Intervention de Jérôme Latta

Mission commune d'information sur le sport professionnel — Réunion du 15 janvier 2014 : 1ère réunion
Table ronde sur la place des stades dans la cité

Jérôme Latta, rédacteur en chef des Cahiers du football :

Votre table ronde met côte à côte le stade et la cité. Nous nous posons alors la question de l'insertion des stades dans le tissu urbain, de l'évolution de leur architecture, des moyens de transport ou encore de leur usage par les habitants. Je passerai sur cet aspect.

Le terme de cité permet d'élargir le point de vue et de considérer les rapports entre les stades et les citoyens, au travers notamment des choix des collectivités et de leurs conséquences. Cette question est saillante en France, où la rénovation et la construction de stades est en oeuvre dans la perspective de l'organisation de l'Euro 2016. Les dossiers et débats à ouvrir sont nombreux : financement public, évaluation du risque collectif, effort consenti. Les interrogations se sont multipliées assez tardivement sur l'intérêt général de ces efforts - particulièrement en période de crise - ainsi que sur le partage des bénéfices, financiers comme symboliques.

Il convient par ailleurs de s'éloigner des problématiques urbaines pour se placer au coeur de la citoyenneté, si nous pouvons considérer que le public des stades est constitué de citoyens, ce qui n'est pas certain. Les publics sont en effet les grands oubliés du débat. Depuis une quinzaine d'années, les stades se transforment. Ils deviennent l'outil de l'industrie du spectacle qu'est devenu le sport professionnel d'une part et un centre de profits destiné à multiplier les ressources d'autre part. Cette évolution a été menée précocement en Angleterre avec l'expropriation des publics populaires dans les stades de l'élite au profit d'un public au plus fort potentiel de consommation. La lutte contre les violences a servi de point de départ et de prétexte à ces changements. Ces problèmes, bien que réels, ont significativement servi un football qui s'étend et se libéralise de façon spectaculaire.

Les politiques répressives menées en France, censées cibler la frange très minoritaire des supporters violents, excluent les ultras abusivement amalgamés aux hooligans. Les interdictions administratives de stade sont aux marges de la légalité et frappent « préventivement » et sans discernement des individus qui n'ont rien à se reprocher, sans passage devant le juge. Le ministère de l'intérieur a annoncé hier que ce dispositif serait renforcé. Les interdictions de déplacements, parfois ubuesques, relèvent de cette même politique de privation de libertés individuelles. La frappante absence de dialogue montre comment les pouvoirs publics, les clubs et les médias privent de parole les publics du football. À l'automne, le ministère des sports a mis en place un groupe de travail - « Football durable » - sans représentant des publics et sans mention de cette problématique. Le principal objectif était d'assurer les compétitivités sportives et économiques des clubs. Cette démarche pose problème, car les publics se situent au coeur de l'industrie en tant que consommateurs et marchandises, vendues au travers des droits TV.

Je profite de ma présence pour demander aux élus de la République d'assurer que le débat ne soit pas laissé aux seuls acteurs économiques et institutionnels et mette les citoyens au coeur de la problématique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion