Intervention de Marie-France Beaufils

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Débat sur les conséquences de la tempête xynthia

Photo de Marie-France BeaufilsMarie-France Beaufils :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’occasion de cet échange autour du pré-rapport de la mission commune d’information, permettez-moi d’avoir une pensée en direction de toutes les familles qui ont été durement touchées par cette submersion marine. Cinquante-trois personnes sont mortes lors de cette tempête, soixante-treize ont été blessées et beaucoup sont probablement marquées pour longtemps par cette catastrophe.

On peut d’ailleurs féliciter les services de secours dont la mobilisation exceptionnelle a probablement évité des pertes plus lourdes.

Plus habituée à traiter les zones inondables le long des fleuves, j’ai pu constater, en travaillant dans le cadre de la mission, que la culture du risque dans ce secteur du littoral était inexistante ou presque. On dirait que l’intérêt de s’installer en bord de mer, l’attrait de la côte, la proximité des plages ont gommé le fait que le risque de submersion marine peut exister, même si l’on n’en a pas gardé la mémoire.

Quelques plans de prévention des risques avaient été prescrits, beaucoup restent à faire. Et on finit par se demander pourquoi la loi « littoral » n’a pas permis d’agir avant l’élaboration des plans de prévention.

N’a-t-on pas cédé quelque part un peu trop aux sirènes de l’immobilier, en particulier touristique, au mépris de l’intérêt humain ? On ne peut donc qu’être surpris de la précipitation avec laquelle le Gouvernement a décidé des zones noires, des zones d’expropriation, en dehors de toutes les règles que nous connaissons en tant qu’élus, pour la détermination de ces espaces considérés comme lieu où un risque mortel peut être encouru par ceux qui y vivent.

La transformation de ces zones noires en lieu de solidarité, qui est une belle invention sémantique, n’efface pas l’impression d’improvisation laissée auprès des habitants, des élus des secteurs concernés, mais aussi du grand public.

C’est un peu comme si l’État avait voulu faire oublier certaines de ses carences dans la gestion du littoral et du risque de submersion ! Je crois que, sans la mobilisation des populations et des élus locaux, nos protestations à nous, élus nationaux, n’auraient pas été suffisantes pour qu’un autre regard soit porté sur leur situation.

Le travail qu’il nous faut faire aujourd’hui nécessite d’analyser tous les dysfonctionnements afin de vérifier d’abord que les outils existants ont été bien utilisés pour prévenir les risques de submersion marine lors d’une tempête et ensuite s’il en manque.

Quand je dis « outils », je parle d’outils réglementaires et législatifs, mais aussi de moyens pour une meilleure connaissance du risque.

A-t-on mis en place des moyens pour simuler – même si, me dit-on, c’est difficile – une submersion sur l’ensemble de la côte atlantique de façon à voir quelles actions doivent être mises en place pour protéger les lieux quand c’est possible, pour interdire la construction quand on voit que le danger peut être mortel, pour réduire la vulnérabilité des biens et des personnes là où l’on décide de maintenir un habitat et des activités économiques ? Il semble bien que non.

Or, pour avoir participé à l’élaboration des plans de prévention des risques le long de la Loire, je dois dire qu’une telle simulation nous a aidés à comprendre comment le phénomène des inondations pouvait impacter notre territoire et comment mieux y répondre à l’avenir.

Je dis bien « nous », car, contrairement à ce qui vient d’être vécu sur le terrain, même si ce n’était pas la démarche de l’État au début du processus, les élus des communes ont, à l’époque, été associés à l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation, dans une conception non pas seulement d’interdit, mais aussi du devenir des lieux où les règles d’urbanisme changent.

En effet, et c’est un point dont je pense que notre mission doit se saisir pour poursuivre son travail, il est indispensable de prévoir un avenir pour les territoires dans lesquels on pense que le risque est trop grand pour y laisser vivre ou travailler qui que ce soit.

Vous le savez tous, les espaces non gérés deviennent des lieux squattés. La pointe de l’Aiguillon-sur-Mer s’est ainsi couverte peu à peu de petites cabanes qui, avec le temps, se sont transformées en maisons, tout cela sans aucune autorisation, et je pourrais citer d’autres exemples, non seulement sur le littoral mais aussi dans le lit des fleuves.

Aujourd’hui, il faut s’intéresser aux indemnisations des victimes, à leur relogement, à la réinstallation des commerces, à la reprise des voiries et équipements indispensables pour un retour rapide à la vie normale.

C’est véritablement important, et je partage les grandes lignes des propositions de la mission mais aussi les interrogations du rapporteur sur la capacité du fonds Barnier à faire face aux coûts estimés.

