passer.

Je voudrais encore évoquer quelques points. En matière d’urbanisme, il faut être beaucoup plus ambitieux et courageux. Or notre société manque de courage en matière d’urbanisme. Les maires doivent absolument être au courant des conséquences négatives des mesures qu’ils peuvent prendre dans leur commune. Ils autorisent un certain nombre de choses sans être exactement informés des risques encourus.

Même en l’absence de PPR, il faut les inciter à inscrire dans leurs documents d’urbanisme un certain nombre de contraintes. Ce courage ne doit pas leur faire défaut, quel que soit l’état d’avancement des documents en leur possession.

Xynthia nous montre l’importance d’adapter notre urbanisme et notre territoire aux risques d’inondation.

En matière de financement – peut-être est-ce un sujet qui pèse sur ce dossier –, on a le sentiment de vivre au-dessus de nos moyens. L’existence du fonds Barnier et du régime des catastrophes naturelles laisse à penser qu’on peut être protégé de tout et être remboursé des dégâts susceptibles de survenir à tel ou tel endroit.

Je pense, madame la secrétaire d’État, que le financement est un vrai sujet de réflexion. Il ne faut absolument pas donner aux habitants de nos territoires le sentiment qu’ils sont protégés financièrement et qu’ils n’ont donc pas de mesures à prendre.

Je vous incite à lancer une réflexion sur la pénalisation – non pas pour ceux qui ont déjà construit et l’ont fait dans la transparence – mais pour ceux qui seraient tentés de construire, à l’avenir, sur des terrains exposés aux risques d’inondation sans prendre les dispositions indispensables.

Je terminerai mon propos en évoquant les digues. Les submersions marines que nous avons vécues sont similaires à celles qui ont été subies en 2005 par la Nouvelle-Orléans. Nous nous sommes rendus sur place et avons constaté qu’elle ne s’en est toujours pas remise !

À notre retour, nous avons fait un certain nombre de propositions sur les digues, sur la manière de les financer et sur la gouvernance. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, poursuivre ce travail avec plusieurs collègues membres d’associations nationales.

Nous allons créer un groupe parlementaire composé de volontaires. J’ai proposé de le réunir pour travailler sur ce sujet et faire un certain nombre de propositions. Peut-être éviterons-nous ainsi le danger signalé par M. le rapporteur : celui d’un plan « digues » qui nous arriverait sans échanges ni discussions préalables.

Je suis persuadé que nous trouverons les voies et les moyens, notamment en collaboration avec votre cabinet, madame la secrétaire d’État.

Monsieur le président, j’ai conscience d’avoir été un peu bavard, mais nous avons tant à dire sur ce sujet ! J’aimerais que le Parlement et nous tous, nous penchions sérieusement sur ce problème. Nous ne sommes pas responsables de ce qui s’est passé hier ou aujourd’hui, mais je pense que nous serions responsables de ce qui se passerait demain si nous ne faisions plus rien.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion de cet échange autour du pré-rapport de la mission commune d’information, permettez-moi d’avoir une pensée en direction de toutes les familles qui ont été durement touchées par cette submersion marine. Cinquante-trois personnes sont mortes lors de cette tempête, soixante-treize ont été blessées et beaucoup sont probablement marquées pour longtemps par cette catastrophe.

On peut d’ailleurs féliciter les services de secours dont la mobilisation exceptionnelle a probablement évité des pertes plus lourdes.

Plus habituée à traiter les zones inondables le long des fleuves, j’ai pu constater, en travaillant dans le cadre de la mission, que la culture du risque dans ce secteur du littoral était inexistante ou presque. On dirait que l’intérêt de s’installer en bord de mer, l’attrait de la côte, la proximité des plages ont gommé le fait que le risque de submersion marine peut exister, même si l’on n’en a pas gardé la mémoire.

Quelques plans de prévention des risques avaient été prescrits, beaucoup restent à faire. Et on finit par se demander pourquoi la loi « littoral » n’a pas permis d’agir avant l’élaboration des plans de prévention.

N’a-t-on pas cédé quelque part un peu trop aux sirènes de l’immobilier, en particulier touristique, au mépris de l’intérêt humain ? On ne peut donc qu’être surpris de la précipitation avec laquelle le Gouvernement a décidé des zones noires, des zones d’expropriation, en dehors de toutes les règles que nous connaissons en tant qu’élus, pour la détermination de ces espaces considérés comme lieu où un risque mortel peut être encouru par ceux qui y vivent.

La transformation de ces zones noires en lieu de solidarité, qui est une belle invention sémantique, n’efface pas l’impression d’improvisation laissée auprès des habitants, des élus des secteurs concernés, mais aussi du grand public.

C’est un peu comme si l’État avait voulu faire oublier certaines de ses carences dans la gestion du littoral et du risque de submersion ! Je crois que, sans la mobilisation des populations et des élus locaux, nos protestations à nous, élus nationaux, n’auraient pas été suffisantes pour qu’un autre regard soit porté sur leur situation.

Le travail qu’il nous faut faire aujourd’hui nécessite d’analyser tous les dysfonctionnements afin de vérifier d’abord que les outils existants ont été bien utilisés pour prévenir les risques de submersion marine lors d’une tempête et ensuite s’il en manque.

Quand je dis « outils », je parle d’outils réglementaires et législatifs, mais aussi de moyens pour une meilleure connaissance du risque.

A-t-on mis en place des moyens pour simuler – même si, me dit-on, c’est difficile – une submersion sur l’ensemble de la côte atlantique de façon à voir quelles actions doivent être mises en place pour protéger les lieux quand c’est possible, pour interdire la construction quand on voit que le danger peut être mortel, pour réduire la vulnérabilité des biens et des personnes là où l’on décide de maintenir un habitat et des activités économiques ? Il semble bien que non.

Or, pour avoir participé à l’élaboration des plans de prévention des risques le long de la Loire, je dois dire qu’une telle simulation nous a aidés à comprendre comment le phénomène des inondations pouvait impacter notre territoire et comment mieux y répondre à l’avenir.

Je dis bien « nous », car, contrairement à ce qui vient d’être vécu sur le terrain, même si ce n’était pas la démarche de l’État au début du processus, les élus des communes ont, à l’époque, été associés à l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation, dans une conception non pas seulement d’interdit, mais aussi du devenir des lieux où les règles d’urbanisme changent.

En effet, et c’est un point dont je pense que notre mission doit se saisir pour poursuivre son travail, il est indispensable de prévoir un avenir pour les territoires dans lesquels on pense que le risque est trop grand pour y laisser vivre ou travailler qui que ce soit.

Vous le savez tous, les espaces non gérés deviennent des lieux squattés. La pointe de l’Aiguillon-sur-Mer s’est ainsi couverte peu à peu de petites cabanes qui, avec le temps, se sont transformées en maisons, tout cela sans aucune autorisation, et je pourrais citer d’autres exemples, non seulement sur le littoral mais aussi dans le lit des fleuves.

Aujourd’hui, il faut s’intéresser aux indemnisations des victimes, à leur relogement, à la réinstallation des commerces, à la reprise des voiries et équipements indispensables pour un retour rapide à la vie normale.

C’est véritablement important, et je partage les grandes lignes des propositions de la mission mais aussi les interrogations du rapporteur sur la capacité du fonds Barnier à faire face aux coûts estimés.

Je m’interroge aussi sur la capacité du FISAC à répondre aux besoins exceptionnels liés à cette catastrophe, alors que de nombreux dossiers nécessitent son intervention régulière dans toute la France.

Nous devons aussi regarder l’avenir.

Il faut, dès maintenant, réfléchir aux projets que toutes ces communes vont pouvoir porter pour ces territoires dont il n’est plus possible de maintenir la destination de zones habitables.

Quelle action peut être menée pour aider les collectivités territoriales ?

Vous le savez, leur situation va être très fragilisée, d’autant que les pertes de ressources ne porteront pas seulement sur cette année, problème d’ailleurs récurrent pour tous les territoires soumis aux risques naturels.

Je voudrais également vous alerter, à l’occasion de ce débat, sur un autre sujet.

Si l’État et ses services élaborent avec les collectivités des plans de prévention des risques d’inondation dans lesquels sont édictées des règles d’urbanisme et des conditions de constructibilité, cela nécessite de redonner des capacités d’intervention aux maires sur les transformations réalisées sur un certain nombre de biens.

Les nouveaux textes permettent à un acheteur de transformer son bien sans en informer la commune s’il ne modifie pas la façade du bâtiment. Or, dans le cas d’un redécoupage, si nous exigeons, par exemple, qu’une pièce soit au-dessus des plus hautes eaux connues pour éviter aux populations concernées de courir à nouveau les mêmes risques, il n’y aura aucun moyen de vérifier que le projet est conforme au plan de prévention des risques d’inondation puisqu’aucun dossier n’est à présenter par le propriétaire auprès de la commune où se situe le bien.

Pour terminer, je voudrais en venir à l’alerte, autre sujet ô combien sensible, car c’est grâce à elle, à sa qualité, que l’on peut espérer sauver des vies humaines.

Je partage largement les premières préconisations de la mission, et je veux insister sur la nécessité de messages clairs, décryptés, autrement dit compréhensibles par les non-spécialistes.

La clarté est en effet essentielle pour savoir si l’on déclenche une évacuation ou si l’on invite les habitants à rester chez eux. Cela nécessite également d’avoir les moyens de s’assurer que l’alerte est bien reçue par les responsables.

Cependant, mettre en œuvre les actions préventives dès l’alerte suppose bien évidemment que les plans communaux de sauvegarde soient élaborés. L’État a demandé aux collectivités d’adopter ces plans, mais aucun moyen, particulièrement humain, n’a été mis à la disposition des collectivités pour les réaliser.

Combien de communes de petites tailles, comptant moins de 10 000 habitants, ont la capacité de concrétiser rapidement ces plans ?

Il me semble qu’aujourd’hui, sur cet aspect comme pour les délivrances de permis de construire et pour l’instruction de toutes les autorisations du droit des sols, les collectivités ont besoin d’un accompagnement des services de l’État.

Malheureusement, la révision générale des politiques publiques est passée par là et les personnels de l’équipement sont de moins en moins nombreux pour ces tâches. On voit très nettement la limite de la réduction des effectifs et les risques que ces mesures font peser sur l’application de règles pertinentes pour protéger les populations, les activités économiques et les équipements.

Ne pensez-vous pas qu’il est urgent de revenir sur la saignée de ces services qui avaient pourtant engrangé une expertise dont nous aurions bien besoin pour avancer plus rapidement dans l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation avec les élus ?

Ces services pourraient utilement apporter leur concours pour aider à définir les mesures qui peuvent répondre à la protection des populations.

Ne pensez-vous pas qu’ils seraient utiles à la mise en œuvre de la directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation ?

Celle-ci a été intégrée a minima au sein du Grenelle 2 pour que notre pays se mette rapidement en conformité avec les obligations de transposition.

Le travail des services de l’État avec l’ensemble des partenaires qui doivent être associés devrait, à mon avis, s’appuyer plus largement sur cette directive pour traiter les risques d’inondation sur notre territoire, en tenant compte des diversités de situations, conformément à ce qu’elle préconise.

L’inondation tragique que vient de vivre le Var confirme la nécessité de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les travaux de prévention des risques et pour la réduction de la vulnérabilité de toutes les constructions afin d’assurer la sécurité des populations qui y vivent.

