Monsieur le président, monsieur le président de la mission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Nîmes en 1988, Vaison-la-Romaine en 1992, Xynthia en février dernier et hier le Var, la nature nous rappelle sa puissance avec toujours un peu plus de brutalité par le nombre de morts. Elle nous renvoie souvent à notre méconnaissance et parfois un peu aussi à notre inconséquence collective.
En votre nom à tous, je voudrais en cet instant rendre hommage aux victimes de Xynthia et aux victimes du Var, qui sont dix-neuf ce soir, mais qui, malheureusement, seront probablement encore plus demain. Les images que nous voyons ce soir nous rappellent dramatiquement celles de la tempête Xynthia.
Je souhaite à mon tour saluer le travail remarquable qui a été réalisé par votre mission d’information, un travail collectif qui a rassemblé l’ensemble des partis, un travail de responsabilité, mais aussi un travail qui a effectivement évité l’écueil – vous l’avez rappelé, monsieur de Legge – de stigmatiser certains. Est en cause en effet la responsabilité collective de l’ensemble des décideurs publics à l’égard de nos concitoyens, qu’il s’agisse de l’État ou des élus, et dans ce domaine, personne, me semble-t-il, n’a de leçon à donner aux autres.
Je souscris pleinement aux conclusions de votre mission : le risque de submersion a été insuffisamment pris en compte, nous ne nous y sommes pas assez préparés ; globalement, le risque d’inondation est sous-estimé en France ; les mesures de prévention n’ont pas été suffisamment mises en œuvre.
Je rappellerai juste quelques évidences parce qu’il faut replacer ce débat dans un contexte global.
Première évidence, nous ne pouvons pas nous référer à notre seule mémoire pour juger du bon niveau des préventions. Dans le Var, un tel cumul de pluie n’avait jamais été vu depuis 1827. Quant à Xynthia, la conjonction des différents phénomènes était totalement inconnue et improbable.
Deuxième évidence, le nombre de catastrophes augmente dans le monde comme en France : on dénombra vingt-trois très grandes catastrophes en 2001 à travers le monde, quarante-trois en 2007, et cette augmentation devrait se confirmer sur le long terme selon les perspectives du GIEC.
Troisième évidence, nous ne cessons de courir après la réalité, avec la prise en compte d’abord du risque d’inondation, ensuite, du risque de ruissellement, enfin, du risque de submersion.
Comme les autres pays, mis à part certains qui sont un peu plus exemplaires, nous avons sous-estimé le risque de submersion et de ruissellement, l’élévation future du niveau de la mer, l’augmentation évidente de l’occurrence de ces événements et le niveau de risque global.
Cela a été dit par la plupart d’entre vous, il est urgent d’accélérer la prévention, et mieux vaut surestimer un peu le risque plutôt que de le sous-estimer. À défaut, nous allons le payer en nombre de morts et surtout, vous l’avez rappelé, nous n’aurons pas les moyens financiers de répondre à toutes les demandes.
Il faut effectivement arrêter de tergiverser sur l’estimation du risque, c’est le travail des experts et je ne le remettrai pas en question. En revanche, il y a un choix politique à effectuer sur le niveau de risque que nous voulons assumer collectivement et, en ce sens, le futur « plan digues » – je n’ai pas encore trouvé de terme plus adéquat –, devra faire l’objet d’une concertation entre l’État et les élus.
Je répondrai maintenant à vos différentes observations, mesdames, messieurs les sénateurs.
Quelle a été l’action de l’État depuis la tempête ?
Vous l’avez tous rappelé, la surcote a été bien prévue par Météo France, le vent aussi, mais, comme l’a dit très clairement M. Retailleau, le risque de submersion, donc l’impact sur terre, n’a pas été anticipé et c’est la raison pour laquelle les consignes n’ont pas été adaptées.
La qualité de l’intervention des secours a été unanimement reconnue. C’est vrai, on peut être satisfait d’avoir en France des services de sécurité civile et d’urgence qui interviennent toujours avec une grande efficacité.
Monsieur Retailleau, vous m’avez interrogé en particulier sur la question des aides aux agriculteurs.
Le plan de 30 millions d’euros prévu par Bruno Le Maire pour couvrir les calamités agricoles et la remise en état des sols tarde à être mis en œuvre. Nous attendons la réponse de la Commission européenne et je suis tout à fait d’accord avec vous, face à ce type d’événements, il faut mettre en place une procédure d’approbation accélérée.
À l’inverse, l’aide aux conchyliculteurs a été rapidement octroyée. À ce jour, il est vrai, nous avons très peu de dossiers puisque nous ne sommes qu’à 10 % des demandes attendues.
Monsieur Merceron, je me ferai votre interprète auprès de Bruno Le Maire pour qu’il active un peu la Commission européenne – il le fait très bien d’ailleurs – afin d’avoir une réponse un peu plus rapide.
S’agissant de la mobilisation du fonds de solidarité de l’Union européenne, il est a priori difficile d’avoir une réponse positive car les conditions d’engagement sont assez compliquées à réunir : d’une part, les dégâts doivent être supérieurs à 3, 4 milliards d’euros, ce qui a priori aujourd'hui n’est pas le cas pour la tempête Xynthia et, d’autre part, il faut que l’impact sur une majorité de la population s’étale sur plus d’un an.
Je ne vous cache pas que très peu d’événements peuvent, à mon sens, rassembler de telles conditions.
Cet événement mortel a mis en lumière des zones d’extrême danger, ces fameuses zones dont vous avez tous parlé.
Le Président de la République a pris un engagement clair : ne pas laisser d’habitants exposés à des risques mortels, soit en rachetant les maisons par solidarité, soit, en cas de refus, par expropriation.