Je m’interroge aussi sur la capacité du FISAC à répondre aux besoins exceptionnels liés à cette catastrophe, alors que de nombreux dossiers nécessitent son intervention régulière dans toute la France.

Nous devons aussi regarder l’avenir.

Il faut, dès maintenant, réfléchir aux projets que toutes ces communes vont pouvoir porter pour ces territoires dont il n’est plus possible de maintenir la destination de zones habitables.

Quelle action peut être menée pour aider les collectivités territoriales ?

Vous le savez, leur situation va être très fragilisée, d’autant que les pertes de ressources ne porteront pas seulement sur cette année, problème d’ailleurs récurrent pour tous les territoires soumis aux risques naturels.

Je voudrais également vous alerter, à l’occasion de ce débat, sur un autre sujet.

Si l’État et ses services élaborent avec les collectivités des plans de prévention des risques d’inondation dans lesquels sont édictées des règles d’urbanisme et des conditions de constructibilité, cela nécessite de redonner des capacités d’intervention aux maires sur les transformations réalisées sur un certain nombre de biens.

Les nouveaux textes permettent à un acheteur de transformer son bien sans en informer la commune s’il ne modifie pas la façade du bâtiment. Or, dans le cas d’un redécoupage, si nous exigeons, par exemple, qu’une pièce soit au-dessus des plus hautes eaux connues pour éviter aux populations concernées de courir à nouveau les mêmes risques, il n’y aura aucun moyen de vérifier que le projet est conforme au plan de prévention des risques d’inondation puisqu’aucun dossier n’est à présenter par le propriétaire auprès de la commune où se situe le bien.

Pour terminer, je voudrais en venir à l’alerte, autre sujet ô combien sensible, car c’est grâce à elle, à sa qualité, que l’on peut espérer sauver des vies humaines.

Je partage largement les premières préconisations de la mission, et je veux insister sur la nécessité de messages clairs, décryptés, autrement dit compréhensibles par les non-spécialistes.

La clarté est en effet essentielle pour savoir si l’on déclenche une évacuation ou si l’on invite les habitants à rester chez eux. Cela nécessite également d’avoir les moyens de s’assurer que l’alerte est bien reçue par les responsables.

Cependant, mettre en œuvre les actions préventives dès l’alerte suppose bien évidemment que les plans communaux de sauvegarde soient élaborés. L’État a demandé aux collectivités d’adopter ces plans, mais aucun moyen, particulièrement humain, n’a été mis à la disposition des collectivités pour les réaliser.

Combien de communes de petites tailles, comptant moins de 10 000 habitants, ont la capacité de concrétiser rapidement ces plans ?

Il me semble qu’aujourd’hui, sur cet aspect comme pour les délivrances de permis de construire et pour l’instruction de toutes les autorisations du droit des sols, les collectivités ont besoin d’un accompagnement des services de l’État.

Malheureusement, la révision générale des politiques publiques est passée par là et les personnels de l’équipement sont de moins en moins nombreux pour ces tâches. On voit très nettement la limite de la réduction des effectifs et les risques que ces mesures font peser sur l’application de règles pertinentes pour protéger les populations, les activités économiques et les équipements.

Ne pensez-vous pas qu’il est urgent de revenir sur la saignée de ces services qui avaient pourtant engrangé une expertise dont nous aurions bien besoin pour avancer plus rapidement dans l’élaboration des plans de prévention des risques d’inondation avec les élus ?

Ces services pourraient utilement apporter leur concours pour aider à définir les mesures qui peuvent répondre à la protection des populations.

Ne pensez-vous pas qu’ils seraient utiles à la mise en œuvre de la directive européenne 2007/60/CE du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation ?

Celle-ci a été intégrée a minima au sein du Grenelle 2 pour que notre pays se mette rapidement en conformité avec les obligations de transposition.

Le travail des services de l’État avec l’ensemble des partenaires qui doivent être associés devrait, à mon avis, s’appuyer plus largement sur cette directive pour traiter les risques d’inondation sur notre territoire, en tenant compte des diversités de situations, conformément à ce qu’elle préconise.

L’inondation tragique que vient de vivre le Var confirme la nécessité de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour les travaux de prévention des risques et pour la réduction de la vulnérabilité de toutes les constructions afin d’assurer la sécurité des populations qui y vivent.

Enfin, pour respecter mon temps de parole je n’ai pas abordé le plan digues, mais je suis d’accord avec le président de la mission pour dire qu’il ne porte pas très bien son nom…

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