Enfin, pour respecter mon temps de parole je n’ai pas abordé le plan digues, mais je suis d’accord avec le président de la mission pour dire qu’il ne porte pas très bien son nom…

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Merceron

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure où le département du Var est en deuil à la suite des pluies torrentielles qui se sont déversées hier, mes pensées vont aux victimes, à leurs familles et à nos collègues sénateurs de ce département. Qu’ils soient tous assurés de ma compassion et de ma solidarité dans l’épreuve.

Cela dit, le débat qui nous rassemble ce soir concerne les conséquences de la tempête Xynthia.

Le dimanche 28 février dernier, la France s’est réveillée sous le choc, en découvrant les dégâts produits par la tempête sur le littoral atlantique et, plus particulièrement, en Charente-Maritime et en Vendée. La nuit d’angoisse et de mort vécue par nos concitoyens sinistrés, Charentais et Vendéens de l’Aiguillon-sur-Mer et de la Faute-sur-Mer, restera gravée dans nos mémoires.

Les images de la submersion marine et les désastres en chaîne déferlaient sur nos écrans de télévision, au fur et à mesure que le courant électrique était rétabli. L’onde de choc était à la mesure de l’horreur de ce désastre.

En Vendée et en Charente-Maritime, départements les plus violemment touchés, les villes du littoral ont été frappées d’inondations mortelles.

La-Faute-sur-Mer et L’Aiguillon-sur-Mer se sont en partie retrouvées sous un à deux mètres d’eau. Cinquante-trois personnes ont péri, dont vingt-neuf à La Faute-sur-Mer.

Jusqu’à un million de foyers ont été privés d’électricité dans une partie de la Bretagne, le Limousin, le Centre et en Auvergne. On n’en finirait pas de faire la liste des dégâts matériels mettant les sinistrés à la rue et bouleversant toute l’économie agricole, ostréicole, artisanale, commerciale et touristique de ces territoires !

Dès le 25 mars dernier, et sans attendre les conclusions des missions de l’État, le Sénat a décidé la création d’une mission commune d’information sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Le périmètre de réflexion, comme viennent de nous le rappeler nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani, président et rapporteur de la mission, porte sur les systèmes de prévision et d’alerte, sur les dispositifs de prévention et d’indemnisation, sur les règles d’urbanisme et le droit des sols, ainsi que sur le plan de reconstruction et de renforcement des digues.

Je m’associe aux remerciements déjà exprimés a leur endroit, en saluant leur disponibilité et la qualité du travail déjà produit.

En outre, je peux vous assurer, chers collègues membres de cette mission, que j’ai reçu de nombreux témoignages émouvants de Vendéens sinistrés à la suite de la visite qu’ensemble nous avons effectuée au mois de mars auprès des populations.

La première préoccupation étant de tirer les leçons de cette tragédie, la mission s’est donné pour objectif, lors de sa constitution le 31 mars, de formuler des préconisations précises et des mesures concrètes destinées à prévenir le renouvellement d’une telle catastrophe meurtrière.

Dans ce cadre, mon propos a pour objet de rappeler l’obligation de solidarité nationale envers tous les sinistrés, de souligner la « responsabilité partagée » de différents acteurs dans la catastrophe, d’envisager des pistes pour redéfinir la culture du risque qui devrait prévaloir sur notre littoral et, enfin, d’évoquer la question de la protection des populations contre l’action de la mer.

Le plan de soutien annoncé sur place le 16 mars par le Président de La République semble laisser de côté certains sinistrés de la tempête.

Certains attendent toujours des mesures. Je pense notamment aux exploitants agricoles dont les terres ont toutes été recouvertes par de l’eau salée ou à cet éleveur qui a perdu son troupeau de moutons.

Certains se sont vu opposer un refus. Il s’agit d’horticulteurs dont les serres ne pouvaient être préalablement assurées.

Madame la secrétaire d'État, il paraît indispensable, après bientôt quatre mois, de faire le bilan des indemnisations et je vous remercie d’être mon interprète auprès de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche.

Les responsabilités à tous les niveaux doivent être établies. Je me refuse en revanche à désigner des coupables.

Je tiens ici à saluer l’esprit qui a guidé la mission, loin de l’effervescence qui a agité certains qui très vite dénonçaient des coupables et proposaient des solutions miracles.

La frénésie immobilière est le reflet du développement de toutes les zones littorales attractives, de politiques d’investissements touristiques et de développement économique des territoires. La culture de la villa « les pieds dans l’eau » a poussé l’ensemble des acteurs à participer à cette frénésie immobilière.

Reconnaissons-le, l’effervescence du développement économique a aussi créé des emplois et induit des équipements collectifs, amplifiant l’attrait touristique de notre littoral et lui conférant une valeur certaine.

Ainsi, des risques qui ne valaient pas la peine d’être courus pour de l’argent ont-ils été pris et une catastrophe naturelle s’est transformée en catastrophe humaine de dimension nationale.

Pour autant, nous n’avons pas la culture du risque, comme l’ont reconnu l’ensemble des responsables que nous avons auditionnés.

Le paradoxe, c’est que nous pratiquons la politique du parapluie pour éviter toute responsabilité. Ainsi développons-nous trop souvent une surprotection dont la surdimension finit par créer de faux problèmes et un écran de fumée.

Le principe de précaution est aujourd’hui dévoyé. En surréagissant, toute une chaîne de responsabilité, par crainte d’être désignée coupable depuis la judiciarisation de notre société, se couvre et se surprotège.

La culture du risque est une méthode, qui passe par l’identification du risque, son évaluation, la mise en place de moyens, une responsabilité solidaire, le suivi et la vulgarisation.

Nous sommes tous concernés, et c’est donc une approche sereine du risque qu’avec toute la population nous devons collectivement développer. Ainsi ne serons-nous plus tous potentiellement coupables mais tous effectivement responsables et solidaires.

Permettez-moi de faire référence à la contribution, intitulée « Protection des populations contre l’action de la mer », que j’avais rédigée dans le cadre du Grenelle de la mer, et qui a été retenue parmi les 138 engagements en faveur de la mer et du littoral.

Considérant que les risques pour les populations littorales étaient totalement absents des discussions du Grenelle de la mer, j’avais établi ce texte au printemps 2009, près d’un an avant la tempête Xynthia, pour mettre en garde les autorités et le monde maritime contre les effets cumulés de la surélévation du niveau de la mer et des événements climatiques extrêmes, qui accroissent les risques encourus par les populations et les biens dont la sécurité dépend d’une protection naturelle ou artificielle contre la mer. J’ajoutais que la connaissance hétérogène des points faibles, digues ou cordons littoraux, ne suffisait pas à engager des actions de prévention à hauteur des risques encourus par la population.

Il ne s’agissait pas de prémonition, mais seulement d’une réflexion de bon sens, issue de mon expérience du terrain ; je rappelle que je suis un élu du littoral vendéen.

À partir de ce constat, je proposais que la France se positionne comme leader d’un programme international de protection des populations.

Il s’agissait, dans un premier temps, de montrer l’exemple en établissant un recensement rapide, pragmatique, mais méthodique, de nos côtes métropolitaines et d’outre-mer, pour en identifier les points faibles : altimétrie, état des ouvrages, populations concernées... Il convenait, dans un second temps, de lancer un programme national spécial, contractualisé entre l’État et les collectivités, et indépendant des actuels contrats de projets, afin de financer les priorités arrêtées en concertation étroite avec les collectivités.

En effet, si le plan digues concerne l’engagement financier de l’État, la gestion de ces digues et du maintien du cordon dunaire doit être maintenue au niveau local. Il est souhaitable de conforter les collectivités de proximité dans cette mission de gestion.

Le pré-rapport, dont j’ai pris connaissance avec un grand intérêt, mentionne, dans son dernier chapitre, la protection des populations et le renforcement des digues.

Cité dans l’exposé, le recensement général, qui me paraît indispensable, pourrait être repris dans la synthèse des préconisations de la mission. Mais il nous faut encore travailler...

Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable et craindre de révéler au grand jour une situation critique ! Le grand recensement que j’appelais de mes vœux, il y a plus d’un an, doit être lancé sans attendre.

Les directions départementales des territoires et de la mer disposent d’archives sur les ouvrages et de diverses études. Elles doivent être sorties des placards ! Il faut en faire un grand inventaire dans des délais très brefs ; compte tenu des enjeux, cette tâche ne devra pas prendre plus d’une année. Aucun territoire littoral ne doit y échapper, de nos îles lointaines jusqu’à la Méditerranée.

Cet inventaire sera la première étape d’un bilan de santé des rivages, qui devra être achevé dans deux ans et qui permettra d’évaluer les risques pour les populations.

Nous devons faire ce travail ! À défaut, comment pourrions-nous expliquer à nos concitoyens que rien n’a été fait depuis la tempête Xynthia si, l’hiver prochain ou le suivant, devaient se reproduire des événements similaires, dont la probabilité d’occurrence augmente.

Je tiens à vous rappeler, à la suite de Bruno Retailleau, que les prochaines marées d’équinoxe auront lieu en septembre prochain. Le plan digues, annoncé par le Président de la République, ne suffira pas à faire face à cette nouvelle menace. Nous devons mener une véritable course contre la montre !

Nous attendons toujours l’engagement du financement de l’État, à hauteur de 50 %, pour lancer de toute urgence les ordres de service en vue de la réalisation des travaux.

En conclusion, permettez-moi de saluer le courage des bénévoles, des professionnels et des collectivités qui se sont mobilisés pour secourir et aider les sinistrés de Xynthia. Je remercie également nos concitoyens pour leur élan de solidarité et leur générosité.

Il ne m’a pas été possible, faute de temps, de souligner à quel point il est indispensable de revoir la coordination des systèmes de prévision et d’alerte, ni d’aborder l’épineuse question des zonages et de la démolition de toute habitation située dans ces zones dites « noires ». J’apporte mon soutien aux propositions présentées par nos collègues Bruno Retailleau et Alain Anziani sur ces deux points, qui sont repris dans le rapport d’étape.

Tirer les leçons de la catastrophe humaine qui a meurtri le littoral atlantique, pour ne plus jamais revivre une telle situation, telle est notre mission. Prendre les bonnes mesures pour protéger nos concitoyens des aléas climatiques, tel est notre devoir.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

secrétaire d’État., mes chers collègues, les épreuves vécues la nuit dernière, dans le Var, avec leur cortège de drames humains, donnent tout son poids à notre débat.

Comment ne pas avoir une pensée émue pour ces familles endeuillées ? Comment ne pas assurer de notre solidarité tous ceux et toutes celles qui, à l’occasion d’une tempête ou d’une inondation d’une gravité extrême, ont vu leur vie basculer en un instant.

Je ne suis pas de l’un de ces départements cruellement touchés par la dépression météorologique majeure, d’un type tout à fait exceptionnel, qui a dévasté plusieurs zones côtières, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, avant de poursuivre son œuvre destructrice en Auvergne et dans les Pyrénées. Mais, comme tous les élus de la République pleinement concernés par ce drame, je m’interroge sur les mesures que nous aurions pu prendre pour éviter une telle catastrophe, et pour en réparer les effets.

Loin de moi l’idée de dresser un bilan accablant tant en termes de prévention que de réparation. Je sais trop que l’on ne peut pas tout prévoir et tout guérir dans l’instant.

