Intervention de Jean-Jacques Hyest

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 14 mai 2014 : 1ère réunion
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Audition de M. Denis Salas magistrat secrétaire général de l'association française pour l'histoire de la justice

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

Je me réjouis, Monsieur Salas, que vous ayez cité un de mes maîtres, M. Teitgen, qui m'a enseigné le droit européen à la faculté de droit de Paris. Il doit se retourner dans sa tombe quand il entend ce qu'on dit de l'Europe aujourd'hui, mais c'est une autre question.

Que le but de la peine soit la réinsertion, on le sait très bien ; l'insertion commence le premier jour de l'incarcération. Une libération non préparée, c'est la quasi-certitude d'une récidive : avec vingt ou trente euros en poche, que faire ? Il y a certes des associations, où oeuvrent des gens admirables, mais certains sont parfois contraints de devoir voler pour manger. L'objectif de la loi pénitentiaire était bien le suivi individualisé ; s'il était réalisé, nous n'aurions même pas besoin de cette loi. La difficulté du projet, dont les magistrats nous font part, est qu'ils comprennent mal la contrainte pénale, qui est forcément une peine alternative puisque le code pénal définit les peines en fonction de la hiérarchie des amendes et des peines d'emprisonnement, lesquelles peuvent être diversement aménagées. Pour être cohérent avec la législation existante, il faudrait tout reprendre pour faire de la contrainte pénale une peine véritablement substitutive. Si j'étais amené à juger, j'aurais certainement du mal. Efforçons nous, en tant que législateur, de ne pas donner trop de maux de tête aux magistrats.

Certains ont critiqué les peines plancher, mais on nous propose, à l'envers, des réductions de peine automatiques. C'est contradictoire : si l'on individualise la peine, on ne peut automatiser sa réduction. Si on appliquait vraiment la loi pénitentiaire, si on diminuait encore la détention provisoire, bien des problèmes seraient résolus.

Vous nous parlez de la césure du procès pénal - autant dire franchement qu'elle vise à combattre la comparution immédiate, qui est une justice d'abattage. Votre césure est une forme intelligente du délibéré, qui est déjà à la disposition des juges. Ce projet de loi contient beaucoup de théorie mais, concrètement, si on appliquait toutes les bonnes mesures de la législation existante, dans un esprit humaniste et non uniquement utilitariste, on pourrait se dispenser d'un débat qui va être extrêmement difficile vis-à-vis de l'opinion publique.

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