Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ne m’embarrasserai ni de préliminaires ni de précautions oratoires pour m’exprimer sur le texte soumis à notre approbation : la proposition de loi que nous discutons est inopportune et inacceptable. Elle est en outre irrecevable car inconstitutionnelle. Notre collègue rapporteur, le président Jean-Jacques Hyest, l’a démontré avec autorité et clarté sans qu’il soit besoin de rien ajouter à son propos.
Je m’attacherai à décrire le caractère inopportun de la proposition de loi, en analysant ses conséquences politiques, puis son caractère inacceptable en m’efforçant de mettre en lumière les graves dérives auxquelles elle risque de conduire.
La proposition de loi ne peut que contribuer à détériorer davantage, s’il en était besoin, les relations entre la France et la Turquie, sans aider en rien la réconciliation nécessaire entre la Turquie et l’Arménie. J’en appelle, sur ce point, au témoignage de tous ceux de nos collègues qui se sont récemment rendus en Turquie.
On l’a dit, et je le répète : les autorités arméniennes n’ont jamais demandé aux pays membres de l’Organisation des Nations unies ou de l’Union européenne de voter pareil texte ; et il nous semble qu’ils sont les premiers intéressés à l’existence de bons rapports avec leur voisin turc.
Mais, au moment où l’onde de choc provoquée en Turquie par le lâche assassinat d’un journaliste d’origine arménienne estimé de tous, Hrant Dink, commence à susciter dans les consciences turques la nécessité d’admettre pour le dénoncer le génocide arménien, cette proposition de loi est particulièrement malvenue.
Elle contrarie les efforts des historiens, journalistes ou associations citoyennes turques qui souhaitent œuvrer en faveur de la réconciliation avec les Arméniens et ont commencé à cet effet un travail de vérité. Elle constitue un encouragement pour les extrémistes nationalistes qui se refusent à envisager par principe la moindre responsabilité dans les massacres dont ils nient la réalité.
Si la France veut jouer un rôle utile pour conduire la Turquie à accepter son passé, elle ne doit pas contribuer à envenimer les débats, mais doit au contraire faciliter les rapprochements entre hommes de bonne volonté, en Arménie et en Turquie.