Je relève, tout d’abord, que les alertes orange, puis rouge, ont bien été déclenchées, et que les populations ont été invitées à la prudence, et même incitées à s’éloigner de la zone côtière immédiate. Je note aussi l’extraordinaire mobilisation de tous les acteurs concernés, qui n’ont économisé ni leurs forces ni leur énergie pour secourir les dizaines de personnes prisonnières des eaux et leur apporter un peu de réconfort.

Je ne néglige pas non plus toutes les démarches de solidarité qui ont été spontanément engagées pour réparer de façon urgente les dégâts matériels innombrables et, tout simplement, pour permettre à la vie de reprendre son cours.

Nous sommes cependant en droit, ou plutôt « en devoir », de nous interroger sur l’existence éventuelle de dysfonctionnements ou de carences.

Comment expliquer que l’on ait autorisé la construction de maisons dans des zones manifestement inondables ? Méconnaissance des risques, confiance infondée dans un système de digues fragilisées par le temps, pression inconsidérée de promoteurs immobiliers §insouciance de propriétaires ayant enfin réalisé leur rêve ?Toutes ces raisons s’additionnent et concourent au désastre que nous avons constaté.

N’existe-t-il pas, pour autant, des garde-fous ? La délivrance de permis de construire n’est-elle pas soumise à des règles, à des normes strictes ? N’y a-t-il pas de plans de protection des risques d’inondation, de dispositifs d’alerte, de plans communaux de sauvegarde, de campagnes d’information des populations ?

Tous ces dispositifs existent et sont prévus soit par la loi, soit par le règlement. Ils relèvent de la compétence de l’État et des collectivités locales. Étaient-ils en place, et convenablement activés ? La réponse n’est pas, me semble-t-il, uniformément positive.

La procédure de catastrophe naturelle est en soi une excellente chose, qui permet d’indemniser les sinistres dans des délais rapides, et selon des modalités spécifiques. Dans ce cas particulier, elle a été déclenchée dès le 1er mars, soit moins de quarante-huit heures après le passage de la tempête Xynthia. Comment expliquer, dès lors, que des personnes sinistrées en soient réduites, aujourd’hui encore, à reconstituer leur patrimoine et à en justifier l’existence pour obtenir des compagnies d’assurances une indemnisation décente ?

Le Gouvernement s’est engagé, pour sa part, à intervenir auprès des acteurs économiques les plus durement touchés : les agriculteurs dont les sols et les plantations ont été inondés et détériorés par l’eau de mer, les ostréiculteurs qui ont perdu tout ou partie de leurs exploitations, les artisans et les chefs d’entreprises privés de leur outil de travail.

Pouvons-nous obtenir l’assurance que le plan d’aide et d’allégement des charges est pleinement mis en œuvre ? Je serai attentive, madame la secrétaire d’État, aux réponses que vous nous apporterez pour l’ensemble des secteurs concernés.

Comment ne pas évoquer, enfin, cette mauvaise pièce de théâtre à laquelle nous avons assisté, quelque peu abasourdis ? Chacun y est allé de sa tirade, ajoutant maladresses sur maladresses, avant de reconnaître qu’une « erreur de communication » avait été commise.

Était-ce vraiment une erreur de communication que de dire haut et fort que l’État ne laisserait pas se réinstaller dans leurs maisons, si elles présentaient des risques mortels, des propriétaires en pleine détresse, comme de dire, quelques jours plus tard, que les « zones noires », devenues entre-temps « zones de solidarité », n’étaient pas complètement délimitées ? Quelle maladresse, oui, vraiment quelle maladresse, de balayer en un instant la vie entière de personnes fragilisées psychologiquement par le drame vécu !

Je veux donc espérer que les réflexions menées aujourd'hui au plan local, avec les préfets et l’ensemble des acteurs locaux, pour poser de nouvelles bases de travail et établir un zonage d’acquisition amiable, permettront de trouver une voie de rationalité et d’équilibre de nature à répondre aux exigences de sécurité et à satisfaire les attentes légitimes de la population.

J’en viens au plan digues, présenté comme la solution salvatrice. Permettez-moi d’en souligner les difficultés pratiques majeures.

Tout d’abord, quel est le statut de ces digues ? À qui appartiennent-elles ? À l’État ? Aux collectivités locales ? Aux propriétaires riverains ? Qui est chargé de leur entretien, de leur surveillance ?

À cet égard, la loi de 1807 est imprécise. Quant à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui établit la nécessité de mener des études de dangerosité concernant les digues, elle n’apporte guère de réponses.

Ce plan digues, dont on ignore la forme et le contenu, devrait permettre, au préalable, de clarifier ces points de droit.

Je m’interroge, en outre, sur le plan digues lui-même. Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, si des solutions alternatives ont été envisagées ?

Les zones côtières ne présentent assurément pas les mêmes spécificités sur le plan de la géographie physique. Il faudrait peut-être envisager d’autres moyens de défense contre la mer ; je pense, notamment, aux polders.

J’ajoute que ce plan, dont, je le répète, le contenu n’est pas encore défini, entraînera obligatoirement des dépenses. Or le montant des crédits susceptibles d’être alloués à ces travaux n’a pas été évoqué.

Madame la secrétaire d’État, je comprends que l’on réagisse à une situation aussi exceptionnelle, et pour partie imprévisible, à ce grand chaos, de façon également chaotique et désordonnée. Mais personne ne comprendrait, autour de nous, que le Gouvernement ne mette pas tout en œuvre pour en finir avec un système confus de responsabilité collective. Il faut instaurer une véritable culture du risque à laquelle la population doit être associée, par des exercices concrets d’évacuation, par exemple. Ainsi pourra-t-on élaborer une vraie doctrine générale de sécurité civile.

Nous savons, madame la secrétaire d’État, que nous pouvons compter sur vous.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ce soir porte sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui a traversé la France les 27 et 28 février dernier et a provoqué la mort de plus de cinquante personnes. Comme les orateurs précédents, je m’incline devant toutes les victimes et exprime à leurs familles ma solidarité.

La gravité de cette tempête a justifié la reconnaissance quasi immédiate – cela a été souligné – de l’état de catastrophe naturelle.

Ce drame soulève plusieurs questions. Quelles sont les conséquences pour les victimes de la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle ? Pourquoi les digues ont-elles cédé et qu’en est-il en matière de responsabilité ? Les systèmes de prévision des submersions marines étaient-ils suffisamment performants ? Des dysfonctionnements ont été relevés : quels sont-ils et quelles en sont les causes ?

C’est pour répondre, entre autres, à ces interrogations que la mission commune d’information a été constituée. En effet, nous avons le devoir de tirer toutes les conséquences de ce drame, qui, comme l’ont noté tous les observateurs, résulte de la conjonction de plusieurs facteurs, dont un fort coefficient de marée, des carences en matière d’urbanisme, des défaillances humaines.

Après le président de la mission susvisée, je veux à mon tour souligner la sérénité et l’objectivité qui ont présidé aux auditions de celle-ci, permettant ainsi une réflexion approfondie et sans tabou. Les personnalités de son président, Bruno Retailleau, et de son rapporteur, Alain Anziani, n’y sont sans doute pas étrangères.

Je veux également souligner que, au moment où il est de bon ton de critiquer les parlementaires, en particulier les sénateurs, une telle mission témoigne du rôle utile de contrôle de ces derniers sur l’exécutif.

Mon intervention se concentrera autour de cinq points : la procédure d’alerte, la définition des fameuses zones noires, la problématique des digues, les règles d’urbanisme et, enfin, l’indemnisation tant attendue des agriculteurs.

En matière d’alerte, quels éléments maîtrisions-nous ? Nous savions que les tempêtes ont des conséquences sur le niveau de la mer. Nous connaissions les horaires des marées. Nous étions au courant de l’existence de digues mal entretenues. Nous avions également connaissance de l’existence d’habitations en zones initialement réservées à des fins agricoles en raison de leur caractère inondable.

Les conséquences d’une tempête telle que Xynthia étaient donc très largement envisageables. D’ailleurs, les populations ont été alertées dans de très nombreux endroits, même si les risques majeurs les plus souvent signalés étaient liés aux vents forts.

C’est la conjonction spatiale et temporelle de tous ces éléments, connus et appréhendés séparément, qui était peut-être la plus difficile à prévoir.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

À quelques heures près, à marée basse par exemple, les inondations auraient pu ne pas avoir lieu.

Alors, que s’est-il passé ?

Dès le samedi 27 février au soir, Météo-France avait prévu l’heure d’arrivée du plus fort de la dépression. Nous disposions donc a priori de l’ensemble des éléments permettant de déclencher l’alerte.

Mais, mes chers collègues, notre système d’alerte est quelque peu désuet. Nous avons tous été stupéfaits de l’apprendre lors de l’audition du directeur de la sécurité civile : notre système d’alerte date de 1930... Chacun d’entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège dans cette assemblée, conviendra que les moyens technologiques existants aujourd’hui devraient permettre d’en améliorer sensiblement la précision et l’efficacité.

Élu d’une commune littorale des Côtes-d’Armor, heureusement moins touchée que celles de Charente-Maritime ou de Vendée, je peux attester de certains dysfonctionnements dans le système d’alerte.

Il ne sert à rien, en effet, d’envoyer un message d’alerte par fax à une mairie un samedi soir, alors que personne n’est là pour le réceptionner. De surcroît, la rédaction d’un tel message est parfois peu compréhensible par un non-professionnel ou un non-scientifique. Tous les maires ne sont pas en mesure de comprendre le jargon technique. L’occasion m’est donnée de saluer les élus et les personnels assurant la sécurité publique, qui se sont mobilisés sans compter.

Actuellement, diverses associations départementales de maires de France mènent un certain nombre de réflexions. Mutualisons ces réflexions ! Nous ne pouvons plus nous contenter du système actuel !

J’en viens aux zones noires. Au départ, la mission commune d’information ne devait pas s’y intéresser. Mais, lors de nos déplacements en Charente-Maritime et en Vendée, nous avons tous été choqués, quelle que soit notre appartenance politique, par la méthode retenue pour délimiter les zones sinistrées et pour prendre les mesures qui s’imposaient.

Les échanges que nous avons eus à Charron comme à Châtelaillon, aussi bien avec les élus qu’avec les habitants, me conduisent à penser que les décisions ont été adoptées dans la précipitation et sous le coup de l’émotion publique. Sans trop m’avancer, je dirai que ce sentiment est partagé par la plupart des membres de la mission.

Bien sûr, il fallait prendre en compte la gravité de la situation, mais de là à mettre en place systématiquement des zones noires… C’était exagéré !

J’ai en mémoire les propos tenus par la totalité des élus charentais lors de notre rencontre à Châtelaillon : ils déploraient que certaines parcelles ayant subi une submersion marine de plus de 1, 80 mètre n’aient pas été classées en zone noire, au motif – et je cite leurs propos – qu’elles ont été considérées comme « économiquement insoutenables ». Ce n’est pas normal !

Paradoxalement, à proximité de ces zones non classées, le village des Boucholeurs, situé sur la commune de Châtelaillon, se retrouvait lui en zone noire, en raison de la présence de quelque 10 ou 20 centimètres d’eau dans deux ou trois maisons.

Où est la logique, où est la cohérence d’une telle approche ?

Je comprends la colère et le sentiment d’injustice exprimés par les personnes concernées, sentiment renforcé par le fait que très peu d’entre elles ont rencontré les experts en cause.

