Intervention de Guy Fischer

Réunion du 4 mai 2011 à 14h30
Répression de la contestation de l'existence du génocide arménien — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

… lequel, reconnaissons-le, est réducteur puisque ce texte est relatif uniquement à la presse ; envisager un texte de portée universelle en vue d’obtenir un avis favorable du Conseil constitutionnel ; enfin, stratégiquement, ne pas prêter le flanc à la pression de la Turquie, que nous estimions devoir considérer comme n’étant pas globalement négationniste.

J’ai d’ailleurs déposé en mai 2010 cette même proposition de loi relative à l’incrimination pénale de la contestation publique des crimes contre l’humanité afin de débloquer la situation et de sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvions.

L’essentiel pour nous ayant toujours été de contribuer, ensemble, au vote d’une loi qui condamne le négationnisme du génocide arménien, j’ai accueilli avec plaisir l’inscription à l’ordre du jour du Sénat de la proposition de loi de Serge Lagauche et de plusieurs de ses collègues.

Afin de renforcer leur position, j’ai déposé une nouvelle proposition de loi, qui reprend exactement les termes de la leur, mais je reconnais que la proposition de loi de 2005 était sans doute plus susceptible de faire l’unanimité, en ce qu’elle évitait notamment l’écueil d’une qualification de loi « mémorielle ».

Au point où nous en sommes aujourd’hui, dans le respect du travail de recherche des historiens et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la représentation nationale a non seulement le droit, mais aussi le devoir de considérer que le négationnisme n’est pas un mode d’expression comme les autres : l’objectif est en effet alors de falsifier l’histoire pour effacer de la mémoire collective toute trace des génocides.

Aussi pouvons-nous légitimement compléter la portée de la reconnaissance officielle du génocide arménien en autorisant à son propos l’invocation du délit de négationnisme.

Oui, la négation du génocide arménien doit être sanctionnée par les mêmes peines que celles qui sont prévues pour la négation de la Shoah. La reconnaissance du génocide arménien et la condamnation pénale de sa contestation forment une même entité qu’il nous appartient de réunir enfin.

Une telle loi, si elle était adoptée, serait un progrès immense pour la cause arménienne, à laquelle je suis indéfectiblement attaché. Elle aurait le mérite d’envoyer un signal clair à tous les communautaristes qui cherchent à manipuler des femmes et des hommes sur la base d’idéologies racistes et négationnistes. En ce sens, elle constituerait un pas en avant non seulement pour la cause arménienne mais, plus largement, pour l’humanité tout entière.

De surcroît, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne tend ni à imposer une histoire d’État ni à stigmatiser la Turquie. Au contraire, elle vise à contribuer à la réconciliation entre les deux communautés, en rendant justice aux victimes du génocide arménien. De ce fait, nous nous prononçons en faveur d’un devoir de vérité et non de revanche. Seule cette préoccupation doit nous guider à l’heure actuelle.

Si la liberté d’expression doit être préservée, nous ne pouvons plus tolérer que, sur le sol de France, des groupuscules extrémistes, comme à Lyon en avril 2005, profanent par des graffitis et des slogans négationnistes le mémorial dédié au génocide des Arméniens de 1915 et à tous les génocides.

Certes, cette proposition de loi était perfectible et elle aurait gagné en légitimité grâce à un travail en intergroupes. Néanmoins, il serait pusillanime aujourd'hui de nous critiquer les uns les autres. L’important est que ce texte existe, qu’il nous soit présenté et qu’il emporte l’assentiment de la plus grande majorité possible de nos collègues de toutes les sensibilités politiques, capables de dépasser leurs différences. C’est ce que je vous exhorte à faire tout à l’heure, mes chers collègues.

Je pense sincèrement que cette proposition de loi est de nature à faire régresser le climat de haine et de tensions communautaires, les thèses et les propos niant une réalité historiquement avérée, celle du génocide subi par les Arméniens au début du XXe siècle.

Je voterai donc en conscience, comme le fera mon groupe, cette proposition de loi, et j’espère modestement avoir aidé à convaincre certains de nos collègues auxquels nous devons nous garder de reprocher leurs doutes.

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