La mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, créée début octobre, souhaite examiner plus précisément la question des stades, leur modèle économique et leur place dans la cité. Grâce à la précédente table ronde consacrée à leur modèle économique, nous avons pris la mesure des nouveaux enjeux qui président à l'avenir des stades et semblent renvoyer à leur dimension financière. Le stade devient un actif, une source de recettes à travers la billetterie, les loges, la restauration et les produits dérivés. Peut-on alors toujours parler du stade comme d'un lieu de convivialité et de vivre ensemble ? Afin de se forger son opinion, notre mission a visité différents sites au mois de décembre. Ces visites, si elles ne résument pas la diversité des situations, identifient des tendances que nous pouvons discuter aujourd'hui.
À Roland-Garros, les dirigeants de la fédération française de tennis (FFT) ont insisté sur l'histoire du site et l'identité du tournoi, très liés à la Porte d'Auteuil. À leurs yeux, « une délocalisation en banlieue aurait dévalorisé le tournoi ». L'extension du stade est ainsi devenue un enjeu stratégique, y compris pour la Mairie de Paris, et ce malgré les protestations de certains riverains. Le prestige de la compétition et l'importance des retours - notamment en termes d'emploi - justifient de trouver des solutions, quitte à transformer l'espace local au bénéfice du stade.
Lors de notre visite au Parc des Princes, nous avons constaté que les clubs composent également avec la personnalité des stades. L'enceinte parisienne est difficile à faire évoluer et impossible à faire disparaître. Ce constat peut perturber les ardeurs des investisseurs. La dimension patrimoniale peut pourtant être un atout lorsque le stade est lié à l'identité d'un club. Roger Taillibert, l'architecte du Parc des Princes, souligne les contraintes propres au stade dans la ville qui rendent difficiles les constructions de plus de 60 000 places, notamment pour assurer l'accessibilité et préserver la qualité du spectacle pour tous les spectateurs. Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du Paris Saint-Germain, nous l'a dit : « Pour avoir de l'émotion collective, il faut être proche ». Ainsi, le club n'a jamais sérieusement envisagé de déménager au Stade de France, trop impersonnel. Le Parc des Princes est aujourd'hui plein à chaque match. Des aménagements sont envisagés pour augmenter sa capacité, sans le défigurer.
La démesure de certains stades et projets actuels pose des questions. Pourquoi construire de gigantesques enceintes dans des zones inaccessibles ? Outre le risque financier considérable, cela peut être perçu comme un manque de considération envers le public - mal placé et confronté à un temps de transport important - et être défavorable au développement d'un public familial et de proximité.
Un stade est également un équipement public qui dialogue avec son espace immédiat. L'Aréna 92 émergera prochainement à Nanterre, derrière l'Arche de la Défense, et accueillera l'équipe de rugby du Racing Metro 92. Ses concepteurs nous ont expliqué la nécessité d'une localisation au carrefour de grands réseaux de transports - RER, métro, autoroute - et de la possibilité de drainer un public proche. En cela, l'enceinte semble particulièrement bien située. Nous pouvons toutefois nous interroger sur une nouvelle tendance visant à concevoir les stades comme des salles de spectacles au sein desquelles il est possible d'organiser des compétitions sportives et non l'inverse. La gestion par des sociétés spécialisées dans le spectacle crée un risque que le public devienne uniquement consommateur et que l'ambiance des stades s'en ressente.
Gérard Perreau-Bezouille, premier adjoint de la ville de Nantes, nous l'a rappelé : « Le sport est porteur d'identité et doit s'intégrer dans un projet sportif local ». Le club de basketball de Nanterre, champion de Pro A en 2013 avec des moyens limités, constitue une fierté pour une population souvent modeste qui peut connaître un sentiment de relégation propre à la banlieue. Le projet sportif devient alors collectif et dépasse le sport. Il relie les bonnes volontés des professionnels et des bénévoles pour porter une équipe et des espoirs. La démarche importe autant que les résultats. Le maintien de l'aléa sportif fait alors sens, à un moment où beaucoup réfléchissent à la création de ligues fermées. Cette évolution n'empêche pas d'être réaliste. Les responsables de Nanterre ont ainsi décidé de limiter les investissements ainsi que la capacité de l'enceinte - à 3 000 places - afin d'éviter de futures désillusions.
La diversification à laquelle nous assistons rend difficile la comparaison entre le PSG et un petit poucet comme le club de Nanterre. Nous pouvons toutefois nous interroger sur les évolutions en cours. Le succès de Nanterre sera-t-il encore possible dans quelques années ?
Pour discuter de ces évolutions, je remercie de leur présence les intervenants d'aujourd'hui. Je laisse tout de suite la parole à Mme Borina Andrieu.