C’est d’ailleurs, précisons-le, la venue de la mission commune d’information sénatoriale en Charente-Maritime et en Vendée qui a conduit le Gouvernement à requalifier ces zones noires en « zones de solidarité ». N’aurait-il pas été plus simple et plus humain de prendre une telle décision la première semaine, au lieu d’imposer des zones tracées à la hache ?

Avec dix centimètres d’eau, le courant n’est pas un critère ; certes, on est en danger à cinquante mètres d’une digue, mais il faut expliquer cela à nos concitoyens.

Il fallait définir cette zone non pas comme une « zone de solidarité », mais comme une zone d’acquisition, de négociation afin justement d’engager des pourparlers avec les habitants qui voulaient partir ! Il fallait effectuer une analyse au cas par cas. Surtout, il ne fallait pas provoquer un tel désarroi ! La plupart de ces habitants étaient des victimes !

Les choses auraient pu et auraient dû se faire dans la sérénité, lors des réunions organisées par les préfets, d’autant que des travaux, réalisés de longue date en concertation avec des experts, des scientifiques et des élus locaux, qui connaissent bien leurs territoires, étaient possibles.

Abordons maintenant la question des digues.

En raison des nombreuses victimes, la tempête Xynthia soulève des questions quant à la construction des digues et aux règles de sécurité, notamment dans les zones inondables, interrogations sur lesquelles s’est penchée la mission commune d’information.

La gestion des digues est problématique – Mme Escoffier l’a souligné –, car nombreuses sont celles qui n’appartiennent à personne, aucun propriétaire n’étant connu et l’État ne se considérant pas comme tel. Cette situation est liée pour partie à l’ancienneté de ces ouvrages ; de ce fait, aucun acte administratif de propriété ne les régit. Dans ce cas, qui a la charge de leur entretien ? Est-ce à l’État d’en assumer les frais, même s’il n’est pas à proprement dit le propriétaire ?

Récemment, la réglementation s’est faite plus contraignante. La loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a été suivie d’un décret du mois de décembre 2007, qui établit, notamment, la nécessité de mener pour les digues des études de dangerosité.

Ces audits, à la charge des propriétaires des digues, doivent établir les risques que celles-ci font courir aux personnes proches ou aux installations publiques et industrielles.

Un premier problème se pose : quid de ces audits quand les digues n’ont pas de propriétaire ?

En fonction des résultats, les propriétaires doivent être capables de surveiller leurs digues, de les entretenir et d’en prévenir les défaillances, cela sous le contrôle des services territoriaux de l’État, de moins en moins nombreux, comme l’a rappelé ma collègue tout à l’heure.

Un second problème surgit : les travaux qui en découlent sont souvent très coûteux, donc hors de portée des associations de riverains ou des communes. Alors que fait-on ?

Une digue doit être contrôlée et entretenue régulièrement, il n’est qu’à prendre l’exemple des Pays-Bas. Depuis la catastrophe nationale de 1953, les Néerlandais ont défini une stratégie nationale ambitieuse de prévention du risque de submersion marine à travers l’élaboration des plans Delta I et Delta II.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Ainsi, près de un milliard d’euros y sont consacrés chaque année.

En France, voilà six ou sept ans, l’État a revu sa doctrine en matière de digues : en raison de décès provoqués par la rupture d’ouvrages sur effet de vagues, notamment dans le Gard et l’Aude, il a abandonné la construction de digues de protection. À l’époque, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l’écologie et du développement durable, s’était même opposée à la création de polders, ces étendues artificielles de terre dont le niveau est inférieur à celui de la mer, et qui, réalisées par drainage, provoquent l’assèchement des marais, estuaires, lacs ou zones littorales.

Le fait que les digues soient gérées par de multiples acteurs, disposant de peu de moyens et ayant parfois des intérêts contradictoires, nuit sérieusement à l’efficacité du système.

Un programme de réfection des ouvrages endommagés et, de manière plus générale, un programme de réfection des digues en France doit s’intégrer dans une politique globale de prévention, engagée surtout, comme cela a été indiqué, dans la concertation.

Quelle est la base législative actuelle ? L’article 33 de la loi impériale du 16 septembre 1807 ! La frénésie législative que nous connaissons d’habitude n’a pas conduit à actualiser ce mode de gestion, et c’est bien dommage !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Kerdraon

Je le répète : aucune collectivité locale n’a seule les moyens de construire ou d’entretenir des digues ! Dès lors, la solution ne peut venir, à mon sens, que d’une étroite coopération entre l’État et les collectivités locales. Il faut fédérer, autour d’un territoire à risques, l’ensemble des intervenants de proximité que sont les collectivités locales et les propriétaires, et les décisions doivent être prises en liaison avec l’État, qui assurera la maîtrise d’ouvrage.

Mais, mes chers collègues, un tel scénario ne peut reposer que sur un transfert de la gestion des ouvrages soit aux communes et à leurs groupements, soit aux départements. Quoi qu’il en soit, la collectivité locale doit être obligatoirement associée aux travaux.

Un pilotage plus exigeant et, je le répète, de proximité, s’impose ! Une telle démarche serait d’ailleurs en totale cohérence avec la transposition intégrale de la directive européenne relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation.

Comme toute catastrophe de ce type, la tempête Xynthia ravive également le débat sur la délivrance de permis de construire en zone inondable.

Les règles en la matière sont insuffisantes car elles ne prennent en considération ni l’ensemble des facteurs de risque ni l’ensemble des constructions situées en zone sensible.

Dans les secteurs où le risque est le plus faible, certaines constructions peuvent sans doute être autorisées par la mairie. Encore faut-il entourer cette possibilité de garanties. Les occupants devront prendre les mesures de prévention et de sécurité qui s’imposent en cas d’inondation. En outre, il est clair que le contrôle de légalité doit être en la matière systématique.

Il faut développer, en France, la culture du risque car le risque zéro est illusoire.

En ce sens, la proposition de l’Association nationale des élus du littoral, l’ANEL, d’élaborer un schéma de cohérence territoriale, un SCOT, littoral me semble pertinente et mérite d’être étudiée.

J’en viens enfin à la nécessaire indemnisation des agriculteurs.

À ce jour, seules les premières sommes du Fonds national de garantie des calamités agricoles, le FNGCA, ont été débloquées ainsi que les indemnités liées aux contrats d’assurance privée souscrits par les professionnels.

L’Europe se montre tatillonne en ce qui concerne l’utilisation des fonds de solidarité. C’est pourquoi, lors du récent examen par notre assemblée du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, le président de la mission commune d’information, Bruno Retailleau, a alerté M. Bruno Lemaire, dont je déplore la réponse.

En conclusion, je trouve regrettable que les questions liées à la prévention des risques naturels ne soient traitées que lorsque survient une catastrophe de l’ampleur de celle que nous avons connue et je forme le vœu que les propositions contenues dans l’excellent pré-rapport de la mission commune d’information soient transcrites dans notre législation au plus tôt.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, presque quatre mois après le passage de la tempête Xynthia, ce débat sur les conséquences de la tempête révèle toute son acuité, compte tenu des très nombreuses questions en suspens.

Tout d’abord, je souhaite m’associer à l’inquiétude exprimée par mes collègues de la mission à propos de la définition des périmètres qui ont été fixés, particulièrement en Charente-Maritime, avec une très grande confusion, une très grande précipitation et un manque certain de transparence. Je n’en dirai pas plus étant donné que mon collègue de Charente-Maritime Michel Doublet interviendra sur ce point précis.

Vous remarquez, madame la secrétaire d’État, la cohérence et la complémentarité de nos propos avec ceux de la mission, qui vont tous dans le même sens. J’espère qu’ils seront suivis d’effets !

J’axerai mon intervention sur la problématique des digues, de leur financement et de la programmation des travaux. En effet, les élus, les associations syndicales de propriétaires, les professionnels et les riverains attendent des réponses pour pouvoir enfin se projeter dans l’avenir.

Rappelons que l’une des principales conséquences de la tempête du 28 février 2010 a été la destruction, ou la forte détérioration, des digues ou des ouvrages de protection des côtes, dont l’une des vocations premières est la protection des populations.

Une grande partie du territoire de la Charente-Maritime est constituée de terres basses, sur près de cent cinquante kilomètres de la baie de l’Aiguillon à l’estuaire de la Gironde. Les marais littoraux couvrent environ 100 000 hectares sur les 600 000 hectares que compte le département.

En dehors des agglomérations, les digues de protection sont presque exclusivement en terre, sans autre dispositif permettant de lutter contre l’érosion. Elles protègent non seulement des marais agricoles, conchylicoles ou salicoles, mais également des infrastructures importantes et des zones bâties implantées à l’abri de ces digues.

Dans leur grande majorité, leur construction lointaine, puis leur entretien ont été entrepris et assurés par les propriétaires des terres agricoles, regroupés en associations syndicales de propriétaires. Ainsi, ces ouvrages, que l’on pouvait qualifier de bien commun des associés, sont devenus des ouvrages d’intérêt collectif.

Ces digues de protection agricole sont devenues progressivement des digues de protection de larges zones bâties. Il est donc temps de prendre en compte les digues en terre de marais comme n’importe quel autre ouvrage de protection du territoire, et d’ajouter à la prise en charge de la sécurité des personnes et des lieux bâtis, la sécurité des biens agricoles qui constituent l’outil de travail de nombreux agriculteurs et éleveurs.

Or, la crise économique que traverse le secteur primaire interdit aux exploitants d’assumer plus de 10 % des frais d’entretien de ces ouvrages, qui doivent de plus intégrer des contraintes environnementales ou architecturales excessives et dispendieuses.

Jusqu’à une date récente, le conseil général de la Charente-Maritime participait financièrement, avec l’aide de l’État et de l’Europe, via le FEOGA ou le FEDER, aux travaux d’entretien de ces ouvrages. Le cumul des aides accordées s’élevait à 70 % ou 80 %. Or, les interventions de l’État et de l’Europe ont récemment diminué, voire disparu.

La multiplicité des intervenants, État, collectivités territoriales, associations de propriétaires privés, l’enchevêtrement des responsabilités, le manque de moyens, ont inexorablement conduit à un défaut d’entretien des digues. Malheureusement, la conjonction exceptionnelle d’une forte dépression, d’une marée à coefficient élevé et d’une surcote a eu les conséquences dramatiques que l’on connaît.

Aujourd’hui, la reconstruction est en marche. S’agissant des travaux d’hydraulique agricole devant être exécutés dans les zones humides, nous avons pu obtenir une dérogation exceptionnelle afin de permettre l’exécution de travaux en secteur Natura 2000 durant les mois d’avril à juin. Nous vous en remercions.

Les premières réparations ou confortations intervenues sur les digues dites « d’urgence 1 » ont pu bénéficier de dispositions dérogatoires. Ces travaux d’urgence ont été réalisés pour un montant de 6, 5 millions d’euros financés par l’État. Des travaux complémentaires ont été commandés et payés par le conseil général de la Charente-Maritime pour un montant d’environ un million d’euros, avec une participation du FEDER à hauteur de 40 % du montant hors taxes.

Les travaux de la seconde phase, estimés à 12 millions d’euros, doivent être impérativement engagés avant les grandes marées d’équinoxe de septembre, sous peine d’une nouvelle catastrophe, tant les digues sont affaiblies et les confortements réalisés en première urgence précaires. Cela est notamment vrai en Charente-Maritime, comme il a été dit.

