Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, monsieur le président de la mission commune d’information, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, voilà à peu près vingt ans que je m’intéresse à ces sujets. Pour cette seule année, la France a notamment subi la tempête Xynthia et des inondations toutes récentes dans le Var. Et à chaque fois, au fil du temps, j’ai vraiment l’impression d’avoir parlé dans le vide. Les politiques nationales ont échoué, et les politiques locales n’ont guère eu plus de succès !
On se donne beaucoup de mal pour s’apercevoir qu’au final les choses ne bougent pas beaucoup ! Le titre du rapport d’information, « Xynthia, les leçons d’une catastrophe », m’intéresse beaucoup : j’espère que ce rapport va enfin nous permettre de tirer les leçons d’une catastrophe !
Nous vivons malheureusement dans une société qui ignore la culture du risque, une société dans laquelle l’oubli est particulièrement rapide, une société très individualiste, très émotive, dans laquelle le poids des médias est extrêmement fort.
Chaque fois qu’une catastrophe se produit, on en parle beaucoup, et puis, deux ou trois semaines après, cela passe : on cesse d’en parler et on l’oublie totalement. Et il ne reste que quelques individus – dont certains sont parmi vous – pour travailler sur ces sujets en essayant d’être à contre-courant et de trouver des solutions jusqu’à la prochaine catastrophe.
Bien sûr, celle-ci a été très marquante. Nous sommes à l’aube d’une petite révolution au terme de laquelle vont peut-être lentement réapparaître les rapports qui avaient été enfermés dans des armoires. Et dans toutes ces pages, peut-être trouvera-t-on quelques éléments intéressants qui dissiperont ce sentiment d’avoir travaillé pendant aussi longtemps dans le vide !
Sur les travées de la Haute Assemblée, comme au banc du Gouvernement, je vois un certain nombre de personnes qui travaillent depuis longtemps sur ces sujets et aimeraient voir aboutir les différents travaux auxquels ils ont participé.
Je voudrais élargir quelques-unes des constatations, des réflexions et des propositions d’ordre général formulées par M. le président de la mission et M. le rapporteur.
Comme l’ont dit MM. Retailleau et Anziani, toutes ces catastrophes sont l’illustration d’un urbanisme totalement incontrôlé : il se construit beaucoup de choses qui ne devraient probablement pas sortir de terre – certaines dans la légalité et d’autres à la marge.
Je me souviens d’un préfet de mon département qui, voilà plus d’une dizaine d’années, avait pris, pour les bords de la Loire, un programme d’intérêt général. Ce PIG a créé la révolution ! Les élus ne voulaient pas en entendre parler parce qu’il interdisait de construire – sans qu’il y ait à l’époque d’éléments d’urbanisme suffisants – sur des terrains en zone constructible qui avaient beaucoup de valeur puisqu’ils étaient au bord de la Loire. Personne ne voulait alors croire qu’ils étaient submersibles, alors que tous les documents l’établissaient !
Plus de dix ans après, un certain nombre de personnes se souviennent encore du nom de ce préfet et lui en veulent d’avoir interdit de construire sur des terrains qui sont assurément inondables à tous les coups !
L’urbanisme a été relativement incontrôlé. On continue de construire dans des zones fortement exposées aux risques. Chacun sait qu’en région parisienne, à peu près un tiers des permis de construire sont accordés dans des zones inondables – plus ou moins inondables, certes. Sans doute sont-ils « peu inondables » si on raisonne sur une décennie. Mais quels seront les dégâts quand surviendra une inondation centennale, du type de la crue de 1910 ?
Ce qu’il faut retenir d’une inondation, ce sont, bien sûr, les dégâts humains qui, dans le cas d’une submersion marine, sont considérables. Mais il faut aussi savoir que la France aura du mal à se relever d’une véritable inondation nationale ou d’une crue centennale sur l’un de nos grands fleuves.
L’habitat est totalement inadapté aux submersions marines et aux inondations. On laisse construire des habitats qui ne permettent pas d’absorber l’inondation. On ne tient pas compte des caractéristiques spécifiques de chaque type d’inondation. Et l’on a bien vu construire de plain-pied dans des zones inondables ! C’est totalement irresponsable de la part de la société en général. Malheureusement, nous sommes tous responsables de ce qui peut se passer.
Je voudrais encore évoquer quelques points. En matière d’urbanisme, il faut être beaucoup plus ambitieux et courageux. Or notre société manque de courage en matière d’urbanisme. Les maires doivent absolument être au courant des conséquences négatives des mesures qu’ils peuvent prendre dans leur commune. Ils autorisent un certain nombre de choses sans être exactement informés des risques encourus.
Même en l’absence de PPR, il faut les inciter à inscrire dans leurs documents d’urbanisme un certain nombre de contraintes. Ce courage ne doit pas leur faire défaut, quel que soit l’état d’avancement des documents en leur possession.
Xynthia nous montre l’importance d’adapter notre urbanisme et notre territoire aux risques d’inondation.
En matière de financement – peut-être est-ce un sujet qui pèse sur ce dossier –, on a le sentiment de vivre au-dessus de nos moyens. L’existence du fonds Barnier et du régime des catastrophes naturelles laisse à penser qu’on peut être protégé de tout et être remboursé des dégâts susceptibles de survenir à tel ou tel endroit.
Je pense, madame la secrétaire d’État, que le financement est un vrai sujet de réflexion. Il ne faut absolument pas donner aux habitants de nos territoires le sentiment qu’ils sont protégés financièrement et qu’ils n’ont donc pas de mesures à prendre.
Je vous incite à lancer une réflexion sur la pénalisation – non pas pour ceux qui ont déjà construit et l’ont fait dans la transparence – mais pour ceux qui seraient tentés de construire, à l’avenir, sur des terrains exposés aux risques d’inondation sans prendre les dispositions indispensables.
Je terminerai mon propos en évoquant les digues. Les submersions marines que nous avons vécues sont similaires à celles qui ont été subies en 2005 par la Nouvelle-Orléans. Nous nous sommes rendus sur place et avons constaté qu’elle ne s’en est toujours pas remise !
À notre retour, nous avons fait un certain nombre de propositions sur les digues, sur la manière de les financer et sur la gouvernance. Je souhaiterais, madame la secrétaire d’État, poursuivre ce travail avec plusieurs collègues membres d’associations nationales.
Nous allons créer un groupe parlementaire composé de volontaires. J’ai proposé de le réunir pour travailler sur ce sujet et faire un certain nombre de propositions. Peut-être éviterons-nous ainsi le danger signalé par M. le rapporteur : celui d’un plan « digues » qui nous arriverait sans échanges ni discussions préalables.
Je suis persuadé que nous trouverons les voies et les moyens, notamment en collaboration avec votre cabinet, madame la secrétaire d’État.
Monsieur le président, j’ai conscience d’avoir été un peu bavard, mais nous avons tant à dire sur ce sujet ! J’aimerais que le Parlement et nous tous, nous penchions sérieusement sur ce problème. Nous ne sommes pas responsables de ce qui s’est passé hier ou aujourd’hui, mais je pense que nous serions responsables de ce qui se passerait demain si nous ne faisions plus rien.