À quelques heures près, à marée basse par exemple, les inondations auraient pu ne pas avoir lieu.
Alors, que s’est-il passé ?
Dès le samedi 27 février au soir, Météo-France avait prévu l’heure d’arrivée du plus fort de la dépression. Nous disposions donc a priori de l’ensemble des éléments permettant de déclencher l’alerte.
Mais, mes chers collègues, notre système d’alerte est quelque peu désuet. Nous avons tous été stupéfaits de l’apprendre lors de l’audition du directeur de la sécurité civile : notre système d’alerte date de 1930... Chacun d’entre nous, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège dans cette assemblée, conviendra que les moyens technologiques existants aujourd’hui devraient permettre d’en améliorer sensiblement la précision et l’efficacité.
Élu d’une commune littorale des Côtes-d’Armor, heureusement moins touchée que celles de Charente-Maritime ou de Vendée, je peux attester de certains dysfonctionnements dans le système d’alerte.
Il ne sert à rien, en effet, d’envoyer un message d’alerte par fax à une mairie un samedi soir, alors que personne n’est là pour le réceptionner. De surcroît, la rédaction d’un tel message est parfois peu compréhensible par un non-professionnel ou un non-scientifique. Tous les maires ne sont pas en mesure de comprendre le jargon technique. L’occasion m’est donnée de saluer les élus et les personnels assurant la sécurité publique, qui se sont mobilisés sans compter.
Actuellement, diverses associations départementales de maires de France mènent un certain nombre de réflexions. Mutualisons ces réflexions ! Nous ne pouvons plus nous contenter du système actuel !
J’en viens aux zones noires. Au départ, la mission commune d’information ne devait pas s’y intéresser. Mais, lors de nos déplacements en Charente-Maritime et en Vendée, nous avons tous été choqués, quelle que soit notre appartenance politique, par la méthode retenue pour délimiter les zones sinistrées et pour prendre les mesures qui s’imposaient.
Les échanges que nous avons eus à Charron comme à Châtelaillon, aussi bien avec les élus qu’avec les habitants, me conduisent à penser que les décisions ont été adoptées dans la précipitation et sous le coup de l’émotion publique. Sans trop m’avancer, je dirai que ce sentiment est partagé par la plupart des membres de la mission.
Bien sûr, il fallait prendre en compte la gravité de la situation, mais de là à mettre en place systématiquement des zones noires… C’était exagéré !
J’ai en mémoire les propos tenus par la totalité des élus charentais lors de notre rencontre à Châtelaillon : ils déploraient que certaines parcelles ayant subi une submersion marine de plus de 1, 80 mètre n’aient pas été classées en zone noire, au motif – et je cite leurs propos – qu’elles ont été considérées comme « économiquement insoutenables ». Ce n’est pas normal !
Paradoxalement, à proximité de ces zones non classées, le village des Boucholeurs, situé sur la commune de Châtelaillon, se retrouvait lui en zone noire, en raison de la présence de quelque 10 ou 20 centimètres d’eau dans deux ou trois maisons.
Où est la logique, où est la cohérence d’une telle approche ?
Je comprends la colère et le sentiment d’injustice exprimés par les personnes concernées, sentiment renforcé par le fait que très peu d’entre elles ont rencontré les experts en cause.
C’est d’ailleurs, précisons-le, la venue de la mission commune d’information sénatoriale en Charente-Maritime et en Vendée qui a conduit le Gouvernement à requalifier ces zones noires en « zones de solidarité ». N’aurait-il pas été plus simple et plus humain de prendre une telle décision la première semaine, au lieu d’imposer des zones tracées à la hache ?
Avec dix centimètres d’eau, le courant n’est pas un critère ; certes, on est en danger à cinquante mètres d’une digue, mais il faut expliquer cela à nos concitoyens.
Il fallait définir cette zone non pas comme une « zone de solidarité », mais comme une zone d’acquisition, de négociation afin justement d’engager des pourparlers avec les habitants qui voulaient partir ! Il fallait effectuer une analyse au cas par cas. Surtout, il ne fallait pas provoquer un tel désarroi ! La plupart de ces habitants étaient des victimes !
Les choses auraient pu et auraient dû se faire dans la sérénité, lors des réunions organisées par les préfets, d’autant que des travaux, réalisés de longue date en concertation avec des experts, des scientifiques et des élus locaux, qui connaissent bien leurs territoires, étaient possibles.
Abordons maintenant la question des digues.
En raison des nombreuses victimes, la tempête Xynthia soulève des questions quant à la construction des digues et aux règles de sécurité, notamment dans les zones inondables, interrogations sur lesquelles s’est penchée la mission commune d’information.
La gestion des digues est problématique – Mme Escoffier l’a souligné –, car nombreuses sont celles qui n’appartiennent à personne, aucun propriétaire n’étant connu et l’État ne se considérant pas comme tel. Cette situation est liée pour partie à l’ancienneté de ces ouvrages ; de ce fait, aucun acte administratif de propriété ne les régit. Dans ce cas, qui a la charge de leur entretien ? Est-ce à l’État d’en assumer les frais, même s’il n’est pas à proprement dit le propriétaire ?
Récemment, la réglementation s’est faite plus contraignante. La loi de 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques a été suivie d’un décret du mois de décembre 2007, qui établit, notamment, la nécessité de mener pour les digues des études de dangerosité.
Ces audits, à la charge des propriétaires des digues, doivent établir les risques que celles-ci font courir aux personnes proches ou aux installations publiques et industrielles.
Un premier problème se pose : quid de ces audits quand les digues n’ont pas de propriétaire ?
En fonction des résultats, les propriétaires doivent être capables de surveiller leurs digues, de les entretenir et d’en prévenir les défaillances, cela sous le contrôle des services territoriaux de l’État, de moins en moins nombreux, comme l’a rappelé ma collègue tout à l’heure.
Un second problème surgit : les travaux qui en découlent sont souvent très coûteux, donc hors de portée des associations de riverains ou des communes. Alors que fait-on ?
Une digue doit être contrôlée et entretenue régulièrement, il n’est qu’à prendre l’exemple des Pays-Bas. Depuis la catastrophe nationale de 1953, les Néerlandais ont défini une stratégie nationale ambitieuse de prévention du risque de submersion marine à travers l’élaboration des plans Delta I et Delta II.