Le conseil général s’est porté maître d’ouvrage de ces travaux, alors même que ces ouvrages situés pour leur quasi-totalité sur le domaine public maritime ne sont pas la propriété du département. D’ores et déjà, le conseil général a sollicité une participation du FEDER à hauteur de 40 % du montant hors taxes. L’État doit également abonder financièrement ces opérations. Mais nous avons toujours des incertitudes concernant les digues agricoles établies sur fonds privés.

Enfin, en ce qui concerne le plan digues à dix ans, le coût des travaux en Charente-Maritime est estimé à environ 155 millions d’euros. Il conviendra de réfléchir à la conception de ces ouvrages afin de renforcer leur efficience.

Comme l’a très justement dit précédemment notre rapporteur, Alain Anziani, il convient de mettre en place un plan digue réfléchi, concret, solide dans le temps, comme cela a été fait aux Pays-Bas, afin que l’argent public ne soit pas dépensé inutilement.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

La Commission européenne a, semble-t-il, donné son accord pour contribuer au financement de ces opérations dans le cadre de l’axe 2 du programme opérationnel européen FEDER 2007-2013, au titre du cofinancement des actions des phases 1 et 2 des travaux.

Madame la secrétaire d’État, sans une aide importante de l’État, de l’ordre de 50 % du montant global des travaux, nous ne pourrons réaliser ces opérations indispensables au maintien de l’intégrité de nos territoires. Le conseil général de la Charente-Maritime est prêt à engager les chantiers demain. Seule fait défaut la décision de l’État de participer à ce financement.

Je vous prie de comprendre et d’excuser mon insistance, madame la secrétaire d’État !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

M. Daniel Laurent. Notre insistance en effet ! Mais nous avons besoin d’avoir rapidement la certitude que l’État sera à nos côtés pour mener à bien ces projets indispensables pour la sécurisation de notre territoire et l’avenir des générations futures.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la tempête Xynthia a lourdement frappé le littoral atlantique le 28 février dernier. C’est une catastrophe qui a endeuillé la Charente-Maritime, la Vendée et la France tout entière.

Malgré la forte mobilisation des secours et le grand courage avec lequel ils sont intervenus, cinquante-trois personnes ont péri et soixante-dix-neuf ont été blessées. La mémoire de ces victimes, ainsi que la douleur de leurs familles sont toujours présentes à l’esprit des membres de la mission et il nous appartient de trouver des solutions afin qu’un tel drame ne puisse se reproduire.

La France fait face, depuis plus d’une dizaine d’années, à des catastrophes naturelles d’ampleur exceptionnelle telles Xynthia ou celle qui est survenue dans le Var il y a à peine quelques heures. Je voudrais à mon tour exprimer mon soutien aux familles touchées par ce nouveau drame.

Chaque fois que de tels événements se produisent, des controverses voient le jour et sèment le doute quant à notre capacité à anticiper de tels risques et à y faire face. La tempête Xynthia en fournit une bonne illustration puisqu’elle met en évidence de graves défaillances de la part des pouvoirs publics.

Cette défaillance est évidente par exemple en matière d’urbanisme à travers l’occupation des sols. En effet, les membres de notre mission ont tous été stupéfaits de constater que certaines habitations sinistrées avaient été construites sans permis, qui plus est sur le domaine public maritime.

C’est notamment le cas de cent cinquante habitations situées dans le secteur de la Pointe, sur la commune de l’Aiguillon-sur-mer. Ces constructions, totalement illégales, n’auraient jamais dû être tolérées par les services préfectoraux. Par ailleurs, lorsque des permis de construire ont été délivrés, ils n’ont pas tenu compte du risque d’inondation pourtant indéniable puisque les terrains se situaient en dessous du niveau de la mer.

À ce sujet, il est à noter que la fédération française des sociétés d’assurance a classé huit cents communes dans des zones dites « à risque de submersion marine » entre zéro et deux mètres au-dessus du niveau de la mer. Pour autant, 235 000 maisons y sont construites.

Pourtant, le zonage instauré par les plans locaux d’urbanisme peut tout à fait être utilisé pour protéger les populations, soit en déclarant certaines zones inconstructibles, soit en assortissant de prescriptions les permis de construire délivrés.

Mais cela n’a pas été le cas dans les communes touchées par la tempête Xynthia. Quant aux plans de prévention des risques naturels, déclinés en plans de prévention des risques d’inondation, les communes les plus touchées par la tempête n’en étaient pas dotées. En effet, comme vous l’avez confirmé vous-même, madame la secrétaire d’État, seuls quarante-six plans ont été approuvés et soixante et onze prescrits, sur les 864 communes littorales.

De plus, lorsque ces plans existent, ils ne sont pas pour autant efficaces. En effet, le rapport de la mission relève que les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde, imposées aux collectivités et aux particuliers, sont souvent insuffisantes et peu argumentées. En pratique, la simple annexion des plans de prévention des risques d’inondation aux documents d’urbanisme n’entraine pas nécessairement de cohérence entre les deux.

Ainsi, nous sommes face à une sous-estimation générale des risques en France. À la suite de cet épisode tragique, il apparaît nécessaire de réaliser un bilan de l’exposition des communes littorales au risque d’inondation et de submersion marine et d’évaluer les risques encourus. La gestion du risque et l’aménagement du territoire ne peuvent être disjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bonnefoy

Il s’agira de mettre en place les mesures de précaution et les moyens permettant de s’y préparer afin d’éviter la mise en danger des personnes, par un renforcement des digues, une cartographie des zones inondables, des prescriptions de construction, voire d’expropriation quand cela est nécessaire, afin de restaurer les zones naturelles qui peuvent servir de tampon en cas d’inondation.

Concernant les zones noires, j’estime qu’il faut revenir sur le processus de leur mise en place, qui a débouché sur une incompréhension, voire sur la colère des sinistrés. Ces derniers ont perçu l’action de l’État comme empreinte de brutalité, d’opacité et de manque d’écoute.

En effet, le Gouvernement a laissé trop longtemps planer le doute sur ses intentions, en qualifiant certaines zones sinistrées de « zones de danger mortel », laissant entendre qu’une expropriation massive des résidents était envisagée. Ce sentiment a été exacerbé par le manque de transparence du processus de délimitation des zones à risque, notamment par le refus des préfectures de communiquer aux associations de victimes les études sur lesquelles les experts s’étaient appuyés pour délimiter lesdites « zones noires ».

Lors des auditions menées par la mission, les experts nationaux ont admis que les cartographies des « zones noires » avaient été effectuées de manière « théorique » et conçues « à dires d’expert ». Les sinistrés ont tous, à ce propos, déploré et dénoncé le caractère unilatéral de l’action de l’État.

L’incompréhension a été renforcée lorsque la cartographie, rendue publique, a fait apparaître dans les fameuses zones noires, des propriétés très peu touchées, alors que d’autres, particulièrement atteintes, n’y figuraient pas. Il aura fallu attendre que la situation locale s’envenime et que des protestations surgissent de l’opinion ainsi que des élus locaux, pour que le Gouvernement se rétracte, en requalifiant les « zones noires » en « zones de solidarité ».

Je crois que cette expérience devrait pousser, à l’avenir, les pouvoirs publics à plus de retenue dans leurs annonces. Il est intolérable de laisser planer le doute durant plusieurs semaines sur le sort réservé à des citoyens en proie au désarroi ! Le rôle des pouvoirs publics dans une telle situation est, au contraire, d’apporter une écoute et d’agir en concertation étroite avec les élus et les sinistrés, ou les associations qui les représentent.

Les relations entre l’État et les sinistrés doivent être revues à l’aune de ce constat, afin de ne pas renouveler une communication que je me permettrai de qualifier de désastreuse.

Je voudrais maintenant souligner le rôle important joué par les collectivités territoriales. À l’heure actuelle, nous ne connaissons pas le coût total engendré par la tempête Xynthia, tant pour le budget de l’État que pour les collectivités territoriales et les sinistrés. Nous savons cependant qu’il sera colossal !

En ce qui concerne les sinistrés, lors de leurs auditions, les deux fédérations d’assureurs nous ont fait part de leur volonté de procéder à des indemnisations dans des conditions favorables aux victimes, et c’est tant mieux.

Par exemple, en réponse aux inquiétudes légitimes des sinistrés quant au risque de sous-estimation de leurs biens, France Domaine a indiqué que la consigne avait été donnée aux évaluateurs de chercher à déterminer la valeur du bien antérieurement à la catastrophe, sans aucune prise en compte du risque potentiel ni de la vétusté du logement, et en s’appuyant sur les statistiques du marché de l’immobilier en 2009.

Les assurances ont aussi accordé aux victimes des facilités en matière fiscale et sociale.

Parallèlement à l’indemnisation des particuliers, il faut absolument apporter une aide aux collectivités. Ce sont elles qui ont été en première ligne et qui ont dû faire face aux urgences, en mobilisant des moyens humains et financiers importants.

Nous savons que la reconstruction va exiger des moyens financiers conséquents, que ces mêmes collectivités ne pourront supporter seules !

Il est donc nécessaire que l’État s’engage rapidement et clairement à leurs côtés ! Il doit les aider à réparer les dommages aux biens non assurables tels que la voirie, les ponts et ouvrages d’art, les réseaux d’adduction d’eau et d’assainissement.

Lors de son audition, le ministre de l’intérieur nous a dit intervenir à hauteur de 40 % au titre de la solidarité nationale. Ce taux nous paraît relativement faible face à l’ampleur de la catastrophe, d’autant que, d’après les premières estimations des services préfectoraux, les dommages sur les biens non assurables s’élèveraient à 117 millions d’euros pour les quatre départements les plus touchés, avec plus de 70 millions d’euros restant à la charge des collectivités.

J’espère que l’État va mettre en place les moyens nécessaires pour que les collectivités ne se retrouvent pas dans une situation financière ingérable, face à l’ampleur des dégâts engendrés par la catastrophe.

De plus, il faut également avoir à l’esprit que les collectivités locales sinistrées vont subir des pertes fiscales importantes de par la démolition d’habitations situées en zone d’acquisition amiable. Elles vont donc se voir privées de ressources fiscales telles que la taxe d’habitation ou la taxe sur le foncier bâti. Cet aspect ne doit pas être négligé : la mission a évalué cette perte de recettes fiscales à 1, 8 million d’euros !

Afin de faire face à une situation qui peut s’avérer critique pour les collectivités, la mission propose de mettre à l’étude un mode de compensation des pertes de recettes fiscales induites par la démolition des maisons situées en zone d’acquisition amiable.

En conclusion, j’espère que les pouvoirs publics tireront toutes les conséquences de cet événement tragique. Notre mission d’information a soulevé de nombreux dysfonctionnements, auxquels il va falloir apporter des réponses concrètes. Nous avons tenté collectivement de formuler des recommandations en ce sens, mais il est temps que la France se dote d’une politique globale et cohérente de gestion des risques naturels.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

M. Michel Doublet. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, lorsqu’on ne passe pas en vedette américaine, le risque est de répéter ce qui s’est dit auparavant…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Le 28 février dernier, la tempête Xynthia a meurtri et endeuillé la Charente-Maritime et la Vendée. Quatre mois après ce drame, je crois que nous pouvons avoir une pensée pour les victimes et leurs familles. En cet instant, je n’oublie pas non plus les victimes des intempéries qui ont frappé hier le département du Var.

