Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Commission mixte paritaire — Réunion du 13 mai 2014 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Il serait dommage que l'article 3, quoique très important, obère les autres dispositions du projet que l'Assemblée nationale a enrichi, par exemple sur les questions d'héritage et de scellés judiciaires. Certaines modifications mériteraient un débat afin de les améliorer encore. D'ailleurs nous avons vu avec votre rapporteure que sur ces questions, nous pourrions aisément converger.

J'ai préparé des propositions de rédaction pour plusieurs dispositions qui appellent notre attention. La première est relative au statut des animaux. Votre rédaction intègre au code civil une disposition au contenu normatif incertain dont la vocation est sans doute proclamatoire. Déjà consacrée sous une autre rédaction dans le code rural comme dans les textes européens, elle soumet les animaux au « régime des biens corporels », sans définir précisément celui-ci, ce que faisait pourtant la proposition de l'association Capitant, dont elle est issue. Elle supprime toute mention des animaux dans le reste des dispositions du code civil relatives aux biens.

Nous avons tous été saisis, depuis le vote de ce texte, de nombreuses craintes, dont celles de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui ne sont pas dénuées de fondement : pourquoi des rédactions différentes entre le code civil et le code rural ? N'y a-t-il pas un risque d'incertitude juridique à supprimer toute référence aux animaux dans les autres articles du code civil relatifs aux biens et à les soumettre « au régime des biens corporels » ? La FNSEA défend à ce titre leur assimilation à des biens meubles ou immeubles.

Je vous propose de supprimer la mention symbolique ou de reprendre la formulation du code rural pour désigner les animaux comme des « êtres sensibles » et les soumettre au régime des meubles ou des immeubles par destination. Les exemples d'animaux relevant de ce régime, comme les poissons d'un étang ou les pigeons d'un colombier, seraient réintégrés au code civil.

Le Sénat s'était opposé à l'accès des héritiers au compte bancaire du défunt lors de l'examen de la loi bancaire, mais nos collègues députés ont apporté une garantie supplémentaire susceptible de lever cette opposition. La rédaction de l'article 2 bis présente toutefois une lacune : elle autorise les héritiers à accéder au compte bancaire du défunt jusqu'à un certain montant, sans tenir compte du fait que le défunt pouvait être titulaire de plusieurs comptes. Or, pour savoir si la succession dépasse le montant maximum autorisé, il faut en connaître le solde cumulé. C'est pourquoi je suggère que les héritiers remettent à la banque, comme ils peuvent déjà le faire, la fiche de renseignements fournie par le Ficoba (Fichier national des comptes bancaires et assimilés), qui recense l'ensemble des comptes du défunt, ainsi que le solde de chacun. La banque pourra alors apprécier si la succession est inférieure au montant fixée par décret. Cette disposition est d'ailleurs à l'avantage des héritiers, puisqu'ils seront informés des comptes que détenait vraiment le défunt et dont ils n'avaient peut-être pas connaissance. Elle est conforme aux dispositions que nos assemblées viennent d'adopter dans le texte sur les comptes bancaires en déshérence.

À l'article 8, les députés ont confirmé le dispositif de communication électronique adopté par le Sénat, en supprimant toutefois une des garanties qu'il y avait apportées : lorsque la communication électronique intervient en lieu et place d'une lettre recommandée, le dispositif de communication retenu doit assurer que celui qui a reçu la communication est bien celui auquel elle était destinée. Vous avez estimé, en effet, que rien ne garantissait dans la procédure de la lettre recommandée que celui qui retire le pli au bureau de poste, en raison d'un mandat donné par le destinataire, lui remettra bien ensuite le courrier. Le mandant, qui a signé l'avis et confié un document d'identité au mandataire, s'attend pourtant bien à ce que ce dernier lui remette un courrier. En outre, la garantie proposée par le Sénat pourrait reposer sur une formalité très banale et peu coûteuse : la remise à l'intéressé d'un code confidentiel à réadresser au service émetteur pour lui confirmer la remise du document. Enfin, il y a un sérieux risque d'inconstitutionnalité à laisser coexister deux modes de convocation, la lettre recommandée avec accusé de réception et la convocation électronique, qui ne présenteraient pas le même niveau de garantie. Je propose donc de rétablir la garantie instaurée par le Sénat.

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