Monsieur Anziani, c’est un objectif auquel vous avez souscrit, mais dont, ensuite, vous avez contesté les modalités.
La détermination des niveaux de danger a été définie par une circulaire et les services locaux ont appliqué les critères que nous avions retenus. Ces critères ont été rappelés : une hauteur d’eau constatée supérieure à un mètre, la prise en compte de la vitesse de montée des eaux, la nécessité – en tout cas dans un premier temps – d’avoir des zones cohérentes et homogènes pour éviter autant que possible le mitage, et la possibilité ou non de protéger ou d’évacuer ces lieux.
Deux types de zones, initialement appelées « zones noires » et « zones jaunes », ont été identifiés.
Les « zones d’extrême danger », qui ont été rebaptisées « zones de solidarité », ouvrent un droit à rachat par l’État. Au total, plus de 1 650 habitations sont concernées à ce jour.
S’agissant des zones d’extrême danger avec possibilité de protection, les fameuses « zones jaunes », qui nécessitent des systèmes de protection individuelle ou collective, nous avons demandé aux préfets de définir pour le 30 juin un programme de protection.
Il faut être très clair sur le zonage qui a été défini par les experts. Ces zones sont globalement de danger extrême, madame Escoffier : elles peuvent comprendre des monticules sur lesquels ont été construites des maisons qui n’ont pas été inondées.
Oui, nous avons été vite – vous avez parlé de précipitation, monsieur Anziani – mais cette rapidité était volontaire de la part du ministre d’État et de l’ensemble des ministres. Pourquoi ?
Les zones de solidarité ont été annoncées le 7 avril pour donner à ceux dont la maison était complètement inondée ou détruite et qui étaient logés soit chez des amis, soit à l’hôtel, ne pouvaient ni réemménager, ni vendre leur maison, une possibilité immédiate de se défaire de cette maison.
L’incertitude demeurait sur seulement quatre zones dites « orange », qui nécessitaient des expertises supplémentaires, et le doute a été levé par M. le ministre d’État le 10 juin dernier. Ce sont les seules zones qui ont réellement bougé.
M. Anziani m’a interrogé sur la possibilité ou non d’obtenir un rachat en dehors des zones de solidarité.
Ce rachat est possible en dehors des zones de solidarité si les dégâts sont supérieurs à 50 %. C’était un souhait de M. le ministre d’État afin d’éviter des injustices.
Par ailleurs, nous reconnaissons que, lors de notre déplacement le 15 avril, nous n’avons pas été assez clairs sur l’objectif de ces zones et surtout sur les procédures.
Madame Bonnefoy, c’est la raison pour laquelle nous avons envoyé des délégués à la solidarité pour expliquer un peu plus concrètement les choses et entendre les doléances des habitants. Nous avons clairement rappelé que, dans un premier temps, ces fameuses zones ouvrent un droit de rachat à l’amiable fixé – j’y reviendrai ultérieurement – sur la base du prix du marché avant la tempête.
Dans un second temps, puisque nous ne sommes pas dans un pays de non-droit, madame Beaufils, mais dans un pays où les procédures d’expropriation sont extrêmement encadrées, des périmètres seront définis pour la déclaration d’utilité publique, sur la base d’une enquête publique et d’une expertise précise parcelle par parcelle, et l’expropriation ne pourra être accordée que s’il n’y a pas de protection possible. Elle ne se fera que sous le contrôle du juge.
Notre souci était que les personnes puissent reconstruire leur vie et donc qu’elles puissent vendre leur maison à un prix tout à fait satisfaisant, celui du marché avant la tempête.
Les évaluations ont été faites par France Domaine. Madame Bonnefoy, je vous rappelle que France Domaine, c’est l’État, et que les évaluations sont a priori plutôt satisfaisantes, puisque nous avons d’ores et déjà 166 réponses positives au prix proposé.
Monsieur Doublet, je vous rassure, nous irons très vite pour indemniser ces personnes. Les rachats seront financés par le fonds Barnier. Nous aurons les moyens de payer car, à la trésorerie de l’année 2010, s’ajoutera un reliquat de l’année précédente, et nous pourrons avoir recours à des avances de trésorerie en cas de besoin. Il n’y a pas de difficultés sur ce point.
Monsieur Anziani, vous avez proposé d’opérer un prélèvement supplémentaire sur la CCR. Nous le ferons si nécessaire, mais il n’y aura pas d’augmentation des cotisations. Ces hypothèses sont à l’étude.
Enfin, Mme Bonnefoy m’a interrogée sur la possibilité d’aider les communes à mettre en place un nouveau projet urbain ou à reloger les personnes résidant dans les zones rendues inhabitables ou inhabitées. De fait, la mission a formulé dans son rapport des propositions concernant des aménagements de nature fiscale. Ces points ne sont évidemment pas tranchés à ce jour, mais nous allons les étudier.
J’en viens aux travaux sur les digues. La plupart des travaux de réparation ou de confortement de première urgence ont été réalisés. Il reste maintenant à se préparer aux marées d’équinoxe. Le ministère du développement durable prendra à sa charge tous les travaux sous maîtrise d’ouvrage d’État, dont le montant est estimé à environ 12, 9 millions d’euros. Il a d’ores et déjà délégué aux préfets 7, 4 millions d’euros et dispose des moyens nécessaires pour financer le reste.
Quant aux travaux d’urgence sur les digues sous maîtrise d’ouvrage des collectivités locales, question soulevée par M. Retailleau et M. Laurent, le principe d’un cofinancement de l’État et du FEDER est acté. Le Premier ministre est sur le point de rendre son arbitrage sur la somme que consentira l’État, sachant que nous avons sur ce sujet un engagement très précis du Président de la République.