Malgré la charge de responsabilité dont on a voulu « parer » les élus, ce sont bien les maires qui ont été en première ligne pour faire face. Saluons l’action exemplaire des services publics, des collectivités locales et de l’ensemble des acteurs concernés pour remettre nos départements en état !

À l’aube de la saison estivale, rappelons que nous sommes prêts pour accueillir les vacanciers. Cette ressource est vitale pour notre économie locale, et vous êtes donc les bienvenus en Charente-Maritime et en Vendée, mes chers collègues !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Doublet

Je ne reviendrai pas sur la problématique des digues, qui vient d’être développée par mon collègue Daniel Laurent, mais j’évoquerai une question particulièrement sensible, celle de la cartographie des zones à risques, qui a provoqué, dès son annonce, ire, incompréhension, exaspération ou encore sentiment d’injustice, … la liste des qualificatifs n’étant malheureusement pas exhaustive.

Une fois encore, ce sont les élus et les sinistrés, qui se sont constitués en associations, qui doivent faire l’interface avec les services de l’État pour que l’intérêt collectif, mais également individuel, soit pris en compte.

En effet, l’annonce de la cartographie des « zones noires ou de solidarité » – à vrai dire, on s’y perd ! – a suscité une vive émotion parmi la population. Nous avons tous reçu, au lendemain de l’annonce, pléthore de messages circonstanciés arguant du caractère ubuesque de ces classifications, d’appels à l’aide – le mot n’est pas trop fort –, d’expertises fortement documentées ; je pense notamment aux travaux de l’université de La Rochelle sur l’histoire des submersions marines, ou vimers, pour reprendre une terminologie rétaise, ou encore au colloque actuellement en préparation sur les littoraux à l’heure des changements climatiques.

Ce sentiment d’injustice a été décuplé par le manque total de transparence du processus de zonage et le refus de communication aux victimes et aux élus des études ayant servi à l’élaboration de la cartographie, entraînant de facto suspicion et confusion.

Aux termes de la circulaire du 18 mars 2010, sont considérées comme « zones de solidarité » les zones remplissant au moins deux des critères suivants : hauteur d’eau constatée sur le terrain supérieure à un mètre ; zone située à moins de 110 mètres d’une digue ; phénomènes hydrauliques induisant une forte vitesse de montée des eaux ; habitations fortement endommagées ne pouvant être reconstruites avec un refuge ; zone formant un ensemble cohérent et homogène et ne créant pas de mitage – le maintien de propriétés éparses risque en effet de rendre l’évacuation plus difficile.

Ce zonage est complété par les « zones jaunes », définies comme zones à risques, qui seront grevées de prescriptions particulières de protection, et les « zones orange », pour lesquelles une expertise complémentaire est en cours.

Ainsi, des maisons ont été classées en « zone de solidarité » alors qu’il n’y avait pas eu de submersion, tandis que d’autres sinistrés demandaient en vain leur classement « en zone de solidarité » ; je pense notamment au secteur de Pied-du-Coteau sur la commune de Port-des-Barques, déjà fortement touché par la tempête de 1999, et dont les résidents demandent leur classement en « zone de solidarité » ou, comme le souhaite la mission sénatoriale, en « zone d’acquisition amiable ». L’incompréhension est donc totale.

En voulant éviter de maintenir les sinistrés dans une situation d’incertitude, on a établi une cartographie en un temps record, en faisant l’impasse sur de nombreuses données pourtant essentielles, mais surtout en omettant de procéder à une vérification in situ et de mener une concertation avec la population et les élus.

Par exemple, le plan de submersion de l’île d’Aix, remis par les services du département, comportait, d’après ce que le maire nous a rapporté, de nombreuses lacunes, les « experts » ayant travaillé sur un plan de nivellement incomplet et n’ayant pas pris l’attache de la mairie.

Résultat : aujourd’hui, l’incertitude demeure sur l’avenir de ces maisons, et cette situation est fortement anxiogène. Aux Boucholeurs, chez notre collègue député Jean-Louis Léonard, un nouveau zonage a été réalisé à la suite d’expertises complémentaires : des maisons passeraient ainsi en zone jaune, quand d’autres deviendraient « noires ». Or ce nouveau zonage ne convient absolument pas aux élus, en raison de son manque de réalisme.

Les communes et les riverains qui demandent leur classement en « zone d’acquisition amiable », pour reprendre la terminologie idoine, ont déjà travaillé sur des plans de reconstruction, mais n’ont à ce jour aucune visibilité sur une programmation éventuelle, alors que les conséquences sont vitales pour l’avenir et la pérennité même de communes comme Charron.

Les maires des communes de Fouras et d’Yves nous faisaient part de l’absence de dialogue et de concertation qui a précédé l’annonce du zonage, laissant les élus seuls face à une population qui commence à se diviser en comparant les propositions faites aux uns et aux autres. Avec les nouveaux zonages proposés hier, ils ont de nouveau l’impression que leur expertise du terrain n’a jamais été prise en compte. On s’achemine vers de douloureux contentieux.

Selon les conclusions d’une expertise rédigée par M. Thierry Sauzeau, géohistorien du littoral, sur le quartier de La Perrotine dans l’île d’Oléron, « le système hydraulique peut être remis en état pour un coût raisonnable. Malgré l’abandon dont a fait l’objet ses défenses traditionnelles, le village de La Perrotine apparaît bien moins exposé que sa submersion, durant sept marées consécutives, ne le laisse croire ».

Les élus des zones insulaires ont demandé une étude au cas par cas, en tenant compte d’éléments objectifs d’évaluation, la restauration des protections existantes et la mise en œuvre effective d’un plan communal de sauvegarde. Les îliens sont exposés à des risques spécifiques dont ils ont parfaitement conscience et qu’ils ont acceptés.

Bien entendu, le zonage est un travail difficile et délicat, mais les sinistrés ont besoin d’avoir des réponses rapides. Tous veulent tourner la page au plus vite, on doit les écouter et les entendre.

L’indemnisation des « zones d’acquisition amiable » doit être recherchée en priorité, et gageons qu’il ne sera pas nécessaire de recourir à des expropriations.

Il y a donc des alternatives à la « destruction ou à la délocalisation ». Ayons une approche raisonnée et raisonnable du principe de précaution. Nous avons des efforts à faire en matière de gestion du risque, à l’instar de ce qui existe aux Pays-Bas.

Le renforcement de la protection de nos côtes doit être une priorité et les moyens financiers doivent être à la hauteur de l’ampleur de la tâche, tout comme la protection et la sauvegarde des populations. Une réflexion doit également être engagée sur les modes de construction adaptés au risque de submersion.

Aujourd’hui, quelles réponses concrètes peut-on apporter aux élus et aux sinistrés sur l’arrêt définitif de la cartographie, notamment celle des « zones orange », et sur les délais d’indemnisation des particuliers et des agriculteurs ?

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique de Legge

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mes premiers mots vont au président et au rapporteur de notre mission, afin de leur rendre hommage. Ils ont en effet su conduire nos travaux avec l’humanité et l’humilité qui s’imposent face à un drame d’une telle ampleur. Tout en veillant à cerner et révéler tous les aspects de cet événement douloureux, ils ont évité l’écueil de la surenchère émotionnelle et de la désignation de boucs-émissaires, pour mieux tenter de tirer les enseignements de cette catastrophe.

Je me retrouve pleinement dans leurs propos, ainsi que, plus généralement, dans ceux qui ont été tenus par nos collègues membres de la mission. Je me bornerai, pour ma part, à insister plus particulièrement sur deux points.

Le premier est celui de l’alerte : quel maire n’a pas reçu de la préfecture un appel sur son portable, sous forme de message téléphonique ou de SMS, l’alertant sur une tempête, des averses violentes, du gel ou de la neige à venir ?

Incontestablement, les maires de Charente-Maritime, de Gironde ou de Vendée, tout comme ceux d’autres départements, ont bien été alertés. Les messages étaient-ils clairs ? Oui, même si, au départ, seul l’épisode venteux était annoncé, ce qui a conduit certains collègues à inviter leurs habitants à rentrer ou rester chez eux. Ce n’est que plus tard que sont parvenus les messages annonçant les risques d’inondation.

La question qui se pose est de savoir si ces messages sont opérationnels et quel usage concret les maires peuvent en faire.

C’est là une première observation. Il me semble souhaitable de travailler, non seulement à la diffusion d’une information aussi précise et fiable que possible, mais aussi à l’accompagnement de conseils faisant référence, le cas échéant, à une cellule de crise. Les plans de prévention des risques naturels ou les plans de prévention des risques d’inondation, lorsqu’ils existent, ne peuvent faire face à tout, même s’ils sont dotés d’un volet opérationnel en cas de sinistre.

Les élus locaux, confrontés à l’information brute qui leur est délivrée, doivent être assurés de bénéficier d’un accompagnement et d’un dialogue, le cas échéant, avec les services de l’émetteur des messages. Cette remarque ne vise en rien la mobilisation et la réactivité des services départementaux de l’État ou de sécurité, qui ont assumé la situation de façon exemplaire et courageuse. Il s’agit tout simplement de mieux fluidifier les relations et les initiatives.

Par ailleurs, de l’avis même des maires rencontrés, il ressort, selon leur expression, que « trop d’alertes finissent par tuer l’alerte », comme l’a dit Alain Anziani. La multiplication de celles-ci – lesquelles, fort heureusement, ne se traduisent que rarement par des préjudices –, finit par inciter les élus à ne pas répercuter l’information, pour autant qu’ils en aient les moyens, auprès des habitants, qui eux-mêmes ne prendraient plus au sérieux ces alertes si elles s’avéraient infondées.

Enfin, faute de préconisations concrètes ou de propositions d’accompagnement, la multiplication de ces messages d’alerte peut être vécue par leurs destinataires comme une recherche préventive de responsables, en cas de difficultés.

Cela me conduit à considérer qu’une véritable prévention des risques repose sur une mobilisation de tous les acteurs locaux et de l’État, dans la recherche de réponses graduées et adaptées aux réalités du terrain, et non sur la transmission brute et systématique d’informations souvent difficiles à exploiter.

Le deuxième point que je souhaite relever est celui des digues. Nous avons déjà évoqué leur statut, la question de leur propriété, de leur entretien ou de leur état général.

Le Gouvernement doit faire des propositions sur ce sujet mais, au-delà des mesures d’urgence, pour faire face aux prochaines grandes marées, je souhaite insister sur le fait qu’un plan digues ne vaudra que par l’affirmation des objectifs assignés à ces protections.

S’agit-il, pour autant que ce soit possible techniquement et souhaitable écologiquement et financièrement, d’envisager une protection qui se voudrait sinon totale, du moins maximale et en tout point du littoral ?

Ces digues ont-elles vocation à protéger les habitations, ce qui pose de nouveau la question des documents d’urbanisme ?

Ces digues sont-elles des éléments de préservation de la biodiversité animale et de la flore, ou des humains et de leurs activités ?

Sont-elles un élément destiné à optimiser l’usage des sols à vocation agricole ou conchylicole ?

Peut-on envisager que des espaces soient considérés comme des espaces d’expansion des crues ?

Peut-on imaginer des digues sans penser à la gestion des flux, notamment pour l’évacuation des eaux en cas de surverse ?

Je n’ai pas de réponse à ces questions.

