… la voie empruntée conduit non pas même à une impasse, mais pis, à la destruction de ce qui a été acquis, même si, je le redis, je n’ai pas voté la loi de 2001.
Pour autant, nos amis arméniens sont-ils dépourvus de moyens face aux négationnistes ? M. le garde des sceaux les a énoncés, notre collègue Hyest les a rappelés et ils figurent dans le rapport de la commission des lois : des actions sont possibles au pénal, sur le fondement de la loi de 1881, de la non-discrimination, de l’appel à la haine, etc. – je ne les énumérerai pas toutes !
Permettez-moi également de rappeler un souvenir personnel.
Il se trouve que, dans la dernière affaire que j’aurai probablement plaidée dans ma vie, j’ai été confronté à des révisionnistes : nous avons obtenu leur condamnation, parce qu’ils avaient manqué aux devoirs de l’historien, c’est-à-dire la bonne foi, l’étude approfondie des sources, la confrontation des documents, bref, la démarche d’un esprit libre et d’une science qui avance ! Ainsi ont jugé le tribunal, puis la cour d’appel, en condamnant ces révisionnistes, et cela était juste !
Par conséquent, si quiconque, sur le territoire de l’Hexagone, se livre à la contestation de la réalité du génocide arménien, les moyens de le faire punir existent, heureusement !
Mais la voie tracée par cette proposition de loi est erronée : non seulement elle blesse la Constitution, non seulement elle fait de nous des juges de l’histoire, ce que d’aucune manière nous ne souhaiterions ni ne pourrions être, mais en plus, elle va à l’encontre d’intérêts que je considère comme sacrés ! C’est pourquoi je ne suivrai pas les auteurs de ce texte.
Comme l’a appelé de ses vœux M. le ministre, puissent enfin nos amis turcs mesurer que, en ce siècle nouveau, depuis les atroces génocides de la Seconde Guerre mondiale, les dirigeants de toutes les nations démocratiques s’honorent en reconnaissant les crimes qui furent jadis commis par leurs aïeux, sur le continent européen et ailleurs. Là est l’honneur des grandes démocraties, là est l’honneur des grands chefs d’État !