Tatane est un mouvement collectif constitué en 2011 pour promouvoir un football durable et joyeux. Il compte environ 6 000 signataires sur l'ensemble du territoire. La place du stade dans la cité constitue un axe de réflexion de notre travail. Les débats que nous organisons avec des architectes, sociologues, exploitants et supporters portent sur une question volontairement provocatrice : « Faut-il construire des stades ou les abattre ? »
Le stade version Tatane doit être créateur de lien social et faire sens pour les riverains et la vie de la cité. En dehors des soirs de matchs, il doit revitaliser les quartiers jusque-là difficiles. Les dirigeants de clubs amateurs et professionnels que nous avons rencontrés soulignent l'évolution de la réflexion autour du stade : désormais, la buvette ne se conçoit plus aux abords du stade - à Wembley, l'accès à la tribune se fait nécessairement par les boutiques. Pourtant, pour nous, le stade n'est pas un lieu de consommation ayant vocation à appauvrir.
Nous pensons le stade au travers d'une dynamique de quartier. À Buenos Aires, le stade de Boca Junior comprend des salles de classe et de soins pour accueillir les supporters et leurs enfants. Le stade doit s'adresser et se décider à plusieurs, comme aux États-Unis. Malgré le système de franchises, des arènes multisports impersonnelles et un lien éphémère entre le club et la ville, les supporters de Green Bay sont propriétaires du club depuis 1923, sous forme de coopérative. À qui appartient le stade ? Cette question est récurrente et fondamentale dans la conception et l'utilisation.
Le stade Tatane tient compte de l'histoire des quartiers dans la perspective de se réinventer. À Saint-Ouen, un projet prévoit de construire un nouveau stade dans les docks, alors qu'une réhabilitation du stade historique couplée avec une politique de réaménagement des quartiers alentour pouvait être envisagée. Le savoir-faire revivre est important. La vie d'un stade ne peut pas être délocalisée. Chaque citoyen doit voir l'enceinte, qui ne doit donc pas être expurgée loin du centre-ville.
La connaissance des publics est nécessaire au stade Tatane pour proposer des services adaptés et doit aller au-delà de la temporalité d'un seul événement. Lorsque le terrain côtoie salle de spectacle, lieu associatif, pépinière d'entreprises, antenne médicale ou maison des jeunes et de la culture (MJC), le brassage créé est important. Le stade est ainsi rempli de publics « alternatifs » pour devenir un lieu de vie.
Il est également nécessaire de voir comment le stade peut être sa propre source d'énergie. Le stade de Fribourg est financé par les habitants en échange d'un abonnement et d'une rémunération issue de la vente d'électricité produite sur le site.
Enfin, le stade Tatane doit permettre de déployer l'imaginaire et proposer une esthétique forte. Il doit, a minima, respecter l'architecture du quartier. Il doit traduire la complexité et la simplicité du vivre ensemble et constituer une source d'espoir.