Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, cette proposition de loi, qui, nous en sommes témoins, suscite les passions, vise à punir de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui auront contesté l’existence du génocide arménien de 1915 reconnu par la loi n° 2001-70 du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, ainsi que nous l’a rappelé M. Hyest. Elle voudrait la compléter, comme nous l’a expliqué, avec passion, notre collègue Serge Lagauche.
Au-delà de ces deux textes, j’entends bien les attentes de nos compatriotes d’origine arménienne et je comprends leur émotion à l’évocation d’un passé douloureux, parfois odieusement contesté par l’effet d’un nationalisme stérile. S’il ne m’apparaît pas opportun d’adopter cette proposition de loi, je lui reconnais le mérite de nous fournir l’occasion de débattre et de fixer – je l’espère, une fois pour toutes – la place dans notre ordonnancement juridique des lois dites « mémorielles » qui se sont multipliées ces dernières années.
Le rapporteur de la commission des lois, dont je salue la compétence, ainsi que M. le ministre nous ont expliqué les difficultés que ne manquerait pas de susciter cette proposition de loi. Il me semble, en effet, que ce texte pose plus de problèmes qu’il n’en résout.
Adhérant sans réserve aux conclusions juridiques de la commission des lois, je limiterai mon propos à quelques aspects politiques du texte.
La France, en reconnaissant il y a dix ans le génocide arménien, a pris une position claire sur cette question. C’est un fait, et M. le ministre l’a rappelé.
Cependant, l’inflation des lois « mémorielles » doit nous amener à nous interroger sur l’opportunité du recours au législateur pour trancher des questions qui, souvent, ne sont pas d’ordre normatif, mais relèvent de la conscience des peuples et des nations. Le Parlement vote les lois. Il contrôle le Gouvernement. Est-ce à lui d’écrire ou de commenter l’histoire ?
C’est là plutôt, me semble-t-il, le domaine de la recherche et des historiens. M. de Rohan l’a dit avec beaucoup de force et de talent. Chacun ne pourrait-il pas sinon être légitimement tenté de faire valoir ses propres revendications au regard de l’histoire ? Cette perspective ne me paraît pas raisonnable.
Au-delà de la question institutionnelle, on ne peut ignorer les conséquences diplomatiques de la loi du 29 janvier 2001 sur les relations de la France avec la Turquie ou même avec l’Azerbaïdjan turcophone. J’ai encore pu récemment en mesurer les effets. N’oublions pas que nous jouons un rôle particulier dans le Caucase du Sud, …