Mais un plan digues construit sans référence à l’histoire de la côte, sans intégrer la question de l’élévation du niveau de la mer et qui se contenterait, sans distinction de territoire et de topologie, de prescrire des travaux serait voué à l’échec.

Un plan digues, qui ne ferait aucune différenciation entre les ouvrages selon leur finalité, ne s’inscrirait pas dans la durée. Un plan digues, qui s’affranchirait de l’urbanisme, comme un urbanisme qui s’en remettrait au plan digues pour justifier ses choix, ne serait pas le meilleur moyen d’éviter une nouvelle catastrophe.

Un plan digues ne peut se réduire à la seule approche technique. Il devra être politique, au sens le plus noble du terme, car il sous-tend des choix économiques, environnementaux et urbains. Il a une vocation pédagogique au regard de la culture du risque. Autant d’arbitrages qui doivent être rendus en toute transparence et en toute objectivité et sans tabou.

Tels sont les quelques points que je souhaitais développer.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Monsieur le président, monsieur le président de la mission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Nîmes en 1988, Vaison-la-Romaine en 1992, Xynthia en février dernier et hier le Var, la nature nous rappelle sa puissance avec toujours un peu plus de brutalité par le nombre de morts. Elle nous renvoie souvent à notre méconnaissance et parfois un peu aussi à notre inconséquence collective.

En votre nom à tous, je voudrais en cet instant rendre hommage aux victimes de Xynthia et aux victimes du Var, qui sont dix-neuf ce soir, mais qui, malheureusement, seront probablement encore plus demain. Les images que nous voyons ce soir nous rappellent dramatiquement celles de la tempête Xynthia.

Je souhaite à mon tour saluer le travail remarquable qui a été réalisé par votre mission d’information, un travail collectif qui a rassemblé l’ensemble des partis, un travail de responsabilité, mais aussi un travail qui a effectivement évité l’écueil – vous l’avez rappelé, monsieur de Legge – de stigmatiser certains. Est en cause en effet la responsabilité collective de l’ensemble des décideurs publics à l’égard de nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’État ou des élus, et dans ce domaine, personne, me semble-t-il, n’a de leçon à donner aux autres.

Je souscris pleinement aux conclusions de votre mission : le risque de submersion a été insuffisamment pris en compte, nous ne nous y sommes pas assez préparés ; globalement, le risque d’inondation est sous-estimé en France ; les mesures de prévention n’ont pas été suffisamment mises en œuvre.

Je rappellerai juste quelques évidences parce qu’il faut replacer ce débat dans un contexte global.

Première évidence, nous ne pouvons pas nous référer à notre seule mémoire pour juger du bon niveau des préventions. Dans le Var, un tel cumul de pluie n’avait jamais été vu depuis 1827. Quant à Xynthia, la conjonction des différents phénomènes était totalement inconnue et improbable.

Deuxième évidence, le nombre de catastrophes augmente dans le monde comme en France : on dénombra vingt-trois très grandes catastrophes en 2001 à travers le monde, quarante-trois en 2007, et cette augmentation devrait se confirmer sur le long terme selon les perspectives du GIEC.

Troisième évidence, nous ne cessons de courir après la réalité, avec la prise en compte d’abord du risque d’inondation, ensuite, du risque de ruissellement, enfin, du risque de submersion.

Comme les autres pays, mis à part certains qui sont un peu plus exemplaires, nous avons sous-estimé le risque de submersion et de ruissellement, l’élévation future du niveau de la mer, l’augmentation évidente de l’occurrence de ces événements et le niveau de risque global.

Cela a été dit par la plupart d’entre vous, il est urgent d’accélérer la prévention, et mieux vaut surestimer un peu le risque plutôt que de le sous-estimer. À défaut, nous allons le payer en nombre de morts et surtout, vous l’avez rappelé, nous n’aurons pas les moyens financiers de répondre à toutes les demandes.

Il faut effectivement arrêter de tergiverser sur l’estimation du risque, c’est le travail des experts et je ne le remettrai pas en question. En revanche, il y a un choix politique à effectuer sur le niveau de risque que nous voulons assumer collectivement et, en ce sens, le futur « plan digues » – je n’ai pas encore trouvé de terme plus adéquat –, devra faire l’objet d’une concertation entre l’État et les élus.

Je répondrai maintenant à vos différentes observations, mesdames, messieurs les sénateurs.

Quelle a été l’action de l’État depuis la tempête ?

Vous l’avez tous rappelé, la surcote a été bien prévue par Météo France, le vent aussi, mais, comme l’a dit très clairement M. Retailleau, le risque de submersion, donc l’impact sur terre, n’a pas été anticipé et c’est la raison pour laquelle les consignes n’ont pas été adaptées.

La qualité de l’intervention des secours a été unanimement reconnue. C’est vrai, on peut être satisfait d’avoir en France des services de sécurité civile et d’urgence qui interviennent toujours avec une grande efficacité.

Monsieur Retailleau, vous m’avez interrogé en particulier sur la question des aides aux agriculteurs.

Le plan de 30 millions d’euros prévu par Bruno Le Maire pour couvrir les calamités agricoles et la remise en état des sols tarde à être mis en œuvre. Nous attendons la réponse de la Commission européenne et je suis tout à fait d’accord avec vous, face à ce type d’événements, il faut mettre en place une procédure d’approbation accélérée.

À l’inverse, l’aide aux conchyliculteurs a été rapidement octroyée. À ce jour, il est vrai, nous avons très peu de dossiers puisque nous ne sommes qu’à 10 % des demandes attendues.

Monsieur Merceron, je me ferai votre interprète auprès de Bruno Le Maire pour qu’il active un peu la Commission européenne – il le fait très bien d’ailleurs – afin d’avoir une réponse un peu plus rapide.

S’agissant de la mobilisation du fonds de solidarité de l’Union européenne, il est a priori difficile d’avoir une réponse positive car les conditions d’engagement sont assez compliquées à réunir : d’une part, les dégâts doivent être supérieurs à 3, 4 milliards d’euros, ce qui a priori aujourd'hui n’est pas le cas pour la tempête Xynthia et, d’autre part, il faut que l’impact sur une majorité de la population s’étale sur plus d’un an.

Je ne vous cache pas que très peu d’événements peuvent, à mon sens, rassembler de telles conditions.

Cet événement mortel a mis en lumière des zones d’extrême danger, ces fameuses zones dont vous avez tous parlé.

Le Président de la République a pris un engagement clair : ne pas laisser d’habitants exposés à des risques mortels, soit en rachetant les maisons par solidarité, soit, en cas de refus, par expropriation.

Monsieur Anziani, c’est un objectif auquel vous avez souscrit, mais dont, ensuite, vous avez contesté les modalités.

La détermination des niveaux de danger a été définie par une circulaire et les services locaux ont appliqué les critères que nous avions retenus. Ces critères ont été rappelés : une hauteur d’eau constatée supérieure à un mètre, la prise en compte de la vitesse de montée des eaux, la nécessité – en tout cas dans un premier temps – d’avoir des zones cohérentes et homogènes pour éviter autant que possible le mitage, et la possibilité ou non de protéger ou d’évacuer ces lieux.

Deux types de zones, initialement appelées « zones noires » et « zones jaunes », ont été identifiés.

Les « zones d’extrême danger », qui ont été rebaptisées « zones de solidarité », ouvrent un droit à rachat par l’État. Au total, plus de 1 650 habitations sont concernées à ce jour.

S’agissant des zones d’extrême danger avec possibilité de protection, les fameuses « zones jaunes », qui nécessitent des systèmes de protection individuelle ou collective, nous avons demandé aux préfets de définir pour le 30 juin un programme de protection.

Il faut être très clair sur le zonage qui a été défini par les experts. Ces zones sont globalement de danger extrême, madame Escoffier : elles peuvent comprendre des monticules sur lesquels ont été construites des maisons qui n’ont pas été inondées.

Oui, nous avons été vite – vous avez parlé de précipitation, monsieur Anziani – mais cette rapidité était volontaire de la part du ministre d’État et de l’ensemble des ministres. Pourquoi ?

Les zones de solidarité ont été annoncées le 7 avril pour donner à ceux dont la maison était complètement inondée ou détruite et qui étaient logés soit chez des amis, soit à l’hôtel, ne pouvaient ni réemménager, ni vendre leur maison, une possibilité immédiate de se défaire de cette maison.

L’incertitude demeurait sur seulement quatre zones dites « orange », qui nécessitaient des expertises supplémentaires, et le doute a été levé par M. le ministre d’État le 10 juin dernier. Ce sont les seules zones qui ont réellement bougé.

M. Anziani m’a interrogé sur la possibilité ou non d’obtenir un rachat en dehors des zones de solidarité.

Ce rachat est possible en dehors des zones de solidarité si les dégâts sont supérieurs à 50 %. C’était un souhait de M. le ministre d’État afin d’éviter des injustices.

Par ailleurs, nous reconnaissons que, lors de notre déplacement le 15 avril, nous n’avons pas été assez clairs sur l’objectif de ces zones et surtout sur les procédures.

Madame Bonnefoy, c’est la raison pour laquelle nous avons envoyé des délégués à la solidarité pour expliquer un peu plus concrètement les choses et entendre les doléances des habitants. Nous avons clairement rappelé que, dans un premier temps, ces fameuses zones ouvrent un droit de rachat à l’amiable fixé – j’y reviendrai ultérieurement – sur la base du prix du marché avant la tempête.

Dans un second temps, puisque nous ne sommes pas dans un pays de non-droit, madame Beaufils, mais dans un pays où les procédures d’expropriation sont extrêmement encadrées, des périmètres seront définis pour la déclaration d’utilité publique, sur la base d’une enquête publique et d’une expertise précise parcelle par parcelle, et l’expropriation ne pourra être accordée que s’il n’y a pas de protection possible. Elle ne se fera que sous le contrôle du juge.

Notre souci était que les personnes puissent reconstruire leur vie et donc qu’elles puissent vendre leur maison à un prix tout à fait satisfaisant, celui du marché avant la tempête.

Les évaluations ont été faites par France Domaine. Madame Bonnefoy, je vous rappelle que France Domaine, c’est l’État, et que les évaluations sont a priori plutôt satisfaisantes, puisque nous avons d’ores et déjà 166 réponses positives au prix proposé.

Monsieur Doublet, je vous rassure, nous irons très vite pour indemniser ces personnes. Les rachats seront financés par le fonds Barnier. Nous aurons les moyens de payer car, à la trésorerie de l’année 2010, s’ajoutera un reliquat de l’année précédente, et nous pourrons avoir recours à des avances de trésorerie en cas de besoin. Il n’y a pas de difficultés sur ce point.

Monsieur Anziani, vous avez proposé d’opérer un prélèvement supplémentaire sur la CCR. Nous le ferons si nécessaire, mais il n’y aura pas d’augmentation des cotisations. Ces hypothèses sont à l’étude.

Enfin, Mme Bonnefoy m’a interrogée sur la possibilité d’aider les communes à mettre en place un nouveau projet urbain ou à reloger les personnes résidant dans les zones rendues inhabitables ou inhabitées. De fait, la mission a formulé dans son rapport des propositions concernant des aménagements de nature fiscale. Ces points ne sont évidemment pas tranchés à ce jour, mais nous allons les étudier.

