Après un peu plus de six mois de travail, de nombreuses auditions et deux déplacements en Europe - en Allemagne et à Londres - nous avons pris la mesure des changements affectant le sport professionnel et des défis auxquels les collectivités territoriales font face.
D'abord, le sport professionnel français a enfin - cela a pris du temps - fait un choix : celui de la scène internationale et de la compétition. Nos clubs sont de plus en plus nombreux à briller dans les ligues européennes en football, en rugby, en basket et en handball... Nous sommes sortis du « ni-ni » que regrettaient Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly dans leur rapport de l'automne dernier sur le financement public des grandes infrastructures sportives. Il faut désormais en tirer toutes les conséquences quant au modèle économique du sport professionnel.
Deuxième évolution : de nombreux clubs se sont lancés dans des politiques de recrutement ambitieuses entraînant, inéluctablement, une hausse de leur masse salariale. En réponse, le montant des droits de retransmission télévisée augmente, en particulier dans le football et le rugby. Le récent appel d'offres lancé par la Ligue de football professionnel pour l'attribution des droits de la Ligue 1 et de la Ligue 2 a donné lieu à une hausse de 23 % du prix payé par les diffuseurs, à 748,5 millions d'euros par an, à partir de 2016 ; les droits de retransmission du Top 14, eux, ont plus que doublé pour atteindre 71 millions d'euros par an cette année, contre 31 millions auparavant.
Quatrième changement : un nombre croissant de clubs souhaitent disposer de nouvelles enceintes et d'arénas répondant aux standards européens - plus vastes, plus modulables - pour augmenter leurs recettes grâce aux loges VIP et aux places premium, mais aussi pour rentabiliser les installations tout au long de l'année.
Bref, une véritable industrie se développe, qui fait du sportif un professionnel, du club une marque, du supporter un consommateur et du sport, une marchandise. Mais à l'heure où les collectivités sont sommées de faire des économies, est-il encore légitime d'aider les disciplines où règne le sport business ?
Gardons-nous de toute généralisation hâtive. Les clubs français ont encore du chemin à faire pour atteindre le niveau et le palmarès de leurs cousins européens. Le phénomène du sport business ne concerne encore qu'une minorité de sports, potentiellement capables de s'autofinancer sans intervention publique. Entrent dans cette catégorie le football et, dans une moindre mesure, le rugby de haut niveau. En revanche, les aides représentent toujours 30 % des recettes des clubs de basket, 50 % pour les clubs de handball et 80 % pour les clubs de volley. Pour les sports individuels, on peut penser au tennis et au cyclisme, tirés par Roland-Garros et le Tour de France. Nous ne parlons bien sûr pas du sport professionnel féminin, pour lequel la France accuse un net retard, toutes disciplines confondues.
Il n'est pas question de mettre brutalement fin au système actuel sans prendre en compte l'hétérogénéité des situations. Il reste que la frontière entre le sport professionnel et le sport spectacle apparaît de plus en plus ténue, et qu'un nombre croissant de clubs s'affichent comme de véritables puissances économiques et financières. La preuve : les investisseurs étrangers s'y intéressent, dont les ambitions ne s'arrêtent pas au rayonnement diplomatique. Le Qatar, par exemple, est loin de vouloir investir à fonds perdus !
Il y a donc matière à créer de la valeur dans le sport professionnel. Et le nerf de la guerre réside dans la gestion de l'infrastructure. Munich, Gelsenkirchen, Arsenal, Twickenham, Wimbledon, où les équipements sont privatisés, nous ont éclairés sur les tendances et les bonnes pratiques. L'équipement sportif doit être conçu comme un actif, une source de recettes grâce à la billetterie, les loges, la restauration, les produits dérivés et tout l'écosystème dans lequel il s'insère.
Stade, salle ou aréna : quel que soit l'équipement - et on sait qu'il en manque - il existe un modèle économique qui rend l'exploitation rentable. Les bons projets reposent sur un calibrage réaliste de l'infrastructure, une diversification des sources de revenus, une montée en gamme, une politique en faveur du spectateur et une culture de l'entreprise qui va de la coordination avec les diffuseurs audiovisuels aux prestations d'hospitalité, en passant par le sponsoring et le naming.