Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 16 juin 2010 à 21h30
Débat sur les conséquences de la tempête xynthia

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

secrétaire d’État., mes chers collègues, les épreuves vécues la nuit dernière, dans le Var, avec leur cortège de drames humains, donnent tout son poids à notre débat.

Comment ne pas avoir une pensée émue pour ces familles endeuillées ? Comment ne pas assurer de notre solidarité tous ceux et toutes celles qui, à l’occasion d’une tempête ou d’une inondation d’une gravité extrême, ont vu leur vie basculer en un instant.

Je ne suis pas de l’un de ces départements cruellement touchés par la dépression météorologique majeure, d’un type tout à fait exceptionnel, qui a dévasté plusieurs zones côtières, dans la nuit du 27 au 28 février 2010, avant de poursuivre son œuvre destructrice en Auvergne et dans les Pyrénées. Mais, comme tous les élus de la République pleinement concernés par ce drame, je m’interroge sur les mesures que nous aurions pu prendre pour éviter une telle catastrophe, et pour en réparer les effets.

Loin de moi l’idée de dresser un bilan accablant tant en termes de prévention que de réparation. Je sais trop que l’on ne peut pas tout prévoir et tout guérir dans l’instant.

Je relève, tout d’abord, que les alertes orange, puis rouge, ont bien été déclenchées, et que les populations ont été invitées à la prudence, et même incitées à s’éloigner de la zone côtière immédiate. Je note aussi l’extraordinaire mobilisation de tous les acteurs concernés, qui n’ont économisé ni leurs forces ni leur énergie pour secourir les dizaines de personnes prisonnières des eaux et leur apporter un peu de réconfort.

Je ne néglige pas non plus toutes les démarches de solidarité qui ont été spontanément engagées pour réparer de façon urgente les dégâts matériels innombrables et, tout simplement, pour permettre à la vie de reprendre son cours.

Nous sommes cependant en droit, ou plutôt « en devoir », de nous interroger sur l’existence éventuelle de dysfonctionnements ou de carences.

Comment expliquer que l’on ait autorisé la construction de maisons dans des zones manifestement inondables ? Méconnaissance des risques, confiance infondée dans un système de digues fragilisées par le temps, pression inconsidérée de promoteurs immobiliers §insouciance de propriétaires ayant enfin réalisé leur rêve ?Toutes ces raisons s’additionnent et concourent au désastre que nous avons constaté.

N’existe-t-il pas, pour autant, des garde-fous ? La délivrance de permis de construire n’est-elle pas soumise à des règles, à des normes strictes ? N’y a-t-il pas de plans de protection des risques d’inondation, de dispositifs d’alerte, de plans communaux de sauvegarde, de campagnes d’information des populations ?

Tous ces dispositifs existent et sont prévus soit par la loi, soit par le règlement. Ils relèvent de la compétence de l’État et des collectivités locales. Étaient-ils en place, et convenablement activés ? La réponse n’est pas, me semble-t-il, uniformément positive.

La procédure de catastrophe naturelle est en soi une excellente chose, qui permet d’indemniser les sinistres dans des délais rapides, et selon des modalités spécifiques. Dans ce cas particulier, elle a été déclenchée dès le 1er mars, soit moins de quarante-huit heures après le passage de la tempête Xynthia. Comment expliquer, dès lors, que des personnes sinistrées en soient réduites, aujourd’hui encore, à reconstituer leur patrimoine et à en justifier l’existence pour obtenir des compagnies d’assurances une indemnisation décente ?

Le Gouvernement s’est engagé, pour sa part, à intervenir auprès des acteurs économiques les plus durement touchés : les agriculteurs dont les sols et les plantations ont été inondés et détériorés par l’eau de mer, les ostréiculteurs qui ont perdu tout ou partie de leurs exploitations, les artisans et les chefs d’entreprises privés de leur outil de travail.

Pouvons-nous obtenir l’assurance que le plan d’aide et d’allégement des charges est pleinement mis en œuvre ? Je serai attentive, madame la secrétaire d’État, aux réponses que vous nous apporterez pour l’ensemble des secteurs concernés.

Comment ne pas évoquer, enfin, cette mauvaise pièce de théâtre à laquelle nous avons assisté, quelque peu abasourdis ? Chacun y est allé de sa tirade, ajoutant maladresses sur maladresses, avant de reconnaître qu’une « erreur de communication » avait été commise.

Était-ce vraiment une erreur de communication que de dire haut et fort que l’État ne laisserait pas se réinstaller dans leurs maisons, si elles présentaient des risques mortels, des propriétaires en pleine détresse, comme de dire, quelques jours plus tard, que les « zones noires », devenues entre-temps « zones de solidarité », n’étaient pas complètement délimitées ? Quelle maladresse, oui, vraiment quelle maladresse, de balayer en un instant la vie entière de personnes fragilisées psychologiquement par le drame vécu !

Je veux donc espérer que les réflexions menées aujourd'hui au plan local, avec les préfets et l’ensemble des acteurs locaux, pour poser de nouvelles bases de travail et établir un zonage d’acquisition amiable, permettront de trouver une voie de rationalité et d’équilibre de nature à répondre aux exigences de sécurité et à satisfaire les attentes légitimes de la population.

J’en viens au plan digues, présenté comme la solution salvatrice. Permettez-moi d’en souligner les difficultés pratiques majeures.

Tout d’abord, quel est le statut de ces digues ? À qui appartiennent-elles ? À l’État ? Aux collectivités locales ? Aux propriétaires riverains ? Qui est chargé de leur entretien, de leur surveillance ?

À cet égard, la loi de 1807 est imprécise. Quant à la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, qui établit la nécessité de mener des études de dangerosité concernant les digues, elle n’apporte guère de réponses.

Ce plan digues, dont on ignore la forme et le contenu, devrait permettre, au préalable, de clarifier ces points de droit.

Je m’interroge, en outre, sur le plan digues lui-même. Pouvez-vous nous dire, madame la secrétaire d’État, si des solutions alternatives ont été envisagées ?

Les zones côtières ne présentent assurément pas les mêmes spécificités sur le plan de la géographie physique. Il faudrait peut-être envisager d’autres moyens de défense contre la mer ; je pense, notamment, aux polders.

J’ajoute que ce plan, dont, je le répète, le contenu n’est pas encore défini, entraînera obligatoirement des dépenses. Or le montant des crédits susceptibles d’être alloués à ces travaux n’a pas été évoqué.

Madame la secrétaire d’État, je comprends que l’on réagisse à une situation aussi exceptionnelle, et pour partie imprévisible, à ce grand chaos, de façon également chaotique et désordonnée. Mais personne ne comprendrait, autour de nous, que le Gouvernement ne mette pas tout en œuvre pour en finir avec un système confus de responsabilité collective. Il faut instaurer une véritable culture du risque à laquelle la population doit être associée, par des exercices concrets d’évacuation, par exemple. Ainsi pourra-t-on élaborer une vraie doctrine générale de sécurité civile.

Nous savons, madame la secrétaire d’État, que nous pouvons compter sur vous.

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