J’en viens aux travaux sur les digues. La plupart des travaux de réparation ou de confortement de première urgence ont été réalisés. Il reste maintenant à se préparer aux marées d’équinoxe. Le ministère du développement durable prendra à sa charge tous les travaux sous maîtrise d’ouvrage d’État, dont le montant est estimé à environ 12, 9 millions d’euros. Il a d’ores et déjà délégué aux préfets 7, 4 millions d’euros et dispose des moyens nécessaires pour financer le reste.

Quant aux travaux d’urgence sur les digues sous maîtrise d’ouvrage des collectivités locales, question soulevée par M. Retailleau et M. Laurent, le principe d’un cofinancement de l’État et du FEDER est acté. Le Premier ministre est sur le point de rendre son arbitrage sur la somme que consentira l’État, sachant que nous avons sur ce sujet un engagement très précis du Président de la République.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Très rapidement, a priori demain.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Nous n’avons pas passé minuit, je n’ai pas encore la réponse !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau, président de la mission commune d’information. Nous pouvons attendre quelques minutes, si vous voulez !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Il nous faut tirer les enseignements de cette catastrophe, et j’évoquerai les mesures que nous prenons actuellement pour le long terme.

Tout d’abord, comme vous l’avez unanimement souligné, lesystème d’alerte doit être amélioré. Il faut revoir non seulement les moyens techniques à mettre en œuvre, mais aussi les mesures à prendre en cas d’alerte.

Météo-France mène actuellement un travail, qui doit être achevé d’ici à l’été 2011, pour mieux caractériser le risque de submersion. Il s’agit d’en améliorer la prévision en fonction des paramètres météorologiques et topographiques et, surtout, de coordonner l’ensemble des alertes.

Oui, monsieur Anziani, nous allons améliorer ce travail d’alerte et coordonner l’action des différents bureaux pour qu’ils ne travaillent plus séparément. Et non, madame Beaufils, nous ne disposons pas, à ce jour, d’outil de simulation immédiat en cas de submersion.

Par ailleurs, nous sommes tout à fait favorables à ce que les communes à risque soient contraintes d’adopter des plans communaux de sauvegarde, que la mission d’inspection interministérielle recommande de réaliser en même temps que les PPR. Je souscris également tout à fait à la proposition d’organiser des exercices d’évacuation.

Enfin, le ministère de l’intérieur travaille à la rénovation de notre système d’alerte et d’information des populations, qui sera déployé sur les sites réputés exposés à des risques majeurs. J’y insiste, monsieur Kerdraon, monsieur de Legge : c’est là une priorité pour Brice Hortefeux.

Après l’alerte, il nous faut envisager la mise en œuvre à l’échelon local de la politique de prévention des risques.

Oui, monsieur Retailleau, c’est très clair : Xynthia nous a révélé que trop peu de communes littorales disposaient d’un plan de prévention des risques, pour des raisons d’ailleurs fort diverses. Par une circulaire du 7 avril 2010, le ministre du développement durable et le ministre de l’intérieur ont demandé aux préfets d’accélérer la mise en œuvre de ces plans. Mme Bonnefoy l’a rappelé, dans les 864 communes situées en zone basse, 46 plans de prévention des risques ont été approuvés et 71 ont été prescrits.

La circulaire demande également aux préfets de prendre des mesures d’urbanisme conservatoires et de recenser pour le 30 juin les zones basses du littoral métropolitain.

Enfin, le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi dit « Grenelle II » – nous n’avons par définition pas pu le faire lors de son examen par le Sénat, j’en suis désolée – tendant à éviter que les plans de prévention des risques qui ont été adoptés par anticipation par le préfet ne tombent s’ils n’ont pas été approuvés au bout de trois ans.

Oui, madame Escoffier, vous connaissez bien le sujet : nous avons des outils, ces fameux plans de prévention des risques, mais Xynthia nous a fait prendre conscience que, dans nombre de cas, les risques, les aléas étaient sous-évalués. Pour y remédier, nous avons déposé, lors de la discussion par l’Assemblée nationale du projet de loi Grenelle II, d’autres amendements ayant pour objet d’inscrire dès à présent dans la loi le principe d’une formalisation réglementaire de certains éléments de doctrine d’élaboration des plans de prévention des risques. Il s’agit notamment de fixer l’aléa de référence, afin qu’à l’avenir il ne puisse plus être sous-évalué.

Le très délicat problème du contrôle a été cité, et d’abord celui du contrôle de légalité. Brice Hortefeux a répondu sans ambiguïté sur ce point : il a donné des consignes très claires pour que le contrôle de légalité de l’instruction des permis de construire soit une priorité, notamment dans les situations à risque.

Reste le contrôle des ouvrages, évoqué par M. Kerdraon, en particulier celui des digues. Il faut savoir qu’en 2008 le contrôle des digues était assuré par 20 personnes ; en 2010, elles étaient 60, et l’objectif est d’atteindre en 2013 un effectif de 120. La prise en compte de cette nécessité au sein du ministère a donc connu une forte accélération, et le programme « Prévention des risques » est à nos yeux l’un des plus importants.

Xynthia nous a aussi montré que le risque de submersion n’était pas suffisamment pris en charge par le fonds Barnier. C’est la raison pour laquelle nous avons présenté un amendement, que l’Assemblée nationale a adopté, visant, d’une part, à permettre que le risque de submersion soit explicitement pris en compte dans le cadre du fonds Barnier et, d’autre part, à augmenter les taux d’intervention pour le futur plan digues, au moins pour les ouvrages de prévention. Ce taux passe à 40 % lorsqu’il existe un plan de prévention des risques approuvé, au lieu de 25 % auparavant ; s’y ajoutent évidemment les 10 % provenant du FEDER.

Monsieur Merceron, vous avez souligné un autre problème mis en évidence par Xynthia : la connaissance lacunaire que nous avons des digues, de leurs propriétaires, de leurs gestionnaires. La tempête nous a montré qu’elles n’étaient pas plus insubmersibles que bien entretenues. Cette question constituera, bien évidemment, l’un des points centraux du plan que je suis désolée de continuer à appeler « plan digues », en attendant de lui trouver un nom plus intelligent.Le recensement des digues est en cours, et nous devrions en avoir un état complet en 2011.

Ainsi, tout concourt à ce que l’élaboration de ce fameux plan digues soit reconnue comme une nécessité. Notre objectif clairement affiché est à la fois de parvenir à un système de gouvernance efficace – et là, je compte sur vous, monsieur Doligé – et de disposer de moyens financiers pérennes – et là, c’est vous qui comptez sur moi.

Sourires

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Le plan est donc en cours de rédaction, et nous espérons pouvoir en présenter au moins les grandes lignes au mois de juillet. Nous attendrons les conclusions du groupe de travail de M. Doligé pour y mettre le point final, car, dans la logique exacte du Grenelle de l’environnement, nous souhaitons une concertation aussi large que possible.

Ce plan doit s’intégrer dans une politique plus générale de prévention des inondations, dans le cadre de la mise en œuvre de la fameuse directive Inondation. Celle-ci constitue une très bonne base, car elle clarifie bien les choses et tient compte de l’ensemble des risques. Elle a été transposée dans le projet de loi Grenelle II, du moins pour ce qui est de ses éléments législatifs, les autres relevant du règlement. Par ailleurs, nous sommes allés plus loin que ne le demandait la directive, notamment en choisissant de nous doter d’une stratégie nationale.

Bien sûr, ce plan doit également s’intégrer dans une politique de lutte contre la dégradation du trait de côte, l’enjeu étant de définir une stratégie véritablement nationale, conformément, ainsi que l’a rappelé M. Merceron, à l’un des engagements du Grenelle de la mer. Là aussi, nous devons apporter des réponses beaucoup plus larges que les réponses habituelles : cela peut être des reculs stratégiques, comme M. Retailleau les a évoqués à propos des Pays-Bas, cela peut être la création de polders, la consolidation des dunes, la gestion du stock sédimentaire… Un groupe de travail spécifique sera mis en place à la rentrée afin d’élaborer cette stratégie nationale du trait de côte, dans la définition de laquelle les collectivités auront bien évidemment un rôle absolument central, un rôle clef à jouer.

Enfin, le plan digues doit s’intégrer dans la stratégie nationale d’adaptation au changement climatique. Dans cette perspective, nous avons notamment demandé à Jean Jouzel, membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, de définir précisément des scénarios de référence – puisque, cela a été rappelé, l’ampleur de l’élévation du niveau des mers fait l’objet de nombreux débats –, l’un a minima, l’autre a maxima, afin que nous puissions calibrer les différents plans de prévention des risques.

Le plan digues sera élaboré en liaison très étroite, d’une part, ainsi que je l’ai indiqué, avec les collectivités et, d’autre part, avec le Conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs, présidé par le député Christian Kert, dont la réunion de demain sera consacrée une nouvelle fois à ce sujet. Nous mettrons également en place un comité de pilotage qui, j’y insiste, sera partenarial.

Le plan doit permettre de définir les enjeux de protection, les zones habitées étant bien sûr prioritaires. Il est d’ores et déjà acquis qu’il posera également le principe que l’on n’élève plus de digue pour construire derrière. Il nous permettra enfin de définir les meilleurs modes de protection et de sélectionner les ouvrages à renforcer prioritairement. Je tiens à confirmer que, si le pilotage global est national, la mise en œuvre se fera naturellement à un échelon déconcentré.

Les travaux de confortement d’ouvrages seront pris en charge par le fonds Barnier et les fonds structurels européens. À ce stade, les premiers arbitrages montrent que, dans les six prochaines années, 1 200 kilomètres de digues sous maîtrise d’ouvrage des collectivités et 200 kilomètres de digues sous maîtrise d’ouvrage d’État peuvent être confortés.

Le plan définira aussi le régime d’urbanisation et réorganisera la maîtrise d’ouvrage des digues. Sur ce point, je le répète encore, je serai très attentive aux conclusions que M. Doligé nous remettra à la rentrée.

Debut de section - Permalien
Chantal Jouanno, secrétaire d'État

Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je soulignerai – mais vous l’avez tous rappelé – que nous sommes désormais confrontés à une nouvelle culture du risque. Il est devenu nécessaire de disposer d’une expertise précise, laquelle relève… des experts, et, en face, de faire un choix politique sur le niveau de risque que nous acceptons d’assumer. Et c’est probablement là la principale difficulté : jamais nous n’avons véritablement eu l’occasion de discuter ensemble de ce niveau de risque dans la perspective d’un arbitrage. Aujourd’hui, la situation s’y prête. Elle nous donne une bonne occasion de nous rassembler et, surtout, de sortir de ces débats tout à fait stériles visant à déterminer qui est responsable.

Face à des événements d’une telle ampleur, des événements que nous n’avions jamais connus mais que nous connaîtrons de nouveau, il ne s’agit plus de chercher qui est coupable. Nous sommes confrontés à un problème de responsabilité collective dont l’enjeu est de savoir comment éviter de tels événements et comment, s’ils devaient néanmoins survenir, y répondre le plus rapidement possible.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous en avons terminé avec ce débat sur les conséquences de la tempête Xynthia.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’informe le Sénat que le projet de loi n° 556 (2009-2010), adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dont la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 17 juin 2010 :

À neuf heures trente :

1. Débat sur l’optimisation des moyens des collectivités territoriales.

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

À la suite des questions d’actualité au Gouvernement, allocution de M. le Président du Sénat à l’occasion du 70e anniversaire de l’appel du 18 juin 1940.

3. Débat sur les nanotechnologies.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à minuit.